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Ariane Web: CAA NANCY 21NC00357, lecture du 7 décembre 2021

Décision n° 21NC00357
7 décembre 2021
CAA de NANCY

N° 21NC00357

4ème chambre
Mme GHISU-DEPARIS, président
Mme Véronique GHISU-DEPARIS, rapporteur
M. MICHEL, rapporteur public
SELARL GENTIT & COLTAT, avocats


Lecture du mardi 7 décembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la sanction d'avertissement pour manquement aux devoirs de discernement, de loyauté et d'exemplarité prononcée à son encontre par le directeur départemental de la sécurité publique du territoire de Belfort le 6 février 2020 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2002483 du 14 décembre 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée sous le n° 2100357, le 8 février 2021, Mme A..., représentée par Me Gentit, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Strasbourg du 14 décembre 2020 ;

2°) d'annuler la sanction d'avertissement pour manquement aux devoirs de discernement, de loyauté et d'exemplarité infligé par le ministre de l'intérieur le 10 février 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le premier juge, l'avertissement en cause est un acte lui faisant grief et susceptible de recours devant le juge de l'excès de pouvoir ;
- à la date de la sanction d'avertissement, les faits qui lui sont reprochés étaient prescrits en application de l'article 36 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;
- les faits qui lui sont reprochés et pour lesquels elle s'est vu infliger l'avertissement litigieux avaient déjà donné lieu à une sanction antérieure, consistant en un déplacement d'office, de sorte que la sanction contestée méconnaît le principe " non bis in idem ".


Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., présidente-rapporteure ;
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public ;
- et les observations de Me Gentit, pour Mme A....


Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., brigadier-chef de la police nationale, a été nommée au mois de janvier 2013 responsable du commissariat de secteur Sud à Mulhouse, où elle était affectée depuis le 9 décembre 2002. Elle relève appel de l'ordonnance du 14 décembre 2020 par laquelle le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 février 2020 du directeur départemental de la sécurité publique du Territoire de Belfort lui infligeant un avertissement pour manquement aux devoirs de discernement, de loyauté et d'exemplarité.



Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : / - l'avertissement ; / - le blâme ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours. / (...) Parmi les sanctions du premier groupe, le blâme et l'exclusion temporaire de fonctions sont inscrits au dossier du fonctionnaire. Ils sont effacés automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période ".

3. L'avertissement est une décision prise à titre disciplinaire en raison du comportement de la personne sanctionnée et constitue ainsi une mesure faisant grief susceptible d'être déférée devant le juge de l'excès de pouvoir alors même qu'elle n'est pas inscrite au dossier du fonctionnaire.

4. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevable la demande d'annulation de l'avertissement dont elle a fait l'objet au motif que, non versé au dossier de l'intéressée, il ne constituait pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. En conséquence, il y a lieu d'annuler l'ordonnance du 14 décembre 2020 et de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Strasbourg, pour qu'il statue à nouveau sur la demande de Mme A....

Sur les frais liés à l'instance :

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :



Article 1er : L'ordonnance n° 2002483 du 14 décembre 2020 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Strasbourg est annulée.

Article 2 : La demande de Mme A... est renvoyée devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.


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