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Ariane Web: Conseil d'État 492490, lecture du 8 avril 2024, ECLI:FR:CEORD:2024:492490.20240408

Décision n° 492490
8 avril 2024
Conseil d'État

N° 492490
ECLI:FR:CEORD:2024:492490.20240408
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
Mme Nathalie Escaut, président
Mme N Escaut, rapporteur


Lecture du lundi 8 avril 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 mars et 3 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Courbevoie demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 23 janvier 2024 par lequel la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux olympiques et paralympiques a fixé la liste des sections internationales et classes menant au baccalauréat français international dans les écoles, collèges et lycées, en tant qu'il ne prévoit pas de section internationale d'anglais britannique à l'école élémentaire Pierre de Ronsard ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- elle justifie d'un intérêt pour agir à raison des conséquences sur son attractivité de la fermeture de la section internationale britannique dans l'école élémentaire Pierre de Ronsard ;
- la condition d'urgence est satisfaite puisque la fermeture de cette section internationale doit avoir lieu dès la rentrée 2024 alors que les inscriptions sont ouvertes depuis le mois de novembre 2023 et que cette décision est préjudiciable tant aux parents des élèves qui sont déjà inscrits en section internationale en maternelle qu'au projet éducatif mis en oeuvre autour de la constitution d'un parcours en section internationale d'anglais britannique dans la commune ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- elle est entachée de vices de procédure faute de consultation du conseil académique de l'éducation nationale et du conseil départemental de l'éducation nationale ;
- elle est entachée de détournement de pouvoir en ce que cette décision a été prise dans le but de mettre un terme au conflit entre les communes de Nanterre et de Courbevoie ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation faute de prise en compte des exigences tenant tant au projet pédagogique existant qu'au respect de la vie familiale des habitants de la commune.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2024, la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la commune n'a pas d'intérêt pour agir, que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la commune de Courbevoie et, d'autre part, la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 4 avril 2024, à 11 heures :

- Me Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Courbevoie ;

- le représentant de la commune de Courbevoie ;

- les représentants de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ;

à l'issue de laquelle la juge des référés a clos l'instruction ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 avril 2024, présentée par la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

3. La commune de Courbevoie demande, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 23 janvier 2024 de la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux olympiques et paralympiques fixant la liste des sections internationales et classes menant au baccalauréat français international dans les écoles, collèges et lycées en tant que n'y figure plus la section internationale d'anglais britannique de l'école Pierre de Ronsard à Courbevoie.

4. Pour justifier de la condition d'urgence, la commune de Courbevoie se prévaut de ce que cette décision va conduire à la fermeture de la section internationale d'anglais britannique dans l'école Pierre de Ronsard dès la rentrée de septembre 2024 alors que les inscriptions en section internationale sont ouvertes depuis le 6 novembre 2023. Elle fait valoir les conséquences de cette fermeture tant pour le projet pédagogique mené depuis plusieurs années dans les établissements scolaires de la ville que pour les élèves et leurs parents. Toutefois, la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a produit un arrêté daté du 3 avril 2024 modifiant l'arrêté contesté du 23 janvier 2024 qui réinscrit dans la liste des sections internationales pour la rentrée scolaire 2024 la section internationale d'anglais britannique de l'école élémentaire Pierre de Ronsard à Courbevoie, s'agissant des classes de CE1 à CM2. Il en résulte, ainsi que l'ont confirmé les représentants de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse à l'audience, qu'à la rentrée de septembre 2024, l'école Pierre de Ronsard conservera sa section internationale sauf pour la classe de CP. La section internationale des autres niveaux ne sera supprimée que progressivement au cours des années suivantes. Par ailleurs, il ressort des explications fournies à l'audience que cette fermeture s'inscrit dans un projet de transfert progressif de la section internationale d'anglais britannique de l'école élémentaire Pierre de Ronsard à Courbevoie à l'école élémentaire Maxime Gorki à Nanterre afin de favoriser la mixité sociale dans les établissements d'éducation prioritaire de cette commune. Ce projet repose aussi sur le constat, d'une part, du faible nombre d'élèves inscrits en section internationale d'anglais britannique dans l'école Pierre de Ronsard, puisque sa classe de CP ne comportait que 4 élèves en 2022 et 3 en 2023 pour uniquement, respectivement, 6 et 4 candidatures, et, d'autre part, de l'offre éducative en anglais que continuera à proposer la ville de Courbevoie au travers de la section internationale d'anglais américain et du cursus parallèle de l'école européenne. Dans ces conditions, les éléments invoqués par la commune sur les conséquences de la fermeture de la section internationale de l'école Pierre de Ronsard, alors, d'une part, que cette dernière ne va porter que sur la classe de CP sans avoir d'incidence sur le parcours entamé cette année par les élèves déjà inscrits dans cette section, et, d'autre part, que les inscriptions en section internationale pour la rentrée prochaine sont toujours ouvertes, et, par ailleurs, eu égard au projet global dans lequel cette fermeture s'inscrit, ne permettent pas de caractériser une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts qu'elle défend.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et sans examiner l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, que la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête de la commune de Courbevoie, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la commune de Courbevoie est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Courbevoie ainsi qu'à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Fait à Paris, le 8 avril 2024
Signé : Nathalie Escaut