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Depuis 150 ans, un juge indépendant pour trancher les litiges avec l’administration

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Avec la loi du 24 mai 1872, le Conseil d’État devient un juge indépendant pour trancher les conflits qui opposent les citoyens aux administrations. Depuis cette date charnière dans son histoire, la justice administrative a renforcé ses pouvoirs de contrôle des actions de l’administration, pour toujours mieux garantir que les droits et libertés de chacun sont effectivement respectés. Saisine directe des citoyens, création des tribunaux et des cours, pouvoir d’injonction, jugements en urgence… Retour sur 150 ans d’évolution de la justice administrative au service de l’État de droit et des citoyens.

 

 

D’abord conçue, après la Révolution française, pour éviter l’interférence du juge judiciaire dans l’action de l’État, la justice administrative va s’émanciper du pouvoir politique et devenir indépendante. Avec la loi du 24 mai 1872, le Conseil d’État devient une véritable juridiction qui rend des décisions de justice « au nom du peuple français ». 

 

Première page de la loi portant réorganisation du Conseil d'État du 24 mai 1872.

 

Si le chef de l’État tranchait auparavant les conflits avec l’administration sur la base de projets de décision préparés par le Conseil d’État, c’est désormais ce dernier qui décide lui-même souverainement, sans intervention du pouvoir exécutif. C’est le passage de la « justice retenue », dans les mains du chef de l’État, à la « justice déléguée », dans les mains d’un juge spécialisé et indépendant.

Depuis la loi du 24 mai 1872, l’accessibilité du juge administratif, son efficacité et son indépendance ont été renforcées pour garantir un meilleur contrôle de l’administration et une meilleure protection des droits des citoyens.

 

1889 : le Conseil d’État peut être saisi directement par les citoyens


S’il fallait jusqu’alors s’adresser au ministre afin de contester une décision ou une action de l’administration, tout change le 13 décembre 1889. À partir de cette date, un citoyen peut saisir directement le Conseil d’État afin qu’il statue directement, et donc plus rapidement sur un conflit qui l’oppose à l’administration (décision Cadot, Conseil d’État). C’est la fin de ce qu’on appelait la « théorie du ministre-juge », le ministre n’intervenant plus pour prendre une décision sur un litige avant le Conseil d’État. 

 

1926, 1953 : des conseils de préfecture aux tribunaux administratifs


Dès 1926, les conseils de préfecture interdépartementaux, ancêtres des tribunaux administratifs, s’émancipent des préfets et acquièrent leur indépendance : ils sont désormais composés de juges indépendants et leur président est nommé par décret (réforme du 6 septembre 1926). 
27 ans plus tard, le 30 septembre 1953, les tribunaux administratifs remplacent les conseils de préfecture. Ils deviennent les juges de droit commun que les citoyens saisissent en première instance (décret du 30 septembre 1953), le Conseil d’État devenant juge d’appel. 

 

1980 : la justice administrative protégée par la Constitution


Le Conseil constitutionnel juge le 22 juillet 1980 (décision n°80-119 DC) que l’indépendance de la justice administrative est un principe fondamental reconnu par les lois de la République, c’est-à-dire qu’elle est protégée au niveau constitutionnel, « depuis la loi du 24 mai 1872 ».  

 

1987 : les cours administratives d’appel sont créées à leur tour


La loi du 31 décembre 1987 complète l’organisation de la justice administrative en instaurant les cours administratives d’appel qui sont compétentes pour juger en appel la quasi-totalité des jugements des tribunaux administratifs, auparavant renvoyés au Conseil d’État. Ce dernier devient le juge de cassation des décisions rendues par ces nouvelles cours.

 

1995 : la justice administrative peut ordonner des mesures à l’administration


Depuis la loi du 8 février 1995, le juge administratif peut adresser des injonctions à l’administration : il ne se limite plus seulement à annuler les mesures non conformes au droit. Lorsqu'une décision du juge administratif implique que l’administration agisse dans un sens donné, le juge peut désormais lui ordonner de prendre les mesures nécessaires. Et si ces mesures ne sont pas exécutées par l’administration, un citoyen peut revenir devant le juge pour lui demander de contraindre l’administration en prononçant des astreintes.

 

2000 : la justice administrative peut désormais juger en urgence 


Grâce à la loi du 30 juin 2000, le citoyen peut saisir le juge administratif via une procédure d’urgence, « le référé ». En cas d’urgence, le juge peut désormais suspendre en quelques jours, voire en quelques heures, une décision de l’administration. Car il y a des situations qui ne peuvent attendre : lorsque l’administration porte gravement atteinte à des libertés fondamentales ou lorsqu’elle prend une décision illégale qui porte immédiatement préjudice à un citoyen.
Elle fait de lui un juge de l’urgence et de la proximité, capable de prendre les décisions les plus efficaces et les plus concrètes possibles dans des délais extrêmement brefs… Une procédure qui s’est révélée particulièrement utile pendant les derniers états d’urgence terroriste et sanitaire notamment.

 

2018 : les citoyens peuvent saisir la justice administrative en quelques clics


Pour garantir un accès toujours plus facile et effectif au juge, les tribunaux administratifs, les cours administratives d’appel et le Conseil d’État peuvent être saisis par internet sur le site Télérecours citoyens, depuis fin 2018. 7 jours sur 7, 24h sur 24, les citoyens peuvent en quelques clics déposer et suivre leur recours auprès de la justice administrative.