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Ariane Web: Conseil d'État 434733, lecture du 31 mai 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:434733.20210531

Décision n° 434733
31 mai 2021
Conseil d'État

N° 434733
ECLI:FR:CECHR:2021:434733.20210531
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Cécile Vaullerin, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET ; HAAS ; BALAT ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats


Lecture du lundi 31 mai 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Assurances du Crédit Mutuel IARD a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement, ou subsidiairement l'un à défaut de l'autre, la commune de la Faute-sur-Mer, l'Etat et l'association syndicale autorisée de la Vallée du Lay (ASVL) à lui verser, en premier lieu, la somme de 1 420 485,42 euros au titre des indemnités compensant les dommages matériels directs, réglées après déduction de la vétusté, qu'elle a versées à ses assurés victimes de l'inondation consécutive à la tempête Xynthia, aux droits desquels elle est subrogée, en deuxième lieu, la somme de 73 100,26 euros versée à ces mêmes assurés au titre des indemnisations de biens en valeur à neuf et valeur d'usage, et en troisième lieu, la somme de 75 928,56 euros au titre des honoraires d'expertise qu'elle a supportés dans le cadre des opérations d'évaluation des préjudices subis par ses assurés.

Par un jugement n° 1411130 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Nantes a condamné solidairement la commune de la Faute-sur-Mer, l'Etat et l'ASVL à verser à la société Assurances du Crédit Mutuel IARD une somme globale de 1 569 514,24 euros. L'Etat et l'ASVL ont été condamnés à garantir la commune de la Faute-sur-Mer, respectivement, à hauteur de 35 % et 15 % des condamnations prononcées à son encontre. La commune de la Faute-sur-Mer et l'Association syndicale de la Vallée du Lay ont été condamnées à garantir l'Etat, respectivement, à hauteur de 50 % et 15 % des condamnations prononcées à son encontre.

Par un arrêt n° 17NT00878, 17NT00929 et 17NT00943 du 19 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la commune de la Faute-sur-Mer, de l'ASVL et du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, réformé ce jugement et d'une part, ramené à 1 198 769,40 euros, la somme que la commune de la Faute-sur-Mer, l'ASVL et l'Etat ont été condamnée à verser solidairement à la société Assurances du Crédit Mutuel IARD, d'autre part, décidé que l'Etat garantira la commune de la Faute-sur-Mer et l'ASVL à hauteur respectivement de 35 % et de 15 % des condamnations prononcées à leur encontre, que la commune de la Faute-sur-Mer garantira l'Etat et l'ASVL à hauteur respectivement de 50 % et de 15 % des condamnations prononcées à leur encontre et enfin que l'ASVL garantira la commune de la Faute-sur-Mer et l'Etat à hauteur respectivement de 50 % et de 35 % des condamnations prononcées à leur encontre.


Procédure devant le Conseil d'Etat :

1° Sous le n° 434733, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 septembre 2019, le 19 décembre 2019 et le 11 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association syndicale autorisée de la Vallée du Lay demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du 19 janvier 2017 du tribunal administratif de Nantes et de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Assurances du Crédit Mutuel IARD, de la commune de La-Faute-Sur-Mer et de l'Etat la somme de 4 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



2° Sour le n° 434739, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 septembre et 18 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de La-Faute-sur-Mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'une part, d'annuler le jugement du 19 janvier 2017 du tribunal administratif de Nantes, d'autre part, à titre principal, de rejeter la requête de la société Assurances du Crédit Mutuel IARD et à titre subsidiaire, de condamner, solidairement ou l'un à défaut de l'autre, l'ASVL et l'Etat à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, de l'association syndicale de la Vallée du Lay et de la société Assurances du Crédit Mutuel IARD, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



....................................................................................

3° Sous le n° 434751, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 septembre et 23 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la transition écologique et solidaire demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de la société Assurances du Crédit Mutuel IARD.



....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code des assurances ;
- le code de l'environnement ;
- la loi du 21 juin 1865 relative aux associations syndicales ;
- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 modifiée par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 ;
- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... B..., auditrice,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'association syndicale autorisée de la Vallée du Lay (ASVL), à Me Balat, avocat de la société Assurances du Crédit Mutuel IARD, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la commune de La Faute-sur-Mer, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la société les Mutuelles du Mans Assurances IARD et à Me Haas, avocat de la société Mutuelle d'assurances des collectivités locales ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le tribunal administratif de Nantes a condamné solidairement la commune de la Faute-sur-Mer, l'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay (ASVL) à verser à la société Assurances du Crédit Mutuel (ACM) IARD la somme de 1 569 514,24 euros au titre des indemnités qu'elle a versées à vingt-six de ses assurés, victimes de l'inondation consécutive à la tempête Xynthia survenue dans la nuit du 27 au 28 février 2010, aux droits desquels elle est subrogée et au titre de diverses dépenses supportées à cette occasion. Par un arrêt du 19 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a ramené cette somme à 1 198 769,40 euros. Elle a également statué sur les appels en garantie présentés par la commune de la Faute-sur-Mer, l'Etat et l'ASVL. La ministre de la transition écologique et solidaire, la commune de la Faute-sur-Mer et l'association syndicale de la Vallée du Lay se pourvoient en cassation contre cet arrêt. Il y a lieu de joindre ces pourvois pour statuer par une seule décision. La société ACM IARD, par la voie du pourvoi incident, demande l'annulation de l'article 1er de l'arrêt, en tant qu'il ramène la somme que la commune de la Faute-sur-Mer, l'ASVL et l'Etat ont été condamnés solidairement à lui verser de 1 569 514,24 euros à 1 198 769,40 euros.

Sur le pourvoi de la commune :

2. Aux termes de l'article L. 111-3 du code des assurances : " Dans tous les cas où l'assureur se réassure contre les risques qu'il a assurés (...), il reste seul responsable vis-à-vis de l'assuré. " En vertu de l'article L. 121-12 du même code : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'assureur est fondé, quelle qu'ait été la cause du dommage indemnisé, y compris lorsque l'état de catastrophe naturelle a été déclaré et alors même qu'il se serait réassuré contre ce risque, à se prévaloir de la subrogation légale prévue à l'article L. 121-12 du code des assurances vis-à-vis de l'auteur du dommage dont la responsabilité est engagée. En relevant que le contrat de réassurance dont bénéficiait la société ACM IARD auprès de la Caisse centrale de réassurance (CCR) ne pouvait faire obstacle à la subrogation légale et que, par suite, la commune de La Faute-sur-Mer ne pouvait utilement l'opposer à la demande de la société ACM IARD, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier.

4. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la commune de la Faute-sur-Mer doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le pourvoi de la ministre de la transition écologique et solidaire :

5. En premier lieu, en vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, en particulier pour les inondations et les tempêtes, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités.

6. Après avoir relevé que, par un arrêté du 8 juin 2007, le préfet de la Vendée avait mis en oeuvre par anticipation le projet de plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) pour la commune de la Faute-sur-Mer, la cour a toutefois retenu, en se fondant notamment sur le rapport établi par la mission interministérielle de mai 2010 et sur des études réalisées par un bureau d'études spécialisé pour le compte des services de l'Etat, en 2000 et 2002, que l'aléa de référence retenu par ce PPRI pour la vallée du Lay était légèrement inférieur au niveau de 4 mètres pris en compte pour le reste du littoral vendéen, alors même que le risque d'inondation dans ce secteur était au contraire d'une particulière gravité et connu depuis de nombreuses années. En estimant, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, par un arrêt suffisamment motivé, que l'Etat avait ainsi sous-évalué l'appréciation du risque de submersion marine, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine exempte de dénaturation. En jugeant que cette sous-estimation était constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité, elle n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la sous-évaluation fautive de l'aléa de référence est en lien direct avec les préjudices invoqués dès lors qu'il en résultait que la délimitation des zones inconstructibles et la définition des prescriptions particulières à appliquer dans certaines autres zones n'étaient pas suffisantes pour prévenir les dommages provoqués par la tempête Xynthia. Par suite, la cour qui a, par un arrêt suffisamment motivé, nécessairement jugé qu'il existait un lien de causalité directe entre les préjudices invoqués par la société ACM IARD et les fautes commises par l'Etat, n'a pas commis d'erreur de droit.

8. En troisième lieu, en vertu de l'ordonnance de l'article 30 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires : " L'autorité administrative peut, après mise en demeure de l'association syndicale autorisée restée sans effet dans un délai qu'elle détermine : / 1° Faire procéder d'office, aux frais de l'association, à l'accomplissement des opérations correspondant à son objet, dans le cas où la carence de l'association nuirait gravement à l'intérêt public ; / 2° Constater que l'importance des ouvrages ou des travaux à réaliser excède les capacités de l'association. / Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent décider, dans des conditions définies par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 62, de se substituer, en tout ou partie, à l'association dans ses droits et obligations ". Aux termes de l'article 60 de cette même ordonnance : " (...) leurs statuts en vigueur à la date de publication de la présente ordonnance demeurent applicables jusqu'à leur mise en conformité avec les dispositions de celle-ci. Cette mise en conformité doit intervenir dans un délai de deux ans à compter de la publication du décret en Conseil d'État. (...) la mise en conformité est approuvée par un acte de l'autorité administrative ou, à défaut d'approbation, et après mise en demeure adressée au président de l'association et restée sans effet à l'expiration d'un délai de trois mois, l'autorité administrative procède d'office aux modifications statutaires nécessaires. " En vertu de l'article 49 du décret du 3 mai 2006 pris pour l'application de l'ordonnance du 1er juillet 2004 : " Dans le cas où une association syndicale autorisée interrompt ou laisse sans entretien les travaux entrepris par elle, le préfet fait procéder, par le service compétent, à une vérification de l'état des lieux. / S'il ressort de cette vérification que l'interruption ou le défaut d'entretien peut nuire gravement à l'intérêt public, le préfet indique au syndicat les travaux jugés nécessaires pour pallier ces conséquences et le met en demeure de les exécuter. / Le préfet assigne au syndicat, dans cette mise en demeure, un délai suffisant pour procéder à l'exécution des travaux. Faute par le syndicat de se conformer à cette injonction, le préfet ordonne l'exécution d'office aux frais de l'association. (...) En cas d'urgence, l'exécution d'office peut être prescrite immédiatement. " L'article 50 de ce même décret dispose que " Dans le cas où le préfet constate, après mise en demeure de l'association, que l'importance des ouvrages ou des travaux à réaliser dans l'intérêt public excède les capacités de l'association sans que cela remette en cause de manière définitive sa capacité à réaliser son objet, il peut décider, par arrêté, de substituer en tout ou partie à l'association l'Etat ou, sur leur demande, une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales. Cette substitution ne peut intervenir que pour une durée déterminée (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une association syndicale autorisée s'abstient de réaliser des travaux dont la responsabilité lui incombe, la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée à raison des conséquences dommageables du fonctionnement défectueux de ces ouvrages que si, alors que les conditions légales d'exercice de son pouvoir de tutelle en cas de carence de l'association étaient réunies, le préfet s'est abstenu de les mettre en oeuvre dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de son obligation d'agir, dans des conditions constitutives d'une faute lourde.

10. D'une part, si, comme l'affirme la ministre, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après la publication de l'arrêté du 7 juillet 2005 classant la digue Est comme ouvrage d'intérêt public, des réunions de suivi avec l'association syndicale autorisée des marais de la Faute dite des Chauveau (ASMF), propriétaire de la digue Est, l'association syndicale autorisée de la Vallée du Lay (ASVL), en charge de son entretien, et la commune de la Faute-sur-Mer se sont tenues régulièrement à la demande de l'Etat, la réalisation des travaux, qui venaient seulement de commencer à la date de la tempête, et à l'initiative de la commune, n'avait donné lieu ni à une mise en demeure adressée par le préfet aux associations syndicales concernées, ni à une mesure d'exécution d'office décidée par le préfet, alors même que le diagnostic technique réalisé par un cabinet d'expertise relevait, dès septembre 2006, le caractère urgent d'une telle intervention. Ainsi, contrairement à ce qu'affirme la ministre, en jugeant, après avoir relevé que le préfet n'avait pas exercé son pouvoir de tutelle dans un délai raisonnable, que ce retard à agir était constitutif d'une faute lourde, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

11. En dernier lieu, en dépit de la gravité des agissements et des négligences de l'ancien maire de la commune de la Faute-sur-Mer et de la condamnation pénale prononcée à son encontre, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les fautes retenues, commises par le maire dans l'exercice de ses fonctions, manifestaient une intention de nuire ou visaient à satisfaire des intérêts personnels. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour a inexactement qualifié les faits en jugeant que ces manquements n'étaient pas constitutifs d'une faute personnelle détachable du service doit, en tout état de cause, être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la ministre de la transition écologique et solidaire doit être rejeté.

Sur le pourvoi de l'association syndicale de la vallée du Lay (ASVL) :

13. En premier lieu, si l'ASVL soutient que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits de l'espèce en ne retenant pas, pour qualifier la conjonction exceptionnelle d'une forte dépression atmosphérique, de vents violents et d'un coefficient de marée élevé, le caractère de force majeure exonératoire de toute responsabilité, alors que la probabilité d'une telle conjonction était de l'ordre de 0,5 pour mille sur un an, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des submersions importantes ont déjà eu lieu au cours du XXe siècle dans la zone touchée par l'inondation consécutive à la tempête Xynthia et que plusieurs études, dès le début des années 2000, ont mis en évidence le risque majeur d'inondation de forte intensité auquel est exposée la commune de La Faute-sur-Mer en cas de phénomène climatique d'ampleur exceptionnelle. Malgré le caractère exceptionnel de la conjonction des phénomènes de grande intensité ayant caractérisé la tempête Xynthia, celle-ci n'était ni imprévisible en l'état des connaissances scientifiques de l'époque, ni irrésistible compte tenu de l'existence de mesures de protection susceptibles d'être prises pour réduire le risque d'inondation et ses conséquences. Ainsi contrairement à ce que soutient l'ASVL, en jugeant que les phénomènes de grande intensité constitutifs de la tempête Xynthia ne revêtaient pas, dans le cas de la commune de La Faute-sur-Mer, un caractère imprévisible et irrésistible caractérisant un cas de force majeure, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

14. En deuxième lieu, il ressort des pièces soumises aux juges du fond, d'une part, que les statuts de l'ASVL prévoyaient, à la date de la tempête que : " L'association a pour but l'entretien des ouvrages et l'exécution des travaux en cours ou à entreprendre pour prévenir des graves dangers qu'une rupture du littoral (...) et l'invasion de la mer qui en serait la conséquence feraient courir aux terrains (...) situés (...) sur la rive gauche du Lay entre la côté et le canal du Luçon inclusion faite de la digue Est de la Faute-sur-Mer. (...) En outre, l'association pourra exécuter à l'intérieur de son périmètre tous travaux d'intérêt général de défense contre les inondations. " et, d'autre part, que les statuts de l'ASMF, propriétaire de la digue Est, prévoyaient que " l'entretien, le terrassement, le renforcement et l'exhaussement des digues de la rive droite du Lay Maritime situées sur le territoire de la commune de la Faute-sur-Mer assimilées à des ouvrages de défense contre la mer sont assurés par l'Association syndicale autorisée dite " Vallée du Lay " " (ASVL). En jugeant que l'ASVL, bien que n'étant pas propriétaire de la digue Est, était en charge de son entretien et des travaux visant à prévenir l'inondation des terrains situés sur la rive gauche du Lay, la cour qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'a pas retenu que l'initiative ou le financement de ces travaux relevaient principalement de cette association, n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis ni entaché son arrêté d'une erreur de droit et d'une contradiction des motifs.

15. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'un arrêté préfectoral du 7 juillet 2005 avait classé la digue Est comme ouvrage intéressant la défense contre la mer et enjoint à son propriétaire de réaliser, dans un délai d'un an, une étude de risque et de diagnostic des ouvrages. Si, ainsi qu'il a été dit, l'ASVL n'était pas propriétaire de la digue Est, sa mission comportait la prévention des dangers qu'une rupture du littoral et l'invasion de la mer qui en serait la conséquence feraient courir aux terrains situés sur la rive gauche du Lay. Si, comme il a été dit au point 10, le caractère urgent des travaux à réaliser était connu dès septembre 2006, ce n'est qu'en septembre 2008 que la commune de La Faute-sur-mer, se substituant aux associations syndicales autorisées, a déposé une demande d'autorisation pour la réalisation des travaux d'exhaussement. Après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que l'ASVL n'avait initié aucune démarche pour suggérer aux acteurs locaux la réalisation des travaux nécessaires, ni suffisamment attiré leur attention sur son incapacité à les réaliser, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que ce comportement revêtait un caractère fautif et en lien direct et certain avec les préjudices invoqués par la société ACM IARD.

16. En quatrième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, alors qu'il a fixé, par une appréciation souveraine exemple de dénaturation, les parts respectives de responsabilité à hauteur de 50 % pour celle de la commune, de 35 % pour celle de l'Etat et de 15 % pour celle de l'ASVL, le dispositif de l'arrêt prévoit, à son article 2, que l'Etat garantira la commune et l'ASVL à hauteur respectivement de 35 % et de 15 % des condamnations prononcées à leur encontre, à son article 3 que la commune de la Faute-sur-Mer garantira l'Etat et l'ASVL à hauteur respectivement de 50 % et de 15 % des condamnations prononcées à leur encontre, et à son article 4, que l'ASVL garantira la commune de la Faute-sur-Mer et l'Etat à hauteur respectivement de 50 % et de 35 % des condamnations prononcées à leur encontre. Par suite, ainsi que le soutient l'ASVL, l'arrêt attaqué est entaché, sur ce point, d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif.

17. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 125-4 du code des assurances : " "La garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. (...) L'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.(...) " Il ressort des stipulations du contrat conclu entre la société MMA IARD et l'ASVL, qui prenait effet au 1er janvier 2011, que l'assuré est garanti à l'égard de toute réclamation se rapportant à des évènements ou actes qui engagent sa responsabilité accomplis soit pendant la période de validité du contrat, soit antérieurement à cette période sauf si la compagnie d'assurance établit que l'assuré savait, avant la prise d'effet du contrat, que ces événements ou actes seraient de nature à engager sa responsabilité. En relevant que l'ASVL ne pouvait ignorer, à la date de souscription de la garantie, la possibilité de voir sa responsabilité engagée au titre des conséquences humaines et matérielles provoquées par la tempête Xynthia, nonobstant le fait qu'elle n'avait pas été mise en cause dans les procédures pénales diligentées à la suite de la tempête, la cour administrative d'appel s'est livrée à une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation et, par suite, n'a pas commis d'erreur de droit en rejetant les conclusions de l'ASVL tendant à être garantie par la société MMA IARD.

18. Il résulte de tout ce qui précède que l'ASVL est fondée à demander l'annulation des articles 2 et 3 de l'arrêt attaqué en tant qu'ils fixent le montant des condamnations de l'Etat et de la commune de la Faute-sur-Mer à la garantir des condamnations prononcées à son encontre et de l'article 4 qui fixe sa part de garantie envers l'Etat et la commune de la Faute-sur-Mer.

Sur les pourvois incidents de la société ACM IARD :

19. Il ressort des énonciations de l'arrêt que la société ACM IARD avait demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement ou subsidiairement, l'un à défaut de l'autre, la commune de La Faute-sur-Mer, l'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay à lui verser, d'une part, dans le cadre de son action subrogatoire, la somme de 1 420 485,42 euros au titre des indemnités compensant les dommages matériels directs, après déduction de la vétusté, qu'elle a versées à ses assurés victimes de l'inondation consécutive à la tempête Xynthia et, d'autre part, dans le cadre d'une demande indemnitaire en son nom propre, la somme de 75 928,56 euros au titre des honoraires d'expertise qu'elle a supportés dans le cadre des opérations d'évaluation des préjudices subis par ses assurés ainsi que la somme de 73 100,26 euros versés à ces mêmes assurés au titre des indemnisations de biens en valeur à neuf et valeur d'usage.

20. En premier lieu, si le coefficient d'abattement pour vétusté peut être déterminé par le juge de manière approximative au terme d'une juste appréciation de l'état d'usure d'un bien à la date du dommage, la cour a commis une erreur de droit en appliquant une décote globale uniforme de 25 % sur la valeur à neuf des biens indemnisés des assurés de la société ACM IARD, pour estimer le montant des indemnités qui leur ont été versées par la compagnie d'assurances dans le cadre de ses obligations contractuelles, sans prendre en considération l'état particulier des biens de chaque assuré.

21. En deuxième lieu, en refusant l'indemnisation des frais d'expertise engagés par la société ACM IARD sans rechercher si ces expertises avaient été utiles au juge pour la détermination du préjudice indemnisable, la cour a commis une deuxième erreur de droit.

22. En dernier lieu, en jugeant que devaient par principe être exclus du calcul du montant du préjudice indemnisable de la société ACM IARD les frais supportés par cette société ne découlant pas de la stricte application des contrats qu'elle avait souscrits avec ses assurés, alors qu'elle se prévalait, en sus du préjudice des assurés dans les droits desquels elle était subrogée, de préjudices propres relatifs notamment aux indemnisations de biens engagées au-delà de ses obligations contractuelles, sans rechercher si ces préjudices propres avaient avec les fautes commises un lien direct et certain, la cour a commis une troisième erreur de droit.

23. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois incidents, que la société ACM IARD est fondée à demander l'annulation de l'arrêt en tant qu'il ramène la somme de 1 569 514,24 euros que la commune de La Faute-sur-Mer, l'Etat et l'ASVL ont été condamnés, en première instance, à lui verser solidairement à un montant de 1 198 769,40 euros.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge, en premier lieu, de la commune de La Faute-sur-Mer et de l'Etat, chacun, la somme de 2 000 euros à verser à l'association syndicale de la Vallée du Lay, en deuxième lieu, de la commune de La Faute-sur-Mer, de l'Etat et de l'association syndicale de la Vallée du Lay, chacun, la somme de 1 500 euros à verser à la société Assurances du Crédit Mutuel IARD et en troisième lieu, de l'association syndicale de la Vallée du Lay la somme de 2 000 euros à verser à la société Les Mutuelles du Mans Assurances IARD au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat à verser à la société Les Mutuelles du Mans Assurances IARD, au titre de ces mêmes dispositions. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font enfin obstacle à ce que les conclusions présentées par la commune à ce titre soient accueillies.



D E C I D E :
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Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé en tant qu'il ramène à 1 198 769,40 euros la somme que la commune de La Faute-sur-Mer, l'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay ont été condamnés à verser à la société Assurances du Crédit Mutuel IARD. Les articles 2 et 3 du même arrêt sont annulés en tant qu'ils fixent le montant des appels en garantie présentés par l'association syndicale de la Vallée du Lay. L'article 4 du même arrêt est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat et la commune de La Faute-sur-Mer verseront chacun, la somme de 2 000 euros à l'association syndicale de la Vallée du Lay.
Article 4 : La commune de La Faute-sur-Mer, l'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay verseront chacun, la somme de 1 500 euros à la société Assurances du Crédit Mutuel IARD.
Article 5 : L'association syndicale de la Vallée du Lay versera la somme de 2 000 euros à la société Les Mutuelles du Mans Assurances IARD.
Article 6 : Le surplus des conclusions de l'association syndicale de la Vallée du Lay est rejeté.
Article 7 : Les pourvois de la ministre de la transition écologique et de la commune de la Faute-sur-mer sont rejetés.
Article 8 : Le surplus des conclusions de la société MMA IARD présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.
Article 9 : La présente décision sera notifiée à l'association syndicale autorisée de la Vallée du Lay, à la commune de La-Faute-sur-Mer, à la ministre de la transition écologique, à la société Assurances du Crédit Mutuel IARD et à la société les Mutuelles du Mans Assurances IARD.
Copie en sera adressée à la société Groupama et à la société Mutuelle d'assurances des collectivités locales.


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