Relations financières entre l'État et les collectivités territoriales

Décision de justice
Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Passer le partage de l'article pour arriver avant

Le Conseil d’État juge que les dépenses nécessaires aux missions exercées au nom de l’État par les agents des collectivités territoriales en vertu de la loi doivent être supportées par ces collectivités et applique cette règle à la répression d’infractions au code de la route par la police municipale.

> lire la décision n°328102, relative à la commune de Versailles

> lire la décision n°339013, relative à la commune de Strasbourg

L’article L. 2212-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) confie aux agents de police municipale la mission de constater par procès-verbal un certain nombre de contraventions au code de la route ou commises à l'occasion de la conduite d'un véhicule. Par ailleurs, les articles 529 et 529-1 du code de procédure pénale prévoient que les amendes forfaitaires infligées en cas de contraventions peuvent être payées directement aux agents verbalisateurs. Ces missions, exercées au nom de l’État par des agents employés par les communes, posent la question de savoir qui, de l’État ou des communes, doit en supporter la charge financière.

Saisi de deux affaires opposant l’État et, respectivement, les communes de Versailles et de Strasbourg, le Conseil d’État a apporté une réponse de principe à cette question de portée générale.

Dans la première affaire (n° 328102), la cour administrative d’appel de Versailles avait condamné l’État à verser à la commune de Versailles une somme de près de 400 000 euros correspondant aux frais de constatation de contraventions au code de la route par les agents de police municipale, aux frais de perception, par ces mêmes agents, des amendes forfaitaires résultant de ces contraventions et aux frais de fonctionnement d’une régie de recettes permettant l’encaissement des amendes lorsque celles-ci ne sont pas directement réglées aux agents verbalisateurs.

Saisi par le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales d’un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour, le Conseil d’État pose le principe selon lequel, lorsque la loi confie aux agents de collectivités territoriales ou de leurs groupements des missions à exercer au nom de l’Etat, elle entend indirectement mettre à la charge de ces collectivités ou groupements les dépenses nécessaires à l’exercice de ces missions, sauf si elle en dispose autrement. Ce n’est donc pas à l’État de supporter ces dépenses, bien que les missions correspondantes soient exercées en son nom.

Appliquant ce principe au cas d’espèce, le Conseil d’État juge que les frais d’établissement des avis de contraventions et des cartes de paiement des amendes forfaitaires, ainsi que les frais d’établissement des quittances délivrées immédiatement aux contrevenants qui s’acquittent des amendes auprès des agents verbalisateurs, sont des dépenses nécessaires à l’exercice des missions confiées aux agents de police municipale par les dispositions législatives de l'article L. 2212-5 du CGCT. Par suite, ces dépenses devaient être supportées par la commune de Versailles, et non par l’État. La cour administrative d’appel de Versailles a donc eu tort de condamner l’État à indemniser la commune à ce titre.

En revanche, le Conseil d’État approuve la cour administrative d’appel d’avoir condamné l’Etat à indemniser la commune à raison des dépenses de fonctionnement de la régie de recettes. En effet, aucune disposition législative ne met directement ou indirectement à la charge des communes les frais de fonctionnement des régies de recettes créées par l’État auprès des communes afin de faciliter l’encaissement des recettes de l’État que sont les amendes forfaitaires. Ces dépenses ne sont pas regardées comme nécessaires à l’exercice des missions confiées aux agents de police municipale, et doivent donc être supportées par l’État.

La seconde affaire soumise au Conseil d’État (n° 339013) posait une question analogue concernant la commune de Strasbourg, mais s’inscrivait dans le cadre de la procédure particulière de « référé-provision ». Cette procédure, prévue à l'article R. 541-1 du code de justice administrative, permet à une personne d’obtenir du juge administratif, à titre provisoire, le versement d’une somme de la part de l’administration lorsqu’il n’est pas « sérieusement contestable » que celle-ci la lui doit.

Dans ce cadre, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Nancy avait rejeté la demande de la commune de Strasbourg tendant à ce que l’État lui verse, à titre de provision, une somme représentant, d'une part, les frais de constatation de contraventions au code de la route et de perception des amendes correspondantes par ses agents de police municipale, d'autre part, les frais de fonctionnement de la régie de recettes mise en place. Compte tenu de la complexité des règles en cause et du fait que le Conseil d’État n’en avait pas encore éclairé l’application à la date où le juge des référés avait statué – ces éclairages résultant précisément de la décision concernant la commune de Versailles –, l’obligation dont se prévalait la commune devait être regardée comme « sérieusement contestable » à cette date. Le Conseil d’État confirme donc l’ordonnance du juge des référés.

Conseil d'État, 22 octobre 2010, Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales c/ commune de Versailles, n° 328102
Conseil d'État, 22 octobre 2010, Commune de Strasbourg, n° 339013