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Ariane Web: CAA PARIS 16PA02400, lecture du 8 juillet 2022

Analyse n° 16PA02400
8 juillet 2022
Cour Administrative d'Appel de Paris

N° 16PA02400


Lecture du vendredi 8 juillet 2022



19-01-01-05 :






Il résulte de l'instruction que la SARL Lupa Immobilière France n'a pas réalisé d'opérations entrant dans le champ d'application de la convention fiscale franco-luxembourgeoise. Elle ne peut, dès lors, être regardée comme ayant fait un usage abusif des stipulations de cette convention, qui étaient applicables notamment aux SA de droit luxembourgeois appartenant au groupe Lupa, lesquelles sont des contribuables distincts de la SARL Lupa Immobilière France. Par suite, et à supposer même suffisamment établie la circonstance que les opérations réalisées par la SARL Lupa Immobilière France aient permis aux SA luxembourgeoises du groupe Lupa, ou à d'autres entités de ce groupe, de faire une application de la convention fiscale franco-luxembourgeoise relevant d'un abus de droit à cette convention, dont l'objet principal est d'éviter des doubles impositions et non de permettre la double non-imposition des plus-values, l'administration n'était pas fondée à remettre en cause, en recourant à la procédure de l'abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, la déduction de la somme de 19 174 097 euros de son résultat fiscal de l'exercice 2006 à laquelle la SARL Lupa Immobilière France a procédé au titre de l'application de la règle du calcul des plus-values énoncée par la décision du Conseil d'Etat du 16 février 2000, n° 133296, Quemener, au motif que le montage en cause aurait été constitué dans l'objectif d'un abus de droit à la convention franco-luxembourgeoise.




19-01-03-03 :






Dans le cas où une société, une entreprise ou une personne soumise à l'impôt à raison des bénéfices qu'elle tire de son activité professionnelle, cède les parts inscrites à l'actif de son bilan qu'elle détient dans une société ou dans un groupement relevant ou ayant relevé du régime prévu aux articles 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du code général des impôts ou, lorsqu'elle ne dresse pas de bilan, les parts de même nature qu'elle a affectées à l'exercice de sa profession, le résultat de cette opération, imposable dans les conditions prévues à l'article 39 duodecies et aux articles suivants du même code, doit être calculé, pour assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique des sociétés et groupements susmentionnés, en retenant comme prix de revient de ces parts leur valeur d'acquisition, majorée, en premier lieu, d'une part, de la quote-part des bénéfices de cette société ou de ce groupement revenant à l'associé qui a été ajoutée aux résultats imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application du régime visé ci-dessus, et, d'autre part, des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société ou le groupement en France et ayant donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler, puis minorée, en second lieu, d'une part, des déficits que l'associé a déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif, et, d'autre part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société ou le groupement et ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé. En outre, lorsque les parts de la société de personnes faisant l'objet de la cession ont été acquises ou souscrites à des dates différentes, le prix de revient des parts acquises ou souscrites à la même date est calculé distinctement suivant les modalités ainsi précisées. Cette règle du calcul de la plus-value, dans le cas où une société vient à retirer de l'actif de son bilan, à la suite d'une cession ou de la dissolution sans liquidation avec confusion de patrimoine prévue à l'article 1844-5 du code civil, les parts qu'elle détenait jusqu'alors dans une société relevant du régime prévu à l'article 8 du code général des impôts, a pour objet d'assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale, compte tenu de la nature spécifique du régime prévu à l'article 8 du code général des impôts, et trouve notamment à s'appliquer à la quote-part de bénéfices revenant à l'associé d'une société soumise à ce régime lorsque ces bénéfices résultent d'une réévaluation des actifs sociaux, qu'elle soit opérée par l'administration fiscale dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle et ait pour effet d'accroître rétroactivement la base d'imposition de la société au titre de la période d'imposition close par la dissolution de la société et l'annulation consécutive des parts détenues par l'associé ou que cette réévaluation intervienne au moment de la dissolution de la société soumise au régime spécifique. Elle a pour objet et doit avoir pour effet que l'associé d'une société de personnes soit imposé à raison des seuls résultats qu'il a constatés au titre de la détention des parts de la société (2) En l'espèce, il résulte de l'instruction, en particulier des éléments produits à l'instance par la SARL Lupa Immobilière France, et des pièces complémentaires produites en réponse à une demande de pièces pour compléter l'instruction, que la valeur d'acquisition des titres des SCI par la SARL Lupa Immobilière France peut être estimée à 19 445 087 euros, et que la valeur des titres des SCI à la date de leur dissolution sans liquidation s'élevait à 19 345 900 euros. Dès lors, le ministre ne démontre pas que la SARL Lupa Immobilière France aurait constaté un bénéfice à raison de la détention, directe ou indirecte, des parts des SCI françaises et, ainsi, ne peut pas utilement se prévaloir des conséquences fiscales de l'amortissement ultérieur des immeubles, inscrits au bilan de la société pour la valeur de 31 484 674 euros à l'issue du montage artificiel mis en place. Il suit de là que la SARL Lupa Immobilière France est fondée à soutenir que l'administration, faute de démontrer que la société aurait retiré de l'application qu'elle a faite de la règle du calcul des plus-values, énoncée par la décision du Conseil d'Etat du 16 février 2000, n° 133296 SA Etablissements Quemener, un avantage contraire à l'objectif de neutralité de la loi fiscale, ne pouvait pas légalement remettre en cause, en recourant à la procédure de l'abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, la déduction de la somme de 19 174 097 euros de son résultat fiscal de l'exercice 2006 à laquelle elle a procédé au titre de l'application de cette règle.




19-01-03-03 :






Il résulte de l'instruction que la SARL Lupa Immobilière France n'a pas réalisé d'opérations entrant dans le champ d'application de la convention fiscale franco-luxembourgeoise. Elle ne peut, dès lors, être regardée comme ayant fait un usage abusif des stipulations de cette convention, qui étaient applicables notamment aux SA de droit luxembourgeois appartenant au groupe Lupa, lesquelles sont des contribuables distincts de la SARL Lupa Immobilière France. Par suite, et à supposer même suffisamment établie la circonstance que les opérations réalisées par la SARL Lupa Immobilière France aient permis aux SA luxembourgeoises du groupe Lupa, ou à d'autres entités de ce groupe, de faire une application de la convention fiscale franco-luxembourgeoise relevant d'un abus de droit à cette convention, dont l'objet principal est d'éviter des doubles impositions et non de permettre la double non-imposition des plus-values, l'administration n'était pas fondée à remettre en cause, en recourant à la procédure de l'abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, la déduction de la somme de 19 174 097 euros de son résultat fiscal de l'exercice 2006 à laquelle la SARL Lupa Immobilière France a procédé au titre de l'application de la règle du calcul des plus-values énoncée par la décision du Conseil d'Etat du 16 février 2000, n° 133296, Quemener, au motif que le montage en cause aurait été constitué dans l'objectif d'un abus de droit à la convention franco-luxembourgeoise.




19-04-01-01-02-03 :






Dans le cas où une société, une entreprise ou une personne soumise à l'impôt à raison des bénéfices qu'elle tire de son activité professionnelle, cède les parts inscrites à l'actif de son bilan qu'elle détient dans une société ou dans un groupement relevant ou ayant relevé du régime prévu aux articles 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du code général des impôts ou, lorsqu'elle ne dresse pas de bilan, les parts de même nature qu'elle a affectées à l'exercice de sa profession, le résultat de cette opération, imposable dans les conditions prévues à l'article 39 duodecies et aux articles suivants du même code, doit être calculé, pour assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique des sociétés et groupements susmentionnés, en retenant comme prix de revient de ces parts leur valeur d'acquisition, majorée, en premier lieu, d'une part, de la quote-part des bénéfices de cette société ou de ce groupement revenant à l'associé qui a été ajoutée aux résultats imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application du régime visé ci-dessus, et, d'autre part, des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société ou le groupement en France et ayant donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler, puis minorée, en second lieu, d'une part, des déficits que l'associé a déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif, et, d'autre part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société ou le groupement et ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé. En outre, lorsque les parts de la société de personnes faisant l'objet de la cession ont été acquises ou souscrites à des dates différentes, le prix de revient des parts acquises ou souscrites à la même date est calculé distinctement suivant les modalités ainsi précisées. Cette règle du calcul de la plus-value, dans le cas où une société vient à retirer de l'actif de son bilan, à la suite d'une cession ou de la dissolution sans liquidation avec confusion de patrimoine prévue à l'article 1844-5 du code civil, les parts qu'elle détenait jusqu'alors dans une société relevant du régime prévu à l'article 8 du code général des impôts, a pour objet d'assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale, compte tenu de la nature spécifique du régime prévu à l'article 8 du code général des impôts, et trouve notamment à s'appliquer à la quote-part de bénéfices revenant à l'associé d'une société soumise à ce régime lorsque ces bénéfices résultent d'une réévaluation des actifs sociaux, qu'elle soit opérée par l'administration fiscale dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle et ait pour effet d'accroître rétroactivement la base d'imposition de la société au titre de la période d'imposition close par la dissolution de la société et l'annulation consécutive des parts détenues par l'associé ou que cette réévaluation intervienne au moment de la dissolution de la société soumise au régime spécifique. Elle a pour objet et doit avoir pour effet que l'associé d'une société de personnes soit imposé à raison des seuls résultats qu'il a constatés au titre de la détention des parts de la société (2) En l'espèce, il résulte de l'instruction, en particulier des éléments produits à l'instance par la SARL Lupa Immobilière France, et des pièces complémentaires produites en réponse à une demande de pièces pour compléter l'instruction, que la valeur d'acquisition des titres des SCI par la SARL Lupa Immobilière France peut être estimée à 19 445 087 euros, et que la valeur des titres des SCI à la date de leur dissolution sans liquidation s'élevait à 19 345 900 euros. Dès lors, le ministre ne démontre pas que la SARL Lupa Immobilière France aurait constaté un bénéfice à raison de la détention, directe ou indirecte, des parts des SCI françaises et, ainsi, ne peut pas utilement se prévaloir des conséquences fiscales de l'amortissement ultérieur des immeubles, inscrits au bilan de la société pour la valeur de 31 484 674 euros à l'issue du montage artificiel mis en place. Il suit de là que la SARL Lupa Immobilière France est fondée à soutenir que l'administration, faute de démontrer que la société aurait retiré de l'application qu'elle a faite de la règle du calcul des plus-values, énoncée par la décision du Conseil d'Etat du 16 février 2000, n° 133296 SA Etablissements Quemener, un avantage contraire à l'objectif de neutralité de la loi fiscale, ne pouvait pas légalement remettre en cause, en recourant à la procédure de l'abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, la déduction de la somme de 19 174 097 euros de son résultat fiscal de l'exercice 2006 à laquelle elle a procédé au titre de l'application de cette règle.




54-08-01-01 :






Il résulte des dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, éclairées par les travaux préparatoires et les débats préalables à l'adoption des lois n° 86-1317 du 30 décembre 1986 et n° 87-1060 du 30 décembre 1987, que le législateur, se fondant en particulier sur la jurisprudence issue de la décision du Conseil d'Etat en plénière fiscale du 4 novembre 1974, n° 91396, a entendu, d'une part, inscrire dans la loi le principe selon lequel l'administration, qui ne peut renoncer au bénéfice de la loi fiscale, est recevable à invoquer, jusqu'à la clôture de l'instruction, tous moyens de nature à faire reconnaître le bien-fondé de ses prétentions dans la limite du quantum visé par le litige, sous réserve d'un usage abusif ou déloyal qui serait fait de cette faculté, et, d'autre part, conférer au contribuable des droits équivalents à ceux ainsi reconnus à l'administration. Le ministre qui, dans les circonstances de l'espèce, ne peut être regardé comme ayant fait un usage déloyal de la faculté conférée par les dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales est recevable, dans son mémoire récapitulatif enregistré le 23 septembre 2021, à fonder de nouveau l'imposition et les majorations en litige sur le motif tiré de l'abus de droit à la règle de calcul de la plus-value, énoncée par la décision du Conseil d'Etat du 16 février 2000, n° 133296, SA établissements Quemener dans l'objectif d'assurer la neutralité de la loi fiscale, alors même qu'il avait expressément abandonné ce motif dans son recours enregistré le 24 septembre 2012 et dans son mémoire enregistré le 17 janvier 2018, après la reprise de l'instance.

1. Rappr. a contrario CE plénière fiscale, 25 octobre 2017, Verdannet et autres, n° 396954 2. Cf. CE, 16 février 2000, Société anonyme Etablissements Quemener, n° 133296, p. 52 ; CE, 27 juillet 2015, Société anonyme Matériels électriques ascenseurs, n° 362025; CE plénière fiscale, 24 avril 2019, Société Fra SCI, n° 412503 3. Rappr. CE plénière fiscale, 4 novembre 1974, ministre des finances c/ époux X, n° 91396.

Voir aussi