Contrôle des techniques de renseignement

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La formation de jugement du Conseil d’Etat spécialisée dans le contrôle des techniques de renseignement rend ses premières décisions

L’essentiel

•    La loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement a donné au Conseil d’Etat compétence pour juger directement des recours concernant la mise en œuvre des techniques de renseignement ainsi que des recours concernant la mise en œuvre des fichiers informatiques intéressant la sûreté de l'Etat.•    Elle a créé, au sein du Conseil d’Etat, pour juger ces recours, une formation de jugement spécialisée, dont les membres sont habilités au secret de la défense nationale.
•    Les affaires traitées par cette formation spécialisée suivent une procédure particulière qui concilie le caractère contradictoire de la procédure et la protection du secret de la défense nationale : les membres de la formation spécialisée ont accès à des informations confidentielles, qu'ils vérifient, mais ces informations ne sont pas communiquées aux requérants.
•    Les décisions rendues par cette formation spécialisée sont publiques mais ne peuvent en aucun cas révéler les éléments couverts par le secret. Lorsque la formation spécialisée constate qu'aucune illégalité n'a été commise en matière de technique de renseignement ou d’inscription dans un fichier informatique intéressant la sûreté de l’Etat, la décision qu’elle rend se contente de l’indiquer. En revanche, lorsqu’elle constate une illégalité, elle peut prendre diverses mesures (annuler une autorisation, ordonner la destruction de renseignements ou d’informations contenus dans un fichier, indemniser un préjudice)
•    La formation spécialisée a rendu aujourd’hui ses 15 premières décisions.

Le contrôle juridictionnel des techniques de renseignement mis en place par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement

Le rôle du Conseil d’Etat

La loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 a profondément renouvelé le contrôle par le juge des techniques de renseignement.

Elle a donné au Conseil d’Etat compétence pour juger directement des recours concernant la mise en œuvre des techniques de renseignement. Le Conseil d’Etat peut ainsi être saisi par toute personne souhaitant vérifier qu'aucune technique de renseignement n'est irrégulièrement mise en œuvre à son égard ainsi que par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Le Conseil d’Etat peut également être saisi d’une question par un juge judiciaire ou administratif lorsque celui-ci s’interroge, dans le cadre d’un dossier qu’il traite, sur la régularité d'une ou de plusieurs techniques de recueil de renseignement.

Par ailleurs la loi a donné compétence au Conseil d’Etat pour juger, dans les mêmes conditions, des recours concernant la mise en œuvre de fichiers informatiques intéressant la sûreté de l'Etat (la liste de ces fichiers est fixée par décret).

La formation de jugement spécialisée

Pour examiner ces recours relatifs aux techniques de renseignement et aux fichiers informatiques intéressant la sûreté de l'Etat, la loi a créé au sein du Conseil d’Etat une formation de jugement spécialisée.

Elle comprend 5 membres :
-    un président, proposé par le vice-président du Conseil d’Etat au ministre de la justice et désigné ensuite par arrêté du Premier ministre
-    deux membres titulaires, choisis par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat parmi les conseillers d’Etat
-    deux membres suppléants, choisis par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat parmi les conseillers d’Etat et les maîtres des requêtes

Par ailleurs, deux rapporteurs publics (un titulaire et un suppléant) exercent leurs fonctions auprès de la formation spécialisée. Ils sont choisis par le vice-président du Conseil d'Etat, après avis du président de la section du contentieux, parmi les rapporteurs publics en fonction au Conseil d’Etat.

Les membres de la formation spécialisée, ses rapporteurs publics et les agents de greffe qui les assistent sont habilités au secret de la défense nationale. Ils sont tous astreints au secret pour les faits, les actes et les renseignements dont ils peuvent avoir connaissance dans l'exercice de leurs fonctions.

La procédure devant la formation spécialisée

La procédure suivie devant la formation spécialisée est particulière et vise à concilier le caractère contradictoire de la procédure et la protection du secret de la défense nationale.

Les membres de la formation spécialisée sont autorisés à connaître de toutes les pièces et renseignements dont ils auraient besoin pour exercer leur mission de contrôle, y compris ceux qui sont couverts par le secret de la défense nationale. Ils peuvent demander à accéder à tous les documents que détiennent les services de renseignement ainsi qu’à ceux que détient la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Mais, pour protéger le secret de la défense nationale, les éléments couverts par le secret de la défense nationale ne sont accessibles qu’à la formation spécialisée, par dérogation aux règles habituelles en vertu desquelles tous les éléments du dossier sont communiqués au requérant.

De la même façon, il n’est évoqué à l’audience, devant le requérant, aucun élément susceptible de porter sur des informations protégées par le secret de la défense nationale, de confirmer ou infirmer la mise en œuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, ou de révéler des éléments contenus dans un fichier informatique intéressant la sûreté de l'Etat.

Les décisions de la formation spécialisée

Les décisions rendues par la formation spécialisée sont publiques mais elles ne peuvent en aucun cas révéler des éléments couverts par le secret.

Lorsque la formation spécialisée constate qu'aucune illégalité n'a été commise en matière de technique de renseignement ou d’inscription dans un fichier informatique intéressant la sûreté de l’Etat, soit que la personne ne fasse l'objet d'aucune technique de renseignement ou d'aucune inscription dans un fichier, soit qu'elle en fasse l'objet mais dans des conditions régulières, la décision de la formation spécialisée se contente d’indiquer qu'aucune illégalité n'a été commise. Elle ne confirme pas, et n’infirme pas non plus, la mise en œuvre d'une technique et ne révèle pas si le requérant figure ou non dans le fichier. En dire davantage reviendrait en effet à trahir le secret.

En revanche, lorsque la formation spécialisée constate une illégalité, elle peut annuler l’autorisation de recourir à la technique de renseignement, ordonner la destruction des renseignements collectés, ordonner la rectification ou l’effacement des données contenues dans un fichier et indemniser un préjudice. En ce cas sa décision mentionne l’illégalité, mais sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale.

La formation spécialisée a rendue aujourd’hui ses 15 premières décisions. Il s’agit des premières affaires régies par le nouveau régime mis en place par la loi du 24 juillet 2015 dont l’instruction, menée selon les règles décrites précédemment, a été close.

> CE, 19 octobre 2016, M.M., n°396503
> CE, 19 octobre 2016, M.L., n°396505
> CE, 19 octobre 2016, M.K., n°396512
> CE, 19 octobre 2016, Mme C., n°396518
> CE, 19 octobre 2016, M.J., n°396521
> CE, 19 octobre 2016, M.I., n°396524
> CE, 19 octobre 2016, M.H., n°396558
> CE, 19 octobre 2016, M.G., n°396561
> CE, 19 octobre 2016, M.F., n°396635
> CE, 19 octobre 2016, M.D., n°396958
> CE, 19 octobre 2016, Mme A., n°397623
> CE, 19 octobre 2016, M.E., n°398354
> CE, 19 octobre 2016, M.B., n°398356
> CE, 19 octobre 2016, M.C., n°400688
> CE, 19 octobre 2016, M.A., n°401976