Convention nationale entre les médecins libéraux et l’assurance maladie

Décision de justice
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Le Conseil d’État valide, pour l’essentiel, l’avenant n°8 à la convention nationale entre les médecins libéraux et l’assurance maladie, qui prévoit notamment des sanctions pour pratique tarifaire excessive.

> Lire la décision nos 364384, 365276, 365818, 365822

> Lire la décision n° 365641

En complément de ce que prévoient les lois et règlements applicables, les relations entre les médecins libéraux « conventionnés » et l’assurance maladie sont régies, en vertu de l’article L. 162-15 du code de la sécurité sociale, par une convention nationale conclue entre l’Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et les organisations syndicales représentatives des médecins. Cette convention, ainsi que ses avenants, sont, après leur signature, approuvés par un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

Par un arrêté du 29 novembre 2012, les ministres compétents ont approuvé un avenant n°8 à la convention nationale entre les médecins libéraux et l’assurance maladie. Plusieurs syndicats de médecins ont demandé au Conseil d’État, qui est directement compétent pour examiner de telles requêtes, d’annuler cet arrêté d’approbation.

I. La plupart des requêtes (n°s 364384 et s.) portaient plus spécifiquement sur le renforcement de l’encadrement des pratiques tarifaires des médecins conventionnés.

  • L’avenant prévoit, tout d’abord, un certain nombre d’engagements de modération tarifaire pris par ceux des médecins de secteur 1 (dont les honoraires sont en principe fixés au niveau des tarifs dits « opposables ») disposant d’un droit permanent à dépassement, ainsi que par les médecins de secteur 2 (autorisés à pratiquer des honoraires différents des tarifs opposables). L’avenant impose en effet à ces praticiens de fixer leurs honoraires à des niveaux « permettant l’accès aux soins », de s’engager à « modérer leur pratique tarifaire » et de pratiquer les tarifs opposables lorsque le patient a droit au dispositif d’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé. L’avenant crée, en outre, un dispositif de suivi des pratiques tarifaires, en mettant notamment en place « un observatoire sur les pratiques tarifaires ».

Les requérants soutenaient que les parties à la convention ne disposaient pas de la compétence pour prévoir de tels engagements. Le Conseil d’État rappelle toutefois que la loi a habilité les signataires de la convention à autoriser des cas de dépassements d’honoraires et à en suivre l’évolution et en déduit qu’ils peuvent également encadrer leur pratique. L’avenant n’était dès lors pas entaché d’incompétence sur ce point.

  • L’avenant prévoit également que les médecins conventionnés peuvent être sanctionnés par les directeurs des organismes locaux d’assurance maladie en cas de « pratique tarifaire excessive ». Les sanctions encourues peuvent notamment consister en une suspension du droit permanent à dépassement, en une suspension de la participation des caisses d’assurance maladie aux avantages sociaux des médecins, voire en un déconventionnement du médecin. La convention prévoit une procédure en deux temps : le praticien reçoit d’abord un avertissement, et ce n’est que s’il maintient ensuite sa pratique qu’il encourt une sanction.

Le Conseil d’État a, sur ce point également, écarté les critiques des requérants. Il a jugé que la loi habilitait les signataires de la convention à prévoir le principe d’un tel dispositif de sanction. Il a par ailleurs jugé que l’avenant définissait la notion de « pratique tarifaire excessive » de manière suffisamment claire et précise, et respectait ainsi les exigences du principe constitutionnel de légalité des délits. Le Conseil d’État a en effet constaté que, afin d’encadrer l’appréciation des directeurs de caisses, l’avenant fixe les critères permettant de caractériser une telle « pratique tarifaire excessive » (par exemple le taux de dépassement par rapport au tarif opposable, la croissance annuelle de ce taux, le dépassement moyen par patient,…) et qu’il impose de prendre en compte certains autres facteurs (tels que le lieu d’implantation du cabinet ou la spécialité pratiquée). Le préambule de l’avenant indique en outre, à titre de repère indicatif, un taux de dépassement de 150 %.

Toujours à propos des sanctions, le Conseil d’État a rappelé qu’un praticien ne pouvait se voir infliger une autre sanction (par exemple une sanction disciplinaire prononcée par une juridiction spécialisée) s’ajoutant, pour un même manquement, à la sanction prononcée par le directeur de la caisse, qu’à la stricte condition que le cumul des deux sanctions ne dépasse pas le maximum prévu pour la sanction la plus élevée. Enfin, le Conseil d’État a jugé que la procédure de sanction pour « pratique tarifaire excessive » était entourée de garanties suffisantes et adaptées à la complexité particulière de l’appréciation d’un tel manquement.

  • L’avenant crée, par ailleurs, un « contrat d’accès aux soins ». Ce dispositif a pour but de favoriser l’accès des patients à des soins aux tarifs opposables et de réduire la part des honoraires non remboursés. Il est ouvert aux médecins du secteur 1 ayant un droit à dépassement et à tous les médecins du secteur 2, à condition que ces médecins s’engagent à rester en-dessous d’un certain taux de dépassement, en contrepartie de quoi l’assurance maladie s’engage, de son côté, à améliorer les bases de remboursement des actes concernés.

Pour les médecins installés depuis moins d’un an, l’avenant prévoit que ce taux de dépassement maximal est en principe calculé sur la base d’une moyenne pondérée des taux de dépassements par région. Par exception, pour certaines spécialités exercées par un faible nombre de praticiens, le taux applicable est calculé au niveau national, plus significatif.

Les requérants mentionnaient certaines spécialités (chirurgiens cardio-vasculaires et thoraciques, chirurgiens infantiles et neurochirurgiens), qui comptent un faible nombre de praticiens, mais pour lesquelles l’avenant prévoyait que le taux de dépassement applicable serait calculé au niveau régional. Faisant droit à l’argumentation des requérants, le Conseil d’État a estimé que le choix de ce mode de calcul était contraire au principe d’égalité. Il a relevé que les spécialités en cause comptent d’ailleurs un nombre de praticiens inférieur à celui de certaines spécialités pour lesquelles l’avenant retient pourtant un mode de calcul au niveau national. Il a, en conséquence, partiellement annulé l’arrêté approuvant l’avenant, sur ce point seulement.

Pour le reste, en revanche, notamment en ce qui concerne les sanctions prévues pour « pratiques tarifaires excessives », le Conseil d’État a rejeté les requêtes.

 

II. Une autre requête (n° 365641) portait plus particulièrement sur la fixation par l’avenant des tarifs appliqués à certaines prestations réalisées lors d’actes de remnographie (IRM).

Selon le code de la sécurité sociale, l’UNCAM dresse une typologie de l’ensemble des actes donnant lieu à remboursement par l’assurance maladie. Elle établit ensuite une hiérarchie entre ces actes. Enfin, les signataires de la convention sont compétents pour fixer les tarifs applicables à chaque acte, en respectant la hiérarchie établie par l’UNCAM.

  • La requête mettait en évidence le fait que si l’UNCAM avait bien établi une liste des actes, elle n’avait jamais procédé à la hiérarchisation des actes litigieux. La question se posait dès lors de savoir si, malgré cette carence, de l’UNCAM, les parties à l’avenant pouvaient  fixer la tarification.

Le Conseil d’État a jugé que la carence de l’UNCAM n’empêchait pas les signataires de l’avenant d’exercer la compétence que leur reconnaît la loi pour fixer les tarifs, y compris en l’absence de hiérarchisation préalable des actes.

  • Les requérants critiquaient ensuite la baisse du tarif prévu par l’avenant pour la « prestation intellectuelle » (en particulier l’interprétation) du radiologue lors d’actes d’IRM.

Le Conseil d’État a cependant jugé que, compte tenu notamment de la stratégie d’ensemble de convergence des tarifs définie par l’UNCAM en liaison avec les partenaires conventionnels et à l’évolution des conditions dans lesquelles la prestation en cause est réalisée, le tarif fixé par l’avenant n’était pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Il a également relevé que cette évolution poursuivait un objectif légitime de rééquilibrage des tarifs des actes médicaux en fonction notamment de leur durée, de leur difficulté et de la compétence qu’ils requièrent. En dépit de son impact négatif sur les revenus de certains médecins et de la baisse concomitante de la rémunération de la prestation technique forfaitaire, le Conseil d’État a jugé que cette évolution tarifaire n’était pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

Il a, en conséquence, rejeté la requête.