Saisi par quatre associations, le Conseil d’État se prononce aujourd’hui sur la manière dont l’Arcom contrôle le respect des obligations légales sur le pluralisme des courants de pensée et d’opinion dans les médias audiovisuels, à la suite de sa décision Reporters sans frontières du 13 février 2024. Il juge que la loi impose à l’Arcom de vérifier qu’il n’existe pas de déséquilibre manifeste et durable dans l’expression des courants de pensée et d’opinion. Pour cela, elle doit apprécier la diversité des expressions de façon globale, sans qualifier ou classer les participants aux programmes au regard des courants de pensée et d’opinion.
Quatre associations avaient demandé à l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) de mettre en demeure neuf chaînes de télévision1 et cinq chaînes de radio2 de modifier la liste des intervenants dans leurs programmes pour donner aux divers courants de pensée et d’opinion un temps de parole proportionnel à leur poids dans la société française. L’Arcom ayant rejeté leurs demandes, ces associations ont demandé au Conseil d’État d’annuler ces refus.
Le Conseil d’État rappelle d’abord, comme il l’a jugé dans sa décision Reporters sans frontières, que la loi du 30 septembre 1986 en matière de pluralisme des courants de pensée et d’opinion, notamment dans les programmes d’information, impose à l’Arcom de porter une appréciation qui ne se limite pas au décompte du temps de parole des personnalités politiques. L’Arcom doit ainsi veiller à ce que les chaînes, dans l’exercice de leur liberté éditoriale, respectent l’exigence légale d’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion.
Le Conseil d’État précise ensuite que l’Arcom, lorsqu’elle est saisie d’une demande recevable en ce sens, doit vérifier – sur une période qui, sauf circonstances particulières, doit être suffisamment longue – qu’il n’existe aucun déséquilibre manifeste et durable au regard de l’exigence d’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans la programmation d’une chaîne, en particulier pour les programmes d’information et ceux concourant à l’information. Pour ce faire, l’Arcom doit porter une appréciation globale sur la diversité des expressions, sans qualifier ou classer les participants aux programmes selon des courants de pensée et d’opinion. Cet examen ne remet pas en cause les règles applicables au décompte du temps de parole des personnalités politiques.
Le Conseil d’État en déduit que l’Arcom ne pouvait pas, dans le périmètre de ses compétences, donner suite aux demandes dont elle avait été saisie et qui l’auraient conduite à se prononcer à la fois sur le rattachement supposé des participants à des courants de pensée et d’opinion et sur le temps de parole qui devrait leur être alloué en proportion du poids de ces courants de pensée et d’opinion dans la société française.
Enfin, le Conseil d’État juge que les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 sont inapplicables à la chaîne Arte, régie par un traité international conclu le 2 octobre 1990 entre la France et plusieurs Länder allemands, qui exclut expressément l’intervention de toute autorité de régulation dans sa programmation.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil d’État rejette les requêtes.
1TF1, France 2, France 3, France 4, France 5, Arte, M6, TMC et BFM TV
2France Inter, France Culture, France Info, RMC et RTL
Lire la décision n°494597
Pour aller plus loin...
…sur ce qui s’est passé depuis la décision du Conseil d’État de février 2024
À la suite de la décision du Conseil d’Etat, l’Arcom a adopté le 17 juillet 2024 une délibération relative au respect du principe de pluralisme des courants de pensée et d'opinion par les éditeurs de services. Cette délibération précise notamment, suivant un raisonnement comparable à celui de la décision de ce jour, que l’autorité « s'assure que l'expression des courants de pensée et d'opinion ne soit pas, au regard de l'exigence de diversité, affectée par un déséquilibre manifeste et durable, en particulier dans les programmes d'information et les programmes concourant à l'information. Elle prend en compte dans cette appréciation les interventions de l’ensemble des participants aux programmes diffusés ». L’Arcom a également adapté sur ce point le contenu des nouvelles conventions signées avec les chaînes de la TNT.
…sur les apports de la décision du Conseil d’État d’aujourd’hui
La décision de ce jour est la première occasion donnée au Conseil d’État de se prononcer à la suite de la décision Reporters sans frontières du 13 février 2024 sur le contrôle du pluralisme auquel procède l’Arcom en ce qui concerne les intervenants dans les programmes des services de radio et de télévision au-delà du décompte du temps de parole des personnalités politiques. Elle explicite d’abord le critère qu’il appartient à l’Arcom de mettre en œuvre dans l’exercice de son pouvoir de mise en demeure, qui consiste à vérifier l’absence de déséquilibre manifeste et durable au regard de l’exigence de pluralisme. Elle précise également la méthode à employer par l’Arcom, à qui il appartient de procéder à un examen de l’ensemble de la programmation. Le Conseil d’Etat juge enfin que le contrôle du pluralisme n’impose en aucune manière de se prononcer sur les orientations prêtées à tel ou tel intervenant.
…sur la question du pluralisme des chaînes ciblées par les requérants
Si les demandes adressées par les requérants à l’Arcom visaient nommément quatorze chaînes, le Conseil d’État ne porte aujourd’hui aucune appréciation sur la programmation de ces chaînes. Au regard des règles qui découlent de la loi et que précise le Conseil d’État, les demandes étaient en dehors du périmètre de contrôle de l’ARCOM qui ne pouvait que les rejeter.
Télécharger le communiqué de presse