Avis sur un projet de loi ratifiant l’ordonnance portant extension et adaptation des dispositions de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises

Avis consultatif
Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Passer le partage de l'article pour arriver avant

Le Gouvernement a décidé de rendre public un avis sur un projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2025-646 du 16 juillet 2025 portant extension et adaptation des dispositions de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

1. Le Conseil d’Etat a été saisi le 23 septembre 2025 d’un projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2025‑646 du 16 juillet 2025 portant extension et adaptation des dispositions de la loi n° 2024‑42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

2.  Le premier alinéa du I de l’article 80 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration avait habilité le Gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre, par voie d’ordonnance, les mesures relevant de la compétence de l’Etat nécessaires à l'application et, le cas échéant, à l'adaptation, des dispositions de cette loi dans les collectivités qui relèvent de l'article 74 de la Constitution, à l'exception de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, en Nouvelle‑Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. En vertu du dernier alinéa du I de cet article 80, le projet de loi de ratification doit être déposé au plus tard le 17 octobre 2025.

3. Le Gouvernement ayant remis sa démission au Président de la République le 6 octobre 2025 et celui-ci l’ayant acceptée, le Conseil d’Etat est amené à formuler son avis sur le projet de loi à l’intention d’un Gouvernement démissionnaire, chargé d’expédier les affaires courantes.

4. Ainsi que l’a rappelé le Conseil d’Etat dans son avis du 29 juillet 2024 (Assemblée générale, n° 408576, Projet de décret relatif au régime d’assurance chômage, mentionné dans le rapport public 2025, p. 223), un Gouvernement démissionnaire cesse en principe d’être investi du pouvoir réglementaire. Toutefois, en raison de la nécessité de préserver la continuité du fonctionnement de l’Etat et selon un principe traditionnel du droit public, il reste compétent pour prendre les décisions, même réglementaires, qui relèvent de l’expédition des affaires courantes. Celles de ses décisions qui excèdent ce champ sont, en revanche, entachées d’incompétence (CE, Assemblée, 4 avril 1952, Syndicat régional des quotidiens d’Algérie et autres, n° 86015, p. 210).

5. Les affaires courantes se caractérisent, soit par leur urgence, lorsque les circonstances requièrent des décisions immédiates, soit par leur objet. Dans ce dernier cas, il s’agit de décisions relevant du fonctionnement quotidien et continu de l’administration et qui, à ce titre, n’ont pas vocation à modifier de façon importante l’état du droit en vigueur. Peuvent toutefois en relever des décisions qui, bien qu’introduisant une modification dans l’état du droit, visent à permettre la poursuite, sans discontinuité, d’une situation préexistant à la date de la démission du Gouvernement (CE, Section, 22 avril 1966, Fédération nationale des syndicats de police de France et d'outre-mer et autre, n° 59340, p. 274).

6. Ainsi, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a jugé qu’un acte réglementaire reprenant principalement, à droit constant, les règles précédemment en vigueur entre dans la catégorie des affaires courantes et peut être compétemment pris par le Premier ministre après l’acceptation par le Président de la République de la démission du Gouvernement (CE, 24 juillet 2025, n° 498227).

7. De même, un Premier ministre démissionnaire perd en principe la possibilité d’exercer l’initiative des lois.

8. Toutefois, le Conseil d’Etat estime que la circonstance que le Gouvernement soit démissionnaire ne fait pas obstacle à ce que, au titre de la gestion des affaires courantes, soit délibéré en conseil des ministres un projet de loi dont l’objet se limite à la ratification d’une ordonnance.

9. La délibération en conseil des ministres d’un tel texte en vue de son dépôt sur le bureau de l’une des deux assemblées évite en effet que l’ordonnance devienne caduque à l’expiration du délai fixé par la loi d’habilitation et qu’il en résulte une rupture de continuité dans l’état du droit applicable. Le Conseil d’Etat considère que la faculté pour un Gouvernement démissionnaire de déposer devant le Parlement un projet de loi de ratification d’une ordonnance, qui permet d’assurer la continuité d’une situation préexistant à la démission du Gouvernement, est conforme à l’objectif qui fonde la jurisprudence mentionnée au point 5.

10. Le dépôt du projet de loi de ratification par le Gouvernement démissionnaire est en outre propre à ménager les options les plus larges à un futur Gouvernement de plein exercice. Il sera loisible à ce Gouvernement, soit, s’il est nommé avant l’expiration du délai fixé par la loi d’habilitation, de déposer ou non le projet de loi de ratification, soit, s’il est nommé après l’expiration de ce délai et que le projet de loi a été déposé, d’en décider le retrait ou de demander au Parlement d’abroger l’ordonnance, comme d’en maintenir le dépôt.

11. Le Conseil d’Etat estime donc qu’un gouvernement démissionnaire, chargé de l’expédition des affaires courantes, est habilité à délibérer en conseil des ministres sur un projet de loi de ratification d’une ordonnance et à le déposer sur le bureau d’une des assemblées.

12.  En revanche, le Conseil d’Etat considère que les autres dispositions du projet de loi qui lui est soumis, qui modifient le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour préciser la version des dispositions de ce code qui est applicable outre-mer en y ajoutant la mention des dispositions d’une loi postérieure à la loi du 26 janvier 2024, qui corrigent des erreurs matérielles dans le même code ou qui constituent des mesures de coordination, dès lors qu’elles ne sont pas justifiées par le risque de caducité mentionné au point 9 et ne revêtent aucun caractère d’urgence, excèdent la compétence d’un Gouvernement démissionnaire qui ne dispose en principe pas du pouvoir d’initiative en matière législative.

13. Il appartiendra au futur Gouvernement de plein exercice, s’il le juge utile et s’il décide de soumettre le projet de loi de ratification à l’examen du Parlement, d’ajouter ces dispositions au projet de loi au moyen d’une lettre rectificative ou d’amendements, qu’il lui sera loisible de soumettre préalablement à l’avis du Conseil d’Etat.

Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’Etat dans sa séance du jeudi 9 octobre 2025.