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Ariane Web: Conseil d'État 439237, lecture du 14 avril 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:439237.20230414

Décision n° 439237
14 avril 2023
Conseil d'État

N° 439237
ECLI:FR:CECHR:2023:439237.20230414
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Joachim Bendavid, rapporteur
M. Maxime Boutron, rapporteur public
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP SPINOSI, avocats


Lecture du vendredi 14 avril 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mars et 20 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Betclic enterprises limited demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2019-1563 du 30 décembre 2019 relatif à l'approbation des statuts de la société La Française des jeux ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution ;
- la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 ;
- l'ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Betclic enterprises limited et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et à la SCP Spinosi, avocat de la société La Française des jeux.



Considérant ce qui suit :

1. L'article 137 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises a autorisé le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société La Française des jeux (LFDJ) et lui a confié le monopole de l'exploitation des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne ainsi que des jeux de pronostics sportifs commercialisés en réseau physique de distribution. Le IV de l'article 137 de cette même loi a par ailleurs habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, les mesures relevant du domaine de la loi afin de procéder à la mise en oeuvre de la privatisation de la société La Française des jeux et de l'octroi à celle-ci de ces droits exclusifs. Sur le fondement de cette habilitation, l'article 18 de l'ordonnance du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard a prévu que les statuts de la société anonyme La Française des jeux et ses modifications seraient approuvés par décret. La société Betclic enterprises limited demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 30 décembre 2019 par lequel, pour l'application de ces dispositions, les statuts de la société anonyme La Française des jeux ont été approuvés.

2. Afin de justifier de son intérêt pour agir, la société requérante, qui est un opérateur de jeux et paris en ligne agréé concurrent de la société La Française des jeux sur certaines de ses activités, se prévaut de ce que le décret attaqué serait de nature à porter atteinte à ses intérêts dans la mesure où " les caractéristiques ainsi que les règles de fonctionnement de cette société vont être modifiées par cette approbation de statuts ". Toutefois le décret attaqué, qui a pour seul objet de procéder à l'approbation des conditions d'organisation et de fonctionnement internes définies par la société La Française des jeux, n'emporte par lui-même aucune conséquence sur la situation de la requérante. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que la requérante ne justifie pas d'un intérêt suffisamment direct et certain lui donnant qualité pour demander l'annulation du décret attaqué.

3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne, que la requête de la société Betclic enterprises limited doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Betclic enterprises limited la somme de 3 000 euros à verser à la société La Française des jeux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Betclic enterprises limited est rejetée.

Article 2 : La société Betclic enterprises limited versera à la société La Française des jeux une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Betclic enterprises limited, à la société La Française des jeux, à la Première ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 mars 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat et M. Joachim Bendavid, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 14 avril 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Joachim Bendavid
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


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