Conseil d'État, Assemblée, 20 octobre 1989, Nicolo

Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Passer le partage de l'article pour arriver avant

Supériorité des traités sur les lois

Les faits

M. Nicolo avait émis une protestation contre les résultats des élections européennes de juin 1989. A cette occasion, il contestait la compatibilité de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants de la France à l'Assemblée des communautés européennes avec les stipulations de l'article 227-1 du traité de Rome.

Le sens et la portée de la décision

Par cette décision, le Conseil d'État a abandonné la théorie dite de la loi écran, en jugeant qu’il appartient au juge administratif, en application de l'article 55 de la Constitution, de contrôler la compatibilité d’une loi avec les stipulations d’un traité international, même lorsque la loi est postérieure à l’acte international en cause.

Selon la théorie de la loi écran, la loi, expression de la volonté générale dont le juge ne peut apprécier la validité et dont il se borne à faire une fidèle application, s’interposait entre la norme internationale et le juge administratif. Le juge ne pouvait, par conséquent, contrôler la compatibilité d’une loi avec les stipulations d’un traité sans méconnaître son office.

Le Conseil d’État, qui se refusait à examiner la conformité d’une loi à la Constitution (Section, 6 novembre 1936, Arrighi, n°41221, p. 966), refusait donc également d’examiner la compatibilité d’une loi à un traité (Section, 1er mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoules de France), considérant qu’il revenait au seul Conseil Constitutionnel d’assurer le respect par le législateur de la supériorité des traités sur les lois en vertu de l’article 55 de la Constitution. La Cour de cassation avait adopté la même solution (Cass. Civ. 22 décembre 1931, S. 1932 1. 257).

Le juge constitutionnel a toutefois jugé qu’il ne lui appartenait pas de contrôler la conformité d’une loi avec un traité, par une décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 (p. 19).

La Cour de cassation prit acte de cette évolution en acceptant de contrôler la compatibilité d'une loi postérieure à un traité (Cass. Ch. mixte, 24 mai 1975, Société des cafés Jacques Vabre, D. 1975.497). Le Conseil d'État suivit le même mouvement avec la décision Nicolo, après la décision du Conseil constitutionnel du 21 octobre 1988 par laquelle le juge constitutionnel avait confirmé sa position (Ass. nat. Val d'Oise, 5e circ., p. 183).

> Lire la décision

Supériorité des actes de droit communautaire sur la loi

 

La jurisprudence ultérieure a étendu le bénéfice du régime de l’article 55 de  la Constitution aux actes de droit communautaire dérivé : le Conseil d’Etat accepte, le cas échéant, de faire prévaloir règlements (24 septembre 1990, B..., n°58657) et directives (Assemblée. 28 février 1992, S.A. Rothmans International France et S.A. Philip Morris France) sur les lois nationales incompatibles avec ces derniers.