Santé et justice : quelles responsabilités? Dix ans après la loi du 4 mars 2002

Par Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'Etat
Discours
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Intervention de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, lors du colloque organisé par le Conseil d’Etat et la Cour de cassation les 20 et 21 octobre 2011 sur le thème : "santé et justice : quelles responsabilités? Dix ans après la loi du 4 mars 2002".

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Santé et justice : quelles responsabilités ?

Dix ans après la loi du 4 mars 2002

Propos conclusifs

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Colloque organisé par le Conseil d’Etat et la Cour de cassation

les 20 et 21 octobre 2011

***

Intervention de Jean-Marc Sauvé[1]

vice-président du Conseil d’Etat

 

Conclure un colloque d’une telle densité, pour la première fois organisé conjointement par la Cour de cassation et le Conseil d’Etat, qui a rassemblé plus de quarante intervenants autour de sept tables rondes consacrées aux multiples aspects de la responsabilité médicale est une véritable gageure, surtout lorsque l’on supplée un ministre de manière imprévue dans cet exercice et qu’il faut tout dire ou presque en quinze minutes ! Mon trouble est encore accru par le fait que, en 35 ans de carrière, je n’ai guère participé au jugement d’affaires de responsabilité médicale, ce qui ne peut surprendre tout à fait puisqu’elles ne représentent qu’entre 1 % et 2% du contentieux administratif[2]. J’ai certes été rapporteur il y a 33 ans de la première affaire présentant à juger un moyen tiré de la violation de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme : le requérant était un médecin et la juridiction en cause, la section disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins. Mais je crains que ce bagage médical, somme toute limité, ne soit pas pertinent, ni suffisant au regard de l’objet de ce colloque.

Je souhaite, en premier lieu, féliciter les organisateurs de cet évènement et, tout particulièrement, la Cour de cassation ainsi que la section du rapport et des études du Conseil d’Etat, pour la parfaite maîtrise matérielle d’abord, intellectuelle ensuite, de cet évènement. Je le dis d’autant plus volontiers que si j’ai approuvé et soutenu ce projet, je n’ai guère pris part à sa préparation et à son organisation. Le travail réalisé en amont de ces journées - je pense notamment aux rencontres d’harmonisation des interventions par table ronde ainsi qu’à la constitution du très riche « dossier du participant » - ainsi que durant celles-ci, a contribué de manière décisive au caractère fécond des échanges et des discussions qui se sont déroulés. Ce travail se poursuivra avec la publication des actes de ce colloque. Je souhaite également remercier les chefs de la Cour de cassation qui nous ont accueillis hier dans la grand’chambre de la Cour et ont introduit le colloque, le président Dutheillet de Lamothe qui a ouvert la séance de ce jour, les présidents des sept tables rondes, tous également motivés et aguerris, et tous les intervenants, pour leur implication dans ce projet et la richesse de leurs réflexions et de leurs travaux qu’ils ont su partager avec nous. Je remercie tout spécialement les uns et les autres d’avoir consenti à se prêter à des prises de parole brèves et multiples évitant l’écueil de longs monologues successifs. Mais qu’ils se rassurent : personne ne sera dispensé de la production de textes écrits, complets et documentés en vue de la publication des actes du colloque. Je remercie également les nombreux et actifs participants à ce colloque, en regrettant que, parfois, les échanges avec la salle aient dû être quelque peu écourtés.

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a consacré une évolution conceptuelle et structurelle majeure du droit de la santé, notamment en reconnaissant et en précisant les droits des personnes malades et en clarifiant les responsabilités des professionnels et des établissements de santé. Cette loi, qui s’est en partie inscrite dans la tradition des régimes législatifs d’indemnisation, est intervenue dans un contexte d’incertitudes et de divergences sur les fondements de la responsabilité des professionnels et des établissements de santé, de dilution de la responsabilité pour faute, d’incertitude corrélative sur les droits à indemnisation, au total d’insuffisante protection des droits des malades. Ce contexte était également celui d’une défiance entre patients, d’une part, médecins et système de santé, d’autre part, à la suite de drames de santé publique qu’il est inutile de rappeler[3].

Il en résultait, dans le contexte particulier du dualisme juridictionnel, une sorte d’« émulation créatrice » jurisprudentielle et des désaccords, certes « stimulants »[4], mais peu compréhensibles entre les deux ordres de juridiction dans la recherche de solutions à des situations juridiquement et socialement complexes, qui ne trouvaient pas de réponse dans la loi ou alors des réponses très ponctuelles et insuffisantes. Au final, la protection assurée était inégale, incomplète et trop peu accessible.

Dix ans après son adoption, le bilan que l’on peut tirer de la loi, dans le domaine spécifique de la responsabilité médicale et de la réparation des préjudices subis par les patients, est positif, voire très positif, même si des manques se font sentir et si des évolutions législatives ou jurisprudentielles restent utiles, voire nécessaires.

Il me semble que deux tendances principales se dégagent des débats auxquels nous avons assisté. La loi du 4 mars 2002 établit tout d’abord un nouvel équilibre entre responsabilité et solidarité (I). Elle contribue également à l’affirmation des droits des personnes malades et, ce faisant, à une redéfinition des modalités de la réparation (II).

I. La loi du 4 mars 2002 établit un nouvel équilibre entre solidarité et responsabilité et entre réparation et répression

Cette loi consacre, dans des hypothèses qu’elle définit, une nouvelle exigence de solidarité nationale (A) et recentre les régimes de responsabilité autour de la faute (B). Elle a également des incidences sur les contentieux pénal et disciplinaire (C).

A. L’essor de la solidarité s’inscrit dans une tendance plus générale à la « socialisation du risque », c’est-à-dire à une mutualisation des risques, l’indemnisation étant alors déconnectée de la responsabilité. Elle est, ici comme dans d’autres domaines, l’œuvre du législateur[5]. Cet essor de la solidarité en matière d’accidents médicaux et d’infections nosocomiales s’est fait dans un cadre innovant (1). Cette dynamique, qui a été renforcée par le passage dans le giron de la responsabilité de régimes plus ponctuels (2), n’est toutefois pas sans limites (3).

1. La loi du 4 mars 2002, telle que complétée notamment par la loi n°2002-1577 du 30 décembre 2002[6], consacre, dans les cas les plus graves, l’essor de la solidarité nationale en ce qui concerne, d’une part, les accidents médicaux non fautifs et, d’autre part, les affections iatrogènes et les infections nosocomiales.

Pour que les dommages puissent être réparés dans le cadre de la solidarité nationale, certaines conditions, énoncées par le II de l’article L. 1142‑1 du code de la santé publique, doivent être remplies. Les accidents médicaux non fautifs, qui sont définis comme directement imputables à un acte de prévention, de diagnostic ou de soin, sont réparés dans le cadre de la solidarité nationale, dès lors qu’ils remplissent un critère de gravité[7] et un critère d’anormalité au regard de l’état de santé du patient comme de l’évolution prévisible de celui-ci, cette dernière condition étant, comme cela a été rappelé au cours de notre colloque, assez difficile à appréhender concrètement. Sur ces points, la loi a mis fin de manière opportune à la divergence qui existait entre les deux ordres de juridiction quant à la réparation des conséquences de l’aléa thérapeutique[8].

En ce qui concerne plus particulièrement la réparation des affections iatrogènes et des infections nosocomiales contractées dans les établissements hospitaliers, après le 1er janvier 2003[9], elle relève de la solidarité nationale, dès lors que le taux d’incapacité permanente partielle est supérieur à 25% ou que le patient est décédé[10]. La loi a sur ce point fait converger et aboutir les tendances jurisprudentielles dégagées en matière d’indemnisation des dommages causés par les infections nosocomiales[11]. La cause d’exonération, retenue dans le régime antérieur par le juge administratif uniquement, relative à l’origine exogène de l’infection, est en outre abandonnée[12].

Avec la loi du 4 mars 2002, la réparation de ces dommages s’effectue désormais dans un cadre inédit, selon une procédure innovante et efficace de conciliation et de règlement amiable, qui repose sur l’action des commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI) et de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). La procédure est plus rapide que dans le cadre des actions en responsabilité devant les juridictions. Elle est également, ainsi que les échanges l’ont montré, fiable et efficace. Bien qu’il faille apprécier, en ce domaine comme en d’autres, les statistiques avec précaution[13], la part des règlements amiables des affaires est très importante, d’environ 70 % au total. Ce résultat montre que la procédure de règlement amiable des litiges issue de la loi du 4 mars 2002, qui n’est pas obligatoire, est une réelle réussite. Une telle procédure gagnerait, mutatis mutandis, à être étendue à la gestion préventive d’autres contentieux, en dehors même de la sphère sanitaire.

2. La dynamique de solidarité, ainsi que la place de l’ONIAM dans le dispositif général d’indemnisation, sont renforcées par le passage dans le giron de la solidarité de régimes plus ponctuels, dont la plupart reposaient auparavant sur une responsabilité sans faute. Il en va ainsi, par exemple, de la réparation des dommages résultant des vaccinations obligatoires[14]. Parallèlement à la possibilité d’agir en justice, l’ONIAM est également dorénavant compétent, au nom de la solidarité nationale, pour indemniser les victimes de contaminations par le VIH, compétence auparavant dévolue au Fonds d’indemnisation pour les transfusés et les hémophiles[15], et par le virus de l’hépatite C[16]. Les obligations de l’Association France-Hypophyse ont également été transférées à l’ONIAM[17]. De même, les dommages imputables au Benfluorex, principe actif du Médiator, pourront être pris en charge, comme cela été évoqué lors de notre septième table ronde, par l’ONIAM se substituant au responsable, en application de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, à charge pour cet établissement de se retourner contre le laboratoire ayant produit cette molécule[18].

3. Toutefois, la solidarité, malgré son essor, n’implique pas une réparation de tous les dommages causés lors d’une prise en charge médicale : elle ne constitue donc pas une garantie générale contre le risque médical. En premier lieu, ainsi que cela a été très justement souligné lors de la première table ronde, l’aléa thérapeutique ne constitue pas une catégorie juridique prenant en compte tous les évènements indésirables ou inexpliqués. L’accouchement, par exemple, ne constitue pas en soi un acte médical mais est cependant accompli dans un univers médicalisé, avec intervention possible d’actes de soins. La loi empêche également, par le biais de la condition d’anormalité, que l’échec thérapeutique soit considéré comme un aléa. En deuxième lieu, les conditions que j’ai déjà évoquées de recours à la solidarité nationale limitent le champ de celle-ci aux dommages les plus graves.

Si la loi du 4 mars 2002 a parfois repris des principes jurisprudentiels, elle « innove radicalement »[19] par l’institution d’un mécanisme spécifique de réparation de certains dommages par le biais de la solidarité nationale. En contrepartie à cette extension de la solidarité nationale, les régimes de responsabilité ont été recentrés autour de la faute.

B. Du fait du développement des régimes de solidarité, la responsabilité sans faute n’occupe plus qu’une place marginale (1),d’autant que le législateur a lui-même posé le principe de l’exigence d’une faute (2).

1. La responsabilité sans faute ne joue plus qu’un rôle marginal[20], elle n’existe plus que « par exception »[21]. Comme cela a été souligné, hormis quelques régimes jurisprudentiels qui subsistent[22], deux exceptions législatives au principe de la faute ont été posées par l’article L. 1142-1 du code de la santé.

Il s’agit tout d’abord de la réparation des infections nosocomiales. Selon le texte, les établissements de santé « sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ». La doctrine ne s’accorde pas sur le caractère du régime de responsabilité, pour faute ou sans faute, qui découle de ces dispositions[23]. Convenons que ce débat n’est toutefois pas d’une grande importance pratique, l’établissement de santé ne pouvant, en tout état de cause, s’exonérer qu’en cas de cause étrangère. Les échanges de la septième table ronde, comme ceux de la troisième, ont également montré à quel point cette notion de « cause étrangère » représentait un ensemble quasi-vide, en l’absence de faute de la victime, de force majeure ou de cas fortuit. Un très récent arrêt du Conseil d’Etat concernant le centre hospitalier d’Angers vient de le rappeler[24]. Enfin, et contrairement à la situation antérieure à la loi du 4 mars 2002, les infections nosocomiales contractées lors d’actes de médecine de ville sont exclues du régime de responsabilité de plein droit institué par l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, ainsi que cela a été souligné lors de la dernière table ronde[25].

Outre cette première exception, l’article L. 1142-1 du code de la santé publique réserve également les cas où la responsabilité est encourue à raison d’un défaut d’un produit de santé. En cette matière, les échanges lors de la septième table l’ont bien montré, la conciliation entre le régime issu du droit de l’Union européenne, qui instaure une responsabilité objective du producteur dès lors qu’un produit a été mis en circulation et qu’il est défectueux[26], et le régime jurisprudentiel existant, tel qu’issu de l’arrêt Marzouk [27], est si délicate que la question a été renvoyée à la sagesse de la Cour de justice de l’Union européenne[28].

La responsabilité sans faute est donc l’exception. Elle est en outre subsidiaire dès lors que peut jouer, dans les conditions susmentionnées, la solidarité nationale pour les infections nosocomiales les plus graves.

2. La loi du 4 mars 2002 a en outre affirmé, à l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, la faute comme le fondement principal de la responsabilité médicale. La place essentielle de la faute a procédé de la volonté du législateur de donner un coup d’arrêt à une jurisprudence qui s’éloignait trop de ce fondement et elle apparaît comme la contrepartie de l’extension de la responsabilité de plein droit et de la solidarité nationale. Par ailleurs, à la suite de l’abandon du critère de la faute lourde, consécutif aux jurisprudences aussi bien administrative – et notamment l’arrêt Epoux V. en 1992[29] – que judiciaire, et sauf en matière de diagnostic prénatal où le législateur a posé la condition d’une faute caractérisée[30], il faut constater l’heureuse et presque complète unification du régime de responsabilité pour faute autour de la faute simple. Celle-ci peut, dans certains cas circonscrits, être présumée ou révélée, ainsi que le relève la jurisprudence, notamment pour les actes de soins courants[31],comme cela a été souligné au cours de la deuxième table ronde.

Le constat d’une faute conduit à une réparation fondée sur la responsabilité de l’auteur, le tiers payeur, qui a pris en charge les conséquences dommageables de la faute, disposant d’un recours subrogatoire contre l’auteur du dommage.

La question de savoir si la mise en œuvre d’un régime de solidarité a eu une influence sur l’appréciation de la faute par les juridictions est particulièrement pertinente et a été justement débattue. Lors de la première table ronde, les intervenants se sont rejoints pour souligner que « l’existence d’un régime d’indemnisation ne rétroagit pas sur la qualification juridique de faute »[32]. Cette appréciation, qui est tout à fait exacte lorsque le litige est porté devant les juridictions et, en particulier, devant les cours suprêmes, l’est sans doute moins d’un point de vue plus général, dès lors que les victimes pratiquent volontiers le « shopping procédural », comme cela a été relevé ce matin lors de la quatrième table ronde. Elles peuvent ainsi en opportunité opter pour l’appel à la solidarité nationale, plutôt que se fonder sur la faute. Mais la stratégie des victimes ne s’impose évidemment pas aux CRCI qui, on le sait, concluent dans le tiers des cas où elles estiment qu’il y a matière à indemnisation, à l’existence d’une faute dans 50 % des cas et à une indemnisation fondée sur la solidarité dans 50 % des cas.

La loi du 4 mars 2002 conduit donc à un nouvel équilibre, caractérisé par l’essor de l’indemnisation par le biais de la solidarité nationale et le recentrage des régimes de responsabilité autour de la faute.

C. Dans ce nouvel équilibre entre solidarité et responsabilité, quelle est la place de la répression et, par suite, des contentieux pénal et disciplinaire ? Il faut bien distinguer, en ce qui concerne le contentieux pénal tout d’abord, la dimension quantitative – in fine,les condamnations sont, on le sait, très peu nombreuses malgré l’augmentation du nombre des plaintes – elles représentent 0,01 % du nombre des professionnels de santé assurés – de la dimension psychologique ou ressentie, c’est-à-dire le sentiment qu’ont les professionnels de santé d’un accroissement du risque pénal. S’agissant des procédures disciplinaires, la loi du 4 mars 2002 a conduit à d’importantes modifications, les victimes pouvant saisir le Conseil départemental de l’ordre et être parties à la procédure, ce qui a entraîné une augmentation du nombre des saisines. Ces procédures, même lorsqu’elles n’aboutissent pas, sont souvent vécues comme une condamnation morale – voire sociale – par les médecins. Mais il a aussi été souligné hier, lors de la troisième table ronde, que l’accès au dossier médical, comme le succès des procédures de règlement amiable, limitent dans un certain nombre de cas le besoin social de recourir à une procédure pénale et disciplinaire. Cela explique le très petit nombre des procédures pénales ainsi que la modestie, en dépit d’une hausse récente, des procédures disciplinaires, les unes et les autres pouvant cependant avoir un grand retentissement médiatique ou personnel.

La loi du 4 mars 2002 établit au total un nouvel équilibre entre responsabilité et solidarité. Elle prévient aussi l’abus des procédures répressives. Elle contribue également à une plus grande sécurité juridique et à l’affirmation des droits des personnes malades.

II. La deuxième orientation fondamentale de la loi du 4 mars 2002 est qu’elle initie une dynamique de meilleure protection des victimes, en particulier en affirmant les droits des personnes malades, et de plus grande sécurité juridique.

Avec la loi du 4 mars 2002, le législateur a voulu, avant toute chose, affirmer les droits des personnes malades et garantir leur égalité devant la loi (A). Les évolutions subséquentes ont également conduit à une redéfinition des modalités d’indemnisation mettant la victime dans une situation plus favorable qu’auparavant (B).

A. Cette loi a eu pour objectif majeur d’affirmer les droits des personnes malades et des usagers dans leurs relations avec le système de santé (2). Il convenait donc aussi qu’elle homogénéise les régimes juridiques applicables et garantisse l’égalité de tous devant la loi (1).

1. Le législateur a saisi l’occasion de cette loi ambitieuse pour harmoniser plusieurs règles applicables à l’ensemble des professionnels de santé. L’affirmation de la faute comme fondement principal de la responsabilité des professionnels de santé, que j’ai déjà évoquée, et la création de régimes de responsabilité de plein droit ont ainsi conduit à estomper les différences pouvant exister entre faute délictuelle et faute contractuelle, de même qu’entre faute civile et faute administrative[33]. La loi du 4 mars 2002 a également unifié les régimes de prescription. Il n’était pas acceptable que la victime, selon l’origine du dommage qu’elle subit, se fasse opposer une prescription quadriennale ou puisse bénéficier d’une prescription trentenaire. L’instauration d’une prescription décennale unique est donc une avancée significative[34]. De même, il n’était pas raisonnable que soient maintenues les divergences jurisprudentielles qui existaient quant à l’indemnisation du préjudice du fait de la naissance[35]. La loi a aussi permis de préciser le droit applicable aux expertises, notamment avec la mise en place la Commission nationale des accidents médicaux[36] qui inscrit les experts sur une liste nationale et contribue à leur formation, comme nous l’avons mesuré dans le cadre de la sixième table ronde.

2. En ce qui concerne la substance des droits des malades, le droit d’être informé sur son état de santé, qui constitue la condition d’un consentement éclairé, a été consacré de manière particulièrement explicite par la loi de 2002, qui l’a assorti de trois exceptions : l’urgence, l’impossibilité d’informer ou la volonté d’être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic. Cette obligation très générale d’information, qui a posé de délicats problèmes pratiques et éthiques de mise en œuvre exposés ce matin lors de la cinquième table ronde, s’est traduite d’abord, en cas de manquement, par une réparation intégrale du préjudice corporel subi puis, à partir de 1990 pour la Cour de cassation et de 2000 pour le Conseil d’Etat[37], par une indemnisation de la perte de chance. Il a été précisé, en outre, qu’une telle réparation n’est pas exclusive d’une indemnisation au titre d’une faute technique ou suite à la survenue d’un accident médical[38].

La notion même de perte de chance est complexe, tant elle se manifeste en jurisprudence, ainsi que cela a été souligné lors des deuxième et cinquième tables rondes, à la fois comme un préjudice particulier et comme une distension, je n’ose dire une distorsion, du lien de causalité. La perte de chance a en tout état de cause permis d’aborder de manière plus favorable à la victime la question de l’incertitude scientifique. C’est également le cas lorsque sont instituées des présomptions de causalité[39]. Si le principe reste que la preuve du lien de causalité incombe au demandeur, l’imputabilité d’un préjudice a dans certains cas été reconnue, alors même que le lien de causalité n’était pas directement établi, ce qui met en évidence une rupture entre causalité scientifique et causalité juridique, la seconde pouvant s’apprécier plus souplement que la première, d’une manière probabiliste. Cette approche a été retenue par le Conseil d’Etat puis par la Cour de cassation, lorsqu’une affection démyélinisante – par exemple, une sclérose en plaques – survient à la suite d’une vaccination contre l’hépatite B[40]. Cette solution est contestée par les professionnels de santé qui soulignent l’effet négatif qu’elle pourrait avoir sur la lutte contre l’hépatite B[41]. Des présomptions, légales cette fois-ci, existent également en matière transfusionnelle[42]. Comme cela a été souligné hier, la victime peut parfois être placée dans une situation paradoxale dans le cas où l’hypothèse nosocomiale entre en concurrence avec l’hypothèse transfusionnelle. Cette question a été résolue par le Conseil d’Etat dans deux décisions très récentes, rendues le 19 octobre, c’est-à-dire avant-hier, et qui font prévaloir la présomption légale qui s’attache à la cause transfusionnelle du fait de la rédaction même de l’article 102 de la loi du 4 mars 2002, qui précise que « le doute profite au demandeur »[43].

La loi du 4 mars 2002, telle qu’interprétée par le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, permet ainsi une meilleure protection des droits des malades. Elle clarifie en outre les droits des personnes et des organismes en charge de la réparation et la démarche de partage de l’indemnisation entre la victime et les tiers payeurs.

B. Cette loi initie en effet un processus qui a conduit à redéfinir les modalités de l’indemnisation, ce qui, in fine, favorise la sécurité juridique des victimes et des acteurs en charge de la réparation, même si des débats et des interrogations subsistent, ainsi que l’ont rappelé plusieurs participants à la quatrième table ronde de ce matin[44]. Ont été précisés non seulement les préjudices indemnisables (1), mais également les modalités de répartition de l’indemnité entre les victimes ou leurs ayants droits et les tiers payeurs (2).

1. Avec l’adoption de la loi n° 2006-1140 du 21 décembre 2006[45], la notion de poste de préjudice devient déterminante. Elle modifie en effet les dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale aux termes duquel « les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ». Une telle approche, poste par poste et non plus globale, avait déjà été adoptée par le groupe dirigé par le président Dintilhac, à la demande de la secrétaire d’Etat aux victimes, qui avait donné pour mission « l’établissement d’une nomenclature des chefs de préjudice corporel cohérente, reposant sur une distinction claire entre les préjudices économiques et non économiques, notamment en ce qui concerne l’incapacité permanente partielle »[46]. Cette nomenclature comportant 29 chefs de préjudice différents a spontanément été adoptée par les juridictions de l’ordre judiciaire, comme nous l’a rappelé ce matin le conseiller doyen Jean Mazars[47].

Le Conseil d’Etat n’a pas retenu exactement la même approche et il a préféré, par la voie prétorienne[48], retenir une démarche à la fois non exhaustive et plus globalisante. Les mérites respectifs de ces deux approches ont été exposés et discutés lors de la quatrième table ronde au regard des critères suivants : la meilleure protection des victimes ; la simplicité et la lisibilité de la réparation ; l’harmonisation de celle-ci entre juridictions  du même ordre ou des deux ordres, judiciaire et administratif ; et enfin l’exercice du contrôle des juridictions d’appel et de cassation. Il convient sans doute qu’après le temps de la jurisprudence et celui de son évaluation, les réformes envisagées sur le sujet aboutissent. A cet égard, je n’en mentionnerai qu’une : l’article 56 de la loi du 10 août 2011, qui a été censuré pour un vice de procédure, proposait que les dommages corporels pour lesquels la victime peut prétendre à indemnisation soient déterminés suivant une nomenclature non limitative de postes de préjudice, patrimoniaux et extrapatrimoniaux, fixée par décret en Conseil d’État[49].

Les différents préjudices indemnisables ont donc été affinés et sont désormais analysés poste par poste. Même si des divergences subsistent entre les ordres de juridiction, cette évolution constitue une clarification bienvenue pour les victimes. Elle s’est accompagnée d’une modification des modalités de répartition de l’indemnité entre les victimes et les tiers payeurs.

2. La loi déjà mentionnée du 21 décembre 2006 a conduit à un changement fondamental en posant un principe de priorité de la victime par rapport au tiers payeur, qui a eu des conséquences importantes sur les modalités de la réparation. Il a beaucoup été question aujourd’hui, à juste titre, des différences d’approche retenue par les deux ordres de juridiction. Mais je souhaiterais souligner, avant de revenir sur ce point, que si la situation antérieure à 2006 était favorable aux tiers payeurs, celle postérieure à 2006 a inversé le mécanisme au profit des victimes[50]. La méthode dégagée par le Conseil d’Etat dans son avis Lagier de 2007 consiste à accorder d’abord à la victime, dans le cadre de chaque poste d’indemnisation et dans la limite de l’indemnité mise à la charge du débiteur de la réparation, la somme correspondant à la part des dommages non réparés, puis, le cas échéant, à faire bénéficier le ou les tiers payeurs du solde de l’indemnité[51]. La Cour de cassation adopte sur ce point une démarche concordante[52], contribuant ainsi à une meilleure protection des victimes et à une plus grande sécurité juridique des acteurs de la réparation.

L’assiette de la réparation qui a été évoquée lors de la table ronde n° 4 pose en revanche des problèmes qui devront certainement être approfondis et résolus.Se pose en effet la question délicate de la prise en compte, ou non, de certaines prestations légales au titre de la réparation des préjudices patrimoniaux ou des préjudices extrapatrimoniaux, voire des uns et des autres. La jurisprudence du Conseil d’Etat du 5 mars 2008[53] et celle de la Cour de cassation, par plusieurs arrêts rendus en 2009[54], ne concordent pas sur ce point, la première étant plus favorable à la victime et la seconde, dont j’ai compris qu’elle était critiquée, évitant que la victime puisse recevoir une réparation susceptible d’excéder le montant du préjudice. Cette divergence peut donner lieu à un approfondissement de la réflexion des juges concernés. Mais elle peut aussi appeler une intervention législative, non pas seulement pour régler une différence de jurisprudences, mais pour trancher une question de principe importante pouvant mériter une prise de position de la Représentation nationale. Certaines lois ont dans le passé tiré, de manière moins justifiée, les conséquences pour l’avenir, et même rétroactivement, de l’issue de certaines procédures juridictionnelles.

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Il est maintenant temps de conclure. En écoutant lors de la dernière table ronde le président Gallet parler de l’acte médical invasif, de ses effets parfois malheureux ou funestes sur la santé du patient et des conséquences à en tirer en termes de responsabilité, je repensais au code de Hammourabi non pas écrit, mais gravé il y a 3 800 ans et qui se penche sur les mêmes questions dans des termes un peu différents des nôtres. Je le cite : « Si un médecin opère un homme pour une blessure grave avec une lancette de bronze et cause la mort de l’homme ou s’il ouvre un abcès à l’œil d’un homme avec une lancette de bronze et détruit l’œil de l’homme, il aura les doigts coupés [ou les mains, selon la traduction retenue] ». La stèle de basalte que nous pouvons, sinon déchiffrer, du moins admirer au musée du Louvre et qui est un fleuron de la civilisation mésopotamienne montre que le chemin parcouru en matière de responsabilité médicale en près de quatre millénaires est infiniment plus important que celui menant du Louvre au Palais-Royal – un peu plus de cent mètres – mais aussi que le chemin séparant l’Ile de la Cité, berceau de premiers palais royaux, au moderne Palais-Royal : en réalité, cette dernière séparation, sans avoir été totalement effacée, s’est largement estompée. Il n’y a plus d’opposition entre les deux ordres de juridiction, qui serait incompréhensible pour les patients, les professionnels et les établissements de santé et, plus largement, les citoyens. Il y a entre nous non pas une émulation ou, pire encore, une concurrence, mais bien un dialogue fécond au service de la meilleure qualité de la justice que nous rendons et de l’application fidèle et complète de la loi et, quand sa lettre est peu claire ou difficile à interpréter, de son esprit.

La loi du 4 mars 2002 a été adoptée dans le prolongement de très graves crises sanitaires et dans un contexte de mise en cause croissante de la responsabilité des professionnels et des établissements de santé. Elle a poursuivi une volonté de refondation du lien unissant les patients aux professionnels et au système de santé et elle y est largement parvenue. De fait, ce texte fondateur a été, avec le recul presque décennal dont nous disposons, une réelle réussite. En établissant un nouvel équilibre entre responsabilité pour faute et sans faute et entre solidarité et responsabilité, en renforçant les droits des malades et des victimes et en clarifiant le droit applicable en matière de réparation, elle a posé les bases du renforcement et, là où c’était nécessaire, de la restauration de la confiance.

Bien des évolutions ou des ajustements, qui ont été envisagés durant ces deux jours, doivent être poursuivis et recherchés pour répondre de manière plus pertinente encore aux questions pratiques, juridiques et éthiques que soulève la relation très spéciale qui unit le patient à son médecin et au système de santé. Je ne doute pas qu’à cet égard, les travaux qui ont été menés au cours de ce colloque soient d’une grande aide. Mais au regard de l’ambitieuse architecture de la loi du 4 mars 2002, il y a plus besoin d’adaptations que de refondation : on ne refonde pas la responsabilité médicale, ses principes et ses modalités essentielles tous les dix ans.

En clôturant ce colloque, je forme le vœu que l’initiative sans précédent qui a été prise conjointement par la Cour de cassation et le Conseil d’Etat d’organiser un colloque sur la responsabilité médicale ne témoigne pas d’une exception heureuse mais sans lendemain, ne brille pas comme un feu de paille inespéré, aussitôt éteint et jamais rallumé, mais constitue la première manifestation d’un cycle appelé à se prolonger sur des sujets d’intérêt commun, qu’ils soient sectoriels ou transversaux. La santé pourrait ainsi encore nous réunir, dans ses liens avec l’environnement, le travail ou l’alimentation. Mais bien d’autres sujets encore, comme le droit du travail, celui de la protection sociale ou celui de l’environnement, avec les polices et la responsabilité qui lui sont associées. D’autres sujets pourraient aussi nous rassembler, comme notre relation au droit constitutionnel, international et européen deux ans après que la Charte des droits fondamentaux de l’Union est devenue opposable et invocable par les citoyens ; 18 mois après l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité ; quatre jours après l’arrêt du Tribunal des conflits, qui a fait prévaloir le droit de l’Union européenne sur des aspects importants de la séparation des juridictions administratives et judiciaires[55] ; et quelques mois peut-être avant l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. Sur ces sujets et dans ce contexte, je crois que nos collègues de la Cour de cassation et nous-mêmes avons, sous le regard attentif et avec l’éclairage de la doctrine, des professionnels du droit et des représentants des pouvoirs publics comme de la société civile, beaucoup de choses à échanger.

Je vous donne donc rendez-vous pour un prochain colloque dont seuls la date et l’objet restent à préciser.

[1] Texte écrit en collaboration avec M. Olivier Fuchs, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’Etat.

[2] Selon les chiffres donnés lors de la première table ronde, qui sont confirmés par C. Maugüé et J.‑P. Thiellay (La responsabilité du service public hospitalier, Paris, LGDJ, 2010, p. 23).

[3]Sur les origines de la loi ainsi que les circonstances de son adoption, voir D. Tabuteau, « Bilan de la loi Kouchner du 4 mars 2002 », Revue générale de droit médical, 2009, n° 33, p. 105 et s.

[4]Selon les expressions de C. Maugüé et J.-P. Thiellay, op. cit., p. 35 et 36.

[5]Conseil d’Etat, Responsabilité et socialisation du risque. Rapport public 2005, La documentation française.

[6]Loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale.

[7]Voir les conditions posées par l’article L. 1142-1 du code de la santé publique. A l’heure actuelle, présentent ce caractère de gravité les dommages ayant entraîné un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 24%, mais également ceux ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50%. A titre exceptionnel, ce caractère de gravité peut également être reconnu dans d’autres cas (voir article D. 1142-1 du code de la santé publique).

[8]Si le Conseil d’Etat estimait, de manière extrêmement stricte il est vrai, que l’aléa thérapeutique peut engager la responsabilité de l’établissement (CE, ass., 9 avril 1993, Bianchi, n° 69336, Lebon p. 127), il n’en allait pas de même pour la Cour de cassation (Cass., 1re civ., 8 novembre 2000, n° 99-11735, Bull. n°287).

[9]Sur les régimes antérieurement applicables, voir C. Maugüé, J.-P. Thiellay, op. cit., p. 70-71.

[10]Article L. 1142-1-1 du code de la santé publique.

[11]Le Conseil d’Etat a ainsi jugé qu’une infection nosocomiale révèle une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service (CE, 9 décembre 1988, Cohen, n° 65087, Lebon p. 431) tandis que la Cour de cassation a dégagé à partir de 1999, une présomption de responsabilité (Cass., 1re civ., 29 juin 1999, n° 97-14254).

[12]Le régime de responsabilité construit de manière prétorienne par le Conseil d’Etat antérieurement à la loi du 4 mars 2002 conduisait à écarter la présomption de faute, dès lors que l’origine endogène de l’infection nosocomiale était certaine (CE, 27 septembre 2002, Mme Neveu, n° 211370, Lebon p. 315 et CE, 2 février 2011, Leverne, n° 320052, à paraître aux tables du Lebon). Cette distinction est abandonnée, car en soulignant que « les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère » (article L. 1142-1 du code de la santé publique), la loi fait « peser sur l’établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu’elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d’une cause étrangère ne soit apportée » (CE, 10 octobre 2011, Centre hospitalier universitaire d’Angers, n°328500, à paraître au Lebon).

[13]Voir notamment les explications de D. Martin, ancien directeur de l’ONIAM, à ce propos lors de la table ronde n°1.

[14]Article L. 3111-9 du code de la santé publique.

[15]Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique ; ces dispositions ont été codifiées aux articles L. 3122-1 et s. du code de la santé publique.

[16]Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.

[17]Article L. 1142-22 du code de la santé publique.

[18]Dispositions codifiées aux articles L. 1142-24-1 et s. du code de la santé publique.

[19]Selon l’expression de D. Truchet (« Responsabilité des services hospitaliers », Dalloz Responsabilité de la puissance publique, §9).

[20]C. Maugüé, J.-P. Thiellay, op. cit., p. 87.

[21]J.-P. Markus, « Responsabilité des établissements publics de santé. Fondements », JCl. Adm., fasc. 906-10, §42 et s. ; A. Laude, B. Mathieu, D. Tabuteau, op. cit., p. 455.

[22]En matière, par exemple, de collaboration occasionnelle au service public hospitalier ou de placement médical surveillé des malades mentaux. Voir D. Truchet, op. cit., §184 et s.

[23]J.-P. Markus, « Responsabilité des établissements publics de santé. Fondements », op. cit., § 46.

[24]CE, 10 octobre 2011, Centre hospitalier universitaire d’Angers, n°328500, à paraître au Lebon.

[25]Cette distinction, qui n’est pas nécessairement pertinente, est parfois remise en cause, bien que les médecins de ville se déclarent plutôt hostiles à une extension du régime de la responsabilité de plein droit, notamment compte tenu de la possible augmentation des primes d’assurance qui en résulterait (Rapport d’information sur l’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales et l’accès au dossier médical présenté à l’Assemblée nationale par G. Huet le 8 juillet 2009, p. 88 et s.).

[26]La loi n° 98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité des produits défectueux a transposé en droit français la directive n° 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité des produits défectueux du droit communautaire. Elle a été complétée par deux fois suite à la condamnation de la France par la CJUE (lois du 9 novembre 2004 et du 5 avril 2006).

[27]CE, 9 juillet 2003, AP-HP c/ Marzouk, n° 220437, Lebon p. 530. Cette jurisprudence oblige les établissements de santé à réparer, même en l’absence de faute, les dommages dus à des produits défectueux.

[28]CE, 4 octobre 2010, Centre hospitalier de Besançon, n° 327449, à paraître aux tables du Lebon.

[29]CE, ass., 10 avril 1992, Epoux V., n° 79027, Lebon p. 171.  Voir également, en matière d’intervention médicale en urgence : CE, sect., 20 juin 1997, Theux, n° 139495, Lebon p. 253.

[30]En ce qui concerne les parents d’un enfant né avec un handicap, une indemnité au titre des préjudices qu’ils ont subis est possible lorsque la responsabilité d’un professionnel de santé est engagée à la suite d’une « faute caractérisée ». Constitue par exemple une telle faute l’inversion de résultats d’amniocentèse avec une autre patiente (CE, 19 février 2003, AP-HP c/ Marzouk, n° 247908, p. 530).

[31]Voir encore récemment, refusant de qualifier une anesthésie générale de geste courant à caractère bénin dont les conséquences dommageables, lorsqu'elles sont sans rapport avec l'état initial du patient, permettraient de révéler une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service : CE, 21 octobre 2009, Mme Altet-Caubissens, n° 314759, tables du Lebon p. 942.

[32]Selon l’expression de J.-P. Thiellay.

[33]A. Laude, B. Mathieu, D. Tabuteau, Droit de la santé, Paris, Thémis, 2009, p. 449 et s.

[34]Article L. 1142-28 du code de la santé publique.

[35]Le Conseil d’Etat avait estimé réparable le préjudice subi par les parents du fait de la naissance de l’enfant handicapé (CE, 14 février 1997, Centre hospitalier de Nice c. Epoux Quarez, n° 133238, Lebon p. 44). La Cour de cassation, pour sa part, avait admis que les fautes commises par le médecin puissent être en relation de causalité avec le préjudice subi par l’enfant (Cass., Ass. plén., 17 nov. 2000, n° 99-13701, Bull. AP n°9). Le législateur a résolu cette divergence en posant le principe selon lequel « nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance ».

[36]Article L. 1142-9 et suivants du code de la santé publique.

[37]Cass., 1ère civ., 7 février 1990, n° 97-14797, Bull. n°220 et CE, sect., 5 janvier 2000, Consorts Telle, n°181899, Lebon p. 5.

[38]Cass, 1ère civ., 28 janvier 2010, n° 09-10992, Bull. n°20 ; CE, 30 mars 2011, ONIAM c/ Hautreux, n° 327669, à paraître au Lebon.

[39]Voir à cet égard la conclusion à la deuxième table ronde par D. Tabuteau, selon qui l’objectif de la loi comme de la jurisprudence a été de donner au droit l’effet le plus protecteur possible.

[40]CE, 9 mars 2007, Mme Schwartz, n° 267635, Lebon p. 118 ; Cass., 1ère civ., 25 juin 2009, pourvoi n° 08-12781, Bull. n°141.

[41]C. Maugüé et J.-P. Thiellay, op. cit., p. 104.

[42]En ce qui concerne la contamination par le virus de l’hépatite C, voir les arrêts de la Cour de cassation du 9 mai 2001 (1ère civ., n°99-18161, Bull. n°130) et du Conseil d’Etat du 15 janvier 2001 (AP-HP, n° 208958, Lebon p. 15) ainsi que l’article 102 de la loi du 4 mars 2002. Voir également l’interprétation de cet article par la jurisprudence CE, 10 octobre 2003, Tato, n°249416, Lebon p. 393. En ce qui concerne la contamination par le virus de l’immunodéficience humaine, voir l’article L. 3122-2 du code de la santé publique et l’arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2007 (1ère civ., n° 06-20575, Bull. n°397).

[43]CE, 19 octobre 2011, Vidal, n° 339670, à paraître au Lebon ; CE, 19 octobre 2011, Barbier, n° 338686.

[44]Voir également S.-J. Liéber, D. Botteghi, « La réparation des préjudices, un chantier encore ouvert », AJDA, 2009, p. 360 et s.

[45]Loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.

[46]J.-P. Dintilhac, Rapport du groupe de travail chargé d’élaborer une nomenclature des préjudices corporels, 2005, disponible sur http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000217/0000.pdf.

[47]Comme le soulignent C. Maugüé et J.-P. Thiellay, une circulaire du ministère de la Justice du 22 février 2007 avait toutefois invité les magistrats de l’ordre judiciaire à se référer à la nomenclature édictée par le groupe de travail dirigé par le président Dintilhac (op. cit., p. 119).

[48]CE, sect., 4 juin 2007, Lagier, n° 303422, Lebon p. 228.

[49]Voir la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, telle qu’adoptée le 13 juillet 2011 par l’Assemblée nationale, ainsi que la décision n° 2011-640 DC du 4 août 2011 du Conseil constitutionnel.

[50]Sur ce point, voir C. Maugüé et J.-P. Thiellay, op. cit., p. 156 et s.

[51]CE, 4 juin 2007, Lagier, op. cit.

[52]Cass., 2ème civ., 24 septembre 2009, n° 08-14515, Bull. n°227.

[53]CE, 5 mars 2008, Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis, n° 272447, Lebon p. 926.

[54]Cass. crim., 19 mai 2009, n° 08-86050, Bull. n°95 ; Cass, 2ème civ., 11 juin 2009, n° 08-16089, Bull. n°154 ; Cass., 2e civ., 22 octobre 2009, n° 07-20419, Bull. n°260 et n°08-18755, Bull. n° 260.

[55]TC, 17 octobre 2011, Préfet de la région Bretagne, n°3828.