Dans le cadre de ses rencontres mensuelles en juridiction administrative, Didier-Roland Tabuteau, le vice-président du Conseil d’État, s’est rendu au tribunal administratif de Bastia le 12 mai 2025. L’occasion de découvrir l’activité juridictionnelle du tribunal corse, à travers plusieurs décisions récentes illustrant le quotidien et les enjeux propres à ce territoire insulaire.
Le tribunal administratif de Bastia
Présidé par Anne Baux depuis juillet 2024, le tribunal administratif de Bastia compte 8 magistrates et magistrats et 12 agentes et agents de greffe et aides à la décision. Il a jugé 1 642 affaires l’année dernière, dont 345 en urgence (« référé »), dans un délai moyen d’un an, un mois et treize jours.
Dernièrement, le tribunal a jugé de nombreuses affaires le plaçant au cœur de la vie des habitants de l’Île de beauté (environnement, libertés publiques, vie publique locale…) et a été amené à concilier protection du littoral, aménagement du territoire et activité touristique, en se prononçant sur d’importants projets d’urbanisme ou sur des questions liées à la mobilité et aux transports des citoyens.
Retour sur six affaires emblématiques jugées par le tribunal administratif de Bastia
ENVIRONNEMENT
L’autorisation de destruction de sangliers à Ajaccio suspendue
Saisi en urgence par l’association One Voice, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a suspendu en novembre 2024 l’autorisation de destruction de sangliers à Ajaccio. Il a jugé que cette mesure, prise par le préfet de la Corse-du-Sud pour la période du 30 septembre au 31 décembre 2024, était disproportionnée. Après avoir relevé qu’elle avait été prise sans consultation préalable du public et qu’elle déléguait le pouvoir de contrôle du préfet à trois lieutenants de louveterie (des bénévoles désignés pour réguler les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts), il a estimé qu’elle n’était justifiée ni par une atteinte grave à la sécurité publique ni par la répétition de situations dangereuses.
Décision en référé du tribunal administratif de Bastia n° 2401357 du 22 novembre 2024
LIBERTÉS PUBLIQUES
L’interdiction du port du burkini à Lecci suspendue
Saisi en urgence par la Ligue des droits de l’Homme, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a suspendu en août 2024 l’interdiction d’accès aux plages de Lecci à toute personne ne portant pas une tenue jugée conforme aux principes de laïcité. Il a estimé que l’arrêté du maire, qui visait notamment le port du burkini, portait atteinte à la liberté d’aller et venir, à la liberté de conscience et à la liberté personnelle, alors qu’aucun trouble à l’ordre public n’était avéré.
Décision en référé du tribunal administratif de Bastia n° 2400990 du 19 août 2024
VIE PUBLIQUE LOCALE
La langue corse ne peut être imposée dans les débats des institutions de la collectivité de Corse
Saisi par le préfet de Corse, le tribunal administratif de Bastia a annulé en mars 2023 les règlements intérieurs de l’Assemblée de Corse et du conseil exécutif de Corse qui prévoyaient l’usage du corse et du français dans les débats se tenant au sein de ces deux institutions. Il a jugé que ces règlements étaient contraires à l’article 2 de la Constitution qui impose l’usage du français dans l’exercice des missions de service public. Ces jugements ont été confirmés par la cour administrative d’appel de Marseille en novembre 2024.
Décisions du tribunal administratif de Bastia nos 2200748 et 2200749 du 9 mars 2023 Décision de la cour administrative d’appel de Marseille n° 23MA01110 du 19 novembre 2024
URBANISME
Parking Gaudin à Bastia : pas d’indemnisation des surcoûts des travaux
En février 2025, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de la société Vendasi de condamner la commune de Bastia à l’indemniser pour les coûts supplémentaires engendrés par la construction du parking Gaudin. Il a estimé que les difficultés matérielles rencontrées, concernant notamment la nature des terrains, ne constituaient pas un bouleversement dans l’économie du contrat, condition nécessaire pour obtenir une indemnisation. Par ailleurs, les retards liés aux travaux de gros œuvre préliminaires et à la pandémie de Covid-19 n’étaient pas directement imputables à la commune.
Décision du tribunal administratif de Bastia n° 2100570 du 28 février 2025
TRANSPORT ET MOBILITÉ
Le transport maritime entre Marseille et Ajaccio, Bastia et l’Île-Rousse constitue un besoin en service public
En octobre 2024, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de la société Corsica Ferries qui contestait la régularité des conventions conclues entre la collectivité de Corse et la société Corsica Linea pour assurer le transport maritime de marchandises et de passagers entre le port de Marseille et les trois ports d’Ajaccio, Bastia et l’Île-Rousse entre octobre 2019 et décembre 2020. Il a reconnu l’existence d’un besoin en service public et a confirmé l’irrégularité de l’offre de la société Corsica Ferries du fait de son caractère incomplet.
Décision du tribunal administratif de Bastia n° 1901590 du 29 octobre 2024
TOURISME
Refuge d’Asinau (GR 20) : la résiliation du contrat de restauration et d’approvisionnement des randonneurs suspendue
Saisi en urgence par la société L’Altra Strada, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a suspendu en avril 2024 la résiliation anticipée du contrat de restauration et d’approvisionnement des randonneurs qui font halte au refuge d’Asinau situé sur le tracé du GR20. Il a relevé que seule une faute grave pouvait justifier cette résiliation décidée par le président du syndicat mixte du Parc naturel régional de Corse. Or, dans cette affaire, aucune faute n’était établie.
Décision en référé du tribunal administratif de Bastia n° 2400366 du 22 avril 2024