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Ariane Web: Conseil d'État 472075, lecture du 26 février 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:472075.20240226

Décision n° 472075
26 février 2024
Conseil d'État

N° 472075
ECLI:FR:CECHR:2024:472075.20240226
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Rose-Marie Abel, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public
SARL CABINET BRIARD, avocats


Lecture du lundi 26 février 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre la décision du maire de Sada du 23 août 2022 refusant le renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée et lui confirmant qu'il serait mis fin à ses fonctions à l'expiration de ce contrat. Par une ordonnance n° 2300539 du 24 février 2023, ce juge des référés a, en premier lieu, suspendu cette décision et, en second lieu, enjoint à la commune de Sada de procéder, à titre provisoire, à la réintégration de M. B... au titre d'un contrat à durée indéterminée (CDI).

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 mars, 28 mars et 4 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Sada demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de M. B..., la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la commune de Sada et à la SARL cabinet Briard, avocat de M. A... B... ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte que M. A... B... a été recruté par la commune de Sada, tout d'abord par un contrat du 25 juillet 2016, pour une durée d'un mois et pour des besoins saisonniers, puis a ensuite été engagé, à compter du 1er septembre 2016, par quatre contrats successifs, d'une durée d'un an et un mois pour les deux premiers contrats, un an pour le troisième et trois ans pour le dernier. Par une décision du 23 août 2022, le maire de Sada a informé M. B... de son intention de ne pas reconduire le contrat de travail signé le 1er novembre 2019 et arrivant à son terme le 31 octobre 2022, et de mettre ainsi fin à ses fonctions. La commune de Sada se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 24 février 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a suspendu l'exécution de cette décision et lui a enjoint, de procéder, à titre provisoire, à la réintégration de M. B... au titre d'un contrat à durée indéterminée.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. L'article L. 332-9 du code général de la fonction publique dispose, pour les agents contractuels recrutés pour occuper des emplois permanents dans la fonction publique territoriale : " Les agents contractuels recrutés en application de l'article L. 332-8 sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. / Le contrat est renouvelable dans la limite maximale de six ans. Au terme de cette durée, la reconduction ne peut avoir lieu que par décision expresse et pour une durée indéterminée ". Aux termes de l'article L. 332-10 du même code : " Tout contrat établi ou renouvelé pour pourvoir un emploi permanent en application de l'article L. 332-8 avec un agent contractuel territorial qui justifie d'une durée de services publics de six ans au moins sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu pour une durée indéterminée (...) ". Aux termes de l'article L. 332-11 du même code : " Les parties à un contrat en cours, établi sur le fondement de l'article L. 332-8, peuvent, d'un commun accord, conclure un nouveau contrat à durée indéterminée lorsque l'agent contractuel territorial concerné remplit avant l'échéance de son contrat les conditions d'ancienneté mentionnées à l'article L. 332-10. / L'agent qui décide de ne pas conclure ce nouveau contrat est maintenu en fonctions jusqu'au terme de son contrat en cours ".

4. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement de son contrat. Il résulte en revanche des dispositions citées au point précédent que si une collectivité ou un établissement décide de renouveler l'engagement d'un agent territorial recruté par un contrat à durée déterminée, cette collectivité ou cet établissement ne peut le faire que par une décision expresse et pour une durée indéterminée si l'agent justifie d'une durée de services publics de six ans au moins auprès de la même collectivité ou du même établissement sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique. Dans l'hypothèse où ces conditions d'ancienneté sont remplies par un agent territorial avant l'échéance du contrat, celui-ci ne se trouve pas tacitement transformé en contrat à durée indéterminée. Dans un tel cas, les parties ont la faculté de conclure d'un commun accord un nouveau contrat, à durée indéterminée, sans attendre cette échéance. Elles n'ont en revanche pas l'obligation de procéder à une telle transformation de la nature du contrat, ni de procéder à son renouvellement à son échéance.

5. Par suite, en se fondant, pour suspendre l'exécution de la décision du 23 août 2022 du maire du Sada refusant le renouvellement du contrat de M. B... et confirmant la fin de ses fonctions au terme de celui-ci, sur ce qu'était de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité le moyen tiré de ce qu'elle méconnaissait le droit de l'agent à voir son engagement poursuivi, au-delà d'une durée de services de six ans, sous la forme d'un contrat à durée indéterminée, le juge des référés, eu égard à son office, a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que l'ordonnance attaquée doit être annulée.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Le juge des référés ne peut plus suspendre, après le terme d'un contrat à durée déterminée, la décision de ne pas renouveler ce contrat, ni imposer le maintien provisoire de relations contractuelles au-delà de la date d'échéance de ce contrat.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que le contrat à durée déterminée conclu le 1er novembre 2019 entre M. B... et la commune de Sada n'a pas été transformé avant son échéance en un contrat à durée indéterminée et a donc pris fin le 31 octobre 2022. Dès lors, les conclusions de la demande de M. B... tendant à la suspension de la décision du 23 août 2022 par laquelle le maire de Sada a refusé le renouvellement de ce contrat étaient, dès l'introduction de cette demande le 31 janvier 2023, dépourvues d'objet et par suite irrecevables. Elles ne peuvent par suite qu'être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, l'ensemble de ses conclusions aux fins d'injonction.

10. Il y n'a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme à verser à la commune de Sada, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Sada qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte du 24 février 2023 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Sada et par M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Sada et à M. A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 31 janvier 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Philippe Ranquet, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Cécile Isidoro, conseillers d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 26 février 2024.

Le président :
Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :
Signé : Mme Rose-Marie Abel

La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin



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