Le rôle du Comité chargé de donner un avis sur l’aptitude à exercer les fonctions de juge de l’Union européenne

Par Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'Etat
Discours
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Intervention de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État de France, président du comité prévu par l’article 255 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, devant la Commission des affaires juridiques du Parlement européen à Bruxelles le 30 mai 2013.

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Intervention de Jean-Marc Sauvé[1] , vice-président du Conseil d’Etat de France, président du comité prévu par l’article 255 du

Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,  devant la Commission des affaires juridiques du Parlement européen

Bruxelles, Jeudi 30 mai 2013

 

Monsieur le président Lehne,

Mesdames et Messieurs les député(e)s,

Je souhaite tout d’abord vous remercier de votre invitation. C’est avec plaisir que j’ai accepté de m’exprimer, en compagnie de ma collègue Ana Palacio, tant sur le bilan du comité 255 que sur le rôle qu’il pourrait jouer dans l’éventualité d’une évolution de la composition du Tribunal de l’Union européenne.

Le traité de Lisbonne a institué une procédure novatrice, qui demeure singulière au niveau des juridictions internationales, même si un mécanisme semblable a été instauré pour la Cour européenne des droits de l’homme, de nomination des juges après évaluation de l’adéquation de leur candidature par un comité indépendant et impartial, offrant de réelles garanties. Aux termes de l’article 255 TFUE, ce comité est en effet chargé de « donne(r) un avis sur l’adéquation des candidats à l’exercice des fonctions de juge et d’avocat général de la Cour de justice et du Tribunal (de l’Union européenne), avant que les gouvernements des Etats membres ne procèdent aux nominations… ». Cette mission est modeste, car le comité se borne à donner un avis, juridiquement non contraignant, qui de surcroît n’est pas rendu public. Mais cette mission est aussi essentielle : en introduisant une évaluation de l’adéquation des candidatures sur la base de critères objectifs de mérite, elle contribue en effet à l’affermissement de la justice de l’Union européenne.

Après une présentation du bilan de l’activité du comité (1), je vous ferai part de réflexions sur le rôle que pourrait jouer le comité au regard du projet d’augmentation du nombre des juges du Tribunal de l’Union européenne (2).

 

I. Le bilan de l’activité du comité

Après une présentation statistique (a), je reviendrai sur les critères que retient le comité et sur ses méthodes de travail (b).

a. Présentation statistique

Le comité a débuté son activité le 1er mars 2010. En un peu plus de trois années d’activité, il a examiné 59 candidatures, parmi lesquelles 27 nouvelles candidatures et 32 demandes de renouvellement. 36 de ces candidatures ont concerné le Tribunal de l’Union européenne et 23 la Cour de justice.

Le travail du comité suit un rythme cyclique, dicté par l’échéance des mandats : les années où intervient un renouvellement partiel des membres du Tribunal de l’Union européenne (2010 et 2013) ou de la Cour de justice (2012), son activité est soutenue. En dehors de ces périodes, c’est-à-dire une année sur trois, son activité est en revanche nettement plus réduite (3 avis rendus en 2011).

Le comité veille à ne pas entraver la bonne marche de la justice de l’Union européenne par une procédure d’examen qui serait trop longue. En moyenne, il s’est écoulé un délai de 66,5 jours entre la réception des candidatures et la date de l’avis du comité. Cette moyenne est artificiellement majorée par la présentation précoce par certains Etats de leurs candidats, très en amont de l’échéance des mandats en cours. A l’inverse, le comité est parfois saisi tardivement par les Etats : à titre d’exemple, pour le renouvellement partiel du Tribunal qui est en cours, seuls quatre Etats ont respecté la date-limite du 15 novembre 2012 pour la présentation des candidatures et certains Etats n’ont pas encore présenté leur candidat. Le comité a su alors prouver sa réactivité : il a dans 6 cas rendu son avis en moins de 30 jours. Le comité a donc répondu à une demande soutenue dans un délai raisonnable, voire, lorsque cela était nécessaire, avec une grande célérité.

Quant à l’issue des 59 candidatures examinées par lui à ce jour, 7 d’entre elles ont fait l’objet d’un avis défavorable. Ce chiffre est un peu trompeur, car si le comité ne s’interdit pas, par principe, d’émettre un avis défavorable à une candidature à un renouvellement, au cas où un candidat ne remplirait pas ou ne remplirait plus les conditions pour être juge de l’Union européenne, cette hypothèse ne s’est pas encore présentée. Le ratio d’avis négatif est donc, de fait, de 7 sur 27. Tous les avis du comité ont pour le moment été suivis par les Etats membres.

b. L’évaluation des candidatures par le comité

Comment le comité procède-t-il pour évaluer les candidatures ? Je souhaite présenter brièvement la procédure suivie ainsi que les critères retenus, avant d’insister sur les conclusions que le comité tire de ses trois années d’expérience.

i. Les deux premiers points, relatifs à la procédure suivie et aux critères retenus, sont maintenant bien connus, puisqu’ils sont précisés dans les deux rapports d’activité du comité, lesquels sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice.

La procédure actuellement suivie est différente, selon qu’il s’agit d’une candidature à un premier mandat ou d’un renouvellement. En effet, les règles de fonctionnement du comité[2] prévoient la tenue d’une audition uniquement en cas de candidature à un premier mandat. Le comité a par ailleurs souhaité disposer des éléments les plus complets en ce qui concerne les candidatures à un premier mandat et, faisant usage de ses pouvoirs d’instruction[3], il demande, entre autres éléments, un curriculum vitae détaillé, une lettre de motivation du candidat, des informations sur la procédure nationale de sélection, les motifs de la proposition de l’Etat ainsi que le texte d’une publication récente du candidat. Le comité cherche, par les demandes d’information qu’il présente, à se mettre en mesure d’exercer pleinement sa mission. Lorsqu’il est en possession de ces éléments, une audition est organisée pour les candidats à un premier mandat.

Aux termes de l’article 255, le comité se prononce sur l’adéquation des candidats à l’exercice des fonctions de juge ou d’avocat général. Cet article constitue évidemment une disposition centrale sur laquelle je reviendrai. Les critères d’évaluation des candidatures figurent aux articles 253 à 255 TFUE. Ces critères sont exhaustifs, mais le comité a néanmoins estimé nécessaire, afin d’exercer pleinement sa mission, de les expliciter et de les préciser au travers de cinq éléments qu’il apprécie lors de l’examen de chaque candidature. Les trois premiers de ces éléments sont en lien avec la capacité des candidats à exercer de très hautes ou de hautes fonctions juridictionnelles : le comité prend en considération, à cet égard, les capacités juridiques du candidat, son expérience professionnelle et l’aptitude à exercer les fonctions de juge. Le quatrième critère, les garanties d’indépendance et d’impartialité, figure expressément parmi les points mentionnés aux articles 253 et 254 du traité. Enfin, le cinquième critère que le comité prend en considération se rapporte aux connaissances linguistiques du candidat et à son aptitude à travailler dans un environnement international dans lequel sont représentées plusieurs traditions juridiques. Je ne reviens pas sur chacun de ces critères, que le comité a commentés dans ses deux rapports d’activité. Je suis bien entendu prêt à répondre à toute question que vous souhaiteriez me poser sur ce sujet.

ii. Il me semble en revanche utile d’exposer ce qu’attend concrètement le comité d’une candidature à des fonctions aussi importantes que celles de juge de l’Union.

Le comité s’efforce, lors de l’audition, de partir de l’expérience professionnelle du candidat pour apprécier sa connaissance et sa compréhension des grandes problématiques juridiques et des grands enjeux du droit de l’Union. Une évaluation purement quantitative du volume des connaissances abstraites des candidats n’aurait pas de sens et, d’ailleurs, le comité ne s’est jamais formalisé qu’un candidat ne sache pas répondre à telle ou telle question particulière ou ne soit pas un spécialiste de telle ou telle branche spécifique du droit de l’Union. Ce que cherche à apprécier le comité, c’est l’aptitude à réfléchir sur les conditions et les mécanismes d’application du droit de l’Union et des droits nationaux et sur l’articulation entre les systèmes juridiques européens et nationaux. Les opinions les plus variées sont, aux yeux du comité, également dignes d’intérêt, dès lors qu’elles sont correctement argumentées et qu’elles ne reposent par sur des connaissances erronées. Le comité s’efforce aussi de vérifier les connaissances de base, par exemple sur des jurisprudences fondatrices ou marquantes, et sur des enjeux majeurs, par exemple la portée du principe de primauté du droit de l’Union ou l’application de la Charte des droits fondamentaux. Enfin, le comité ne manque pas, dans le cadre des critères qu’il a retenus, de s’interroger sur l’aptitude du candidat à apporter, dans un délai raisonnable, une contribution efficace et pertinente au traitement des contentieux relevant des juridictions de l’Union.

Dans la grande majorité des cas, les candidats ont été en mesure d’établir, par les éléments versés au dossier comme lors de leur audition, qu’ils remplissaient les conditions requises pour être nommés aux fonctions pour lesquelles ils étaient présentés. La qualité de certaines candidatures – notamment par les capacités juridiques manifestées et l’expérience professionnelle présentée – est même apparue très remarquable, voire exceptionnelle.

Dans d’autres cas, sept, le comité a émis un avis défavorable. Cela s’est produit dans deux sortes de cas de figure. D’une part, lorsque la durée de l’expérience professionnelle de haut niveau du candidat lui est apparue notablement trop courte – très inférieure à 10 ans et parfois même à 5 ans – et que le candidat ne présentait pas les capacités juridiques exceptionnelles qui lui auraient permis de surmonter ce déficit. Le comité a également pu déplorer, chez tel ou tel candidat, l’absence de toute expérience professionnelle pertinente en relation avec le droit de l’Union. D’autre part, un avis défavorable a aussi été émis, lorsque les capacités juridiques des candidats sont apparues insuffisantes. Le comité a ainsi constaté que certains candidats n’étaient pas en mesure d’établir, par leur dossier écrit et leurs déclarations orales, qu’ils disposaient de connaissances de base suffisantes en relation avec le système juridique de l’Union, ni qu’ils maîtrisaient suffisamment les grandes questions relatives à l’application du droit de l’Union et aux relations entre systèmes juridiques. Ces lacunes sont parfois apparues préoccupantes au comité. Je précise que celui-ci n’entend bien entendu nullement, lorsqu’il rend un avis négatif, remettre en cause l’aptitude des candidats à exercer leurs fonctions, parfois éminentes, au niveau national.

Je souhaite souligner un dernier point en ce qui concerne l’évaluation des candidatures. Il me semble que l’un des apports majeurs du comité 255 réside dans la doctrine qu’il a dégagée et qu’il affine progressivement afin de répondre à la question de savoir comment évaluer les mérites d’un candidat aux fonctions de juge de l’Union européenne. Cette doctrine est connue de tous, non seulement des Etats à qui sont communiqués tous les avis, mais également des acteurs institutionnels, des candidats et des citoyens, dans la mesure où elle est clairement exprimée par les rapports d’activité du comité.

On le voit, le rôle du comité est limité et, pourtant, celui-ci a réussi à faire vivre un mécanisme d’évaluation indépendant et impartial des candidatures aux fonctions de juge de l’Union, apportant ainsi sa pierre à une œuvre qui le dépasse de beaucoup : l’affermissement de l’Etat de droit et de la justice en Europe. Voilà ce qu’a fait le comité. Je me propose maintenant d’aborder la question de savoir ce qu’il pourrait faire, dans la perspective d’une éventuelle augmentation du nombre des juges du Tribunal de l’Union européenne, augmentation proposée par la Cour de justice et qui paraît recueillir à ce stade une assez large adhésion des Etats membres.

 

II. Le comité 255 et l’éventuelle augmentation du nombre des juges du TUE

Avant de m’exprimer plus précisément sur les sujets traités par le projet de rapport de Mme Thein (2), je souhaite présenter quelques observations générales (1).

1.      Observations générales

Je ne peux, comme président du comité 255, que donner aux institutions de l’Union des éléments d’appréciation tirés de mon expérience sur les modalités de la nomination de juges supplémentaires au Tribunal, sans prétendre opérer un choix entre les deux schémas qui ont été jusqu’à présent évoqués : soit une rotation des mandats additionnels entre les Etats, quel que soit le système de rotation retenu ; soit une nomination basée sur le critère du mérite.

Cette prudence méthodologique ne doit pas conduire à dissimuler les préférences que je tire de la fonction confiée par le traité au comité que je préside. La première est que cette désignation des juges supplémentaires devrait privilégier le mérite, c'est-à-dire la compétence et l’aptitude à exercer les fonctions de juge, plutôt que des considérations telles que la nationalité, critère qui au demeurant a suscité des appréciations très divergentes entre Etat membres quant à sa mise en œuvre. La nomination de juges supplémentaires au Tribunal de l’Union doit en effet avoir pour finalité de favoriser le meilleur fonctionnement du système juridictionnel de l’Union et non la représentation des Etats. C’est d’ailleurs pour cela que le comité 255 a été institué par le traité de Lisbonne.

Dans le même esprit, le mode de nomination des juges supplémentaires devrait encourager la stabilité dans la fonction en permettant le renouvellement des mandats afin de favoriser la continuité et, par suite, la plus grande efficacité de la juridiction.

En troisième lieu, dans la mesure du possible, les modalités de nomination des juges supplémentaires et, notamment, le rôle du comité chargé d’évaluer les candidatures devraient être aussi proches que possible des conditions de nominations des 27 – bientôt 28 – juges actuels, pour éviter de créer une trop grande distinction entre deux procédures de nomination et donc deux catégories de juges au sein de la même juridiction.

Ces préférences étant précisées, trois points supplémentaires me paraissent devoir être soulignés, car ils sont, eux, incontournables. Ces trois points sont la conséquence de la rédaction même de l’article 254 TFUE aux termes duquel les membres du Tribunal « sont nommés d’un commun accord pour six ans par les gouvernements des Etats membres, après consultation du comité prévu par l’article 255. Les membres sortants peuvent être nommés à nouveau ». Il en résulte, en premier lieu, que les juges du Tribunal ne peuvent être nommés sans que le comité 255 n’ait donné son avis sur les candidatures : ce qui vaut pour les 27 premiers juges vaut bien sûr aussi pour les juges supplémentaires. Le statut de la Cour de justice ne saurait faire échec aux termes mêmes du traité. En deuxième lieu, le pouvoir de nomination ressortit à la compétence Etats membres qui statuent d’un commun accord. Il faut en déduire que si le comité doit rendre un avis, il ne dispose pas et ne saurait disposer en droit d’un pouvoir contraignant, soit de proposition, soit de blocage, même si dans les faits tous les avis du comité ont été suivis et s’il serait extrêmement difficile et même, à mes yeux, dommageable qu’il en aille autrement. En troisième lieu, il n’est pas possible d’instaurer ex ante un mandat unique de 6 ans non renouvelable pour les juges supplémentaires, ce qui contreviendrait aux termes mêmes de l’article 254 TFUE qui permet le renouvellement des mandats.

Le comité pourrait-il se prononcer sur des critères autres que ceux du mérite au sens large ? Eu égard aux termes du traité – et, en particulier à ceux de l’article 255 –, il me semble difficile que le comité puisse faire autre chose que d’évaluer « l’adéquation des candidats à l’exercice des fonctions de juge… ». Par conséquent, la prise en compte par le comité d’un critère tel que l’équilibre géographique des nominations pose question. Un tel critère pourrait en revanche être mieux pris en considération par les Etats au stade de la nomination à laquelle ils procèdent d’un commun accord.

Enfin, il faut souligner que si l’augmentation du nombre de juges va nécessairement induire un alourdissement de la charge de travail du comité, il est nécessaire de prévoir des mécanismes qui préservent l’efficacité de son action. C’est ainsi qu’une procédure qui conduirait à recueillir un grand nombre de candidatures ne devrait pas prévoir l’audition de la totalité des candidats, mais de ceux-là seulement dont le dossier démontrerait des capacités a priori suffisantes pour exercer les fonctions de juge.

2. Le projet de rapport de la Commission des affaires juridiques du 5 mars 2013

Au regard des considérations qui précèdent, le projet de rapport de votre Commission propose des options qui paraissent appropriées.

Ce projet me semble viable et paraît bien correspondre à l’objectif poursuivi de renforcement effectif du Tribunal de l’Union. Il accorde en effet au mérite une place de choix dans les critères de nomination, sans toutefois négliger les droits des Etats, et il confère au comité 255 un rôle cohérent avec l’objet de la mesure envisagée – qui est de nommer un nombre de juges supplémentaires, qui soit inférieur à celui des Etats membres – tout en étant, me semble t-il, pleinement compatible avec les termes du traité. Que les juges sortants puissent présenter leur candidature directement me semble ainsi utilement contrebalancer la possibilité pour les Etats de ne pas proposer le renouvellement d’un mandat qui arrive à échéance. Le mode de présentation des autres candidats, par les Etats membres, n’appelle pas non plus d’objection, même si un mécanisme alternatif pourrait tout aussi bien être conçu : à savoir, la libre présentation des candidatures, comme c’est le cas actuellement pour le Tribunal de la fonction publique. A l’inverse, cette présentation par les Etats permet de rapprocher quelque peu la procédure de choix des juges additionnels de celle des juges aujourd’hui en fonction au Tribunal de l’Union.

Quel serait plus précisément, dans le cadre de la procédure énoncée à l’amendement 20, le rôle du comité ? Il pourrait sans aucun doute, comme cela est proposé, émettre un avis, favorable ou défavorable, sur l’adéquation de chacun des candidats à l’exercice des fonctions de juge, ainsi qu’il le fait dès maintenant, puis dresser une liste des candidats les plus appropriés, ce qui constituerait pour lui une nouvelle attribution. A cet égard, la possibilité d’un classement selon un ordre de mérite des candidatures proposées paraît à la fois souhaitable et juridiquement possible au regard des termes du traité. Elle paraît résulter de l’amendement 20 en tant qu’il propose que le comité dresse « la liste des candidats possédant l’expérience de haut niveau la plus appropriée ». Au regard du texte proposé de l’amendement 20, sans doute faudrait-il adapter la rédaction de la dernière phrase de son paragraphe 3, de telle sorte que la liste établie par le comité comprenne un nombre de candidats au moins deux fois supérieur au nombre de juges à nommer, « sous réserve qu’un nombre suffisant de candidats soient jugés aptes par le comité 255 ». En effet, l’exigence d’une liste comportant deux fois plus de noms que de postes à pourvoir n’est pas problématique si quelques mandats seulement doivent être pourvus ; elle pourrait en revanche le devenir, si 12 juges devaient être nommés, par exemple à partir d’une trentaine de candidatures. Car il faudrait en pareil cas que le comité arrête une liste d’au moins 24 noms.

Il est clair que ces nouvelles dispositions devraient conduire le comité à adapter ses pratiques et ses méthodes de travail. Il faudrait en outre sans doute modifier, à la marge, ses règles de fonctionnement. Dans le cadre d’une nomination au mérite des juges supplémentaires, le comité devrait ainsi par exemple pouvoir auditionner ceux des juges sortants, qui sans être représentés par leur Etat d’origine souhaiteraient être candidats (cf. le texte de l’amendement 20), au même titre que les candidats à un premier mandat. Mais aucune de ces questions ne semble soulever d’obstacle insurmontable et le comité pourrait donc participer tout à fait utilement, dans le cadre ainsi défini, au processus de nomination des juges supplémentaires au Tribunal de l’Union européenne.

[Enfin, j’appelle l’attention sur le fait que la rédaction de l’amendement 24  pourrait conduire à ce que la durée de certains mandats excède six années, ce qui paraît poser problème au regard de l’article 254 TFUE. Cette rédaction devrait donc, me semble-t-il, être adaptée][4].

 

En conclusion, le comité accomplit sa mission de la manière la plus sérieuse et la plus approfondie possible avec une vive conscience, certes des limites de son office, mais aussi de ses responsabilités dans la nomination des juges et, par conséquent, dans le fonctionnement des juridictions de l’Union. Le chemin parcouru depuis plus de trois ans a montré que le comité ne conçoit pas son intervention comme une garantie de procédure formelle, mais bien comme une étape significative de la procédure de nomination des juges de l’Union.

Si le nombre des juges du Tribunal de l’Union devait être augmenté, il pourrait être nécessaire, en fonction des choix opérés par les institutions de l’Union, de se prononcer sur les mérites d’un nombre de candidatures supérieur à celui des postes à pourvoir et, dans ce cas, de proposer un classement des candidats en fonction de leurs mérites respectifs. Il pourrait aussi être envisagé que, selon d’autres modalités, certains États membres puissent désigner un juge supplémentaire. Dans toutes ces hypothèses, le comité 255 devrait, compte tenu des termes du TFUE, intervenir pour donner son avis sur l’aptitude des candidats à exercer les fonctions de juge. Son intervention devrait être modulée et pourrait donc varier selon la modalité finalement retenue pour nommer les juges supplémentaires. Mais elle paraît incontournable. Le comité est donc disponible pour assumer toute responsabilité supplémentaire qui lui serait confiée. Il tient à redire l’attachement qui est le sien à ce que le choix de ces juges prenne essentiellement en considération le mérite des candidats : c’est pour cela qu’il existe. Je vous remercie en tout cas vivement de l’associer pleinement à vos réflexions sur ce difficile sujet.

[1]Texte écrit en collaboration avec M. Olivier Fuchs, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’Etat.

[2]Article 7 de la décision du Conseil n° 2010/124/CE du 25 février 2010 relative aux règles de fonctionnement du comité prévu à l’article 255 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

[3]Article 6 des règles de fonctionnement du comité.

[4]Le paragraphe entre crochets n’a pas été prononcé.