Produits Round Up

Décision de justice
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Le Conseil d’État annule la décision de refus d’abrogation de l’autorisation de mise sur le marché de l’herbicide Roundup Express. Il rejette les requêtes portant sur les produits phytopharmaceutiques Roundup GT plus et Roundup Extra 360.

> Lire les décisions 332804332805 et 332806

L’essentiel

- Le Conseil d’État a été saisi par le mouvement pour les droits et le respect des générations futures (MDRGF) de trois requêtes tendant à l’annulation du refus du ministre de l’agriculture d’abroger les décisions d’autorisation de mise sur le marché d’herbicides commercialisés par la société Monsanto.

- Les décisions du Conseil d’État rappellent qu’en cas de présence, dans la préparation d’un produit phytopharmaceutique, d’une « substance active », le ministre de l’agriculture doit respecter des règles de présentation et d’évaluation propres à cette substance avant de pouvoir délivrer une autorisation de mise sur le marché.

- Le Conseil d’État précise la définition d’une « substance active » au sein d’une préparation : une substance qui n’exerce dans une préparation phytopharmaceutique donnée, eu égard notamment à ses caractéristiques propres et à son degré de concentration dans ce produit, aucune des fonctions qui caractérisent une « action générale ou spécifique » sur des végétaux ou organismes cibles, mais permet seulement d’obtenir une certaine forme de cette préparation - par exemple un simple agent « mouillant » - ne constitue pas une « substance active » de cette préparation au sens de l’article L. 253-1 du code rural. Si le ministre estime qu’une substance inscrite sur la liste des substances actives autorisées ne remplit pas, dans une préparation, l’une des fonctions qui caractérisent une des « actions générales ou spécifiques » et qu’elle n’y est donc pas « active », il lui incombe de l’établir

- Le Conseil d’État rappelle également qu’il appartient au ministre, dans le cadre d’une demande d’autorisation de la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, de procéder à une évaluation complète des risques que ce produit peut présenter pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement. Cette évaluation doit tenir compte, le cas échéant, des effets synergiques entre la substance active et les autres substances entrant dans la composition du produit lorsque leur prise en compte est pertinente pour l’évaluation de ces risques.

- Le Conseil d’Etat annule la décision de refus d’abrogation de l’autorisation du Roundup Express pour prise en compte insuffisante par le ministre d’une substance présente dans le produit et inscrite sur la liste communautaire des « substances actives ». Le ministre de l’agriculture devra procéder, après avis de l’AFSSA, à un réexamen de cette demande d’abrogation dans un délai de six  mois. Le Conseil d’Etat rejette les requêtes portant sur les produits phytopharmaceutiques Roundup GT plus et Roundup Extra 360.

 

Affaire n° 332805 - Annulation du refus d’abroger l’autorisation de mise sur le marché du Roundup Express

Le MDRGF soutenait que l’autorisation de mise sur le marché du Roundup Express avait été instruite sans prendre en considération la présence d’acide pélargonique dans cette  préparation.

L’acide pélargonique entre dans la composition déclarée de la préparation Roundup Express, à hauteur d’environ 1% de sa masse pondérale. Cette substance a été inscrite sur la liste des substances actives autorisées à compter du 1er septembre 2009 par la directive 2008/127/CE de la Commission du 18 décembre 2008 modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil.

Le Conseil d’État juge qu’une substance qui n’exerce dans une préparation phytopharmaceutique donnée, eu égard notamment à ses caractéristiques propres et à son degré de concentration dans ce produit, aucune des fonctions qui caractérisent une « action générale ou spécifique » sur des végétaux ou organismes cibles, mais permet seulement d’obtenir une certaine forme de cette préparation - par exemple un simple agent « mouillant » - ne constitue pas une « substance active » de cette préparation au sens de l’article L. 253-1 du code rural.

Le ministre de l’agriculture soutenait que l’acide pélargonique ne devrait pas être considéré comme une substance active, compte tenu de son degré de concentration dans la préparation Roundup Express, alors même qu’il est inscrit sur la liste des substances actives. Le Conseil d’État juge qu’il incombe en tout état de cause au ministre, dans l’hypothèse où il estime qu’une substance inscrite sur la liste des substances actives autorisées qui constitue l’un des composants d’une préparation ne remplit pas, dans cette préparation, l’une des fonctions qui caractérisent une des « actions générales ou spécifiques » et qu’elle n’y est donc pas « active », de l’établir. 

En l’espèce, l’avis du 16 avril 2007 de l’AFSSA ne faisait aucune mention de la présence d’acide pélargonique dans la préparation Roundup Express, ni à titre de substance active, ni à titre de coformulant, et se bornait à affirmer que la seule substance active de ce produit était le glyphosate. Son avis du 26 mars 2009 ne mentionnait pas davantage l’acide pélargonique ni n’analysait les effets de cet acide dans la préparation Roundup Express. Le Conseil d’État estime, qu’en l’absence de tout autre élément de nature à établir que l’acide pélargonique ne remplirait pas les fonctions d’une substance active dans cette préparation, la décision du ministre ne saurait être regardée comme ayant mis en œuvre une méthode d’évaluation appropriée, prenant en compte l’ensemble des éléments nécessaires à la délivrance ou au maintien de l’autorisation de mise sur le marché de la préparation Roundup Express. En conséquence, la décision par laquelle le ministre a rejeté la demande d’abrogation de cette autorisation est entachée d’erreur de droit et doit être annulée.

La décision du Conseil d’État n’implique pas nécessairement l’abrogation de l’autorisation de mise sur le marché du Roundup Express mais seulement que la demande d’abrogation soit réexaminée. Le Conseil d’État enjoint au ministre de l’agriculture de procéder, après avis de l’AFSSA, à ce réexamen dans un délai de six  mois.

 

Affaires n°s 332804 et 332806 - Rejet des requêtes portant sur le Roundup GT plus et le Roundup Extra 360

Les requérants faisaient valoir, en premier lieu, qu’un polymère de la famille des polyoxyéthylènes amines entrait dans la composition des préparations Roundup GT plus et Roundup Extra 360. Selon eux, ce composant devrait être qualifié de « substance active ».

Le ministre chargé de l’agriculture avait estimé, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, au regard notamment de l’avis de l’AFSSA du 26 mars 2009, que ce composant présentait, dans les préparations Roundup GT plus et Roundup Extra 360, les qualités d’un agent tensioactif permettant d’augmenter les « propriétés mouillantes » de la préparation, mais n’y exerçait pas de fonction caractérisant une action générale ou spécifique sur les végétaux ou partie de végétaux. Le ministre avait donc pu déduire de cette analyse que ce polymère ne constituait pas une substance active des préparations, alors même qu’il présentait une toxicité propre. Par suite, l’instruction des demandes d’autorisation n’avait pas à respecter pour ce polymère les règles de présentation et d’évaluation propres à une substance active.

Les requérants soutenaient, en second lieu, que l’évaluation de l’innocuité des préparations n’avait pas été conforme aux prescriptions de l’arrêté du 6 septembre 1994, dès lors qu’elle n’avait pas tenu compte des effets « synergiques » du glyphosate et du polymère entrant dans la composition des préparations.

Le Conseil d’Etat rappelle qu’il appartient au ministre, dans le cadre d’une demande d’autorisation de la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, de procéder à une évaluation complète des risques que ce produit peut présenter pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement. Cette évaluation doit tenir compte, le cas échéant, des effets synergiques entre la substance active et les autres substances entrant dans la composition du produit lorsque leur prise en compte est pertinente pour l’évaluation de ces risques.

Lors de la procédure de renouvellement de l’autorisation délivrée aux préparationsRoundup GT plus et Roundup Extra 360, l’AFSSA avait bien procédé à une évaluation des risques en ne tenant pas uniquement compte des seuls éléments relatifs au glyphosate pris isolément. En effet, les avis de l’AFSSA des 16 avril et 20 août 2007 faisaient explicitement référence à des études réalisées par application des préparations elles-mêmes, avec l’ensemble de leurs composants. Par ailleurs, dans son avis du 26 mars 2009, l’AFSSA avait fait porter son évaluation sur les résultats de travaux scientifiques relatifs aux effets mutagènes et cancérigènes pour l’homme et l’animal de l’exposition aux préparations à base de glyphosate comprenant, à titre de coformulants, des substances telles que les composants entrant dans la composition de ces préparations. Ainsi, le Conseil d’Etat en déduit que l’analyse des risques des préparations réalisée par le ministre de l’agriculture n’avait pas omis de prendre en compte les effets « synergiques » du glyphosate et de l’autre composant présent dans ce produit et qu’elle n’avait donc pas méconnu les règles d’évaluation posées par l’arrêté interministériel du 6 septembre 1994.

Conseil d’État, 7 mars 2012, Mouvement pour les droits et le respect des générations futures et autre, n°s 332804, 332805 et 332806.