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Ariane Web: CAA NANTES 20NT02566, lecture du 3 juin 2022

Décision n° 20NT02566
3 juin 2022
CAA de NANTES

N° 20NT02566

1ère chambre
Mme la Pdte. PERROT, président
M. Harold BRASNU, rapporteur
Mme CHOLLET, rapporteur public
BABOULAT, avocats


Lecture du vendredi 3 juin 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Provitel a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1703244 du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 août 2020 et 07 mai 2022 mémoire non communiqué, la SASU Provitel, représentée par Me Baboulat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 920 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'un défaut de motivation ;
- le jugement attaqué n'est pas signé ;
- le principe d'un procès équitable a été méconnu ; le mémoire en défense communiqué le 13 novembre 2017 n'est pas daté ; ce mémoire a été produit plus de 18 mois après le mémoire produit par la société Provitel ;
- elle n'a pas la qualité d'exploitant agricole ; l'article R. 326-1 du code rural et de la pêche maritime qualifie les éleveurs sans sol de commerçants ; pour qu'une personne morale soit reconnue exploitante agricole, elle doit être propriétaire, fermier ou métayer de son domaine agricole ; elle n'assure ni la direction et la conduite d'élevage des veaux, et n'intervient que sur demande de l'éleveur, s'agissant des soins vétérinaires ou encore de l'appui technique ; elle ne participe pas au cycle biologique de l'animal.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mars 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Provitel ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,
- et les observations de la société Provitel, représentée par Me Baboulat.


Considérant ce qui suit :

1. La SASU Provitel exerce une activité " d'éleveur sans sol ", consistant en l'achat et la revente de veaux de boucherie qui sont engraissés chez des tiers éleveurs avec lesquels elle conclut des contrats d'intégration. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2012, 2013 et 2014, des cotisations de taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles ont été mises à sa charge. Après mise en recouvrement et rejet de sa réclamation, la société a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge de ces impositions, pour montant total de 13 871 euros en droits et 972 euros en pénalités. Elle relève appel du jugement du 12 juin 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 302 bis MB du code général des impôts : " I. - Une taxe est due par les exploitants agricoles au titre de leurs activités agricoles, à l'exclusion de ceux placés sous le régime du remboursement forfaitaire agricole (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction alors applicable : " Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. (...) ". L'article L. 326-1 du même code prévoit que : " Sont réputés contrats d'intégration tous contrats, accords ou conventions conclus entre un producteur agricole ou un groupe de producteurs et une ou plusieurs entreprises industrielles ou commerciales comportant obligation réciproque de fournitures de produits ou de services. / Sont également réputés contrats d'intégration les contrats, accords ou conventions séparés conclus par une ou plusieurs entreprises industrielles ou commerciales avec un même producteur agricole ou un même groupe de producteurs agricoles, et dont la réunion aboutit à l'obligation réciproque mentionnée à l'alinéa précédent. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles est due par les personnes qui exercent une activité agricole, c'est-à-dire qui réalisent des opérations qui s'insèrent dans le cycle biologique de la production animale ou végétale ou qui constituent le prolongement de telles opérations.
5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la SASU Provitel confie les veaux dont elle est propriétaire à des éleveurs, afin que ceux-ci assurent l'engraissement des animaux, et ce dans le cadre de contrats d'intégration qu'elle signe avec ces éleveurs. Si la société Provitel supervise les conditions d'élevage à travers des préconisations sur la méthode d'élevage, l'alimentation et les produits vétérinaires et peut fournir le cas échéant une assistance technique, il est constant qu'elle n'intervient pas directement dans l'activité agricole, qui est exclusivement exercée par les éleveurs. La société Provitel ne dispose d'ailleurs d'aucun local ou équipement destiné à recevoir les animaux. La prise en charge des animaux étant assurée uniquement par les éleveurs, la société ne saurait, dans ces conditions, être regardée comme réalisant une activité s'insérant dans le cycle biologique de l'animal. Dès lors, c'est à tort que le service a estimé que la SASU Provitel devait être qualifiée d'exploitant agricole au sens de l'article 302 bis MB du code général des impôts et l'a assujettie à la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué, que la société Provitel est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la SASU Provitel une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1703244 du 12 juin 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La SASU Provitel est déchargée, en droits et intérêts de retard, des rappels de taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.
Article 3 : L'Etat versera à la SASU Provitel la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Provitel et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.


Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Giraud, premier conseiller,
- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2022.


Le rapporteur
H. A...La présidente
I. PerrotLa greffière
S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 20NT02566

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