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Ariane Web: Conseil d'État 451827, lecture du 7 octobre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:451827.20211007

Décision n° 451827
7 octobre 2021
Conseil d'État

N° 451827
ECLI:FR:CECHR:2021:451827.20211007
Inédit au recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
Mme Ségolène Cavaliere, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP BUK LAMENT - ROBILLOT ; CORLAY, avocats


Lecture du jeudi 7 octobre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juillet et 9 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B... A... demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 18 février 2021, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.




Vu les autres pièces du dossier ;

- Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'urbanisme, notamment son article L. 600-5-1 ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Corlay, avocat de M. A... et à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la commune de Cabriès ;




Considérant ce qui suit :


1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

3. Le requérant soutient que ces dispositions portent atteinte au principe d'égalité, notamment devant la justice, découlant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et au droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de cette Déclaration, en ce qu'elles prévoient l'obligation, pour le juge administratif saisi d'une demande d'annulation pour excès de pouvoir d'un permis de construire, d'inviter en cours d'instance le pétitionnaire à régulariser ce permis s'il apparaît que celui-ci est entaché d'un vice susceptible de faire l'objet d'une telle régularisation, sans prévoir la même obligation pour le juge saisi d'une demande d'annulation d'un refus de permis de construire.

4. En premier lieu, il est loisible à tout pétitionnaire qui demande au juge administratif l'annulation d'un refus de permis de construire qui lui a été opposé de soumettre à tout moment à l'administration une nouvelle demande, faisant ainsi naître une nouvelle décision qui sera susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux. La circonstance que la faculté de présenter une telle demande ne soit pas prévue dans le cadre de l'instance contentieuse dirigée contre un refus de permis de construire ne peut être regardée comme portant atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

5. En second lieu, le principe d'égalité ne s'opposant pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes au regard de l'objet de la règle en cause, le requérant ne saurait sérieusement soutenir qu'en prévoyant que le défendeur à l'instance introduite en excès de pouvoir contre un permis de construire puisse, à certaines conditions, obtenir de l'administration, en cours d'instance, une modification du permis aux fins d'en assurer la légalité, l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme porterait atteinte au principe d'égalité au motif qu'il ne prévoit pas de possibilité de régularisation similaire dans le cadre d'une instance introduite contre un refus de permis de construire.

6. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, dès lors, pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A....



D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la commune de Cabriès et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au garde des sceaux, ministre de la justice.


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