Rémunération pour copie privée

Décision de justice
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Le Conseil d’État censure l’application de la rémunération pour copie privée aux produits acquis dans un but professionnel

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La plupart des matériels électroniques modernes possèdent une fonction d'enregistrement. La copie privée réalisée par leur possesseur prive les auteurs des musiques ou images ainsi reproduites de leur rémunération. Pour compenser ces pertes, la France a conçu un système de rémunération de la copie privée : toute vente de matériel donne lieu à paiement d'une somme forfaitaire, qui est ensuite répartie entre les auteurs par les sociétés qu'ils ont constituées. Le montant de cette rémunération est défini par décision d'une commission réunissant les représentants des auteurs, des fabricants ou vendeurs de matériel et des consommateurs. Ce système a été généralisé à l'échelle de l'Union européenne par une directive du 22 mai 2001.

Le Conseil d’État était saisi, par plusieurs sociétés et syndicats professionnels représentant les fabricants et vendeurs de matériel, de requêtes tendant à l’annulation de la décision du 17 décembre 2008 par laquelle la commission avait étendu à certains supports la rémunération pour copie privée et fixé les taux de rémunération pour ces supports.

Etait particulièrement contestée l’inclusion, dans le champ de la rémunération, de produits acquis par des professionnels dans un but autre que la copie privée.

L’article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle prévoit le remboursement de la rémunération à certains acquéreurs, professionnels, pour les supports destinés à leur propre usage ou production. La commission, par ses décisions successives, a exclu également certains supports qui, par leurs spécificités techniques, sont manifestement dédiés à un usage exclusivement professionnel. Pour autant, certains supports inclus par la commission dans le champ de la rémunération n’ont pas de spécificités techniques et peuvent donc faire l’objet à la fois d’un usage pour copie privée et d’un usage professionnel.

En premier lieu, le Conseil d’État a rappelé les principes gouvernant la rémunération pour copie privée. Celle-ci doit être fixée à un niveau permettant de produire un revenu, à partager entre les ayants droit, globalement analogue à celui que procurerait la somme des paiements d'un droit par chaque auteur d'une copie privée s'il était possible de l'établir et de le percevoir. La commission doit également apprécier, sur la base des capacités techniques des matériels et de leurs évolutions, le type d'usage qui en est fait par les différents utilisateurs, en recourant à des enquêtes et sondages qu'il lui appartient d'actualiser régulièrement en se fondant sur une étude objective des techniques et des comportements.

En deuxième lieu, le Conseil d’État a rappelé que dans son arrêt du 21 octobre 2010 Padawan SL (C-467/08), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a répondu à une question préjudicielle portant sur l’interprétation de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001. Dans cette décision, la CJUE a dit pour droit que l’application sans distinction de la redevance pour copie privée, notamment à l’égard d’équipements, d’appareils ainsi que de supports de reproduction numérique non mis à la disposition d’utilisateurs privés et manifestement réservés à des usages autres que la réalisation de copies à usage privé, n’est pas conforme à cette directive.

Sur cette base, le Conseil d’État a jugé qu’en décidant que l’ensemble des supports concernés par la rémunération pour copie privée seraient soumis à la rémunération, sans prévoir la possibilité d’exonérer ceux des supports acquis, notamment à des fins professionnelles, dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage de ces matériels à des fins de copie privée, la commission avait méconnu les principes ainsi énoncés. Il a estimé qu’un système d’abattement forfaitaire et général par type de support ne serait pas de nature à répondre à l’exigence d’exonération des usages autres que la copie privée.

En conséquence, le Conseil d’État a annulé la décision contestée.

Toutefois, le Conseil d’État a jugé que les exigences découlant du principe de sécurité juridique justifiaient, à titre exceptionnel, que l’annulation de cette décision n’intervienne, non pas rétroactivement, mais à l’expiration d’un délai de six mois à compter de son arrêt. Il s’agit en effet de tenir compte des graves incertitudes quant à la situation et aux droits des ayants droit et des entreprises contributrices, des conséquences de la généralisation de demandes de remboursement ou de versements complémentaires sur la continuité du dispositif de rémunération des auteurs au titre de la copie privée, ainsi que de la méconnaissance encore plus grave du droit de l'Union européenne affectant les délibérations antérieures que cette annulation ferait revivre. Ce délai permettra à la commission de définir à nouveau la rémunération pour copie privée en tenant compte des motifs de l’annulation.

CE, 17 juin 2011, n°s 324816, 325439, 325463, 325468,325469, Canal + distribution et autres.

 

Pour information : communiqué de presse relatif à l’annulation par le Conseil d’État d’une précédente décision de la commission pour la rémunération de la copie privée