Avis sur un projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales

1. Le Conseil d’Etat a été saisi le 30 janvier 2020 d’un projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Il a examiné ce texte une première fois le mardi 3 mars 2020, mais le projet de loi n’a, ensuite, pas pu être présenté au conseil des ministres en raison de la crise sanitaire. Le Gouvernement, souhaitant actualiser son projet, a saisi le 11 août 2020 le Conseil d’Etat d’un nouveau texte, qui diffère, sur quelques points, de la précédente version du projet de loi. Ce nouveau texte intègre, notamment, la plupart des modifications apportées au projet du Gouvernement par le Conseil d’Etat en mars dernier et prend en compte les modifications de contexte liées à la crise.

2. Le projet de loi, qui comprend onze articles et un rapport annexé, est organisé en trois titres, respectivement intitulés « Dispositions relatives aux objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et à la programmation financière », « Dispositions normatives intéressant la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales » et « Dispositions diverses ». Le titre Ier et le rapport annexé auquel il renvoie relèvent de l’antépénultième alinéa de l’article 34 de la Constitution, aux termes duquel « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État. »

3. Ainsi que le Conseil d’Etat l’a déjà admis à plusieurs reprises, la coexistence, au sein d’un même projet de loi, de dispositions de programmation relevant de la disposition citée ci-dessus et de dispositions normatives, que celles-ci modifient directement les règles de droit, habilitent le Gouvernement à prendre des ordonnances ou autorisent des expérimentations, ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel, sous réserve que, aux fins d’assurer les exigences de lisibilité et d'intelligibilité de la loi, les dispositions de programmation fassent l’objet d’une présentation clairement séparées des autres. Le Conseil d’Etat relève que tel est le cas en l’espèce.

4. L’étude d’impact du projet, qui a fait l’objet d’une actualisation en août, n’appelle pas de commentaire particulier. Certes, elle est peu substantielle quant à la partie « programmatique » du projet de loi, mais le rapport annexé fournit, à cet égard, les précisions nécessaires.

5. Le Gouvernement a procédé à toutes les consultations qui revêtaient un caractère obligatoire.

Tel est, notamment, le cas de la consultation du Conseil économique, social et environnemental. En vertu de la troisième phrase de l’article 70 de la Constitution : « Tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental lui est soumis pour avis. ». Or, le projet de loi a bien un tel caractère, quand bien même les orientations qu’il définit auront une incidence économique, sociale et environnementale avant tout dans les pays partenaires de l’action de développement solidaire de la France : le texte de la Constitution, en effet, ne prévoit aucune restriction à cet égard. Le CESE a rendu un premier avis le 26 février 2020.

Le Gouvernement a, ensuite, souhaité le consulter de nouveau sur son nouveau projet, sur lequel un nouvel avis, dénommé par le Conseil « avis de suites », a été rendu le 1er septembre 2020.

Le Conseil d’Etat estime que cette seconde consultation revêtait également un caractère obligatoire, en dépit du caractère très limité des modifications apportées à la partie programmatique du texte, en raison du changement majeur, résultant de la crise sanitaire et de la crise économique qui l’accompagne, des circonstances de fait dans lesquelles le projet de loi s’inscrit. Du fait de ce changement, en effet, le simple maintien des trajectoires de crédits initialement prévues entraîne, pour les deux premières années de la période de programmation, une augmentation très sensible de notre effort d’aide publique au développement rapporté au revenu national brut, liée à la chute de ce dernier.

S’agissant de la transformation de l’établissement public « Agence française d’expertise internationale » en société par actions simplifiée, dont la dénomination serait changée en « Expertise France » à cette occasion, la consultation du comité social et économique de l’établissement devait être engagée avant l’examen du texte par le Conseil d’Etat, en application des dispositions du 2° de l’article L. 2312-8 du code du travail. Le Conseil d’Etat observe que cette consultation a eu lieu, et rappelle qu’elle pourra, en tant que de besoin, être renouvelée à l’occasion de l’évolution ultérieure du texte. A cet égard, le décalage de six mois de la date fixée par le projet de loi pour la transformation (1er juillet 2021 dans la nouvelle mouture du projet de loi, au lieu du 1er janvier 2021 dans la première version du texte) ne constitue pas une évolution substantielle du projet et une nouvelle consultation n’était donc pas requise à ce stade.

6. Au-delà de ces remarques liminaires, ce projet de loi appelle, de la part du Conseil d’Etat, les observations suivantes.

Dispositions relatives aux objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et à la programmation financière

7. Les dispositions revêtant un caractère « programmatique » figurent soit dans le corps même de la loi, soit dans le rapport qui lui est annexé. Un premier article énonce des objectifs à caractère financier, qui sont constitués :

- de l’objectif d’une aide publique au développement représentant 0,55 % du revenu national brut en 2022, toutes ressources publiques confondues ;
- d’une trajectoire de crédits budgétaires ouverts au titre de la mission « aide publique au développement » et, pour l’année 2021, de la mission « plan de relance de l’économie », ainsi que de ressources fiscales affectée au « fonds de solidarité pour le développement », en très forte augmentation ;

- d’un objectif de doublement en 2022, par rapport à 2017, des moyens consacrés par l’Etat à l’accompagnement des projets des organisations de la société civile et des collectivités territoriales en faveur du développement ;

- enfin d’un objectif de redéploiement de notre aide publique au profit de sa composante bilatérale et, au sein de celle-ci, de la part qui est constituée de dons.

Un deuxième article prévoit l’information du Parlement sur l’exécution de la loi, au moyen d’un rapport annuel.

Le rapport annexé, enfin, dénommé « cadre de partenariat global », énonce les axes prioritaires de la politique de développement solidaire, au nombre de neuf, ainsi que les modalités de gouvernance et les moyens de cette politique, puis, enfin, son dispositif d’évaluation. Il contient également une trajectoire indicative détaillée de l’ensemble des composantes de l’aide contribuant à l’atteinte de l’objectif de 0,55 % du revenu national brut en 2022.

8. Le Conseil d’Etat estime que cette répartition est satisfaisante et se félicite de l’absence de redondances entre le corps de la loi et le rapport annexé à celle-ci. Il regrette, toutefois, que ce dernier ne hiérarchise pas les axes prioritaires, au demeurant nombreux, qu’il retient.

9. S’agissant de la programmation financière, le Conseil d’Etat relève, en premier lieu, que le texte prévoit, outre une trajectoire de crédits budgétaires, ce qui est traditionnel, également une augmentation en 2022, à hauteur de 100 millions d’euros, des ressources fiscales affectées au fonds de solidarité pour le développement ou, à défaut, une majoration de même montant des crédits budgétaires programmés au titre de cette même année. Les dispositions concernées, qui ne prescrivent pas directement et inconditionnellement qu’il soit procédé à cette affectation supplémentaire de ressources fiscales, n’ont pas le caractère d’une injonction faite au Gouvernement d’y procéder dans le projet de loi de finances pour 2022 et ne méconnaissent pas le domaine réservé des lois de finances. Elles peuvent donc figurer dans le présent projet de loi de programmation

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 22 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, lors du dépôt au Parlement d'un projet de loi de programmation autre qu'un projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport permettant de s'assurer de la cohérence du projet de loi avec la trajectoire de finances publiques figurant dans la loi de programmation des finances publiques en vigueur. Cette obligation n'implique pas nécessairement la remise d'un document exclusivement dédié à cet objet et peut être satisfaite par une mention particulière dans l'étude d'impact qui accompagne le projet de loi. En l’espèce, le Gouvernement a fait figurer les informations nécessaires dans l’étude d’impact du présent projet de loi. Il a donc satisfait à l’obligation qui est la sienne à ce titre.

11. Il résulte, par ailleurs, de l’article 22 de la loi du 22 janvier 2018 qu’il appartient au Conseil d’Etat, lors de l’examen d’un projet de loi de programmation qui comporte une trajectoire de crédits au profit de la politique publique concernée, de vérifier la cohérence entre celle-ci et la trajectoire des finances publiques présentée par la loi de programmation des finances publiques en vigueur pour la période commune aux deux lois. Toutefois, outre que les prévisions et trajectoires que présente cette loi de programmation des finances publiques sont aujourd’hui largement caduques, en raison des effets de la crise sanitaire survenue depuis son adoption, la programmation triennale des crédits qu’elle comporte, mission par mission, couvre les années 2018, 2019 et 2020, alors que le présent projet de loi prend pour base la loi de finances pour 2020 et programme les moyens des années 2021 et 2022. Aucun défaut de cohérence entre les deux textes ne peut donc être relevé.

12. En troisième lieu, le Conseil d’Etat relève une contradiction apparente entre la fixation d’un objectif d’atteinte, en 2022, d’un effort d’aide publique au développement représentant 0,55 % du revenu national brut, et le fait que cet objectif sera dépassé, selon la trajectoire indicative figurant dans le rapport annexé, dès 2020 (effort de 0,56 %) et à plus forte raison en 2021 (effort de 0,69 %), le ratio revenant à 0,55 % en 2022. Ceci s’explique principalement par la combinaison d’un effet dénominateur (très forte chute du RNB en 2020 par rapport à 2019, puis retour progressif à la normale) et du maintien, dans le second projet de loi, de la trajectoire haussière des crédits d’aide publique au développement initialement prévue et, également, par des prévisions d’annulation de dettes plus élevées que dans la première version du projet. La hausse des crédits étant, dès lors que la conjoncture économique reviendrait à la normale, nécessaire pour obtenir un chiffre de 0,55 % en 2022, il n’est en conséquence pas incohérent de conserver, dans la loi, un tel objectif.

13. Enfin, le Conseil d’Etat s’est interrogé sur la disposition prévoyant l’imputation, en 2021, d’un crédit de 50 millions d’euros sur le programme « cohésion » la mission « plan de relance de l’économie » du projet de loi de finances pour 2021 au titre de l’aide publique au développement, qui peut paraître sans lien suffisant avec la relance de l’économie. Toutefois, les crédits en question seraient destinés à l’Organisation mondiale de la santé et à d’autres organisations internationales en lien avec la santé, et financeraient notamment la recherche et le développement de vaccins contre la covid, ce qui n’est pas étranger à l’objet de la mission « plan de relance de l’économie ».

14. Les autres dispositions à caractère programmatique (doublement des crédits alloués aux collectivités territoriales ou destinés à des projet mis en œuvre par des organisations de la société civile, notamment) n’appellent pas de commentaire particulier, sous réserve d’un alinéa du texte du Gouvernement prévoyant que, sur la base du rapport que ce dernier remettra chaque année au Parlement sur l’exécution de la loi, « un débat en séance publique peut avoir lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat, ainsi qu’au Conseil national du développement et de la solidarité internationale, et à la Commission nationale pour la coopération décentralisée ». Cet alinéa est dépourvu de toute portée et n’a pas à figurer dans un texte de loi, y compris de programmation : en conséquence, le Conseil d’Etat ne peut que l’écarter.

Dispositions normatives intéressant la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales

- Prise en compte des indicateurs de richesse correspondant aux objectifs de développement durable définis dans le cadre de « l’Agenda 2030 » des Nations unies :

15. Les dispositions en question précisent, à l’article unique de la loi du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques, ainsi qu’à chacun des articles du code général des collectivités territoriales prescrivant à certaines de ces collectivités de présenter, avant l’adoption de leur budget, un rapport sur la situation et la stratégie en matière de développement durable, que les indicateurs retenus pour l’évaluation des politiques publiques doivent correspondre aux objectifs de développement durable du Programme de développement durable à l’horizon 2030, dit « Agenda 2030 », des Nations unies.

Le Conseil d’Etat relève que la portée normative de ces modifications est limitée, compte tenu du caractère très général de ces objectifs. La mesure n’appelle aucune autre remarque particulière.

- Actions de coopération des collectivités territoriales :

16. Le projet de loi ouvre aux collectivités territoriales ayant la qualité d’autorités organisatrices de la mobilité, ainsi qu’à l’établissement public Ile-de-France Mobilité, la faculté de financer, sur les budgets des services de mobilité, qui sont obligatoirement individualisés s’agissant de services publics industriels et commerciaux, des actions de coopération ou de solidarité internationale dans le domaine de la mobilité, ainsi que des actions d’urgence dans ce même domaine, dans la limite de 1 % des budgets en question hors ressources procurées par le versement de transport. Cette disposition, qui complète le champ des différents dispositifs de « 1 % » existants pour les actions d’aide au développement des collectivités (eau, énergie, déchets), ne crée aucune obligation et n’appelle pas de remarque particulière.

- Conseil national du développement et de la solidarité internationale :

17. La loi du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination a prévu la présence, au sein de cette instance, de deux députés et de deux sénateurs, ainsi que d’un « représentant du Parlement européen élu en France ». Le président du Parlement européen n’ayant pas, à ce jour, désigné ce représentant, le projet de loi en propose la suppression, ce qui n’appelle aucune remarque. En revanche, le Conseil d’Etat écarte la partie du texte du Gouvernement qui vise à définir l’objet du Conseil national du développement et de la solidarité internationale, qui ne relève pas du domaine de la loi.

- Volontariat de solidarité internationale :

18. Le projet de loi ouvre la possibilité de conclure des contrats de volontariat de solidarité internationale avec des ressortissants ou résidents réguliers d’Etats situés hors de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, afin d’accomplir une mission sur le territoire français. A dotation budgétaire constante, le volontariat de solidarité internationale permettra ainsi de mettre en place des actions réciproques avec des Etats étrangers au titre de la politique de la France en matière de développement international. Cette mesure, qui ne se heurte à aucune règle du droit de l’Union européenne ni à aucune autre norme supérieure, et qui poursuit un objectif se rattachant à l’objet de la loi, n’appelle pas d’observation particulière.

- Agence française de développement (AFD) :

19. Il est proposé, d’une part, de transférer dans la partie législative du code monétaire et financier la définition des missions de l’AFD et de préciser qu’elle constitue un établissement public industriel et commercial contribuant à l’action extérieure de la France au sens de la loi n° 2010 873 du 27 juillet 2010.
Le Conseil d’Etat relève que, compte tenu de la spécificité de l’Agence, qui est soumise à la fois au régime des EPIC contribuant à l’action extérieure de la France et à celui des sociétés de financement, ces dispositions trouvent leur place dans le projet de loi.

20. Il est proposé, d’autre part, de prévoir que l’AFD peut gérer, notamment par le recours à des fonds de dotation, des fonds publics ou privés dans le cadre d’opérations financées par ses bailleurs publics, et qu’elle peut réciproquement confier à ces mêmes entités la gestion de fonds, au moyen de conventions. Ces dispositions n’appellent pas de remarque particulière, le Conseil d’Etat relevant seulement qu’elles pourraient avec profit faire l’objet d’une codification dans le code monétaire et financier.

- Transformation de l’établissement public « Agence française d’expertise internationale » en société par actions simplifiée à capitaux publics :

21. Le projet de loi opère la transformation, à la date du 1er janvier 2021, de l’établissement public en charge de la fourniture des prestations d’expertise technique nécessaires au déploiement des politiques de développement international, l’Agence française d’expertise internationale, en société commerciale et simplifie sa dénomination, qui deviendrait « Expertise France ». Le Conseil d’Etat relève, tout d’abord, que l’objectif poursuivi, qui consiste à adapter le statut de l’Agence à l’environnement concurrentiel du secteur de l’expertise technique internationale et à créer des conditions plus favorables à la coopération entre les acteurs nationaux de ces politiques publiques, est présenté de manière satisfaisante dans l’étude d’impact du projet.

22. Le Conseil d’Etat estime, ensuite, que la transformation de l’établissement public en société commerciale, qui comporte de nombreux précédents, ne se heurte à aucune difficulté juridique de principe dès lors que le projet de loi, en premier lieu, organise les modalités du passage d’une forme juridique à l’autre en veillant en particulier, d’une part, à préciser le régime des biens, des conventions, droits, obligations, contrats, et autorisations de toute nature et, d’autre part, à préciser que la transformation est réalisée à titre gratuit et ne donne lieu à aucune taxe, en second lieu, décale au 1er juillet 2021 ce passage, ce qui laisse au Parlement le temps d’adopter le texte et à l’établissement de se préparer à cet effet.

- Création d’une commission d’évaluation de la politique de développement solidaire :

23. Le projet de loi prévoit la création d’une commission ayant pour mission d’évaluer les actions conduites au titre de la politique de développement. Le Conseil d’Etat, après s’être interrogé sur le point de savoir si une telle disposition relevait bien du domaine de la loi, estime possible de la conserver au sein du présent texte, dans la mesure où, d’une part, la commission aura la possibilité de formuler des demandes de renseignement auprès de l’ensemble des personnes publiques finançant des actions d’aide au développement, qui auront l’obligation de lui répondre, et où, d’autre part, la disposition en question entretient un lien fort avec le reste du projet de loi.

Dispositions diverses :

- Dispositions d’habilitation en matière de privilèges et immunités :

24. Une habilitation est prévue afin de permettre au Gouvernement de prendre, par ordonnances, les mesures relevant du domaine de la loi permettant d’accorder des privilèges et immunités sur le territoire français, en premier lieu, aux organisations internationales et agences décentralisées de l’Union européenne avant l’entrée en vigueur de l’accord de siège les concernant, en deuxième lieu, aux associations ou fondations de droit français ou étranger installées en France dont l’objet est similaire à celui d’organisations internationales, et en troisième lieu, pour une durée limitée à douze mois, aux mêmes entités organisant des conférences en France.

25. Le Conseil d’Etat observe que l’objet de cette habilitation, habituellement mis en œuvre par des actes conventionnels, ne comporte aucun précédent et que les législations des autres Etats membres de l’Union européenne ne semblent pas prévoir de disposition similaire.

26. Toutefois, la mesure ne soulève pas, à ce stade, d’observation particulière dès lors d’une part que l’objectif poursuivi, qui consiste à renforcer l’attractivité du territoire français en matière d’accueil des organisations internationales et entités assimilées, est clairement établi, et d’autre part, que le champ de l’habilitation est défini de manière suffisamment précise, en prévoyant notamment que les privilèges et immunités dont la future ordonnance fixera le régime devront, pour chacune des catégories d’entités concernées, être nécessaires à la garantie de l’indépendance des bénéficiaires dans l’exercice de leurs missions.

27. Le Conseil d’Etat souhaite néanmoins attirer l’attention du Gouvernement sur le fait que l’ordonnance devra prévoir, afin d’assurer l’effectivité de l’octroi des privilèges, de quelle manière sera accordée à une organisation internationale ou à un de ses démembrements la capacité juridique dans l’ordre interne, dans les cas, probablement il est vrai assez peu fréquents, où l’acte institutif de l’entité ne l’aura pas prévu.

28. Enfin, s’agissant de l’octroi de privilèges et immunités à des associations ou fondations à but non lucratif exerçant une activité similaire à celle des organisations internationales et comptant parmi leurs membres plusieurs Etats dont la France, le Conseil d’Etat rappelle que la catégorie des personnes concernées, présentées par le Gouvernement comme des « quasi organisations internationales », qui ne sont ni des personnes dotées d’une personnalité juridique internationale, ni des organisations internationales non gouvernementales, devra être définie au moyen de critères objectifs et rationnels, en rapport avec l’objet de la mesure.

- Maintien en vigueur de certaines dispositions de la loi du 7 juillet 2014 :

29. La dernière phrase de l’article 15 de la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale dispose que « la présente loi s’applique jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi de programmation ». L’entrée en vigueur de la présente loi est donc de nature à entraîner la caducité de celle du 7 juillet 2014. Or, cette dernière comprend non seulement des dispositions à caractère « programmatique », mais aussi des dispositions normatives, codifiées ou non codifiées. Bien que rien n’indique que le législateur ait eu l’intention de limiter à la période d’application de la loi du 7 juillet 2014, soit les années 2014 à 2019, la validité des dispositions en question, le Conseil d’Etat estime nécessaire, par souci de sécurité juridique et compte tenu des termes de la disposition précitée, de préciser expressément dans le présent projet de loi, comme le propose le Gouvernement, que ces mêmes dispositions demeureront en vigueur, malgré la substitution d’une nouvelle loi de programmation à la loi de 2014 et, pour le reste de ses dispositions, d’abroger cette dernière.

Cet avis a été délibéré et adopté par le Conseil d’Etat (section des finances) dans sa séance du mardi 15 septembre 2020.