Avis sur un projet de loi ratifiant diverses ordonnances de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi ratifiant diverses ordonnances de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et portant diverses mesures d'ordre social.

1.  Le Conseil d'Etat a été saisi le 14 octobre 2019 d'un projet de loi ratifiant diverses ordonnances de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et portant diverses mesures d'ordre social, modifié par cinq saisines rectificatives reçues les 18 et 25 octobre et les 5 et 7 novembre 2019.

Ce texte, qui comprend dix articles, prévoit la ratification de trois ordonnances, l'introduction dans le code général des collectivités territoriales (CGCT) de dispositions permettant la création d'un établissement public industriel et commercial, compétent en matière de formation professionnelle, auprès de chaque région d'outre-mer et tend à modifier diverses dispositions du code du travail, de l'ordonnance n° 2017-1491 du 25 octobre 2017 portant extension et adaptation de la partie législative du code du travail, et de diverses dispositions relatives au travail, à l'emploi et la formation professionnelle à Mayotte ainsi que de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

2.  L'étude d'impact du projet, reçue le 18 octobre 2019 et complétée les 25 octobre 2019, 5 et 7 novembre 2019, répond globalement aux exigences de l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

3.  Le Conseil d'Etat relève que ce texte a fait l'objet, ainsi qu'il le devait, de la consultation du Conseil national d'évaluation des normes, de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle, du Conseil d'orientation des conditions de travail, du Conseil supérieur de la Prud’homie, du conseil d’administration de Pôle emploi, du conseil départemental de Mayotte, des conseils régionaux de la Guadeloupe et de la Réunion et des assemblées de la Martinique et de Guyane.

Au-delà de ces remarques liminaires, et outre des améliorations de rédaction qui s'expliquent d'elles-mêmes, notamment l’ajustement du titre du projet de loi, ce texte appelle de la part du Conseil d'Etat les observations suivantes.

Ratification de trois ordonnances

4.  Le projet de loi procède à la ratification de trois ordonnances que le Gouvernement a été habilité à prendre par la loi n° 2018-771 du 5 juillet 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Cette loi a prévu, pour chaque ordonnance, que le projet de loi de ratification serait déposé dans les trois mois de sa publication. S’agissant de l’ordonnance n° 2019-116 du 20 février 2019, un projet de loi de ratification a été déposé le 7 mai 2019, avant l’expiration du délai ; ce dépôt ne fait pas obstacle à ce que la ratification de ce texte fasse l’objet d’un autre projet de loi. S’agissant des ordonnances n° 2019-861 du 21 août 2019 et n° 2019-893 du 28 août 2019, le délai n’est pas expiré. Le projet de loi devra être déposé dans les trois mois suivant la publication, le 22 août 2019, de la première de ces deux ordonnances.

Création d'établissements publics industriels et commerciaux compétents en matière de formation professionnelle dans cinq collectivités d'outre-mer

5.  Le projet de loi ouvre la possibilité, pour chacun des cinq territoires régis par l’article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Martinique, Guyane, la Réunion et Mayotte), de créer un établissement public industriel et commercial (EPIC) compétent en matière de formation professionnelle. A cette fin, sont insérés dans le code général des collectivités territoriales deux nouveaux articles, définissant, pour l’un, les règles constitutives de ces nouveaux établissements (art. L. 4433-14-1) et, pour l’autre, les modalités selon lesquelles ils viennent, le cas échéant, aux droits de structures préexistantes (art. L. 4433-14-2).  

Le Conseil d’Etat considère que, même si l’article L. 4433-2 du CGCT permet aux régions d’outre-mer et aux collectivités en exerçant les compétences de créer « des établissements publics dénommés agences, chargés d’assurer la réalisation des projets intéressant la région ainsi que le fonctionnement des services publics régionaux », il y a lieu de définir par la loi l’ensemble des règles constitutives des EPIC dont la création est envisagée et de prévoir des règles garantissant qu’ils exerceront leurs missions en conformité avec le droit de l’Union européenne. Le recours à la loi s’impose également pour exonérer de droits de mutation la transmission aux nouveaux établissements des biens des structures auxquelles ils se substitueront et pour offrir aux agents non titulaires de droit public employés par ces structures la possibilité d’opter pour le maintien d’un contrat de droit public.

Le I de l’article L. 4433-14-1 inséré par le projet de loi dans le CGCT prévoit que ces EPIC sont créés par les régions d’outre-mer et placés sous la tutelle de ces collectivités ; le II définit leurs missions ; le III, le IV et le V définissent leurs organes de direction ; le VI définit leurs ressources et le VII les autorise à créer des filiales et à prendre des participations dans des sociétés privées.  

6.  Les dispositions des II, VI et VII visent à ce que l’organisation et le fonctionnement de ces EPIC respectent les règles du droit de l’Union relatives aux services d’intérêt économique général, aux marchés publics et aux aides d’Etat. L’architecture retenue pour ce faire est très proche de celle adoptée par l’ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 à propos de l’Agence pour la formation professionnelle des adultes (art. L. 5315-1 et s. du code du travail). Ainsi, le II de l’article L. 4433-14-1 distingue les missions de service public que les établissements en cause pourront exercer, à savoir la délivrance de formations professionnelles et de prestations annexes en l’absence d’offre privée sur le territoire (1er, 2e et 3e alinéas), de leurs activités complémentaires relevant du champ concurrentiel (4e alinéa). Le même quatrième alinéa précise que les activités relevant du champ concurrentiel seront exercées par des filiales de l’établissement, ce qui implique, en vertu des règles applicables aux activités dites « in house » définies aux article L. 2511-1 et suivants du code de la commande publique, qu’elles ne pourront vendre des prestations à la région qu’après avoir été retenues dans le cadre de procédures de marchés publics. Enfin, le VI précise que les subventions de la collectivité exerçant la tutelle de l’établissement seront calculées pour compenser au plus la charge financière résultant des seules missions de service public exercées par celui-ci.

Le Conseil d’Etat estime que ces dispositions ne sont pas soumises à l’obligation de notification à la Commission européenne prévue par l’article 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) car elles ne créent pas, par elles-mêmes, de régime d’aide ; il ne serait d’ailleurs pas possible d’indiquer les montants d’aide que les collectivités concernées attribueraient sur ce fondement si elles décidaient d’en faire application en créant un EPIC compétent en matière de formation professionnelle. Il reviendra, en revanche, à chaque collectivité qui ferait usage de ces dispositions et déciderait d’attribuer des subventions à l’EPIC qu’elle créerait d’examiner si ce nouveau régime d’aide est soumis à l’obligation de notification ou en est exempté en application de la jurisprudence de la CJUE et des textes pris pour l’application de l’article 108 du TFUE.

7.  Les dispositions du projet de loi insérant dans le CGCT un nouvel article L. 4433-14-2 qui, dans le cas où un EPIC succède à un établissement public administratif chargé des mêmes missions, définit les modalités de transfert de patrimoine entre les deux établissements et permet aux contractuels de droit public employés par l’établissement disparu de conserver leur contrat au sein du nouvel établissement, n’appellent pas d’observations particulières.

Formation professionnelle

8.  Le projet de loi réforme diverses dispositions du code du travail relatives à la formation professionnelle. Il modifie les effets résultant de l’acceptation par un demandeur d’emploi d’une formation proposée par la région, l'opérateur de compétences mentionné à l'article L. 6332-1, Pôle emploi ou l'institution mentionnée à l'article L. 5214-1, sur le compte personnel de formation (CPF) de l’intéressé. Selon les dispositions actuellement en vigueur de l’article L. 6323-22, le coût de la formation est déduit du CPF de l’intéressé. Le projet de loi prévoit une déduction dans des conditions fixées par décret. Cette modification vise à instaurer une déduction forfaitaire pour que le délai de fixation de coût de la formation ne crée pas une période d’incertitude pénalisant les demandeurs d’emploi.

Le projet de loi adapte également le régime de la cotisation de formation professionnelle due par les employeurs du secteur du bâtiment et des travaux publics. Le taux de cette cotisation doit être établi par accord national conclu au sein de la branche. L’article L. 6331-38 est modifié pour prévoir qu’en l’absence d’accord, le taux est fixé par la loi. La compétence ainsi donnée à la loi est conforme à la nature de cette cotisation, rangée au nombre des contributions de toutes natures par le Conseil constitutionnel (décision n° 2014-708 DC du 29 décembre 2014, cons. 4).

Le projet de loi vise enfin à inclure les fonds d’assurance-formation des non-salariés dans trois dispositifs qui ne leur ont pas été rendus applicables dans un premier temps, à savoir le mécanisme de certification des organismes de formation auxquels il est fait appel (3°, art. L. 6316-1), la conclusion d’une convention d’objectifs et de moyens avec l’Etat (4°, art. L. 6332-9) et le régime d’incompatibilités des salariés et administrateurs, défini par renvoi à celui qui est applicable aux opérateurs de compétence (5°, art. L. 6332-2-1).

Ces dispositions n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.

Insertion par l’activité économique et recherche d’emploi

9.  Le projet de loi supprime l’agrément délivré par Pôle emploi préalablement à l’accès à l’insertion par l’activité économique, en le remplaçant par un recrutement direct par une structure d’insertion par l’activité économique, sous réserve que la personne recrutée réponde à des critères d’éligibilité à un parcours d’insertion par l’activité économique fixés préalablement par décret. Il appartiendra au décret de fixer ces critères et de préciser les modalités du contrôle exercé a posteriori sur les recrutements effectués par les structures d’insertion par l’activité économique.

10.  Le projet de loi modifie également sur deux points le dispositif de la préparation opérationnelle à l’emploi individuelle : d’une part, il intègre dans les publics éligibles les personnes en recherche d’emploi et les travailleurs handicapés employés dans les entreprises adaptées ; d’autre part, il ouvre la possibilité de recruter les bénéficiaires d’une formation nécessaire à l'acquisition des compétences requises pour occuper ultérieurement un emploi par la voie d’un contrat à durée déterminée d’un minimum de six mois, sans durée maximale.

Le Conseil d’Etat estime que ces dispositions ne se heurtent à aucune difficulté juridique.

11.  Enfin, le projet de loi prolonge de dix-huit à quarante-quatre mois l’expérimentation, prévue par l’article 58 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, mettant en place une obligation de déclaration par les demandeurs d’emploi, lors du renouvellement mensuel de leur inscription sur la liste des demandeurs d'emploi, de leurs démarches de recherche d’emploi, sous la forme d’un journal de la recherche d’emploi.

La prolongation de cette expérimentation, fondée sur l'article 37-1 de la Constitution, qui permet au Parlement d'autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d'égalité devant la loi, ne remet pas en cause les dispositions arrêtées en 2018, qui définissent de façon suffisamment précise l'objet et les conditions de l’expérimentation et elle conduit à une durée d’expérimentation de cinq ans, déjà admise par le Conseil constitutionnel (décision 2004-503 DC du 12 août 2004, cons. 13 et 14) et adaptée à la nature et à la portée de l’expérimentation.

Représentativité des organisations syndicales au niveau d’un groupe d’entreprises.

12.  Le projet de loi prévoit qu’à l’instar de la règle concernant la validité des accords de groupe, l’appréciation de la représentativité des organisations syndicales lors de la négociation d’un accord au niveau d’un groupe d’entreprises s’effectue à partir des résultats obtenus par les organisations représentatives au premier tour des dernières élections professionnelles dans le périmètre de l’accord. Il est donc mis fin à la règle actuelle applicable pour un accord de groupe à périmètre inchangé, résultant de l’article L. 2122-4 du code du travail, selon laquelle cette représentativité est appréciée par addition de l'ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises ou établissements du groupe. Le Conseil d'État estime que cette mesure, qui harmonise les règles relatives à l'appréciation de la représentativité et celles relatives à la validité des accords de groupe, est cohérente et ne présente pas de difficultés juridiques d'ordre constitutionnel ou conventionnel.

Représentativité des organisations syndicales et professionnelles d’employeurs dans des périmètres couvrant plusieurs branches professionnelles et validité d’un accord négocié et conclu au niveau de plusieurs branches professionnelles.

13. Le projet de loi donne au ministre chargé du travail compétence pour prendre, sur proposition d’une organisation représentative au niveau national et interprofessionnel, des arrêtés appréciant la représentativité syndicale ou professionnelle d’employeurs dans des périmètres couvrant plusieurs branches professionnelles. Il consacre une pratique ayant conduit celui-ci à prendre de tels arrêtés de représentativité alors même que la législation actuelle ne prévoit pas expressément le cas de la pluralité de branches professionnelles.

Le projet de loi met également fin à une incertitude juridique concernant la validité des accords dits « interbranches », conclus au niveau de plusieurs branches couvrant, le cas échéant, des activités économiques éventuellement différentes, en fixant les règles de validité de tels accords. En vertu du nouvel article L. 2232-7-1 qu’il introduit dans le code du travail, leur validité sera subordonnée à leur signature par une ou plusieurs organisations professionnelles d'employeurs et par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau de chaque branche, la représentativité étant appréciée sur le champ de chacune des branches comprises dans le périmètre de l’accord.

Le Conseil d'Etat estime que ces deux dispositions ne se heurtent à aucun obstacle d'ordre juridique.

Délai de conclusion d’une nouvelle convention collective en cas de fusion des champs de plusieurs conventions collectives

14. Le projet de loi porte de cinq à sept ans le délai de conclusion d’une nouvelle convention collective faisant suite à une fusion des champs d’application de plusieurs conventions collectives dans le cas où le regroupement des champs conventionnels a été engagé par les branches elles-mêmes. Cette mesure a pour effet de prolonger la durée d'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 2261-33, selon lesquelles les « différences temporaires de traitement » résultant d’un regroupement ne peuvent « être utilement invoquées » : la prolongation est limitée à une période de deux ans et ne peut résulter que d'un accord collectif ou d'un accord de branche. Dans ces conditions, elle ne se heurte à aucun obstacle d'ordre constitutionnel ou conventionnel.

Transmission des procès-verbaux de carence aux élections professionnelles et franchissement du seuil de 300 salariés pour le fonctionnement du comité social et économique

15. Le projet de loi maintient l’obligation de transmission des procès-verbaux de carence des élections professionnelles mais prévoit cette transmission au ministre du travail et non plus à l’inspecteur du travail. Cette mesure vient parachever une réforme qui a déjà simplifié les modalités de transmission à l’administration des procès-verbaux des élections professionnelles qui ne sont plus adressés qu’au seul centre de traitement des élections professionnelles mis en place par le ministère du travail. Les services de l’inspection du travail pourront accéder à ces procès-verbaux via le système d’information mis en place.

16. Le projet de loi fixe une règle uniforme d’appréciation du franchissement par une entreprise du seuil de trois cents salariés, réputé franchi lorsque l'effectif de l'entreprise dépasse ce seuil pendant douze mois consécutifs, de façon à ce que les conséquences à en tirer pour le fonctionnement d’un comité social et économique aient le même fait générateur que celles qui sont tirées dans la législation actuelle, à l’article L. 2312-34 du code du travail, pour les attributions de ce comité.

Ces dispositions ne se heurtent à aucune objection d’ordre juridique : elles n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.

Travail de nuit dans les commerces de détail alimentaire

17. Le projet de loi, dans sa dernière version résultant de la saisine rectificative reçue tardivement, le 7 novembre 2019, comporte une habilitation prise dans les conditions de l’article 38 de la Constitution en vue d’adapter la législation applicable en matière de travail de nuit aux évolutions sociétales et aux nouveaux modes de consommation pour les commerces de détail à dominante alimentaire situés en dehors des zones touristiques internationales mentionnées à l’article L. 3132-24 du code du travail, notamment en définissant les garanties et les contreparties applicables. Cette disposition n’appelle pas de remarque particulière de la part du Conseil d’Etat.

Durée des accords d’intéressement

18. Afin d’encourager la conclusion des accords d’intéressement, le projet de loi permet aux partenaires sociaux de signer des accords d’intéressement pour une durée comprise entre un et trois ans. Cette mesure déroge à la règle actuelle exigeant une durée minimale de trois ans pour ces accords. Elle procède de la même logique que celle d’une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 relative au versement d’une prime exceptionnelle exonérée des contributions et cotisations soumise à la conclusion d'un accord d'intéressement, dont il est prévu que cet accord puisse porter à titre dérogatoire sur une durée inférieure à trois ans mais d’au moins un an.

19. Le Conseil d’Etat estime que cette mesure, qui ne remet pas en cause l’économie générale de l’accord d’intéressement, ni son caractère collectif, aléatoire, et négocié, n’appelle pas d’observation. Il suggère cependant une modification de la disposition afin de prévoir que celle-ci n'est applicable qu'aux accords d'intéressement conclus après le 30 juin 2020, dans l'hypothèse où la loi serait votée avant cette date, afin d'éviter toute incohérence avec l'article inclus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Formation à la santé et à la sécurité au travail

20. Le projet de loi introduit un nouvel article au sein du titre IV du livre Ier de la quatrième partie du code du travail dédié à l’information et à la formation des travailleurs afin de préciser tant les objectifs que les contenus de la formation à la sécurité que l’employeur organise au bénéfice des travailleurs. Le Conseil d’Etat relève que cette évolution législative vise à favoriser l’organisation de formations mieux adaptées tant aux travailleurs qui la reçoivent qu’aux contextes de travail dans lesquels ils évoluent. Il observe qu’elle participe de la politique de prévention destinée à assurer la sécurité des travailleurs et des autres personnes concernées par leurs actes ou leurs omissions au travail ainsi qu’à éviter l’altération de leur santé physique et mentale. Il propose cependant de ne pas retenir le dernier alinéa prévoyant que la formation tient compte des formations préalables, de la qualification, de l'expérience professionnelle et de la langue, parlée ou lue, du travailleur appelé à en bénéficier : une telle disposition, prévue actuellement à l’article R. 4141-5 du code du travail, ne relève pas du champ de la loi. Le Conseil d’Etat estime que les autres dispositions relatives à la formation, à la santé et à la sécurité au travail ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.

Indemnisation consécutive à la nullité de licenciements intervenus en méconnaissance des protections associées à la maternité, la paternité et l’adoption

21. Le projet de loi corrige une malfaçon de l’ordonnance n° 2018-1387 du 22 septembre 2017. Il rétablit à l’article L. 1225-71 du code du travail une disposition en vertu de laquelle, lorsque consécutivement à la nullité d’un licenciement intervenu en méconnaissance des protections associées à la maternité, la paternité ou l’adoption prévues aux articles L. 1225-1 à L. 1225-28 et L. 1225-35 à L. 1225-69 du code du travail, le salarié licencié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration dans l’entreprise est impossible, l’employeur lui verse, outre une indemnité égale au moins aux six derniers mois de salaire, le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période allant de la date à laquelle il a eu connaissance du fait que le salarié bénéficiait d’une protection jusqu’à la date d’échéance de cette protection. Le Conseil d’Etat estime que cette disposition ne se heurte à aucune difficulté juridique.

Consultation du comité social et économique sur les projets de licenciement collectif pour motif économique dans les entreprises de plus de cinquante salariés

22. Le projet de loi rectifie une disposition de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 qui a créé le comité social et économique. Il modifie l’article L. 1233-30 du code du travail, qui prévoit la consultation du comité social et économique sur les projets de licenciements collectifs pour motif économique dans les entreprises de plus de cinquante salariés, de sorte que ce comité soit toujours consulté sur les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail lorsqu’elles existent. Le Conseil d’Etat estime nécessaire d’ajouter à ces dispositions, qui n’appellent pas d’autre observation, la précision selon laquelle cette consultation obligatoire s’applique aux procédures de licenciements collectifs engagées postérieurement à la publication de la loi.

Désignation des conseillers prud’hommes à Mayotte

23. Le prochain renouvellement des conseillers prud’hommes doit intervenir le 1er janvier 2022 sur tout le territoire. A cette date des conseillers prud’hommes seront également désignés, pour la première fois, à Mayotte, en vertu du c du 3° de l’article 33 de l’ordonnance n° 2017-14-91 du 25 octobre 2017 portant extension et adaptation de la partie législative du code du travail et de diverses dispositions relatives au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle à Mayotte, qui prévoit que le titre IV du livre IV de la première partie du code du travail relatif aux conseillers prud’hommes s’applique à Mayotte à compter du 1er janvier 2022. Toutefois, la nomination des conseillers prud’hommes nécessite la réalisation préalable d’un certain nombre d’opérations administratives en application des dispositions des sections 1 à 4 du chapitre Ier de ce titre. Aussi le projet de loi modifie-t-il l’ordonnance du 25 octobre 2017 de façon à anticiper au 1er janvier 2021 l’application à Mayotte de ces dispositions et des dispositions de l’article L. 1443-1 qui répriment le fait de porter atteinte ou de tenter de porter atteinte à la libre désignation des candidats à la nomination des conseillers prud’hommes. Le Conseil d’Etat estime que ces dispositions, nécessaires, ne se heurtent à aucune difficulté d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
 
Prolongation de l’expérimentation autorisant la conclusion d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat de travail temporaire pour remplacer plus d’un salarié

24. Le projet de loi prévoit de prolonger pour une nouvelle période de deux ans l’expérimentation prévue par l’article 53 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel. Cette expérimentation autorise la conclusion de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de travail temporaire pour remplacer plus d’un salarié à la fois, par dérogation aux dispositions du code du travail en vertu desquelles le recours à de tels contrats à titre de remplacement n’est possible que pour assurer le remplacement d’un seul salarié. Le Conseil d’Etat observe que le décret nécessaire à l’entrée en vigueur de l’expérimentation n’a pas été pris. Il estime que la prolongation de la durée de l’expérimentation est justifiée et ne se heurte à aucune difficulté juridique.

Cet avis a été délibéré et adopté par l’Assemblée générale du Conseil d’Etat dans sa séance du jeudi 7 novembre 2019.