Assignation à résidence et fermeture administrative provisoire d’un restaurant

Décision de justice
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Le juge des référés du Conseil d’État suspend la fermeture administrative d’un restaurant prononcée sur le fondement de l’état d’urgence mais confirme l’assignation à résidence de son propriétaire.

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Sur le fondement de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955, le ministre de l’intérieur a assigné une personne à résidence sur le territoire de la commune du Cannet. En parallèle, sur le fondement de l’article 8 de la même loi, le préfet des Alpes-Maritimes a pris un arrêté de fermeture administrative provisoire de l’établissement de restauration dont cette personne est propriétaire à Cannes. L’intéressé a contesté ces deux mesures par la voie du référé-liberté, procédure d’urgence qui permet au juge d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale (article L. 521-2 du code de justice administrative).

Le juge des référés du tribunal administratif de Nice ayant suspendu les deux mesures, le ministre de l’intérieur a fait appel devant le juge des référés du Conseil d’État.

Dans l’ordonnance qu’il a rendue aujourd’hui, le juge des référés du Conseil d’État commence par examiner la mesure d’assignation à résidence. Il souligne d’abord que le ministre de l’intérieur s’est fondé, pour prendre cette mesure, sur les éléments mentionnés dans deux notes blanches des services de renseignement et qu’il a fourni en appel de nouveaux éléments, dont une nouvelle note blanche, tous ces éléments ayant été débattus devant le juge.

Le juge des référés du Conseil d’État observe ensuite :
- que la personne objet de la mesure d’assignation fréquente de façon très régulière une salle de prière de tendance salafiste et une mosquée qui accueille depuis 2015 un imam provenant d’une mosquée radicale ;
- que cette personne reconnaît elle-même que trois membres cannois d’une cellule terroriste qui a été démantelée fréquentaient son établissement ;
- qu’elle connaît également d’autres membres de cette cellule et est en lien avec certaines sur Facebook ;
- que son témoin de mariage, qu’elle connaît de longue date, est un islamiste radical qui a séjourné et combattu au Yémen.

En l’état du dossier et eu égard à l’ensemble de ces éléments, le juge des référés du Conseil d’État estime donc que la mesure d’assignation à résidence ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il accueille par conséquent l’appel du ministre et, contrairement au juge des référés du tribunal administratif, refuse de suspendre la mesure d’assignation à résidence. Celle-ci peut donc être appliquée.

Le juge des référés du Conseil d’État examine ensuite la mesure de fermeture administrative provisoire de l’établissement de restauration. Celle-ci est fondée sur la circonstance que se déroulerait « selon toute vraisemblance » dans cet établissement une activité de propagande et de prosélytisme. Mais la cellule terroriste en cause a été démantelée et ses membres n’ont plus fréquenté l’établissement depuis 2013. Par ailleurs, si des délinquants fréquentaient l’établissement en 2013, aucun élément au dossier ne fait apparaître que des personnes suspectes d’activité menaçant l’ordre public s’y seraient réunies depuis plus de deux ans. Le juge des référés du Conseil d’État estime donc que l’ouverture du restaurant en 2015 ne présente pas une menace grave pour la sécurité et l’ordre publics.

Le juge des référés du Conseil d’État juge donc, en l’état du dossier, que la mesure de fermeture du restaurant porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’entreprendre de son propriétaire. Il confirme donc la suspension de cette mesure et rejette l’appel du ministre de l’intérieur. La mesure de fermeture administrative provisoire du restaurant ne peut donc plus être appliquée.

 

Après les attentats commis à Paris le 13 novembre dernier, l’état d’urgence prévu par la loi du 3 avril 1955 a été déclaré par décret en conseil des ministres. Il a été prorogé, pour une durée de 3 mois à compter du 26 novembre, par la loi du 20 novembre 2015, qui a également modifié certains articles de la loi du 3 avril 1955.