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Ariane Web: Conseil d'État 448745, lecture du 10 février 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:448745.20230210

Décision n° 448745
10 février 2023
Conseil d'État

N° 448745
ECLI:FR:CECHR:2023:448745.20230210
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Julien Autret, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public
SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats


Lecture du vendredi 10 février 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 décembre 2015 par laquelle le maire de la commune de Saint-Etienne a mis fin à compter du 1er avril 2016 à la mise à disposition dont il faisait l'objet par convention conclue entre la commune de Saint-Etienne et la Caisse des dépôts et consignations et de condamner la commune de Saint-Etienne à lui verser la somme de 50 000 euros outre intérêts au taux légal, capitalisés, en réparation des préjudices nés de cette décision. Par un jugement n° 1601087 du 20 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du maire de Saint-Etienne du 22 décembre 2015 et rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. B....

Par un arrêt n° 18LY03493 du 17 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. B... et l'appel incident formé par la commune de Saint-Etienne contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 janvier et 12 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la fonction publique ;
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Autret, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A... B... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Saint-Etienne ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... B..., agent contractuel de droit privé de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), a été mis à disposition de la commune de Saint-Etienne, par convention conclue le 18 août 2015 entre la commune et la CDC, pour une durée de trois ans à compter du 10 décembre 2014, afin d'exercer pour le compte de la commune une mission de préfiguration du pôle gérontologique et de l'autonomie. Par décision du 22 décembre 2015, le maire de Saint-Etienne a mis fin par anticipation, à compter du 1er avril 2016, à cette mise à disposition. Par un jugement du 20 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision du 22 décembre 2018, mais rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'indemnisation d'un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence. Par un arrêt du 17 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement en tant qu'il rejetait ses conclusions indemnitaires et l'appel incident formé par la commune de Saint-Etienne contre ce jugement en tant qu'il annulait la décision du 22 décembre 2015. M. B... se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il lui est défavorable.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 61-2 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale alors en vigueur, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 334-1 du code général de la fonction publique : " Les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs peuvent, lorsque des fonctions exercées en leur sein nécessitent une qualification technique spécialisée, bénéficier de la mise à disposition de personnels de droit privé, dans les cas et conditions définis par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 11 du décret du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux : " I. - Les collectivités territoriales et les établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 peuvent, lorsque les besoins du service le justifient, bénéficier de la mise à disposition de personnels de droit privé pour la réalisation d'une mission ou d'un projet déterminé qui ne pourrait être mené à bien sans les qualifications techniques spécialisées détenues par un salarié de droit privé. / La mise à disposition s'applique pour la durée du projet ou de la mission, sans pouvoir excéder quatre ans. / II. - La mise à disposition prévue au I est subordonnée à la signature d'une convention de mise à disposition conforme aux dispositions de l'article 2 du présent décret, conclue entre l'administration d'accueil et l'employeur du salarié intéressé, qui doit recevoir l'accord de celui-ci (...). / La mise à disposition régie par le présent article peut prendre fin à la demande d'une des parties selon les modalités définies dans la convention. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 8241-2 du code du travail : " (...) Le prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert : / 1° L'accord du salarié concerné ; / 2° Une convention de mise à disposition entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l'identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l'entreprise utilisatrice par l'entreprise prêteuse ; / 3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l'entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d'exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail. (...) ".

3. En regardant la convention de mise à disposition de M. B..., conclue entre deux personnes publiques pour l'accomplissement d'une mission de service public administratif, comme fondée sur les dispositions précitées de l'article 61-2 de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 18 juin 2008 pris pour son application, seules dispositions dont, au demeurant, l'intéressé se prévalait devant les juges du fond, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit, la circonstance que cette convention ait visé l'article L. 8241-2 du code du travail étant sans incidence alors qu'il résulte des termes mêmes des dispositions de cet article qu'il ne régit que le prêt de main d'oeuvre à titre non lucratif entre entreprises. C'est également sans erreur de droit que la cour a statué sur la demande de M. B... au vu des seules dispositions de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 18 juin 2008 et des stipulations de cette convention, sans faire application des dispositions du code du travail relatives au licenciement d'un salarié titulaire d'un contrat à durée déterminée.

4. En second lieu, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. En écartant le moyen de M. B... tiré de ce que la décision de la commune de mettre fin à sa mise à disposition était fondée sur des considérations tenant à son état de santé au motif, non argué de dénaturation, qu'il résultait de l'instruction que cette décision avait été prise pour des motifs répondant à l'intérêt du service, tenant notamment à l'achèvement de la mission qui lui avait été confiée, et non en conséquence d'une discrimination liée au handicap de l'intéressé, la cour n'a ni commis d'erreur de droit, ni insuffisamment motivé son arrêt.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. En conséquence, son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que la commune de Saint-Etienne demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Etienne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la commune de Saint-Etienne.
Délibéré à l'issue de la séance du 25 janvier 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Christian Fournier, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Julien Autret, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 10 février 2023.


La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Autret
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin



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