Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis du Conseil d’État sur un projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 et pérennisant certains dispositifs institués lors des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
1. Le Conseil d’État a été saisi le 17 avril 2025 d’un projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030. Ce projet de loi a été modifié par cinq saisines rectificatives, reçues les 25 et 30 avril et 2, 5 et 6 mai 2025.
Ce projet de loi, comprenant 37 articles, est organisé en six titres, respectivement intitulés « Dispositions permettant le respect des stipulations du contrat hôte », « Dispositions relatives à l’éthique et à l’intégrité », « Dispositions relatives à l’aménagement, à l’urbanisme, à l’environnement et au logement », « Dispositions relatives à la santé et au travail », « Dispositions relatives à la sécurité » et « Dispositions pérennisant certains dispositifs institués lors des jeux Olympiques de 2024 ». Les regroupements ainsi opérés présentent une cohérence au regard de la nature des dispositions projetées. Toutefois, certaines de ces dispositions ayant un champ plus vaste que la bonne organisation des jeux de 2030 ou une vocation permanente, le Conseil d’État propose de compléter le titre du projet de loi en y ajoutant les mots : « et pérennisant certains dispositifs institués lors des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ».
2. L’étude d’impact du projet de loi, qui a fait l’objet de deux saisines rectificatives reçues les 5 et 6 mai 2025, est apparue, pour de nombreuses dispositions, insuffisante au regard des prescriptions de la loi organique du 15 avril 2009. En particulier, elle ne rend pas suffisamment compte du bilan de l’application des dispositions législatives, dérogatoires au droit commun et en grande partie reprises dans le présent projet de loi, qui ont été mises en œuvre à l’occasion des jeux d’été de Paris 2024, résultant de la loi du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, de l’ordonnance du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.
Le Conseil d’État invite donc le Gouvernement à compléter l’étude d’impact et à l’enrichir, en particulier pour les dispositions relatives aux prérogatives du comité d’organisation des jeux et aux contrôles de son activité, pour celles dérogeant aux interdictions et restrictions d’affichage et de publicité, ainsi que pour celles relatives à la création de voies réservées et la police de la circulation, pour lesquelles elle ne contient aucun élément relatif à leur application pendant les jeux d’été de Paris 2024, ni aucune indication portant sur l’organisation des jeux d’hiver des Alpes Françaises 2030, qui justifieraient que l’on y recoure de nouveau et dans les mêmes conditions alors pourtant que des différences notables existent entre les jeux Olympiques d’été et ceux d’hiver, s’agissant notamment de la localisation des sites, des besoins d’équipement et de l’affluence.
3. Le Conseil d’État constate que le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) a été consulté, comme il devait l’être, sur 20 articles du projet de loi comprenant des dispositions créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics mais il regrette que cette consultation ait été réalisée dans des conditions de délais très réduites.
Au-delà de ces remarques liminaires, et outre de nombreuses améliorations de rédaction que le Conseil d’État suggère, ce projet de loi appelle de sa part les observations suivantes.
Sur le titre concernant les dispositions permettant le respect des stipulations du contrat « hôte »
Dispense d’autorisation pour l’organisation des compétitions sportives dans le cadre des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030
4. Le projet de loi désigne, pour l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver des Alpes françaises 2030 (COJOP), le Comité international olympique (CIO) et le Comité international paralympique (CIP) comme organisateurs de la compétition sportive au sens de l’article L. 331-5 du code du sport. Une telle désignation par la loi dispense les trois organisateurs de ces jeux de l’obligation de demander, à cette fin, l’autorisation de chacune des sept fédérations sportives délégataires concernées.
Le Conseil d’État estime d’une part que cette désignation de plein droit ainsi que la dispense d’autorisation au cas par cas qui en est la conséquence ne se heurtent à aucun obstacle d'ordre constitutionnel ou conventionnel. Il considère d’autre part qu'elles sont d’autant plus justifiées que les fédérations délégataires appelées à donner cette autorisation dans le régime de droit commun s’inscrivent dans la hiérarchie du « Mouvement olympique » qui rassemble, en application de la Charte olympique, le CIO, les fédérations sportives internationales, dont les fédérations délégataires mentionnées plus haut sont membres, et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF).
Protection des droits de propriété olympiques et paralympiques
5. Le projet de loi modifie les articles L. 141‑5 et L. 141‑7 du code du sport, qui concernent les droits d’action du CNOSF et du Comité paralympique et sportif français (CPSF) s’agissant de la protection de ce que la Charte olympique appelle les « propriétés olympiques » et de ce que le chapitre « Jeux Paralympiques » du Manuel du CIP appelle « les propriétés paralympiques ».
Afin d’assurer la meilleure efficacité de la protection de ces propriétés olympiques et paralympiques pendant l’ensemble de la période de préparation et de déroulement des jeux de 2030, il est prévu de transférer, jusqu’au 31 décembre 2030, les droits d’action correspondants au COJOP des Alpes françaises 2030, comme cela avait été fait pour le COJOP de Paris 2024.
Le Conseil d’État estime que ce transfert temporaire, qui vise à assurer à l’effectivité du droit de propriété, contribuera à améliorer l’équilibre financier de l’organisation des jeux. Comme l’a prévu par une saisine rectificative le Gouvernement sur la recommandation du Conseil d’Etat, il s’appliquera sans aucune rétroactivité à compter de la publication de la loi à intervenir.
Recours à l’arbitrage
6. Une disposition du projet de loi a pour objet de permettre, par dérogation à l’article 2060 du code civil qui interdit aux personnes publiques de recourir à l’arbitrage, que le contrat « hôte » des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 ainsi que les conventions d’exécution de ce contrat comportent des clauses compromissoires.
Le Conseil d’État note en premier lieu que le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel a donné, le 6 mai 2025, un avis favorable à cette disposition. Il rappelle en deuxième lieu que le Conseil constitutionnel a jugé que l’interdiction à laquelle il est proposé de déroger est de valeur législative et non constitutionnelle (décision n° 2004‑506 DC du 2 décembre 2004, cons. 32).
Il considère en troisième lieu qu’une telle disposition législative est nécessaire, dès lors que l’exception déjà ouverte par l’article 9 de la loi n° 86‑972 du 19 août 1986 ne vise que les contrats conclus par les personnes publiques, pour la réalisation d’opérations d’intérêt national, avec des sociétés étrangères, statut que n’ont ni le CIO, ni le CIP et ne peut donc s’appliquer.
Il estime en quatrième lieu possible que, conformément aux engagements pris par les autorités françaises vis-à-vis du CIO et du CIP, le recours à une clause compromissoire soit prévu non seulement pour les futurs contrats qui seront conclus pour l’exécution du contrat « hôte », mais également pour ce contrat lui-même, signé le 9 avril 2025. Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, issue notamment de la décision n° 96-375 DC du 9 avril 1996, la disposition législative prévue par le projet de loi donnera une base légale aux stipulations du contrat « hôte » qui confient au Tribunal arbitral du sport la résolution de tous les litiges relatifs à l’interprétation, à la validité et à l’exécution du contrat.
Le Conseil d’État considère enfin que l’intérêt national que représente pour la France l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 justifie la disposition législative proposée.
Garantie financière
7. Les dispositions de l’article L. 4253‑1 du code général des collectivités territoriales fixent le régime des garanties que peuvent consentir les régions. Seuls peuvent être garantis des emprunts souscrits par un tiers, dans des conditions encadrées par ce texte. Le projet de loi propose d’ouvrir, en outre, aux régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence‑Alpes-Côte d’Azur, qui sont à l’origine de la candidature visant à accueillir les jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver 2030, la faculté de garantir l’éventuel solde déficitaire qui serait constaté lors de la liquidation du COJOP, constitué sous forme d’association relevant de la loi du 1er juillet 1901. Enfin, le Gouvernement prévoit de proposer, dans une prochaine loi de finances, une disposition accordant également une garantie portant sur le même éventuel solde déficitaire.
Le Conseil d’État estime, en premier lieu, que l’ouverture aux régions concernées d’une telle faculté ne se heurte, dans son principe, à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
Il note, en second lieu, que, si la disposition proposée ne précise pas la part de garantie revenant à l’État, les dispositions du 5° du II de l’article 34 de la loi organique du 1er août 2001 réservant aux seules lois de finances la compétence d’autoriser l’État à apporter sa garantie, cette disposition a été modifiée, à la suite de ses échanges avec le Gouvernement, par une saisine rectificative qui précise que chaque région peut garantir au plus un quart de l’éventuel solde déficitaire. Il considère que la portée de l’engagement susceptible d’être pris est, ainsi, définie avec suffisamment de précision par le projet de loi, même si le dispositif ne sera complet qu’une fois adoptée la disposition de loi de finances relative à la garantie de l’État.
Sur le titre concernant les dispositions relatives à l’éthique et à l’intégrité
Charte du volontariat olympique et paralympique
8. Le projet de loi vise à imposer au COJOP l’élaboration d’une charte du volontariat olympique et paralympique exposant les droits, devoirs, garanties, conditions de recours, catégories de missions confiées et conditions d'exercice qui s'appliquent, en vertu des dispositions législatives et réglementaires et de la jurisprudence en vigueur, aux volontaires bénévoles appelés à participer à la promotion, à la préparation, à l'organisation ou au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030.
Le Conseil d’État constate qu’une telle charte, qui avait également été publiée pour les jeux de Paris 2024, paraît utile afin non seulement de garantir la bonne organisation des compétitions sportives mais aussi de porter à la connaissance des volontaires leurs droits et conditions d’engagement. Quand bien même la portée juridique de la charte n’est pas certaine, le Conseil d’État considère, au regard de l’article 34 de la Constitution, et dès lors qu’est mise en cause la liberté d’association, que seule la loi peut imposer à l’association qu’est le COJOP de l’élaborer et de la soumettre à la validation de l’État.
Désignation de parlementaires au sein du comité d’éthique et du comité des rémunérations du COJOP
9. Le projet de loi prévoit la désignation d’un député et d’un sénateur pour siéger au sein du comité d’éthique et du comité des rémunérations du COJOP.
Le Conseil d’État constate qu’une disposition législative est nécessaire pour prévoir la désignation de parlementaires pour participer avec voix consultative à deux instances internes du COJOP créées par ses statuts, en vertu de l’article LO. 145 du code électoral. Il note que cette désignation sera effectuée dans les conditions prévues par la loi du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination.
Contrôle de l’Agence française anticorruption
10. Le projet de loi propose que l’Agence française anticorruption (AFA) contrôle, dans le cadre prévu par l’article 3 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, les procédures internes de prévention et de détection des atteintes à la probité qui doivent être mises en place par les personnes morales participant directement ou indirectement à l'organisation et aux opérations postérieures à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques des Alpes 2030.
Le Conseil d’État observe que la maîtrise interne des risques est un enjeu essentiel au regard des montants financiers en jeu et que le dispositif équivalent mis en place pour les jeux de Paris 2024 a permis à l’AFA d’élaborer des recommandations adaptées à l’organisation de manifestations sportives d’ampleur et, sur la base du référentiel qu’elle a publié concernant l’ensemble des entités publiques et privées soumises à son contrôle, de s’assurer de leur mise en œuvre adéquate par, en particulier, le COJOP, la SOLIDEO, les collectivités territoriales concernées ainsi que les opérateurs privés chargés de la reconfiguration des sites olympiques postérieurement à l’organisation des jeux.
Au regard de cette expérience acquise, il retient, à la suite de la saisine rectificative qu’il a suggérée sur ce point, une entrée en vigueur du dispositif de contrôle pour les organisateurs des jeux de 2030 dès la publication de la loi. Par ailleurs, la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale ayant étendu de manière permanente le champ du contrôle de l’AFA à l’ensemble des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des sociétés d’économie mixte locales (SEML), il estime qu’il n’y a pas besoin de prévoir une application spécifique des contrôles de l’AFA pour ces entités à l’occasion de l’organisation des jeux de 2030.
Lutte contre le dopage
11. Le projet de loi comporte un article d’habilitation à prendre par ordonnance, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, des mesures relevant du domaine de la loi qui concernent la lutte antidopage. Selon l’exposé des motifs, le Gouvernement entend assurer la conformité du droit interne au Code mondial antidopage qui constitue un pré‑requis à la tenue des compétitions olympiques et paralympiques.
Le Conseil d’État observe en premier lieu que, si le Gouvernement a souhaité solliciter l’avis de l’Agence française de lutte contre le dopage, en application du 11° de l’article L. 232‑5 du code du sport, cet avis, pour bienvenu qu’il soit, ne revêt aucun caractère obligatoire au stade de la loi d’habilitation (Assemblée générale, note sur un projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, 25 juillet 2013, n° 387788, mentionnée dans le rapport d’activité 2014 du Conseil d’État).
Le Conseil d’État rappelle en deuxième lieu, que statuant au contentieux il a jugé que, compte tenu des termes du paragraphe a de l’article 3 et du paragraphe 2 de l’article 4 de la convention internationale de lutte contre le dopage dans le sport signée à Paris le 19 octobre 2005 et dont la ratification a été autorisée par la loi du 31 janvier 2007, « les stipulations du code mondial antidopage, qui constitue le premier appendice de la convention internationale contre le dopage dans le sport, ne produisent pas d'effets entre les Etats ni, par voie de conséquence, à l'égard des particuliers » (décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux du 28 octobre 2009, M. S, n° 327306, aux tables). Il considère cependant qu’il est loisible au législateur et au pouvoir réglementaire de mettre en œuvre ces dispositions, dans le respect des principes constitutionnels et conventionnels (Assemblée générale, note sur un projet d’ordonnance relatif aux mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour parfaire la transposition en droit interne des principes du Code mondial antidopage, 13 décembre 2018, n° 396298, mentionnée dans le rapport d’activité 2019 du Conseil d’État). Afin de dissiper toute ambiguïté sur la portée en droit interne du code mondial antidopage, le Conseil d’Etat propose de substituer aux termes retenus par le projet de loi, qui font référence à une « mise en conformité » du droit avec les principes du code mondial antidopage, une habilitation à prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires « pour assurer la mise en œuvre dans le droit interne des principes du code mondial antidopage ».
Pour assurer le respect de l’article 38 de la Constitution, le Conseil d’État propose enfin plusieurs modifications, qui ne sont pas toutes en lien avec la tenue des jeux de 2030, de nature à garantir que le projet de loi indique avec une précision suffisante les finalités des mesures susceptibles d’être prises par voie d’ordonnances ainsi que leur domaine d’intervention.
Prérogatives de l’Agence française de lutte contre le dopage en matière d’enquêtes
12. Le projet de loi modifie diverses dispositions du code du sport relatives aux prérogatives dont dispose l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) en matière d’enquêtes à la suite des enseignements opérationnels des jeux de 2024. Ces dispositions n’appellent pas d’observation à l’exception de celles autorisant les enquêteurs de l’AFLD à « procéder à l’inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille ».
Le Conseil d’État relève qu’en application de l’article L. 232‑18‑1 du code du sport seuls les enquêteurs assermentés, agents publics ou fonctionnaires, habilités par le secrétaire général de l’Agence, peuvent procéder à de telles inspections ou fouilles, uniquement dans le cadre et pour les nécessités des enquêtes prévues au 3° du I de L. 232‑5 du même code. Il relève également que ces dispositions permettent seulement à l’auteur du contrôle de demander l’ouverture d’un bagage à son propriétaire ou à son détenteur afin d’en rendre visible le contenu, qu’en revanche la fouille des bagages n’est possible qu’avec le consentement de l’intéressé, qu’enfin les dispositions du projet n’emportent aucun pouvoir d’exécution d’office ou d’usage de la force en cas de refus ni même de conséquences juridiques à un refus. Dans ces conditions, dès lors que ce nouveau pouvoir ne peut être exercé qu’à l’endroit de personnes dont il doit être justifié qu’elles relèvent du champ de l’enquête en cours, et non à l’égard de toute personne, et que l’inspection ou la fouille sont utiles à l’enquête, au regard de son objet, le Conseil d’État considère que les dispositions proposées qui contribuent à la mise en œuvre de l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé et de sauvegarde de l’ordre public ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et ne se heurtent à aucun obstacle d'ordre conventionnel.
Sur le titre concernant les dispositions relatives à l’aménagement, à l’urbanisme, à l’environnement et au logement
13. Le Conseil d’État rappelle que le Conseil national de la montagne, institué par l’article 6 de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, doit être consulté, en vertu du même article, sur les projets de loi « spécifiques à la montagne », c’est-à-dire les dispositions législatives dont l’objet est propre à la montagne et à elle seule. Il constate que deux dispositions du projet de loi sont spécifiques à la montagne, au sens de cet article : il s’agit de la mise en place d’une expérimentation pour accélérer la rénovation énergétique du parc immobilier privé des stations de montagne et de la définition d’un régime dérogatoire pour faciliter l’institution de servitudes de montagne. Il en déduit que ces deux dispositions devaient, en conséquence, être soumises pour avis au Conseil national de la montagne.
Le Conseil d’État constate que l’impossibilité de réunir cette instance avant qu’il ne rende son avis sur le projet de loi est imputable aux contraintes calendaires que le Gouvernement s’est lui-même imposées. Il estime que, dans ces conditions, la consultation du Conseil national de la montagne exigée par la loi ne peut être regardée comme une formalité impossible, ce qui suppose une impossibilité matérielle échappant au contrôle de l’administration. En conséquence, en l’absence de l’avis exigé par l’article 6 de la loi du 9 janvier 1985 précitée, le Conseil d’État considère que ces dispositions ne peuvent être retenues.
Constructions et installations temporaires des jeux Olympiques et Paralympiques
14. A la dispense de toute formalité au titre du code de l'urbanisme, déjà prévue pour les jeux de 2024, au bénéfice des constructions, installations et aménagements ayant un caractère temporaire et directement liés à la préparation, à l’organisation ou au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, le projet de loi vise à ajouter la dispense de toute formalité au titre de la protection des abords des monuments historiques, qui imposerait de solliciter une autorisation de l’architecte des bâtiments de France lorsque ces constructions, installations et aménagements sont visibles d’un monument historique ou visibles en même temps que lui et situés à moins de cinq cents mètres de celui‑ci. Le Conseil d’État estime que l’encadrement strict de la durée de l’implantation de ces constructions, installations et aménagements à caractère temporaire et de celle de leur remise en état assure le rétablissement de la protection des abords de ces monuments. Cette disposition n’appelle dès lors pas d’autre observation de sa part.
Occupation temporaire de terrains
15. A la procédure de réquisition temporaire de terrains et de bâtiments édictée par la loi du 26 mars 2018, qui n’a pas été utilisée lors des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, le projet de loi substitue celle de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l’exécution de travaux publics. Le dispositif entend répondre aux besoins de réalisation d’aménagements temporaires pour les compétitions prévues. Le Conseil d’Etat estime que les adaptations prévues par le projet de loi, qui donne compétence au préfet pour effectuer à la place du maire certaines formalités procédurales et renvoie, pour le calcul de l’indemnité due à raison de cette occupation, aux règles fixées par le code du tourisme en matière d’institution de servitudes destinées à assurer le passage des pistes de ski, sont de nature à en faciliter la mise en œuvre et n'appellent pas de réserves de sa part.
Prolongation du délai d’enlèvement d’une construction autorisée à titre précaire
Le Conseil d’Etat note que la disposition du projet de loi offrant la possibilité de prolonger de six ans le délai à l’expiration duquel doit être enlevée une construction autorisée à titre précaire sur le fondement de l'article L. 433‑1 du code de l'urbanisme permettra d’utiliser, pour les seuls les besoins des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, une structure située à Nice et achevée en 2025. Il constate que la possibilité de prolongation n’est, en l’état actuel des textes, explicitement prévue que dans la seule hypothèse d’une expérimentation, qui n’est pas pertinente en l’espèce. Il estime que cette disposition est adaptée à l’objectif de réutilisation poursuivi et que compte tenu de son encadrement, elle ne se heurte à aucun obstacle d'ordre constitutionnel ou conventionnel.
Création de voies réservées et transfert des compétences en matière de police de la circulation
16. Reprenant pour l’essentiel les dispositions de l’ordonnance du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, le projet de loi permet la création de voies réservées aux véhicules des personnes accréditées par le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, aux taxis, aux véhicules de transport en commun, aux véhicules destinés à favoriser le transport des personnes à mobilité réduite, ainsi qu’aux véhicules de secours et de sécurité, afin d'assurer leur circulation dans des conditions optimales de sécurité et de fluidité. Les pouvoirs de police de la circulation sur ces voies, et sur celles qui assurent leur délestage, sont transférés aux autorités de l’État.
Le projet de loi complète ce dispositif en y ajoutant la possibilité de contrôler les contrevenants à l’utilisation de ces voies réservées au moyen des dispositifs fixes ou mobiles prévus par l'article L. 130-9-1 du code de la route.
Le Conseil d'Etat, lors de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités dont est issu cet article L. 130-9-1, a admis « la possibilité, au regard des principes constitutionnels, de mettre en place un tel dispositif de recueil de données potentiellement identifiantes pour la finalité du contrôle des voies réservées, en raison du motif d’intérêt général poursuivi en termes de politique des transports et de l’environnement, par la création de voies réservées à certains usages ou types de véhicules » (Assemblée Générale, 15 novembre 2018, n° 395539, points 46 à 48).
Il estime que l’extension envisagée est justifiée au regard de l’intérêt général que présentent les jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 et qu’elle est matériellement possible dans la mesure où l'article L. 130-9-1 prévoit que ces traitements peuvent comporter la consultation des fichiers des véhicules autorisés à circuler sur les voies concernées, c'est-à-dire notamment le fichier qui sera établi à partir de la liste des véhicules des personnes accréditées établi par le COJOP.
Occupation du domaine public par le COJOP et les partenaires de marketing olympique
17. Le projet de loi prévoit que, par dérogation aux dispositions de l’article L. 2122‑1‑1 du code général de la propriété des personnes publiques, les titres délivrés au COJOP des Alpes françaises 2030 et les titres de sous-occupation délivrés par ce dernier à ses partenaires de marketing et aux partenaires de marketing du CIO ne font pas l’objet d’une procédure de sélection préalable publique. Il précise également que le COJOP des Alpes françaises 2030 sélectionne ses partenaires de marketing selon une procédure présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester.
Il prévoit enfin que, par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l’article L. 2125‑1 du code général de la propriété des personnes publiques, ces titres de sous‑occupation du domaine public peuvent être délivrés gratuitement.
Comme l’a rappelé le Conseil d’État dans son avis n° 393671 du 9 novembre 2017 sur le projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024 qui comportait des dispositions identiques, une telle dérogation à l’organisation d’une procédure de sélection préalable est compatible avec l’article 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 12 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, tels qu’interprétés par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt Promoimpresa Srl (C-458/14) du 14 juillet 2016, dès lors que la procédure s’avère en l’espèce impossible ou non justifiée pour la délivrance des titres au COJOP des Alpes françaises 2030 ainsi que pour celle des titres de sous‑occupation aux partenaires de marketing désignés par le CIO. Pour ce qui concerne les partenaires de marketing du COJOP des Alpes françaises 2030, le Conseil d’État estime que l’existence d’une procédure préalable de sélection publique et transparente de ces partenaires par le COJOP justifie, en assurant une mise en concurrence avant la délivrance des titres de sous‑occupation, l’absence de procédure spécifique préalable à la délivrance de ces titres.
La délivrance gratuite de titres de sous‑occupation aux partenaires de marketing n’appelle pas d’autres observations que celles formulées dans cet avis.
Recours aux marchés publics de conception-réalisation
18. Le Gouvernement entend faciliter la construction et la réhabilitation d’ouvrages nécessaires à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 en autorisant le recours sans condition aux marchés publics de conception-réalisation, comme cela a été fait pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Le Conseil d’État estime que ce nouveau cas de recours à des marchés globaux, qui permettra à la SOLIDEO Alpes 2030 de bénéficier d’un cadre juridique adapté à la complexité des opérations et des échéances fixées, ne se heurte à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
Durée des accords-cadres pour la réalisation de travaux, fournitures ou services
19. Le projet de loi prévoit que, lorsqu’ils mettent en œuvre l’exception à la durée maximale prévue au 1° de l’article L. 2125‑1 du code de la commande publique, les accords-cadres de travaux, fournitures ou services qui concernent l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 sont conclus pour une durée qui peut aller jusqu’à six ans. Une telle disposition ne figurait pas dans les lois relatives à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Le Conseil d’État observe que l’article L. 2125‑1 du code de la commande publique autorise déjà, dans des cas exceptionnels dûment justifiés, la conclusion d’accords-cadres d’une durée de six ans. Il note que la disposition proposée, qui n’a ni pour objet ni pour effet d’établir une présomption de légalité du recours à des accords-cadres d’une telle durée pour l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, ne dispensera pas les pouvoirs adjudicateurs de devoir justifier au cas par cas la dérogation à la durée de quatre ans fixée pour les pouvoirs adjudicateurs par les directives européennes sur les marchés publics.
Il relève, comme il l’a déjà fait, que cette mesure est plus restrictive que ce qu’impose le droit de l’Union européenne, qui ne fixe pas de durée maximale aux dérogations possibles (voir avis du 14 décembre 2023, n° 407671, sur le projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire), et aura pour effet de limiter à six ans la durée des accords-cadres conclus pour l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030.
Sur le titre concernant les dispositions relatives à la santé et au travail
Centres de santé « Polycliniques olympiques et paralympiques »
20. Afin d’assurer, à titre gratuit, des soins de premier et de second recours aux membres des délégations et aux personnes accréditées par les comités internationaux olympique et paralympique, le projet de loi permet, dans des conditions dérogatoires au droit commun, la création, l’équipement et le fonctionnement d’un centre de santé au sein de chaque village olympique et paralympique, ou à sa proximité immédiate. Le projet de loi prévoit que chaque centre est créé et géré par un établissement de santé de la région.
Le Gouvernement souhaitant ne pas exclure que la création et la gestion de l’un de ces centres de santé puissent, le cas échéant, être confiées à un établissement de santé privé à but lucratif, le Conseil d’État relève que la référence qu’opère le projet à l’article L. 6134‑1 du code de la santé publique en tant que cadre juridique des relations de financement entre les établissements de santé gestionnaires de ces centres de santé et le COJOP est inadaptée, puisque cet article ne s’applique qu’aux établissements de santé publics, ou privés à but non lucratif. Il propose en conséquence de la supprimer.
Dérogation temporaire au repos dominical pour les commerces situés dans les communes des sites de compétition des jeux ainsi que dans les communes limitrophes ou situées à proximité
21. Le projet de loi instaure un dispositif temporaire de dérogation préfectorale au repos dominical, sur demande des établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens ou des services, afin de répondre à l’affluence exceptionnelle attendue de touristes et de travailleurs à l’occasion de cet événement sportif international, pour une période comprise entre les 1er janvier et 31 mars 2030.
Ce dispositif, qui est supplétif par rapport aux régimes de dérogation au repos dominical prévus dans le code du travail, est identique à celui mis en œuvre lors des jeux Olympiques et Paralympiques d’été de Paris 2024, en application de l’article 25 de la loi du 19 mai 2023 précitée.
Ainsi qu’il l’avait relevé dans son avis n° 406383 du 15 décembre 2022 sur le dispositif prévu pour les jeux de Paris 2024, le Conseil d’État estime que l’introduction d’un tel régime dérogatoire, qui n’affecte pas la durée du repos hebdomadaire et est assorti de garanties et contreparties pour les salariés concernés, ne prive pas de garanties légales les exigences résultant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et ne se heurte à aucun autre obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel. Il relève que l’inclusion dans son champ d’application des communes situées à proximité des sites de compétition, et non seulement des communes limitrophes, permet d’assurer le respect du principe d’égalité entre entreprises, conformément à ce qu’il avait estimé nécessaire dans son avis de 2022 cité précédemment.
Le Conseil d’État observe qu’à la différence de l’événement organisé en 2024, certaines communes accueilleront des sites de compétition pour les seuls jeux Olympiques, organisés du 1er au 17 février 2030, et non pour les jeux Paralympiques, prévus du 1er au 10 mars 2030. S’il n’est pas prévu d’écarter ces communes du champ d’application du dispositif à une date antérieure au 31 mars 2030, le Conseil d’État relève qu’elles devraient de toute façon se situer à proximité des sites de compétition des jeux Paralympiques et qu’elles pourront à ce titre continuer à être mobilisées pour l’accueil de spectateurs ou de délégations étrangères venant pour ces jeux. Il rappelle en tout état de cause que le régime dérogatoire prévu par le projet de loi constitue seulement un cadre, dans lequel il reviendra au préfet de département d’apprécier, sous le contrôle du juge administratif, si l’affluence attendue justifie de faire droit aux demandes individuelles de dérogation au repos dominical.
Sur le titre concernant les dispositions relatives à la sécurité
Inspection visuelle des véhicules par des agents privés de sécurité
22. Le projet de loi envisage d’autoriser des agents privés de sécurité à procéder à des inspections visuelles de véhicules, sans être soumis au contrôle d’un officier de police judiciaire, aux fins de sécurisation des sites accueillant de grands événements ou rassemblements tels que définis à l’article L. 211‑11‑1 du code de la sécurité intérieure. Le Conseil d’État souligne que si le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions de l’article L. 613‑2 du code de la sécurité intérieure qui leur permettent, dans certaines configurations, de procéder à des palpations de sécurité et à l’inspection et à la fouille de bagages, en dehors de tout contrôle d’un officier de police judiciaire et sans qu’ils ne soient au préalable habilités ou agréés (Conseil constitutionnel, décision n° 2003‑467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure ; décision n° 2021‑817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés), des contrôles opérés sur les véhicules portent une atteinte particulièrement forte au droit au respect de la vie privée.
Le Conseil d’État examine en premier lieu ces dispositions au regard de l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dont il découle qu’une personne privée ne peut être investie de pouvoirs de police administrative générale, inhérents à l’exercice de la force publique (Conseil constitutionnel, décision n° 2011‑625 DC du 10 mars 2011, Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure). Il rappelle que cette exigence ne fait cependant pas obstacle à ce que des prérogatives de portée limitée puissent être exercées par des personnes privées, dans des lieux déterminés relevant de leur compétence, lorsqu’elles sont strictement nécessaires à l’accomplissement des missions de surveillance ou de sécurité qui leur sont légalement confiées (Conseil constitutionnel, décision n° 2025‑878 DC du 24 avril 2025, Loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, point 6).
Il examine également ces dispositions au regard de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de la jurisprudence de la cour qui admet des fouilles dans les véhicules dès lors que cette ingérence dans la vie privée, protégée par l’article 8 si elle est prévue par la loi, justifiée par l’un des buts énoncés par cet article, au nombre desquels figure la protection de l’ordre public, et n’excède pas ce qui est nécessaire dans une société démocratique (voir par exemple Cour européenne des droits de l’homme, 30 janvier 2020, Vinks et Ribicka c/ Lettonie, n° 28926/10).
Il relève d’abord que le projet prévoit seulement la possibilité pour les agents privés de sécurité de procéder à des inspections visuelles de véhicules, coffre inclus, à l’exclusion de toute fouille et sous la réserve du consentement exprès du conducteur. Le refus de se soumettre à un tel contrôle a pour seule conséquence que ces agents peuvent refuser au conducteur l’accès au site. Le Conseil d’État propose de compléter la rédaction afin d’expliciter que ce refus ne s’entend que pour l’accès au site avec le véhicule en cause, sans préjudice de la possibilité pour le conducteur et ses passagers d’y accéder sans le véhicule. Faute pour le Gouvernement d’avoir pu élaborer un régime d’inspection visuelle adapté à leurs particularités, il suggère également d’exclure la possibilité de procéder à une telle inspection des véhicules spécialement aménagés à usage d’habitation et effectivement utilisés comme résidence (pour la notion de résidence cf. Cass. crim., 28 mai 2024, n° 23‑86.828), dont il appartiendra à l’autorité administrative compétente d’apprécier la nécessité d’en réglementer l’accès au site.
Le Conseil d’État considère que le projet de loi circonscrit de manière suffisamment précise l’application dans le temps de cette prérogative, dans la mesure où ces pouvoirs ne peuvent s’exercer que pendant les périodes indiquées par le décret mentionné à l’article L. 211‑11‑1 du code de la sécurité intérieure, à l’occasion des grands événements et rassemblements définis à cet article, lesquels sont « exposés à un risque d’actes de terrorisme en raison de leur nature et de l’ampleur de leur fréquentation ».
Il estime toutefois que le projet de loi, en permettant qu’il soit procédé à telles inspections dans tous les « lieux concernés » par ces grands événements et rassemblements, ne délimite pas de manière suffisamment précise le champ d’application géographique de cette mesure et propose de modifier la rédaction pour préciser que les contrôles ne pourront porter que sur les véhicules dont les conducteurs souhaitent, à quelque titre que ce soit, accéder aux établissements ou installations désignés par le décret prévu à l’article L. 211‑11‑1. Ces dispositions permettront de procéder à des inspections visuelles des véhicules utilisés aussi bien par les spectateurs que par les personnes travaillant sur ces sites, venant y livrer des biens ou y fournir des services, ou y effectuant des missions ponctuelles. Il ne pourra être procédé à l’inspection qu’à l’occasion de l’accès, et non de manière permanente.
Son champ d’application ainsi précisé, le Conseil d’État considère, au vu des informations transmises par le Gouvernement, que la compétence donnée aux agents privés de sécurité est de nature à permettre de réduire les risques pour la sécurité sur les sites des grands événements et rassemblements et qu’elle n’excède pas ce qui est strictement nécessaire à l’accomplissement de leurs missions par ces agents.
Le Conseil d’État estime que ces inspections visuelles, au regard de leur champ et de leur but, n’ont pas le caractère d’une mission de surveillance générale de la voie publique qui exigerait que les agents privés de sécurité soient placés sous le contrôle d’un officier de police judiciaire et qu’elles n’ont ni pour objet ni pour effet d’investir ces agents d’un pouvoir de police administrative générale en méconnaissance de l’article 12 de la Déclaration de 1789.
Pour les mêmes raisons et sous les mêmes réserves, le Conseil d’État estime en second lieu que cette disposition procède à une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public qu’elle poursuit et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, notamment la liberté d’aller et venir et le droit au respect de la vie privée. Il estime ainsi qu’elle ne se heurte à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
Interdiction de décollage
23. Les jeux Olympiques et Paralympiques constituent de grands évènements, au sens de l'article L. 211‑11‑1 du code de la sécurité intérieure, qui les définit comme les évènements et rassemblements qui, en raison de leur nature et de l’ampleur de leur fréquentation, sont exposés à un risque d’actes de terrorisme. Le Conseil d’État rappelle que si les dispositions de cet article servent de fondement aux mesures particulières prises pour en sécuriser l’accès à terre, ce sont les interdictions de survol de certaines zones, prises en application de l'article L. 6211‑4 du code des transports, qui préviennent les menaces venant de l’espace aérien.
Le projet de loi vise à compléter cette protection en donnant à l’autorité administrative en charge de la police de la navigation des aéronefs la possibilité de prononcer une interdiction de décollage à l’encontre de tout pilote dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’il envisage de se soustraire à une telle interdiction de survol afin de troubler gravement l’ordre public ou de porter atteinte à la sécurité publique.
Le Conseil d’État estime souhaitable de renforcer l’encadrement de cette interdiction de décollage en la réservant aux cas où le trouble que la personne qui en fait l’objet envisage de porter à l’ordre public revêt un caractère grave, et en précisant le lien qui existe entre cette interdiction de décollage et la violation projetée de l’interdiction de survol. Il considère qu’assortie de ces précisions, la disposition du projet de loi opère une conciliation équilibrée entre la prévention des atteintes graves à l’ordre public et la liberté d'aller et venir, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (Conseil constitutionnel, décision n° 2003‑467 DC, 13 mars 2003, point 8 ; décision n° 2022‑835 DC, 21 janvier 2022, point 8) , eu égard au motif impérieux de sécurité publique poursuivi, aux conditions posées pour y recourir et à la limitation de sa durée, et ne se heurte à aucun autre obstacle d'ordre constitutionnel ou conventionnel.
Il estime, enfin, que la nature de l’infraction constituée par la méconnaissance de l’interdiction de décollage justifie que les sanctions encourues soient alignées sur celles pouvant être infligées à des pilotes violant délibérément les interdictions de survol.
Interdiction de paraître dans les lieux des grands événements et grands rassemblements
24. Par l’insertion d’un nouvel article L. 226‑1‑1 du code de la sécurité intérieure, le projet de loi ouvre la possibilité pour le ministre de l’intérieur, aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme et après en avoir préalablement informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, de prononcer à l’égard de toute personne ne faisant pas l’objet d’une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) prévue aux articles L. 228‑2 et L. 228‑4 de ce code mais pour laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité publique, une interdiction de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels se tient un grand événement ou un grand rassemblement tels que définis à l’article L. 211‑11‑1 du code de la sécurité intérieure.
Cette disposition vise à interdire l’accès à des événements qui, par leur nature et par leur ampleur, risquent de faire l’objet d’actes de terrorisme, à des personnes qui représentent une menace de nature terroriste mais ne peuvent faire l’objet d’une MICAS, soit qu’ils n’en remplissent pas les critères, soit qu’ils en ont déjà fait l’objet pendant la durée maximale de douze mois prévue par la loi.
Le Conseil d’État relève que la finalité de cette disposition et les personnes visées sont distincts de la finalité et des personnes concernées par les interdictions administratives de stade prévues à l’article L. 332‑16 du code du sport. Eu égard à leur objet et à leurs finalités différentes, le Conseil d’État estime que rien ne s’oppose à ce que le législateur autorise l’autorité compétente à interdire, le cas échéant en les cumulant, l’accès d’un site à une même personne par deux mesures distinctes et pour deux motifs différents.
Le Conseil d’État constate que ces dispositions reprennent, pour l’essentiel, le dispositif prévu à l’article L. 228‑2 du code de la sécurité intérieure qui permet au ministre de l’intérieur d’assortir l’obligation faite à une personne de ne pas se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique, d’une interdiction de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés se trouvant au sein de ce périmètre, que le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution (décision n° 2021‑822 DC du 30 juillet 2021, Loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement). Il examine également ces dispositions à la lumière de l’article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et s’assure que cette ingérence dans la liberté est justifiée par un motif adéquat et n’excède pas ce qui est nécessaire dans une société démocratique (Cour européenne des droits de l’homme, 22 octobre 2018, S, V et A c/ Danemark, n° 35553/12).
Il relève d’abord que ces mesures, prises aux seules fins de prévention des actes de terrorisme et à l’exclusion de toute autre finalité, ne pourront être prononcées qu’à l’encontre de personnes qui présentent une menace d’une particulière gravité pour la sécurité publique. Le Conseil d’État prend note de la volonté du Gouvernement, par ce choix, de prévenir toute utilisation de ce dispositif à des fins autres que celle énoncée. Il estime que ces conditions sont de nature à prévenir toute atteinte par les décisions légalement prises sur le fondement de ces dispositions à la liberté de manifester et à la liberté d’opinion.
Le Conseil d’État relève ensuite que le projet de loi prévoit que l’interdiction de paraître pourra concerner tout ou partie des lieux accueillant un même événement, pour la durée de l’événement, dans la limite de deux mois. Il note que ces interdictions devraient, pour la plupart, porter sur des événements d’une durée d’un ou quelques jours, et qu’elles permettent de couvrir des événements qui se déroulent sur une durée de quelques semaines, à l’instar des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030. Si une telle interdiction est ainsi susceptible de porter sur plusieurs sites et pour une durée maximale de deux mois, le Conseil d’État estime que la mesure envisagée est suffisamment précise, limitée et justifiée dans ses finalités, sa portée et sa durée. Compte tenu, en premier lieu, de la restriction limitée à la liberté d’aller et venir qu’une telle mesure représente, en deuxième lieu, de l’exigence que ces mesures prennent en compte la vie familiale et professionnelle de l’intéressé et, en troisième lieu, de l’objectif strictement limité à la prévention des actes de terrorisme et du profil des personnes susceptibles d’en faire l’objet, il considère que ces dispositions sont de nature à assurer une conciliation équilibrée entre l’objectif de prévention des atteintes à la sécurité publique et les libertés constitutionnellement garanties, notamment la liberté d’aller et venir.
Le projet de loi prévoit également des délais de recours et de jugement spécifiques pour ces décisions. Le Conseil d’État relève encore qu’eu égard tant à la particulière brièveté de certaines de ces mesures qu’aux effets limités qui s’attachent à une éventuelle annulation prononcée après leur durée d’application, la garantie de l’effectivité du droit au recours contre ces décisions réside essentiellement dans la possibilité de saisir le juge du référé-liberté et pour celui-ci, de statuer en temps utile. A cet égard, il estime que la notification de la décision au moins 48 heures avant son entrée en vigueur, sauf urgence dûment justifiée, est de nature à permettre une saisine du juge des référés afin que celui-ci statue en temps utile. Il recommande que la notification laisse un délai plus long que ce minimum légal de 48 heures, dans tous les cas où ce sera matériellement possible.
Sous réserve de ces adaptations, le Conseil d’État estime que ces dispositions ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
Reconduction de l’expérimentation portant sur la mise en œuvre sur les images issues de la vidéoprotection ou captées par des aéronefs d’algorithmes visant à identifier des événements prédéterminés aux fins de sécuriser les manifestations sportives d’ampleur
25. L'article 10 de la loi du 19 mai 2023 citée précédemment a autorisé, à titre expérimental, jusqu'au 31 mars 2025, une utilisation de la vidéoprotection assistée par intelligence artificielle. L'usage de ce dispositif était borné à la sécurisation de manifestations de grande ampleur, exposé à des risques particuliers de sécurité. Toutes les caméras de surveillance pouvaient faire l'objet d'un traitement algorithmique destiné à détecter des événements prédéterminés (définis par le décret du 28 août 2023 relatif aux modalités de mise en œuvre des traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection et de caméras installées sur des aéronefs pris en application de l'article 10 de la loi du 19 mai 2023) de nature à permettre d'attirer l'attention des services de sécurité sur un risque localisé par l'implantation de la caméra. Tant la création du traitement et ses conditions de réalisation, le cas échéant par un sous-traitant, que sa mise en œuvre sur autorisation administrative, ont été entourés à la suggestion du Conseil d’État (avis d’assemblée générale, n° 406383 du 15 décembre 2023, points 22 à 27) puis par le législateur de très nombreuses garanties de manière à préserver les libertés publiques et la protection des données personnelles. L'expérimentation devait faire l'objet d'un rapport, dans des conditions régies par un décret en Conseil d’État (décret du 11 octobre 2023 relatif aux modalités de pilotage et d'évaluation de l'expérimentation de traitement algorithmique d'images légalement collecté au moyen de systèmes de vidéoprotection et de caméras installées sur des aéronefs).
Le rapport du comité d'évaluation a été déposé en janvier 2025 et, conformément à la loi, immédiatement rendu publique. Le Conseil d’État note que le bilan tiré par le comité est celui d'un intérêt opérationnel encore inégal, certains des événements prédéterminés n'ayant pu donner lieu à une exploitation utile, alors que dans d'autres cas une réelle plus‑value pouvait être constatée. Très strictement encadré par le droit, le dispositif est apparu au comité comme ne portant atteinte à aucune liberté publique ni dans sa conception ni dans sa mise en œuvre. Le comité conclut par plusieurs questions relatives à des évolutions juridiques, dont la plupart concernent les domaines réglementaires ou opérationnels, sans prendre parti sur la nécessité d'aucune d'entre elles.
Sur cette base, le Gouvernement propose de rouvrir l'expérimentation jusqu'au 31 décembre 2027, en prévoyant le dépôt d'un rapport analogue à celui ayant été déposé au plus tard le 30 septembre 2027. Le Parlement avait adopté cette disposition par un amendement devenu l’article 15 de la loi du 28 avril 2025 relative au renforcement de la sécurité dans les transports, que toutefois le Conseil constitutionnel a censuré (points 134 à 138 de la décision n° 2025‑878 DC du 24 avril 2025) comme dénué de tout rapport avec le projet de loi.
Le Conseil d’État estime que la reconduction pure et simple du dispositif, contraignant mais protecteur, auquel il a déjà donné un avis favorable (avis du 15 décembre 2023 précité) et que le Conseil constitutionnel a expressément reconnu comme conforme à la Constitution par sa décision n° 2023‑850 DC du 17 mai 2023 (points 26 à 49, au prix d'une réserve d'interprétation qui n'appelle pas de modification législative pour être utilement prise en compte), répond de manière adéquate au bilan de l'évaluation et permettra, au terme de cette période, de décider de l'abandon ou de la pérennisation de la technique. Le Conseil d’État relève que l’entrée en vigueur du règlement (UE) 2024/1689 du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle, qui n’était pas encore applicable lors de l’adoption de la loi (et ne l’est, à la date du présent avis, encore que partiellement) est sans incidence sur le contenu des dispositions, qui s’y étaient conformées par anticipation. Le Conseil d’État estime qu’au regard des imperfections des différents traitements utilisés, relevées par le comité d’évaluation, et de la nécessité de perfectionner les algorithmes employés, la durée proposée par le Gouvernement apparaît répondre aux besoins identifiés par l’évaluation.
Sur les dispositions n’appelant pas d’observations particulières
26. Le projet de loi comporte également les dispositions suivantes :
- Un article instituant des dérogations, d’ampleur et de durée variables, aux interdictions et restrictions en matière de publicité faites tant par la législation nationale que par les dispositions des règlements locaux de publicité ;
- Un article soumettant les projets, plans ou programmes ayant une incidence sur l’environnement nécessaires à la préparation, à l’organisation et au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 à la procédure de participation du public par voie électronique prévue à l’article L. 123‑19 du code de l’environnement ;
- Un article étendant la procédure intégrée instituée par l'article L. 300‑6‑1 du code de l'urbanisme aux opérations d’aménagement ou de construction nécessitées par les jeux Olympiques et Paralympiques, et le bénéfice de la procédure de la participation du public par voie électronique pour la mise en comptabilité avec les documents d'urbanisme lorsque ces opérations d’aménagement ou de construction constituent des unités touristiques nouvelles ;
- Un article étendant le bénéfice de la procédure dite d’« extrême urgence » prévue par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique permettant la prise de possession d’immeubles dont l’acquisition est nécessaire pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 ;
- Un article prévoyant la possibilité d’appliquer aux projets de construction ou d’aménagement nécessaires aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 du permis de construire autorisant un état provisoire et un état définitif, dit « permis à double état », qui précise que son champ d’application comprend les immeubles classés au titre des monuments historiques ;
- Un article autorisant la location au COJOP des logements de foyers de jeunes travailleurs et des logements sociaux, qui seraient vacants au 1er février 2030, pour y accueillir les différents personnels mobilisés pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 ;
- Un article prévoyant l’élaboration, par les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur, autorités organisatrices de la mobilité régionales, d’un rapport relatif à l’amélioration de l’accessibilité des transports ;
- Un article reprenant les dispositions de l’article 29 de la loi du 26 mars 2018 citée précédemment afin de rendre la Cour des comptes compétente pour contrôler les comptes et la gestion de l’ensemble des personnes concourant à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, lorsqu’elles ont leur siège en France et, s’agissant des personnes morales de droit privé, bénéficient d’un financement public à ce titre et prévoyant qu’elle remettra au Parlement un premier rapport sur l’organisation de ces jeux en 2028 ;
- Un article permettant à des professionnels de santé qui ne remplissent pas les conditions requises pour exercer leur profession en France de l’exercer en qualité de médecins superviseurs des compétitions, d’accompagnants des fédérations et organismes en charge de la préparation et du déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, ou encore en qualité de volontaires affectés dans le centre de soins du village olympique et paralympique ;
- Un article modifiant le code du sport pour mettre en cohérence les dispositions relatives aux installations sportives avec celles du code de la construction et de l’habitation à la suite de l’insertion dans ce code d’une nouvelle définition des « structures provisoires et démontables » ;
- Un article modifiant le code de la sécurité intérieure pour permettre aux sociétés de transports de demander une enquête administrative préalablement au recrutement de personnels intérimaires dans les mêmes conditions, prévues à l’article L. 114‑2 du code de la sécurité intérieure, que pour les salariés de ces entreprises ;
- Un article étendant l’application de l’article 11 de la loi du 26 mars 2018 précitée qui a imposé aux bateaux stationnant sur la Seine à Paris de se raccorder au réseau public d’assainissement développé par les gestionnaires du domaine public fluvial dans l’objectif d’améliorer la qualité de l’eau de la Seine, et sanctionnant la méconnaissance des obligations qu’il édicte ;
- Un article homologuant, en application de l’article 21 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, les peines d’emprisonnement édictées par l’assemblée de la Polynésie française en matière de délits liés au dopage.
Ces dispositions n’appellent pas d’observations particulières de la part du Conseil d’État.
Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du mercredi 7 mai 2025 et par la commission permanente du Conseil d’État dans sa séance du 13 mai 2025.