Ouverture dominicale des magasins de bricolage

Décision de justice
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Le juge des référés rejette la demande de suspension du décret du 7 mars 2014, qui autorise l’ouverture le dimanche des établissements de commerce au détail d’articles de bricolage.

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L’essentiel

  • Un décret du 7 mars 2014 a autorisé les établissements de vente au détail d’articles de bricolage à déroger à la règle du repos dominical. L’adoption de ce décret faisait suite à la suspension, par une ordonnance du juge des référés du Conseil d’État du 12 février 2014, d’un précédent décret autorisant une telle dérogation à titre temporaire.

  • Le juge des référés du Conseil d’État a été saisi par plusieurs syndicats, dans le cadre d’un référé-suspension, d’une demande de suspension de ce nouveau décret.

  • Il a rejeté cette demande, estimant qu’aucun des moyens invoqués n’était de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la légalité de ce texte.

  • En particulier, il a estimé que ce décret qui, contrairement au décret précédent, ne limitait pas la dérogation dans le temps, ne contredisait pas sa précédente ordonnance. Le juge des référés a également estimé, en l’état de l’instruction, que le décret respectait les conditions de fond auxquelles le code du travail subordonne de telles dérogations au repos dominical.

Les faits et la procédure

L’article L. 3132-12 du code du travail permet au gouvernement de déterminer les catégories d’établissements qui peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement. Les établissements concernés sont, selon la loi, « ceux dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public ».

A la suite de conflits sociaux et de litiges concernant notamment l’ouverture le dimanche d’établissements de bricolage dans la région Ile-de-France, un premier décret n° 2013-1306 du 30 décembre 2013 avait inscrit temporairement (jusqu’au 1er juillet 2015) les établissements de commerce de détail du secteur du bricolage sur la liste des établissements pouvant déroger à la règle du repos dominical.

Saisi par plusieurs organisations syndicales, le juge des référés du Conseil d’État avait, par une ordonnance du 12 février 2014, décidé de suspendre l’exécution de ce décret. Le juge des référés avait considéré qu’une dérogation au repos dominical fondée sur l’article L. 3132-12, qui a vocation à satisfaire des besoins pérennes du public, doit normalement avoir un caractère permanent. Le caractère temporaire de la dérogation prévue par le décret était de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.
Le gouvernement a alors pris un nouveau décret n° 2014-302 du 7 mars 2014, inscrivant les établissements de commerce de détail sur la liste des dérogations au repos dominical, sans limiter cette fois-ci la durée de cette dérogation.

Les mêmes organisations syndicales ont saisi le Conseil d’État d’une demande d’annulation de ce nouveau décret et ont parallèlement demandé au juge des référés d’en suspendre l’exécution dans l’attente du jugement au fond.

La décision du juge des référés

La procédure de « référé suspension », prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative, permet au juge des référés de suspendre l’exécution d’une décision administrative faisant l’objet d’un recours contentieux en attendant que ce recours soit jugé. La suspension est prononcée lorsque deux conditions cumulatives sont remplies : une situation d’urgence, et l’existence d’un doute sérieux, en l’état de l’instruction, quant à la légalité de la décision attaquée.

En l’espèce, le juge des référés du Conseil d’État a estimé qu’aucun des moyens invoqués par les syndicats requérants à l’encontre du décret litigieux n’était, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité.

En particulier, les requérants affirmaient que ce décret inscrivant de nouveau les magasins de bricolage sur la liste des dérogations au repos dominical contredisait l’ordonnance du 12 février 2014 suspendant la précédente inscription. Le juge des référés du Conseil d’État a cependant relevé qu’en ôtant à la dérogation son caractère temporaire, le gouvernement avait remédié au vice qui l’avait conduit, en février, à suspendre le premier décret. Il en a déduit que le nouveau décret ne méconnaissait pas l’autorité attachée à sa précédente ordonnance.

Les requérants estimaient par ailleurs que les conditions de fond auxquelles la loi subordonne les dérogations au repos dominical n’étaient pas remplies, l’ouverture des magasins de bricolage le dimanche n’étant selon eux pas nécessaire à la satisfaction des besoins du public.

Le juge des référés du Conseil d’État a tout d’abord apporté des précisions sur l’interprétation de l’article de l’article L. 3132-12 du code du travail. Il a indiqué que cet article permettait de déroger à la règle du repos dominical à la condition, d’une part, qu’il existe un besoin du public le dimanche (qu’il s’agisse d’un besoin existant tous les jours de la semaine, y compris le dimanche, ou d’un besoin propre au dimanche) et, d’autre part, qu’il soit nécessaire d’y satisfaire par l’ouverture, ce jour-là, d’une certaine catégorie d’établissements.

Appliquant cette grille d’analyse au cas d’espèce, le juge des référés a constaté sur le premier point qu’en l’état actuel de l’argumentation présentée par les parties, au vu notamment des résultats d’enquêtes d’opinion, le bricolage constituait désormais un véritable loisir dominical pour une large majorité de Français. Il en a déduit que le bricolage pouvait être qualifié de « besoin du public » le dimanche, au sens où l’entend l’article L. 3132-12 du code du travail.

Sur le second point, le juge des référés a considéré, en l’état du dossier, que la faculté d’acheter le jour même les diverses fournitures permettant de bricoler pouvait être regardée comme « nécessaire » à la satisfaction de ce besoin. Ce n’est donc pas l’acte d’achat lui-même qui constitue un loisir dominical : le juge des référés a seulement estimé, en l’état actuel de l’argumentation présentée par les parties, qu’il y avait un lien étroit entre l’activité de loisir proprement dominicale qu’est le bricolage et les achats associés.

Après avoir écarté les autres moyens invoqués par les syndicats requérants, le juge des référés a rejeté la demande de suspension.

La requête en annulation de ce décret, dont le Conseil d’État statuant au contentieux reste saisi au fond, sera examinée ultérieurement.