Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 452398, lecture du 7 novembre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:452398.20221107

Décision n° 452398
7 novembre 2022
Conseil d'État

N° 452398
ECLI:FR:CECHR:2022:452398.20221107
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Sébastien Jeannard, rapporteur
M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP DELAMARRE, JEHANNIN, avocats


Lecture du lundi 7 novembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme A... B..., née C..., a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision par laquelle le président du conseil départemental de Seine-et-Marne et le directeur de la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne ont implicitement rejeté son recours administratif formé contre la décision du 18 octobre 2018 de récupération d'indus de revenu de solidarité active, de prime d'activité et d'aide exceptionnelle de fin d'année, pour la période comprise entre le 1er juillet 2015 et le 31 mars 2017, d'un montant de 11 456,53 euros, de la décharger des sommes mises à sa charge et d'enjoindre au département de Seine-et-Marne, à la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne et à l'Etat de lui reverser les sommes retenues dans le cadre de la procédure de recouvrement. Par un jugement n° 1902635 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Melun a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mai et 10 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2016-1945 du 28 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Mme A... C... épouse B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne a décidé la récupération d'une somme de 11 456,53 euros correspondant à des indus de revenu de solidarité active, de prime d'activité et d'aide exceptionnelle de fin d'année, perçus par Mme B... pour la période comprise entre le 1er juillet 2015 et le 31 mars 2017, du fait de l'absence de déclaration par celle-ci, au titre de ses ressources, de la pension de réversion qu'elle percevait depuis février 2015. Le 18 octobre 2018, la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne a confirmé à Mme B... la récupération de ces indus, lui a indiqué que le solde de la somme restant dû serait récupéré par retenue sur ses prestations familiales et a décidé de prononcer à son encontre une pénalité administrative. Mme B... a formé un recours administratif contre la récupération de l'ensemble de ces indus, implicitement rejeté par le président du conseil départemental de Seine-et-Marne s'agissant de l'indu de revenu de solidarité active et par le directeur de la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne, au nom de l'Etat, s'agissant des indus de prime d'activité et d'aide exceptionnelle de fin d'année. Par un jugement du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Melun, saisi par Mme B..., a annulé l'ensemble de ces décisions et l'a déchargée de la totalité des indus. La caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne se pourvoit en cassation contre ce jugement. Le département de Seine-et-Marne, d'une part, et le ministre des solidarités et de la santé, d'autre part, ont repris à leur compte les conclusions et moyens du pourvoi, en tant que le jugement porte, respectivement, sur l'indu de revenu de solidarité active et sur les indus de prime d'activité et d'aide exceptionnelle de fin d'année.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles : " (...) Les organismes chargés de son versement réalisent les contrôles relatifs au revenu de solidarité active selon les règles, procédures et moyens d'investigation applicables aux prestations de sécurité sociale. (...) ". L'article L. 843-1 du code de la sécurité sociale dispose que : " La prime d'activité est attribuée, servie et contrôlée, pour le compte de l'Etat, par les caisses d'allocations familiales et par les caisses de mutualité sociale agricole pour leurs ressortissants " et l'article L. 845-1 du même code que : " Les directeurs des organismes mentionnés à l'article L. 843-1 procèdent aux contrôles et aux enquêtes concernant la prime d'activité et prononcent, le cas échéant, des sanctions selon les règles, procédures et moyens d'investigation prévus aux articles L. 114-9 à L. 114-17, L. 114-19 à L. 114-22, L. 161-1-4 et L. 161-1-5 ".

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " Les directeurs des organismes de sécurité sociale confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. (...) Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire ". Le premier alinéa de l'article L. 583-3 de ce code dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Les informations nécessaires à l'appréciation des conditions d'ouverture, au maintien des droits et au calcul des prestations familiales, notamment les ressources, peuvent être obtenues par les organismes débiteurs de prestations familiales selon les modalités de l'article L. 114-14. " L'article L. 114-14 du même code dispose que : " Les échanges d'informations entre les agents des administrations fiscales, d'une part, et les agents des administrations chargées de l'application de la législation sociale et du travail et des organismes de protection sociale, d'autre part, sont effectués conformément aux dispositions prévues par le livre des procédures fiscales, et notamment ses articles L. 97 à L. 99 et L. 152 à L. 162 B. " A ce titre, l'article L. 152 A du livre des procédures fiscales rappelle que l'administration des impôts est tenue, en application notamment de l'article L. 583-3 du code de la sécurité sociale, de communiquer aux organismes débiteurs de prestations familiales toutes les informations nécessaires à l'appréciation des conditions d'ouverture, au maintien des droits et au calcul de ces prestations ainsi qu'au contrôle des déclarations des allocataires.

4. L'exigence résultant de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale auquel renvoie l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles, selon laquelle les vérifications et enquêtes administratives diligentées pour les contrôles relatifs au revenu de solidarité active doivent être effectuées par des agents assermentés et agréés, ne peut être utilement invoquée à l'encontre d'une décision de récupération d'indus de revenu de solidarité active, de prime d'activité ou d'aide exceptionnelle de fin d'année prise au seul vu d'une comparaison des déclarations faites par l'allocataire avec les informations transmises par l'administration des impôts, conformément aux dispositions de l'article L. 114-14 du code de la sécurité sociale.

5. Il s'ensuit qu'en se fondant, pour annuler la décision de récupération des indus de revenu de solidarité active et de prime d'activité en litige, sur l'absence de justification de l'agrément et de l'assermentation de l'agent ayant conduit le contrôle de la situation individuelle de Mme B..., alors que la caisse d'allocations familiales avait fait valoir, sans être contredite, que cette décision résultait de la seule comparaison entre les éléments qui lui avaient déclarés par l'allocataire s'agissant de ses ressources et ceux transmis par les services fiscaux dans le cadre des échanges d'informations opérés en application de l'article L. 114-14 du code de la sécurité sociale, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

6. En second lieu, l'aide exceptionnelle de fin d'année est attribuée, par l'article 3 du décret du 28 décembre 2016 portant attribution d'une aide exceptionnelle de fin d'année aux bénéficiaires du revenu de solidarité active et aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, de la prime forfaitaire pour reprise d'activité et de l'allocation équivalent retraite, aux allocataires du revenu de solidarité active qui ont droit à cette allocation au titre du mois de novembre 2016 ou, à défaut, du mois de décembre 2016, sous réserve que le montant dû au titre de ces périodes ne soit pas nul et que les ressources du foyer n'excèdent pas le montant forfaitaire ouvrant droit au revenu de solidarité active. Pour annuler la décision de récupération d'un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année pour l'année 2016, le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que la décision du 18 octobre 2018, en tant qu'elle portait sur la récupération de cet indu, ne comportait pas de motivation en droit. Il ressort toutefois des pièces du dossier qui lui était soumis que la récupération de cet indu résultait, non de la décision du 18 octobre 2018, mais d'une décision du 14 avril 2018 qui, notamment, rappelait la condition posée par l'article 3 du décret du 28 décembre 2016 pour bénéficier de cette prestation. Par suite, en estimant que la décision de récupérer cet indu était dépourvue de motivation en droit, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le département de Seine-et-Marne et le ministre des solidarités et de la santé sont fondés, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par l'avocat de Mme B... au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors que ces conclusions sont dirigées contre la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne, qui n'a pas la qualité de partie au litige au sens de ces dispositions. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
--------------

Article 1er : Le jugement du 9 mars 2021 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Melun.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi et les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département de Seine-et-Marne, au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, à Mme A... B..., née C... et à la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 octobre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, Mme Anne Lazar-Sury, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat et M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 7 novembre 2022.



Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Sébastien Jeannard
La secrétaire :
Signé : Mme Anne Lagorce
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :



Voir aussi