Saisi par la ministre de la transition écologique, le Conseil d’État annule l’arrêt de la cour administrative de Douai jugeant que l’État avait manqué à ses obligations dans le contrôle de l’ancien site métallurgique Metaleurop et le condamnant à indemniser les préjudices découlant de ce manquement. Le Conseil d’État estime que la cour administrative d’appel, en se fondant sur le seul constat d’une pollution aux métaux lourds sur les terrains voisins de l’usine, n’a pas caractérisé en quoi l’Etat, qui a soumis l’usine à un encadrement et un suivi régulier et de plus en plus précis à partir de 1934 et jusqu’à sa fermeture en 2003, aurait manqué à ses obligations au titre de la police des installations classées. L’affaire est renvoyée à la cour administrative de Douai qui devra se prononcer à nouveau.
Des riverains de l’ancien site métallurgique Metaleurop Nord ont saisi le tribunal administratif de Lille puis la cour administrative d’appel de Douai, 15 ans après la fermeture de l’usine, pour demander des travaux de dépollution et une indemnisation des préjudices subis du fait d’une exposition aux métaux lourds et d’une contamination de leur terrain. En mai 2024, la cour administrative d’appel de Douai a jugé que l’État avait commis une faute dans la mise en œuvre de son contrôle de cette installation classée. Saisi en cassation par la ministre de la transition écologique et la cohésion des territoires, le Conseil d’État annule la décision de la cour administrative et renvoie l’affaire devant cette même cour.
Le code de l’environnement confie à l’État, au titre de ses pouvoirs de police des installations classées pour la protection de l’environnement, la responsabilité d’assurer la protection d’un certain nombre d’intérêts : voisinage, santé, salubrité publique, agriculture, environnement... À ce titre, il lui incombe lorsqu’il délivre une autorisation d’exploitation d’une installation classée, d’assortir cette autorisation de prescriptions propres à prévenir les risques susceptibles de survenir à raison de cette exploitation. II lui incombe également de veiller au respect de ces prescriptions et à leur adéquation à la situation, en adaptant la fréquence et la forme des contrôles à la nature, la dangerosité et la taille de l’installation.
En l’espèce, ainsi que l’a relevé la cour administrative d’appel dans son arrêt, l’État a exercé ses pouvoirs de police en encadrant, de manière continue et de plus en plus précise, l’activité de l’usine. Une soixantaine d’arrêtés préfectoraux ont été pris depuis 1934 pour imposer des mesures techniques afin de limiter les rejets atmosphériques, installer des capteurs à l’extérieur du site et faire réaliser des études. La réalisation de nouvelles études à la fin des années 1990, a également conduit à la mise en demeure de l’exploitant de respecter les exigences prévues par les textes. Des arrêtés prescrivant des mesures d’urgence pour les terres polluées ont été pris en 2002 et 2003. Enfin, huit rapports d’inspecteurs des installations classées, réalisés entre 1969 et 2003 montrent que l’État, attentif à la question des rejets atmosphériques, avait exigé l’installation de dépoussiéreurs et de filtres et imposé la réalisation d’études des moyens techniques permettant de remédier à la pollution atmosphérique.
Il ressortait également des éléments soumis au Conseil d’État que le préfet du Nord-Pas-de-Calais a demandé à l’exploitant en 1997 un bilan des émissions diffuses et qu’au regard des résultats et d’une étude de l’école des Mines de Douai en 1999, il a imposé des mesures visant à limiter les rejets diffus afin de limiter encore plus significativement les émissions de plomb.
Pour juger que l’État avait commis une faute dans la mise en œuvre de la police des installations classées, la cour administrative d’appel s’est seulement fondée sur le constat que les mesures imposées par les préfets successifs n’avaient pas permis d’empêcher la pollution des sols liée à l’activité du site depuis le début du XXe siècle. Le Conseil d’État a jugé qu’elle ne démontrait pas, ce faisant, en quoi l’administration, en dépit de l’ensemble des contrôles et prescriptions décrits ci-dessus et compte tenu des informations dont elle avait disposé au fil des années, avait manqué à ses obligations dans l’encadrement de l’installation.
Pour cette raison, le Conseil d’État annule la décision du 23 mai 2024.
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