Un mois, une juridiction : le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne

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Comme chaque mois, découvrez l’activité d’une nouvelle juridiction administrative. Ce mois-ci, focus sur le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne où s’est déplacé le 25 mars 2024 Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État, dans le cadre de ses rencontres mensuelles en juridiction administrative.

Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a pour mission de juger les affaires en provenance des départements de la Marne, de l’Aube, des Ardennes et de la Haute-Marne, soit une population d’un million trois cent mille habitants, répartie dans plus de 1 900 communes sur une superficie de plus de 25 000 km², s’étendant de la frontière belge aux portes de la Bourgogne. 14 magistrats, 15 agents de greffe, une assistante de justice ainsi que deux vacataires aides à la décision y travaillent chaque jour et sont répartis dans 3 chambres.

Saisi sur des affaires en lien avec la vie quotidienne des citoyens (environnement, urbanisme, santé publique, aides sociales, fiscalité, sécurité, etc.), le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a jugé 2 858 affaires en 2023, dont 256 affaires en urgence (référés), dans un délai moyen de 6 mois et 27 jours.

En 2022 et 2023, le tribunal a jugé plusieurs affaires notables concernant par exemple l’exploitation d’une centrale d’enrobage à chaud dans l’Aube, l’interdiction de manifestation à Reims à la suite de l’affaire de Crépol, l’indemnisation d’un patient à la suite d’une erreur de soins à l’hôpital, le retrait de l’AOC Champagne à un lot de bouteilles ou encore le repos hebdomadaire des vendangeurs.

Retour sur cinq affaires emblématiques récentes jugées par le tribunal…

ENVIRONNEMENT

La centrale de production de goudron de Ville-sous-la-Ferté

Saisi par des associations de protection de l’environnement auboises, le tribunal administratif a annulé l’autorisation d’exploiter une centrale d’enrobage à chaud de granulats à Ville-sous-la-Ferté (Aube). Il a estimé que l’autorisation, accordée par le préfet de l’Aube, ne prévoyait pas de mesures suffisantes pour assurer la protection de l’environnement.

Le tribunal a notamment relevé que les eaux de ruissellement s’écoulant à partir du site devaient rejoindre un bassin de rétention, avant de se déverser dans le milieu naturel sans aucun dispositif de filtrage, ni même de séparation des hydrocarbures. Or ces eaux de ruissellement étaient susceptibles d’être polluées par les hydrocarbures déposés par les véhicules sur le site, les dépôts de matières en suspension émanant de l’enrobage ou les déversements accidentels de bitume. Le dossier ne comportait pas non plus d’étude de la nappe d’eau située à proximité, utilisée pour la production d’eau potable, ni de mesures suffisantes pour surveiller sa qualité. Enfin, l’intensité et la diffusion des odeurs de goudron engendrées par cette centrale n’avaient pas été évaluées.

 

Lire la décision n° 2000470 du 24 février 2022

DROITS FONDAMENTAUX

Le droit de manifester

Saisi en urgence par les organisateurs d’un rassemblement à la suite de l’affaire de Crépol, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu l’interdiction de la manifestation prévue le jour-même sur le parvis de la cathédrale de Reims. Le tribunal a considéré que l’arrêté pris par le préfet de la Marne portait atteinte de façon grave et illégale à la liberté de manifester, dès lors qu’aucun élément ne permettait de considérer que les faits intervenus lors d’une manifestation organisée 15 jours auparavant se reproduiraient, et que le service d’ordre prévu semblait en adéquation avec le nombre modeste de manifestants attendus.

 

Lire la décision n° 2302822 du 7 décembre 2023

SANTÉ

Des indemnisations après une erreur de soins

En mai dernier, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Charleville-Mézières à verser plus de 125 000 euros à un patient et à ses proches, et plus de 100 000 euros à la caisse primaire d’assurance maladie, à la mutuelle du patient et à son employeur. Ce patient avait subi une ablation partielle de l’estomac par cœlioscopie. En fin d’intervention, le chirurgien avait introduit une sonde munie d’un ballonnet pour contrôler l’étanchéité, mais, au lieu d’introduire le bleu de méthylène dans la sonde, il l’avait placé dans le ballonnet dont le gonflement a provoqué le déchirement de la paroi de l’estomac. L’équipe soignante avait ensuite omis de dégonfler le ballonnet avant de le retirer, ce qui avait conduit à une rupture de l’œsophage. Le patient avait ensuite été pris en charge dans un autre centre hospitalier qui avait dû lui implanter un œsophage artificiel.

 

Lire les décisions nos 2100017, 2100018, 2100019 et 2100020 du 26 mai 2023

VITICULTURE

L’appellation AOC « Champagne »

Le cahier des charges de l’AOC « Champagne » prévoit que les caisses utilisées pour le transport des raisins – du lieu de la cueillette jusqu’à l’installation de pressurage –, comportent au fond et sur tous les côtés des orifices permettant l’écoulement rapide et complet du jus dans l’attente du pressurage. En juillet 2022, le tribunal administratif a jugé qu’une sanction de retrait de l’AOC Champagne à un producteur de vins de Champagne n’était pas disproportionnée : ce retrait d’appellation était limité aux seuls lots des bouteilles fabriquées à partir de raisins transportés dans des caisses non perforées au fond et dont la qualité était susceptible d’avoir été altérée.

 

Lire la décision n° 2002555 du 21 juillet 2022

VITICULTURE

Le repos hebdomadaire des vendangeurs

En septembre dernier, le tribunal a jugé légales les amendes administratives infligées à une société organisatrice de vendanges en Champagne, à la suite d’une visite de l’inspection du travail. Après avoir obtenu l’autorisation de dépasser la durée maximale hebdomadaire de travail en raison de « circonstances exceptionnelles » en période de vendanges, la société avait également suspendu le repos hebdomadaire de ses salariés. Le tribunal a estimé que si la dérogation à la durée maximale hebdomadaire de travail pouvait se justifier de façon collective, la société aurait dû justifier, salarié par salarié, les raisons de la suspension de leur repos hebdomadaire.

 

Lire la décision n° 2100906 du 6 septembre 2023

En savoir plus sur l’année 2023 du tribunal en quelques chiffres