Centrale nucléaire de Fessenheim

Décision de justice
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Le Conseil d’État rejette le recours tendant à la suspension immédiate et complète du fonctionnement de la centrale nucléaire de Fessenheim.

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L’essentiel

- Le Conseil d’État a rejeté les requêtes formées par l’Association trinationale de protection nucléaire et plusieurs particuliers à l’encontre des refus, opposés par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et les ministres de l’économie, de l’écologie et de l’industrie à leur demande de suspension immédiate et complète du fonctionnement de la centrale nucléaire de Fessenheim.

- Après une instruction impliquant la réalisation d’une enquête à la barre[1], le 15 avril 2013, le Conseil d’État a estimé que les méthodes d’évaluation et de prise en compte des risques liés au fonctionnement de la centrale, mis en œuvre par l’ASN et Electricité de France (EDF), garantissaient de manière suffisante la protection de la sécurité, de la santé publique et de l'environnement.

- Il a également estimé qu’il ne résultait pas de l’instruction que la poursuite de l’exploitation de la centrale présenterait des risques graves et imminents justifiant la suspension immédiate de son activité telle que demandée par les requérants.

 

1.  Les faits à l’origine de l’affaire

Estimant que le fonctionnement de la centrale de Fessenheim faisait peser des risques graves sur la santé, la sécurité et l’environnement, l’Association trinationale de protection nucléaire et plusieurs particuliers ont demandé aux ministres chargés de la sûreté nucléaire, d’une part, et à l’Autorité de sûreté nucléaire, d’autre part, de faire jouer les pouvoirs que leur confèrent les articles L. 593-21 et L. 593-22 du code de l’environnement de suspendre l’exploitation d’une centrale nucléaire.

Ces demandes étant restées sans réponse pendant plus de deux mois, les requérants ont saisi la juridiction administrative d’un recours de pleine juridiction dirigé contre les refus implicites qui leur avaient été opposés. Le Conseil d’État était compétent en premier et dernier ressort pour connaître du litige.

 

2.  La décision du Conseil d’État

Les requérants contestaient, notamment à la lumière des enseignements tirés de l’accident de Fukushima, tant les méthodes d’évaluation des risques utilisés par l’ASN et EDF lors des examens de sûreté de la centrale que le caractère suffisant des prescriptions dont l’ASN a ordonné la mise en œuvre à EDF. Ils invoquaient en particulier le risque sismique propre à la zone d’implantation du site, le risque d’inondation lié à la proximité du Rhin et du grand canal d’Alsace, le nombre élevé depuis 2004 des incidents survenus sur le site ainsi que l’illégalité des normes de rejet d’effluents liquides et gazeux applicables à la centrale de Fessenheim.

Le Conseil d’État a commencé par examiner les méthodes d’évaluation et de prise en compte des risques. Il a rappelé que la centrale avait fait l’objet de visites régulières de l’ASN dans le cadre des réexamens périodiques de la sûreté des installations nucléaires de base, mais également d’une évaluation complémentaire de la sûreté de ses réacteurs à la suite de l’accident survenu à la centrale de Fukushima. Il a estimé, en s’appuyant sur les informations recueillies lors de l’enquête à la barre, que ces évaluations avaient effectivement permis de tester le comportement des réacteurs face à des situations extrêmes, y compris dans des hypothèses de cumul de risques, notamment de séisme et d’inondation concomitants.

Le Conseil d’État a ensuite, après une analyse détaillée de la réalité des risques allégués et des mesures prises pour y répondre, écarté l’argument selon lequel le risque sismique aurait été sous-évalué et affirmé qu’il ne résultait pas de l’instruction d’impossibilité de parer aux risques d’inondation du site. Il a relevé que l’instruction n’avait pas révélé que les mesures prescrites afin de garantir le fonctionnement normal des installations en cas de survenance d’un ou plusieurs des risques envisagés (construction de talus et de murets de protection, rehaussement des matériels électriques, ajout d’un groupe électrogène, etc.) seraient insuffisantes.

Le Conseil d’État a enfin constaté que, si la centrale de Fessenheim a connu, entre 2004 et 2009, un nombre d’incidents plus élevé que celui relevé en moyenne dans les installations de même type, ceux-ci correspondaient à des incidents mineurs dont le nombre a, depuis, été ramené un niveau comparable à la moyenne. Il en a déduit que ces incidents ne révélaient pas par eux-mêmes l’existence de risques graves et imminents, pas plus que les niveaux de rejets effectivement constatés d’effluents radioactifs par la centrale.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil d’État a estimé que la condition de risque graves et imminents pour la protection de la sécurité, de la santé et de la salubrité publiques, de la nature et de l'environnement mise par le code de l’environnement à la suspension du fonctionnement de la centrale n’était pas remplie. Il a rejeté, en conséquence, les requêtes qui lui étaient soumises.

[1]L’enquête à la barre est une mesure d’instruction prévue par les articles R623-1 et suivants du code justice administrative. Elle permet à la juridiction d’entendre des témoins sur les faits dont la constatation lui paraît utile à l'instruction de l’affaire.