Directive Retour

Décision de justice
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Pour le Conseil d’État, la « directive retour » est directement invocable par les justiciables contestant l’arrêté de reconduite à la frontière dont ils font l’objet

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Le Conseil d’État était saisi par un tribunal administratif de la question de savoir si la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (dite « directive retour »), qui n’a pas été transposée en droit français dans le délai qu’elle fixait, est directement invocable par les étrangers contestant la mesure de reconduite à la frontière dont ils font l’objet.

La « directive retour » vise à fixer des normes et procédures communes au retour dans leur pays d’origine ou tout Etat tiers des citoyens non ressortissants d’un Etat de l’Union en situation irrégulière sur le territoire de l’Union. Son article 7 prévoit qu’une décision de reconduite d’un étranger doit laisser un délai approprié, allant de 7 à 30 jours, pour permettre le départ volontaire de l’étranger concerné. Ce n’est qu’à l’expiration de ce délai que la mesure d’éloignement peut être exécutée. En outre, le quatrième paragraphe de ce même article aménage des possibilités de réduction, voire de suppression de ce délai dans certaines hypothèses (risque de fuite, demande de séjour régulier rejetée comme manifestement non fondée ou frauduleuse, danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale).

Alors que le projet de loi comportant les dispositions de transposition de la « directive retour » est toujours en cours d’examen au Parlement, le délai imparti aux Etats membres pour procéder à cette transposition a expiré le 24 décembre 2010. Or, dans sa rédaction actuelle, le II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui fixe le régime des arrêtés de reconduite à la frontière, n’aménage aucun délai pour le départ volontaire de l’étranger préalablement à la mise en œuvre de la mesure d’éloignement. Se posait donc la question de la compatibilité des arrêtés de reconduite à la frontière pris depuis le 25 décembre 2010 avec la « directive retour ». A noter en revanche que le I de l’article L. 511-1 du CESEDA, qui fixe le régime particulier de la décision portant obligation de quitter le territoire française, dite OQTF, et qui repose déjà sur une logique consistant à prévoir un délai de départ volontaire fixé par la loi à un mois n’est pas concerné.

Dans son avis contentieux, le Conseil d’État a tout d’abord précisé que les dispositions de la directive ne faisaient pas obstacle à ce qu’une mesure de reconduite soit prise sur le fondement du II de l’article L. 511-1 du CESEDA, à condition que cette mesure respecte les conditions de forme et de fond prévues par la directive et qu’elle comporte donc notamment, dans tous les cas où la directive l’exige, un délai minimal de 7 jours avant toute mise en œuvre de la mesure, pour permettre le départ volontaire de l’étranger.

Il a ensuite estimé, en se fondant sur les critères définis par la Cour de justice de l’Union européenne, que les dispositions des articles 7 et 8 de la « directive retour » étaient suffisamment précises et inconditionnelles pour avoir un effet direct en droit interne. Il en a déduit qu’elles étaient susceptibles d’être invoquées par un justiciable contestant la mesure de reconduite dont il fait l’objet. Toutefois, la directive retour prévoyant, au 7) de l’article 3, que la notion de « risque de fuite » permettant de réduire ou supprimer le délai pour départ volontaire doit être définie par la législation nationale sur la base de critères objectifs, le Conseil d’État a également précisé que l’Etat ne pouvait pas, aussi longtemps que le droit national ne comporterait pas une telle définition, invoquer ce risque pour justifier une réduction ou une suppression de ce délai.

CE, avis du 21 mars 2011, MM. J. et T., n° s 345978 et 346612.