Conseil d'État
N° 495335
ECLI:FR:CECHR:2025:495335.20251128
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Cyril Noël, rapporteur
SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL, avocats
Lecture du vendredi 28 novembre 2025
Vu la procédure suivante :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision du 12 mars 2020 par laquelle la directrice de la caisse d'allocations familiales de la Vienne a mis à sa charge des indus d'aide personnalisée au logement, de prime d'activité et d'aide exceptionnelle de fin d'année pour la période du 1er janvier 2017 au 30 septembre 2019 pour un montant global de 17 274,83 euros et les décisions des 2 et 16 juillet 2020 rejetant ses recours préalables, d'autre part, d'enjoindre à la caisse d'allocations familiales de la Vienne de lui restituer dans le délai d'un mois les sommes déjà récupérées. Par un jugement n° 2100584 du 26 avril 2024, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 juin et 3 septembre 2024 et le 30 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la caisse d'allocations familiales de la Vienne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme C... ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2017-1785 du 27 décembre 2017 ;
- le décret n° 2018-1150 du 14 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la caisse d'allocations familiales de la Vienne et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C..., de nationalité arménienne, est entrée en France en 2004 sous la fausse identité de Mme B..., de nationalité azerbaïdjanaise et s'est vu délivrer à compter de l'année 2012 des titres de séjour sous cette fausse identité. A compter de juin 2012, sous cette même fausse identité, elle a bénéficié de la part de la caisse d'allocations familiales de la Vienne de prestations familiales et d'aides au logement, ainsi qu'à compter de juillet 2017 de la prime d'activité et du revenu de solidarité active et de l'aide exceptionnelle de fin d'année. La caisse d'allocations familiales de la Vienne, informée de cette fraude par le préfet de la Vienne le 1er août 2019, l'a radiée de ses droits avec effet au 1er janvier 2017 puis, par un courrier du 12 mars 2020, a mis à sa charge le remboursement des prestations perçues au cours de la période du 1er janvier 2017 au 30 septembre 2019. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 12 mars 2020 en tant qu'elle met à sa charge des indus d'aide personnalisée au logement, de prime d'activité et d'aide exceptionnelle de fin d'année, ainsi que les décisions des 2 et 16 juillet 2020 rejetant ses recours préalables, et d'enjoindre à la caisse d'allocations familiales de la Vienne de lui restituer les sommes déjà récupérées. Par un jugement du 26 avril 2024, contre lequel la caisse d'allocations familiales de la Vienne et la ministre du travail, de la santé et des solidarités se pourvoient en cassation, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à cette demande.
2. Aux termes de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale : " Les organismes de sécurité sociale demandent, pour le service d'une prestation ou le contrôle de sa régularité, toutes pièces justificatives utiles pour vérifier l'identité du demandeur ou du bénéficiaire d'une prestation (...) / (...) Sauf cas de force majeure, (...) la présentation de faux documents ou de fausses informations (...) entraîne[nt] la suspension soit du délai d'instruction de la demande , (...) soit du versement de la prestation (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une personne se présentant sous une fausse identité ne peut se prévaloir d'aucun droit à prestation.
3. En jugeant que la circonstance que Mme C... s'était présentée sous une fausse identité auprès de la caisse d'allocations familiales ne pouvait suffire à fonder les décisions d'indu contestées et qu'il appartenait à l'administration de déterminer, avant de procéder à la récupération des sommes versées, si Mme C... aurait pu bénéficier, sous sa véritable identité, des allocations en litige pour la période en question, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le fait de se présenter sous une fausse identité fait obstacle par soi-même à toute ouverture des droits à ces prestations, le tribunal a commis une erreur de droit.
4. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la caisse d'allocations familiales de la Vienne et la ministre du travail, de la santé et des solidarités sont fondées à demander l'annulation du jugement qu'elles attaquent.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la demande de première instance de Mme C... ne peut qu'être rejetée.
7. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la caisse d'allocations familiales et par la ministre du travail, de la santé, des solidarités au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant en première instance qu'en cassation. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées, au même titre, par Mme C....
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 26 avril 2024 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant devant le tribunal administratif de Poitiers que devant le Conseil d'Etat, sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la caisse d'allocations familiales de la Vienne, au ministre du travail et des solidarités et à Mme A... C....
Délibéré à l'issue de la séance du 12 novembre 2025 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Gaëlle Dumortier, Mme Anne Courrèges, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Raphaël Chambon, M. Jean-Dominique Langlais, M. Jean-Luc Matt, conseillers d'Etat et M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 28 novembre 2025.
Le président :
Signé : M. Denis Piveteau
Le rapporteur :
Signé : M. Cyril Noël
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber
N° 495335
ECLI:FR:CECHR:2025:495335.20251128
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Cyril Noël, rapporteur
SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL, avocats
Lecture du vendredi 28 novembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision du 12 mars 2020 par laquelle la directrice de la caisse d'allocations familiales de la Vienne a mis à sa charge des indus d'aide personnalisée au logement, de prime d'activité et d'aide exceptionnelle de fin d'année pour la période du 1er janvier 2017 au 30 septembre 2019 pour un montant global de 17 274,83 euros et les décisions des 2 et 16 juillet 2020 rejetant ses recours préalables, d'autre part, d'enjoindre à la caisse d'allocations familiales de la Vienne de lui restituer dans le délai d'un mois les sommes déjà récupérées. Par un jugement n° 2100584 du 26 avril 2024, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 juin et 3 septembre 2024 et le 30 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la caisse d'allocations familiales de la Vienne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme C... ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2017-1785 du 27 décembre 2017 ;
- le décret n° 2018-1150 du 14 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la caisse d'allocations familiales de la Vienne et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C..., de nationalité arménienne, est entrée en France en 2004 sous la fausse identité de Mme B..., de nationalité azerbaïdjanaise et s'est vu délivrer à compter de l'année 2012 des titres de séjour sous cette fausse identité. A compter de juin 2012, sous cette même fausse identité, elle a bénéficié de la part de la caisse d'allocations familiales de la Vienne de prestations familiales et d'aides au logement, ainsi qu'à compter de juillet 2017 de la prime d'activité et du revenu de solidarité active et de l'aide exceptionnelle de fin d'année. La caisse d'allocations familiales de la Vienne, informée de cette fraude par le préfet de la Vienne le 1er août 2019, l'a radiée de ses droits avec effet au 1er janvier 2017 puis, par un courrier du 12 mars 2020, a mis à sa charge le remboursement des prestations perçues au cours de la période du 1er janvier 2017 au 30 septembre 2019. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 12 mars 2020 en tant qu'elle met à sa charge des indus d'aide personnalisée au logement, de prime d'activité et d'aide exceptionnelle de fin d'année, ainsi que les décisions des 2 et 16 juillet 2020 rejetant ses recours préalables, et d'enjoindre à la caisse d'allocations familiales de la Vienne de lui restituer les sommes déjà récupérées. Par un jugement du 26 avril 2024, contre lequel la caisse d'allocations familiales de la Vienne et la ministre du travail, de la santé et des solidarités se pourvoient en cassation, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à cette demande.
2. Aux termes de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale : " Les organismes de sécurité sociale demandent, pour le service d'une prestation ou le contrôle de sa régularité, toutes pièces justificatives utiles pour vérifier l'identité du demandeur ou du bénéficiaire d'une prestation (...) / (...) Sauf cas de force majeure, (...) la présentation de faux documents ou de fausses informations (...) entraîne[nt] la suspension soit du délai d'instruction de la demande , (...) soit du versement de la prestation (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une personne se présentant sous une fausse identité ne peut se prévaloir d'aucun droit à prestation.
3. En jugeant que la circonstance que Mme C... s'était présentée sous une fausse identité auprès de la caisse d'allocations familiales ne pouvait suffire à fonder les décisions d'indu contestées et qu'il appartenait à l'administration de déterminer, avant de procéder à la récupération des sommes versées, si Mme C... aurait pu bénéficier, sous sa véritable identité, des allocations en litige pour la période en question, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le fait de se présenter sous une fausse identité fait obstacle par soi-même à toute ouverture des droits à ces prestations, le tribunal a commis une erreur de droit.
4. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la caisse d'allocations familiales de la Vienne et la ministre du travail, de la santé et des solidarités sont fondées à demander l'annulation du jugement qu'elles attaquent.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la demande de première instance de Mme C... ne peut qu'être rejetée.
7. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la caisse d'allocations familiales et par la ministre du travail, de la santé, des solidarités au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant en première instance qu'en cassation. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées, au même titre, par Mme C....
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 26 avril 2024 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant devant le tribunal administratif de Poitiers que devant le Conseil d'Etat, sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la caisse d'allocations familiales de la Vienne, au ministre du travail et des solidarités et à Mme A... C....
Délibéré à l'issue de la séance du 12 novembre 2025 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Gaëlle Dumortier, Mme Anne Courrèges, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Raphaël Chambon, M. Jean-Dominique Langlais, M. Jean-Luc Matt, conseillers d'Etat et M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 28 novembre 2025.
Le président :
Signé : M. Denis Piveteau
Le rapporteur :
Signé : M. Cyril Noël
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber