Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis du Conseil d'État sur un projet de loi relatif aux compétences, aux moyens, à l’organisation et au contrôle des polices municipales et des gardes champêtres.
1. Le Conseil d’État a été saisi le 8 septembre 2025 d’un projet de loi relatif à l’extension des prérogatives des polices municipales et des gardes champêtres
2. Le texte, composé de dix-neuf articles, est organisé en sept titres respectivement intitulés : « Le rôle des polices municipales et des gardes champêtres dans le maintien de la tranquillité publique sous la responsabilité du maire », « Les prérogatives des polices municipales », « Les nouveaux moyens d’action des polices municipales et des gardes champêtres », « La formation des policiers municipaux et des gardes champêtres », « La mutualisation et la coordination entre communes des policiers municipaux et des gardes champêtres», « Le contrôle et la déontologie de policiers municipaux et des gardes champêtres » et « Dispositions d’adaptation dans les outre-mer ».
Considérations générales
3. Selon l’exposé des motifs et l’étude d’impact, le Gouvernement considère, à l’issue d’une phase de concertation associant les diverses parties prenantes, intitulée « Beauvau des polices municipales », qui s’est déroulée d’avril 2024 à mai 2025, que l’évolution de la délinquance dite « de proximité », nécessite d’améliorer la complémentarité entre les services garants de la sécurité et de la tranquillité publiques de proximité, en tenant compte des facultés offertes par les nouvelles technologies.
4. Depuis la promulgation de la loi n° 99 291 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales de nombreuses modifications législatives ponctuelles sont intervenues. Huit textes de loi ont été adoptés qui ont sensiblement accru les prérogatives et les moyens des policiers municipaux. L’accélération du mouvement depuis une dizaine d’années illustre la volonté d’assurer une complémentarité opérationnelle entre les services de police municipale et les forces de sécurité intérieure relevant de l’État (police et gendarmerie nationales), dans le respect des compétences respectives du maire, au titre de la libre administration des collectivités territoriales, et du représentant de l’État dans le département, en application de l’article 72 de la Constitution. L’étude d’impact et l’exposé des motifs indiquent que le débat a porté plus récemment sur l’attribution aux polices municipales de pouvoirs de police judiciaire, nécessairement placés dans ce cas sous le contrôle de l’autorité judiciaire.
5. Le projet de loi envisage une réforme plus générale de la police municipale, qui, au-delà des compétences, porte sur l’organisation, la formation et le contrôle des agents et de leur encadrement, le renforcement de leur accès à de nouveaux moyens matériels tels les drones.
6. Le projet de loi actualise les dispositions relatives aux gardes champêtres pour rapprocher les prérogatives et le fonctionnement de ce cadre d’emploi avec celui des policiers municipaux, sans pour autant remettre en cause les spécificités de leur mission.
7. Selon les données transmises par le Gouvernement ou issues de l’étude d’impact, au 31 décembre 2023, on dénombrait 28 161 agents de police municipale, soit une augmentation d’environ 45 % en dix ans, dans 3 812 communes ou établissements publics de coopération intercommunale. La moitié de ces collectivités emploie moins de trois agents et 24 seulement, plus de 100 agents. 77 % des agents étaient armés dont les trois quarts d’armes à feu de poing. Ces chiffres sont tous en hausse. Pour leur part, les gardes champêtres sont environ 600, nombre qui a diminué de près de 40 % ces dix dernières années.
8. L’étude d’impact répond aux exigences de l’article 8 la loi organique n° 2009 403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34 1, 39 et 44 de la Constitution. Le Conseil d’État regrette cependant que celle-ci n’ait pas davantage traité la question de l’articulation entre les dispositions proposées et les dispositions relatives à la procédure pénale générale figurant dans le code de procédure pénale, ni évoqué les carences constatées en matière de contrôle des polices municipales.
9. Si le Conseil d’État regrette que le Gouvernement n’ait pas souhaité recueillir le point de vue de la Commission consultative des polices municipales, il constate cependant que le projet de loi a été soumis à l’avis préalable de l’ensemble des instances dont la consultation est obligatoire.
Examen du texte
Le titre du projet de loi
10. Le Conseil d’État préconise de modifier le titre du projet de loi afin que celui-ci corresponde mieux au contenu du texte. Celui-ci ne modifie en effet pas seulement les prérogatives des policiers municipaux et des gardes champêtres, mais étend également la liste de leurs moyens d’action, modifie les règles de formation, d’organisation et de contrôle de ces professions.
Rôle des polices municipales et des gardes champêtres en matière de police de proximité sous la responsabilité du maire
11. Le projet de loi comporte un article introductif unique visant à exposer l’orientation principale du texte en inscrivant, dans le code général des collectivités territoriales (CGCT), le principe d’une complémentarité, en matière de sécurité de proximité, entre les forces de police et de gendarmerie nationales, d’une part, et les polices municipales, d’autre part. Le Conseil d’État propose de modifier la rédaction de ces dispositions par souci d’harmonie rédactionnelle avec l’article appelé à le précéder dans le CGCT, mais également par cohérence avec les termes de l’article L. 132 1 du code de la sécurité intérieure qui établit le rôle du maire en matière de sécurité publique et de prévention de la délinquance.
Prérogatives étendues des polices municipales
12. Le titre II du projet de loi a pour principal objet, d’une part, de tracer le cadre juridique permettant d’attribuer de nouvelles prérogatives judiciaires aux policiers municipaux et, d’autre part, de fixer la liste de ces compétences nouvelles.
13. Le Conseil d’État constate que, dans les collectivités territoriales qui seront volontaires, l’activité qui naîtra de l’exercice de prérogatives élargies en matière judiciaire par les agents de la police municipale, les gardes champêtres et les personnels d’encadrement, entraînera nécessairement des dépenses supplémentaires évaluées très partiellement par l’étude d’impact jointe au projet de loi. Il constate cependant que le dispositif proposé ne procède pas à un transfert ni à une extension de compétences, mais se borne à aménager une compétence existante qui est exercée au nom de l’État. Il estime, par suite, que ces dépenses n'entrent pas dans le champ d'application du principe de compensation financière prévu par le quatrième alinéa de l’article 72 2 de la Constitution, à l’instar de ce qu’a jugé le Conseil constitutionnel dans ses décisions n° 2010 29/37 du 22 septembre 2010, Commune de Besançon, et n° 2010-109 QPC du 25 mars 2011, Département des Côtes d'Armor.
En ce qui concerne l’entrée volontaire dans le dispositif
14. Le projet de loi subordonne la décision de la commune ou de l’établissement de doter ses agents de police de compétences de police judiciaire à l’existence d’un service de police municipale placé sous l’autorité effective et permanente de personnels d’encadrement détenteurs d’une habilitation particulière de la nature de celle qui est attribuée aux officiers de police judiciaire. Le projet de loi précise que ces personnels d’encadrement devront présenter les compétences professionnelles requises et des garanties équivalentes à celles exigées de la part des officiers de police judiciaire (OPJ). Cette mention fait directement écho aux exigences formulées par deux fois par le Conseil constitutionnel qui a rappelé dans sa décision 20 mai 2021, n° 2021 817 DC : « qu’il résulte de l'article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire. Cette exigence ne serait pas respectée si des pouvoirs généraux d'enquête criminelle ou délictuelle étaient confiés à des agents qui, relevant des autorités communales, ne sont pas mis à la disposition d'officiers de police judiciaire ou de personnes présentant des garanties équivalentes ».
15. Le Conseil constitutionnel en a déduit deux exigences préalables à l’exercice de pouvoirs de police judiciaire plus étendus par les agents de police municipale : d’une part, que ceux-ci soient placés sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire ; d’autre part, qu’à défaut de l’intervention d’un OPJ dans la chaîne de contrôle judiciaire, positionné entre le procureur de la République et les agents de police municipale, un acteur intermédiaire, tel les personnels d’encadrement, puisse remplir une fonction analogue, à condition qu’il présente des compétences professionnelles semblables et offre des garanties équivalentes à celles exigées des OPJ.
En ce qui concerne le cadre juridique envisagé sur le contrôle et les garanties équivalentes
16. En ce qui concerne la première exigence, le Conseil d’État note que les personnels d’encadrement, pour l’exercice de leurs missions de police judiciaire, sont placés, sans préjudice de l’autorité hiérarchique du maire, sous la surveillance du procureur de la République et le contrôle de la chambre de l’instruction, à l’instar des officiers de police judiciaire. Il est prévu qu’à leur tour, les agents de la police municipale demeurent sous le contrôle effectif et permanent des personnels d’encadrement, sans préjudice de la faculté qu’aura le procureur de la République d’adresser directement des instructions à ces agents.
17. En ce qui concerne la seconde exigence, si le Conseil constitutionnel n’a pas précisé le contenu de la notion de « garanties équivalentes », le Conseil d’État estime possible de se référer aux garanties statutaires dont disposent les OPJ en matière de nomination et d’habilitation par l’autorité judiciaire, de modalités de contrôle et de responsabilité disciplinaires spécifiques (obligation de rendre compte, possibilité de suspension par le procureur général, retrait possible de l’habilitation par la chambre de l’instruction, association de l’autorité judiciaire à d’éventuelles enquêtes administratives…). Il constate que le projet de loi renvoie aux articles 16 à 16 3 du code de procédure pénale relatifs aux règles d’habilitation des OPJ et, par ailleurs, détaille les modalités spécifiques d’exercice de l’autorité du procureur de la République sur les personnels d’encadrement de la police municipale, tant en matière d’obligation d’information de celui-ci qu’en ce qui concerne son rôle en matière d’évaluation, sans omettre l’association de l’autorité judiciaire à d’éventuelles enquêtes administratives relatives à l’exercice des pouvoirs de police judiciaire. Le Conseil d’Etat estime nécessaire de renforcer ces garanties en prévoyant que les obligations de formation et d’examen technique garantissant les compétences professionnelles de ces personnels d’encadrement ayant vocation à être habilités, sont déterminées par un décret en Conseil d’Etat.
18. Le Conseil d’État propose également d’ajouter une disposition levant toute ambiguïté quant au fait que les agents et les personnels d’encadrement de la police municipale, de même que les gardes champêtres, lorsqu’ils exercent les prérogatives judiciaires étendues comme l’autorise le projet de loi, sont placés sous l’autorité exclusive du parquet. Il propose de même d’introduire des précisions quant à la nécessité de prévoir, sur le fondement d’un décret pris en Conseil d’État, une formation adaptée pour les agents d’exécution et de sensibiliser les élus concernés aux conditions spécifiques d’exercice de leur autorité dans ce cadre juridique nouveau.
19. Au bénéfice de ces observations et des compléments qu’il propose d’apporter au texte du projet de loi, le Conseil d’État estime que ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences de l’article 66 de la Constitution.
En ce qui concerne les nouvelles prérogatives de police judiciaire attribuées aux policiers municipaux, à leur encadrement et aux gardes champêtres
20. En premier lieu, le Conseil d’État observe que les agents de police municipale et les gardes champêtres disposent aujourd’hui de compétences judiciaires pour l’essentiel circonscrites au constat, par procès-verbal, de contraventions concernant le non-respect des arrêtés du maire, de certaines contraventions figurant au livre VI du code de procédure pénale (CPP) ou d’autres encore relatives au code de la route, toutes précisément énumérées. Cette compétence a été progressivement étendue à la constatation de certains délits dont la liste est strictement limitée à sept types d’infractions. Ces compétences ne s’exercent que pour autant que, aux termes de l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure, « elles ne nécessitent pas de leur part d'actes d'enquête et à l'exclusion de celles réprimant des atteintes à l'intégrité des personnes ». De la même façon, les gardes champêtres sont habilités à constater les infractions concernant les mêmes contraventions et disposent par ailleurs de compétences propres relatives à cinq types d’infractions. Enfin, en application de l’article 78 6 du CPP, les agents de police municipale et les gardes champêtres sont habilités à relever l’identité des contrevenants pour dresser les procès-verbaux de constatation des contraventions qu’ils sont autorisés à constater.
21. Le projet de loi propose d’habiliter les agents de police municipale et les gardes champêtres à constater par procès-verbal, sur le territoire où ils exercent, neuf nouvelles infractions. Sont ainsi concernées les infractions de vente à la sauvette prévues aux articles 446 1 et 446 2 du code pénal, de vol dans les conditions prévues à l’article 311 3 1 du code pénal, d’inscription, signe ou dessin ayant entraîné un dommage léger prévue au II de l’article 322 1 du code pénal, d’entrave à la circulation prévue à l’article L. 412 1 du code de la route, d’occupation illicite de hall d’immeuble prévue à l’article 272 4 du code de la sécurité intérieure, d’outrage sexiste et sexuel aggravé prévue à l’article 222 33 1 1 du code pénal, de vente d’alcool aux mineurs prévue à l’article L. 3353 3 du code de la santé publique, d’usage de stupéfiants prévu à l’article L. 3421 1 du code de la santé publique, de conduite malgré une invalidation du permis de conduire prévue à l’article L. 224 16 du code de la route.
22. Le Conseil d’État souligne que ces infractions, dont certaines peuvent donner lieu à une amende forfaitaire délictuelle, procédure qui pourra être mise en œuvre par ces mêmes agents aussitôt que les moyens techniques appropriés seront disponibles et leurs conditions d’emploi définies, ont pour point commun de relever de la police du quotidien.
23. Le projet de loi prévoit également qu’au titre de ces nouvelles infractions, les agents de la police municipale et les gardes champêtres pourront procéder à des relevés d’identité et propose de modifier en ce sens l’article 78 6 du code de procédure pénale.
Ces dispositions n’appellent pas d’observation du Conseil d’État.
24. En revanche, le Conseil d’État propose de ne pas retenir la disposition prévoyant que la consultation de fichiers aux fins de constater les infractions que les policiers municipaux sont habilités à constater par les lois et règlements ne constitue pas un acte d’enquête. En effet, outre que le projet de loi s’en tient au statu quo et n’envisage pas d’élargir l’accès à de nouveaux fichiers, une telle affirmation lui apparaît inutile puisque, d’ores et déjà, et alors même qu’ils ne peuvent réaliser d’actes d’enquête, les agents de police municipale peuvent consulter certains fichiers, en application de la loi (voir par exemple, l’article L. 330-2 du code de la route) ou des règles, propres à ces fichiers, qui déterminent la liste des accédants (voir par exemple, les articles R. 225 5 et R. 330 2 du même code).
25. En second lieu, il relève que les personnels d’encadrement seront seuls à pouvoir exercer, sous l’autorité du procureur de la République, quatre types de compétences judiciaires supplémentaires nouvelles en matière de constatation de certains délits. Ils seront ainsi en mesure d’ordonner, après accord du procureur de la République, la destruction des objets remis volontairement aux agents de police municipale dans le cadre de la procédure d’amende forfaitaire délictuelle ou leur remise à des organisations caritatives ou humanitaires ; d’ordonner, après accord du procureur de la République, l’immobilisation et la mise en fourrière de véhicule en cas de constatation d’une contravention ou d’un délit pour lesquels la peine de confiscation est encourue ; de procéder ou faire procéder au moyen d'un appareil permettant de déterminer la concentration d'alcool par l'analyse de l'air expiré à la condition que cet appareil soit conforme à un type homologué, aux vérifications destinées à établir l’état alcoolique dans le cadre de contrôles routiers ; enfin, de procéder ou de faire procéder, en cas de crime ou délit flagrant, à la consultation, l’extraction, la copie et la transmission, d’initiative, au procureur de la République et aux officiers de police judiciaire, de données issues des systèmes de vidéoprotection.
26. Le Conseil d’État souligne que, si l’attribution de ces prérogatives est en principe censé accroître l’autonomie des services de police municipale dans le traitement des procédures judiciaires, l’exercice de ces compétences propres aux personnels d’encadrement requerra leur présence physique effective sur les lieux.
27. En troisième lieu, le projet de loi prévoit d’élargir et d’harmoniser certaines compétences des policiers municipaux et des gardes champêtres en matière de dépistage d’alcoolémie et de stupéfiants, de mise en fourrière des véhicules, de restitution d’animaux errants ou de constats d’infractions en matière d’urbanisme.
28. Le Conseil d’État estime que, dans le cadre juridique précédemment exposé, ces attributions nouvelles, qui demeurent dans le champ de la police du quotidien devraient contribuer à faciliter le traitement de certaines procédures sans porter atteinte aux garanties légales offertes par le code de procédure pénale.
En ce qui concerne la mise en œuvre juridique de ces dispositions
29. Le Conseil d’État constate que l’extension des pouvoirs judiciaires ainsi confiés aux agents de police municipale va accroître significativement les circonstances dans lesquelles leurs initiatives vont devoir s’articuler avec les prérogatives des officiers de police judiciaire et des agents de police judiciaire, telles que celles-ci sont fixées par le code de procédure pénale. En effet, si l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure détermine les missions de police administrative et de police judiciaire des agents de police municipale, c’est le code de procédure pénale qui prévoit pour les policiers municipaux, qui ont la qualité d’agents de police judiciaire adjoints, une série de dispositions relatives à leurs missions, leur compétence territoriale, leurs prérogatives en matière de constat pour certaines infractions, de recueil d’observations des contrevenants, de relevé d’identité ou de délivrance d’amendes forfaitaires, de même qu’il traite des modalités habituelles de transmission de leurs rapports et procès-verbaux. En conséquence, le Conseil d’État n’estime pas satisfaisant de faire figurer dans le code de la sécurité intérieure des dispositions relevant du champ de la procédure pénale telles que celles établissant de nouvelles infractions pénales susceptibles de pouvoir être constatées par les agents de la police municipale.
30. Le Conseil d’État considère que l’insertion de nouvelles dispositions de procédure pénale dans des codes doit s’organiser selon les principes suivants :
- les dispositions qui ont trait à la procédure relative à la constatation d’une infraction prévue par le code pénal, ainsi qu’à la recherche, la poursuite et le jugement de ses auteurs, devraient figurer dans le code de procédure pénale. Les dispositions érigeant en infraction pénale la méconnaissance d’une règle de procédure pénale devraient figurer également dans le code de procédure pénale ;
- dans la mesure du possible et sous réserve de considérations particulières, les dispositions qui ont trait à la procédure relative à la constatation d’une infraction prévue par un code autre que le code pénal ou par un texte non codifié, ainsi qu’à la recherche, la poursuite et le jugement de ses auteurs, auraient également vocation à figurer dans le code de procédure pénale ;
- toutefois, des dispositions de procédure pénale peuvent figurer dans des codes autres que le code de procédure pénale ou dans des lois prévoyant les infractions concernées, qu’il s’agisse de dispositions nouvelles ou de dispositions venant modifier des dispositions existantes, pour des raisons intéressant, au regard de la matière en cause, la spécificité de l’infraction ou la singularité des règles de procédure s’y rapportant, tenant principalement aux agents compétents pour la constatation ou la poursuite des infractions concernées, aux modes d’établissement de leur preuve ou aux juridictions compétentes en pour connaître.
31. En application de ces principes, le Conseil d’Etat estime que les dispositions des articles relatifs aux compétences judiciaires des agents de police municipale et de leurs personnels d’encadrement doivent figurer dans le code de procédure pénale plutôt que dans le code de la sécurité intérieure.
En ce qui concerne la mise en œuvre effective de ce dispositif
32. En l’état du droit en vigueur, la détermination du champ de compétence des différents acteurs susceptibles d’intervenir peut d’ores et déjà se révéler délicate entre les différents intervenants dotés de prérogatives judiciaires sur un même territoire municipal (agents de la police municipale et policiers ou gendarmes nationaux, agents de police judiciaire adjoints et officiers de police judiciaires, ainsi que le maire lui-même qui exerce par ailleurs son autorité hiérarchique). Il estime que l’extension des prérogatives judiciaires des agents de police municipale, le rôle nouveau joué par les personnels d’encadrement et le contrôle renforcé de l’autorité judiciaire vont nécessairement accroître les zones d’incertitude en termes d’articulation des compétences (compétences complémentaires ou concurrentes, caractère distinct ou mixte des infractions constatées…), au risque, notamment de fragiliser les procédures engagées et, en fin de compte, d’affaiblir l’efficacité du dispositif envisagé.
33. Le Conseil d’État constate que le projet de loi instaure deux régimes juridiques et procéduraux parallèlement applicables, sur un même territoire et par les mêmes agents. Ainsi, dans les communes qui créeraient un service de police municipale à compétence judiciaire élargie cohabiteraient, d’une part, le régime actuel restreint, de droit commun, ainsi que le régime étendu créé par le projet de loi, ces deux régimes étant concomitamment applicables aux mêmes endroits, aux mêmes agents voire, le cas échéant, au même moment, en fonction de la nature des infractions et des conditions dans lesquelles celles-ci auront été sont commises.
34. Concrètement, ce seront fréquemment des circonstances de fait qui justifieront de choisir, au moment de l’infraction, tel régime juridique plutôt que l’autre et, par suite, de déterminer la latitude d’intervention des agents de police municipale, les modalités de traitements des infractions constatées, le niveau de contrôle du personnel d’encadrement, voire de l’autorité judiciaire.
35. Le Conseil d’État considère, en termes d’opportunité administrative, que le fonctionnement d’un tel régime de procédure pénale à géométrie variable sera complexe à mettre en œuvre compte tenu des risques de mésusage ou de confusion des compétences détenues ou non par les agents de police municipale, en fonction du contexte. C’est pourquoi, prenant acte de la volonté du Gouvernement de permettre l’application concomitante de deux régimes distincts, il insiste sur la nécessité de prévoir des formations adaptées pour l’ensemble des intervenants, élus comme agents, et menées préalablement à la mise en œuvre volontaire du nouveau dispositif.
Les nouveaux moyens d’action des polices municipales et des gardes champêtres
36. Le projet de loi propose la création d’un nouvel article L. 242-6 du code de la sécurité intérieure, pour autoriser les agents de police municipale à recourir à des caméras aéroportées sans pilote et prévoit cette possibilité à titre expérimental pour une durée de cinq ans.
37. Par une décision n° 2021 817 DC du 20 mai 2021 (§ 133 à 141), le Conseil constitutionnel a en effet censuré l’article 47 de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés (loi n° 2021 646 du 25 mai 2021) du fait que l’autorisation préfectorale préalable au recours à des drones municipaux était certes limitée à une durée de six mois, mais qu’aucune limitation périmétrique n’était prévue, qu’aucune condition n’entourait la transmission des images, qu’aucune information du public n’était spécifiée et qu’aucun contingentement du nombre de drones n’était défini. Le Conseil constitutionnel, a censuré par une décision du 20 janvier 2022 (décision n° 2021 834 DC, §34 à 39) l’article 15 de la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (loi n° 2022 52 du 24 janvier 2022), au motif que le recours à ce dispositif n’était pas soumis à la condition de risques de troubles graves à l’ordre public pour les grands rassemblements de personnes à but récréatif, sportif et culturel, que le préfet devait pouvoir retirer son autorisation à tout moment, et que la procédure d’urgence envisagée ne respectait pas l’équilibre entre le droit à la vie privée et les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions.
En ce qui concerne l’autorisation préalable
38. Le projet de loi subordonne la mise en œuvre de drones par la police municipale à la délivrance d’une autorisation préalable du préfet de département ou du préfet de police à Paris, elle même soumise à deux conditions préalables : une demande circonstanciée du maire et la conclusion d’une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l’État (prévue par l’article L. 512 4 du code de la sécurité intérieure).
39. Il prévoit que l’autorisation est délivrée pour une durée maximale de trois mois, ou lorsque qu’il s’agit de grands rassemblements de personnes qui présentent des risques de troubles graves à l’ordre public, pour la seule durée de la manifestation et dans le seul périmètre soumis aux risques de troubles à l’ordre public. Le préfet peut y mettre fin à tout moment.
En ce qui concerne le respect du droit à la vie privée
40. Le projet de loi prévoit que les dispositifs sont employés de telle sorte qu’ils ne permettent pas de recueillir les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées, et que leur utilisation est assortie de garanties analogues à celles, validées par le Conseil constitutionnel, pour les autres cas d’usage déjà régis par la législation en vigueur. Sont également prévues des garanties en matière de traçabilité, de protection de l’intégrité des données et de d’information du préfet.
En ce qui concerne les finalités autorisées
41. Le Conseil d’État rappelle que le Conseil constitutionnel a admis dans sa décision du 20 mai 2021 mentionnée précédemment que « s’agissant des services de police municipale, ils peuvent recourir (aux drones) aux fins d’assurer l’exécution de tout arrêté de police du maire, quelle que soit la nature de l’obligation ou de l’interdiction qu’il édicte, et de constater les contraventions à ces arrêtés ». Le projet de loi étend les finalités prévues à trois nouveaux cas par rapport à ceux que le Conseil Constitutionnel avait jugé conformes à la Constitution en 2022. Ces trois finalités nouvelles concernent : les grands rassemblements de personnes particulièrement exposés à des risques de troubles graves à l’ordre public qui se déroulent en des lieux publics ; la prévention des risques naturels d’atteinte à l’environnement ; la protection des bâtiments et installations publics communaux et intercommunaux et leurs abords immédiats lorsqu’ils sont particulièrement exposés à des risques d’intrusion et de dégradation. Le Conseil d’État constate que ces finalités sont poursuivies en application des pouvoirs donnés au maire, fixés par le CGCT. Il estime que les dispositions autorisant l’utilisation de drones pour ces trois nouvelles finalités sont assorties de garanties conformes aux décisions du Conseil constitutionnel.
42. Le Conseil d’État considère qu’il résulte de tout ce qui précède que le régime ainsi défini par le projet de loi ne se heurte à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel. Il propose toutefois de compléter le dispositif afin de clarifier les possibilités de mutualisation du recours aux drones.
En ce qui concerne les autres moyens d’actions
43. Le projet de loi introduit dans le code de la sécurité intérieure un nouvel article L. 241 4 relatif aux caméras piétons qui pérennise une expérimentation engagée par l’article 46 de la loi du 25 mai 2021 qui avait été jugée conforme à la Constitution (Décision n° 2021 817 DC du 20 mai 2021, §124 à 128). Le Conseil d’État note que cet article reprend strictement les conditions applicables aux policiers municipaux telles que fixées par l’article L. 241 2 qui avait été jugé conforme par le Conseil constitutionnel.
44. Il regrette toutefois que le Gouvernement ait remis tardivement le bilan de cette expérimentation qui a été conduite par 141 communes pour 39 agents et 17 caméras.
45. Il relève par ailleurs que l’usage des caméras piéton fait l’objet de quatre articles du code de la sécurité intérieure (L. 241 1 à L. 241-4) et de plusieurs articles d’autres codes avec nombre de redondances, ou de différences dont le fondement est ténu. Il recommande d’envisager un cadre législatif commun afin que le dispositif soit plus simple et plus lisible, à l’image de ce qui est retenu pour les drones pour lesquels le code de la sécurité intérieure fixe des dispositions générales. Il souligne qu’il pourrait à la demande du Gouvernement réaliser une étude de simplification du droit applicable en la matière.
46. Le projet de loi propose également d’élargir le champ des contraventions susceptibles d’être constatées par les policiers municipaux et gardes champêtres par le dispositif de lecture automatisée des plaques d’immatriculation. Il propose d’insérer à cette fin un nouvel article L. 130 9 3 dans le titre 3 du livre 1er du code de la route.
47. Le Conseil d’État constate qu’en l’état actuel du droit, les agents de ces services municipaux ne peuvent recourir au dispositif de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (LAPI) que pour des infractions limitativement énumérées alors qu’ils sont habilités à constater toutes les infractions réglementaires fixées par le code de la route dès lors que le titulaire du certificat d’immatriculation est responsable pécuniairement et qu’aucune procédure judiciaire n’est à engager. Le projet de loi vise à donner le droit aux policiers municipaux et aux gardes champêtres d’utiliser la LAPI pour toutes les infractions au code de la route. L’élargissement de l’usage de ce dispositif conduit à élargir les possibilités d’interconnexion avec le système d’immatriculation des véhicules. Le projet de loi précise que les données à caractère personnel ainsi obtenues pourront faire l’objet de traitements automatisés dans les conditions fixées par la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et au libertés. Il prévoit que ces traitements peuvent comporter la consultation du système d’immatriculation des véhicules et que les données collectées sont conservées durant un délai maximum de huit jours au-delà duquel elles sont effacées, sans préjudice des nécessités de leur consultation pour les besoins d’une procédure pénale. La mise en œuvre de ce dispositif de contrôle devra être autorisée par un arrêté du préfet précisant les modalités d’information associées à cette mise en œuvre.
48. L’élargissement aux policiers municipaux et gardes champêtres de l’utilisation du dispositif de lecture automatisée des plaques d’immatriculation, largement demandé par les maires, qui soulignent l’incohérence de la situation qui permet aux agents municipaux de constater des infractions sans pouvoir identifier les auteurs, n’appelle pas d’observations de la part du Conseil d’État.
49. Le Conseil d’État souligne que le texte proposé énonce que « (…) les dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules prenant la photographie de leurs occupants peuvent être mis en œuvre à raison de leurs attributions, par les services de police municipale et par les gardes champêtres (…) ». Il estime que si le fait de prendre la photographie des occupants parait nécessaire pour relever une des quelques infractions actuellement autorisées, à savoir l’autorisation d’utiliser des voies réservées en cas de covoiturage, la photographie des occupants n’est en revanche pas nécessaire pour constater les nouvelles infractions autorisées. Il considère donc que des garanties réglementaires, limitant le traitement des données et l’autorisant, sont nécessaires, comme d’ailleurs la CNIL le rappelle dans son avis.
La formation des policiers municipaux et des gardes champêtres
50. Le projet de loi propose une nouvelle rédaction de l’article L. 511 6 pour définir les modalités de formation et de dispense de formation des policiers municipaux. Le nouvel article aligne la formation des policiers municipaux sur celle des autres agents de la fonction publique territoriale pour les deux premiers modules que sont la formation d’intégration (formation initiale) et de professionnalisation (formation continue). S’ajoutent les formations de spécialisation dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État (A ce jour les formations à l’usage des armes, au monitorat, à la conduite d’équipes cynophiles), auxquelles les agents peuvent accéder sur décision de l’autorité d’emploi.
51. Le Conseil d’État note que les formations d’intégration et de professionnalisation sont obligatoires. Si les contenus de celles-ci sont adaptés aux statuts particuliers, il estime, compte tenu des nouvelles compétences judiciaires accordées aux agents de police municipale et aux gardes champêtres, que des garanties doivent être apportées quant à la formation dispensée à ces personnels dès la formation d’intégration. Il propose d’inscrire cette exigence dans le projet de loi.
Contrôle et déontologie des policiers municipaux et des gardes champêtres
52. Le projet de loi prévoit, en premier lieu que, dorénavant, les nouveaux entrants dans la profession de garde champêtre, à l’instar des policiers municipaux, font l’objet d’un double agrément du préfet et du procureur de la République afin qu’ils puissent, le cas échéant, exercer les nouvelles prérogatives qu’il est prévu de leur confier. En deuxième lieu, les agents de police municipale et les gardes champêtres se voient attribuer un numéro individuel d’identification enregistré sur une base nationale, tandis que ces derniers seront assujettis au code de déontologie de la police municipale. En troisième lieu, le président du centre national de la fonction publique territorial acquiert le pouvoir de solliciter le ministre l’intérieur ou le ministre chargé des collectivités afin que soit diligentée une enquête administrative de vérification de l’organisation et du fonctionnement des activités menées dans les centres de formation qu’il a créés. Enfin, la compétence de la Commission consultative des polices municipales est étendue aux gardes champêtres, sa dénomination étant modifiée en conséquence.
53. Le Conseil d’État estime que les différents ajustements nécessaires prévus par le projet de loi ne suffisent pas à remédier aux carences observées par de nombreux rapports, notamment par les rapports de la Cour des comptes de 2011 et de 2020 consacrés à la police municipale. Il considère que, dans la mesure où l’intention du projet de loi est de renforcer un « continuum de sécurité » entre les polices municipales et les forces nationales de sécurité intérieure, et alors que ces dernières font l’objet de contrôles déontologiques internes et externes renforcés, des mesures analogues doivent être prévues pour les polices municipales.
Dispositions d’adaptation outre-mer
54. Le projet de loi prévoit l’extension, notamment en Nouvelle-Calédonie de dispositions codifiées relevant de la compétence de l’Etat et relatives aux prérogatives étendues des polices municipales et des gardes champêtres. Le Conseil d’État souligne que ces dispositions qui n’appellent pas d’observation en l’état du partage des compétences entre l’État et la Nouvelle-Calédonie pourraient être affectées par l’adoption du projet de loi constitutionnelle portant création et organisation politique et institutionnelle de l’État de la Nouvelle Calédonie (avis n° 409985 du 15 octobre 2025).
55. Les autres dispositions du projet n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’État.
Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 23 octobre 2025.