Répartition du temps d’antenne pour les élections législatives

Décision de justice
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Le juge des référés du Conseil d’État transmet au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par « En Marche ! » sur la répartition du temps d’antenne pour les élections législatives.

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L’Essentiel :

  • L’article L. 167-1 du code électoral, qui régit la répartition du temps d’antenne entre les partis et groupements politiques pour leur campagne en vue des élections législatives, prévoit que ceux d’entre eux qui ne sont pas déjà représentés par des groupes parlementaires à l’Assemblée nationale bénéficient d’une durée d’émission forfaitaire de 7 minutes au premier tour et de 5 minutes au second tour, à la différence des partis et groupements politiques déjà représentés par des groupes parlementaires, qui bénéficient de durées d’émission tenant notamment compte de leur importance au sein de l’Assemblée nationale sortante.

  • En application de ces dispositions, le CSA a pris, le 23 mai 2017, une décision indiquant les durées totales d’émissions allouées à chaque parti ou groupement politique en vue des élections législatives de 2017 et précisant notamment le nombre et la durée de chacune d’entre elles ainsi que le nombre maximal d’émissions originales.

  • L’association « En marche ! », qui, n’étant pas représentée au sein de l’Assemblée nationale sortante, bénéficie d’une durée d’émissions de 7 minutes au premier tour et 5 minutes au second tour, a estimé que cette situation portait une atteinte grave et immédiate à plusieurs libertés fondamentales, dont l’égalité devant le suffrage et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.

  • Elle a donc saisi le Conseil d’État d’une demande en référé-liberté, tendant à la suspension de la décision du 23 mai 2017 du CSA et à ce qu’il soit notamment enjoint à ce dernier de lui allouer une durée d’émissions supérieure. Elle a assorti cette demande d’une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre l’article L. 167-1 du code électoral.

  • Par la décision de ce jour, le juge des référés du Conseil d’État transmet au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l’association « En marche ! » et sursoit à statuer, dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel, sur le surplus de  la demande en référé-liberté introduite par cette dernière.

Le cadre juridique :

L’article L. 167-1 du code électoral, qui régit la répartition du temps d’antenne entre les partis et groupements politiques pour leur campagne en vue des élections législatives, prévoit des règles distinctes selon que ces partis et groupements sont ou non représentés au sein de l’Assemblée nationale sortante :

- les partis et groupements déjà représentés par des groupes parlementaires bénéficient d’un temps d’antenne de trois heures au premier tour et d’une heure trente au second tour, réparti à parts égales entre la majorité et l’opposition, les proportions exactes de cette répartition étant fixées par accord entre les présidents des groupes de l’Assemblée nationale sortante et, à défaut d’accord, par le bureau de l’Assemblée Nationale (II de l’article L. 167-1 du code électoral) ;

- les partis et groupements non représentés par des groupes parlementaires sous la législature sortante bénéficient, à leur demande, et à condition de présenter au moins soixante-quinze candidats aux élections législatives, d’un temps d’antenne de sept minutes au premier tour et de cinq minutes au second tour (III de l’article L. 167-1 du code électoral).

Les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions sont fixées par le conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), après consultation des conseils d’administration des sociétés nationales de télévision et de radiodiffusion (IV de l’article L. 167-1 du code électoral).

Les faits et la procédure :

Le 23 mai 2017, par une décision prise en application du IV de l’article L. 167-1 du code électoral, le CSA a rappelé, en vue des élections législatives de juin 2017, la durée totale des émissions allouée à chaque parti et précisé le nombre et la durée de ces émissions et le nombre maximal d’émissions originales.

L’article 1er de cette décision concerne les durées d’émissions allouées aux partis et groupements déjà représentés à l’Assemblée nationale. Il mentionne notamment, conformément à la décision prise par les présidents des groupes parlementaires, une durée totale d’émission de 80 minutes au premier tour et 40 minutes au second tour pour le parti socialiste et de 69 minutes et 19 secondes au premier tour et 34 minutes et 40 secondes au second tour pour Les Républicains.

L’article 2 de cette décision concerne les durées d’émission allouées aux partis et groupements non représentés à l’Assemblée nationale, et rappelle que ces derniers disposent chacun d’une durée d’émissions de 7 minutes au premier tour et de 5 minutes au second tour, conformément au III de l’article L. 167-1 du code électoral.

L’association « En marche ! », qui relève de cette seconde catégorie, a saisi le Conseil d’État d’une demande en référé-liberté tendant à la suspension de cette décision du 23 mai 2017 du CSA et à ce qu’il soit enjoint à ce dernier de réviser les durées d’émissions qui lui ont été allouées de manière à respecter l’équité de traitement entre les partis et groupements politiques. Elle soutient que ces durées d’émission, bien que conformes à l’article L. 167-1 du code électoral, portent une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales, dont le principe d’égalité devant la loi, l’égalité devant le suffrage, la liberté d’expression et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. Elle a assorti sa demande en référé d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dirigée contre les dispositions de l’article L. 167-1 du code électoral, assortie des mêmes griefs.

La décision de ce jour :

Par la décision de ce jour, le juge de référés du Conseil d’État transmet au Conseil constitutionnel la QPC soulevée par l’association « En marche ! ».

Il relève que les conditions de transmission d’une telle question sont remplies et, notamment, que, compte tenu des évolutions intervenues dans les circonstances de droit et de fait depuis l’édiction des dispositions de l’article L. 167-1 du code électoral, les griefs tirés de ce que ses dispositions sont susceptibles de porter atteinte à l’expression pluraliste des opinions et à la participation équitable des groupements et partis politiques à la vie démocratique de la Nation, au principe de l’égalité devant le suffrage, au principe d’égalité devant la loi et à la liberté d’expression présentent un caractère sérieux. 

Eu égard à la date de transmission de la question prioritaire  de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et au calendrier prévisionnel d’examen de cette question indiqué par le Conseil constitutionnel aux parties, qui est compatible avec la remise en cause des durées d’émission mentionnées dans la décision du CSA, le juge des référés du Conseil d’État sursoit à statuer sur la demande en référé dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel sans faire usage de la faculté, prévue par l’article 23-3 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 applicable à la procédure QPC, de prendre des mesures conservatoires.

 

La procédure de référé-liberté :

La procédure du référé liberté, prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, permet au juge d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Pour obtenir satisfaction, le requérant doit justifier d’une situation d’urgence qui nécessite que le juge intervienne dans les quarante-huit heures.

La procédure de question prioritaire de constitutionnalité :

La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est la procédure, prévue par l'article 61-1 de la Constitution, par laquelle tout justiciable peut soutenir, à l'occasion d'une instance devant une juridiction administrative comme judiciaire, « qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Lorsqu’une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant le Conseil d’État, il procède, dans un délai de trois mois, à son examen. Il renvoie la question au Conseil constitutionnel si la loi contestée est applicable au litige, si elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution et si la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.