Mesure disciplinaire

Décision de justice
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Le manquement de M. Matelly à l’obligation de réserve des militaires ne justifie pas sa radiation des cadres.

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M. Jean-Hugues Matelly, chef d’escadron de la gendarmerie nationale, a fait l’objet, par décret du 12 mars 2010, d’une mesure de radiation des cadres. Cette mesure disciplinaire rompt définitivement tout lien entre l’administration et son agent. Elle était motivée par les critiques que ce gendarme avait formulées, dans un article publié sur Internet et dans une émission radiophonique diffusés fin 2009, à l’encontre de la politique gouvernementale de rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.

M. Matelly a sollicité la suspension en urgence de cette décision, ainsi que son annulation et sa réintégration au sein de la gendarmerie. Le 29 avril 2010, le juge des référés du Conseil d’État avait fait droit partiellement à la demande de suspension, permettant à M. Matelly de conserver sa rémunération et la jouissance de son logement de fonction, en attendant que le Conseil d’État prenne la décision rendue publique aujourd’hui, qui tranche définitivement le litige.

Le Conseil d’État juge tout d’abord que M. Matelly a effectivement manqué à ses obligations en faisant état publiquement, dans les médias, de son opposition à la politique d’organisation des deux grands services français dédiés à la sécurité publique, au moment même où celle-ci était en débat devant le Parlement. L’article L. 4121-2 du code de la défense, relatif à l’exercice des droits civils et politiques des militaires, prévoit en effet que les opinions des militaires ne peuvent être exprimées qu’avec « la réserve exigée par l'état militaire ». Les propos tenus par l’intéressé ayant dépassé cette réserve, ils constituaient une faute professionnelle justifiant une sanction disciplinaire.

Pour autant, le Conseil d’État a considéré que la sanction infligée à M. Matelly – la radiation des cadres – était manifestement disproportionnée au regard de la faute ainsi commise, compte tenu de l’ensemble des données de l’espèce. L’intéressé avait certes déjà manqué par le passé à son obligation de réserve, ce qui avait alors justifié le prononcé d’un blâme. Mais les propos qu’il a tenus fin 2009 constituaient une critique de fond, sous la forme d’une défense de la gendarmerie, formulée en termes mesurés et sans caractère polémique. En outre, l’excellente manière de servir de l’intéressé était attestée par les notations produites au dossier. Dans ces conditions, en faisant le choix de la mesure la plus lourde, équivalente à un licenciement, alors qu’elle disposait d’un éventail de sanctions large (notamment la possibilité de prendre une mesure de retrait temporaire d’emploi allant jusqu’à douze mois), l’administration a prononcé à l’encontre de cet officier de gendarmerie une sanction manifestement excessive.

Le Conseil d’État annule donc cette sanction et enjoint au ministre de la défense de réintégrer M. Matelly dans son corps d’origine.

 

Conseil d’État, 12 janvier 2011, M. Matelly, n° 338461.