CAA de PARIS
N° 20PA01684
1ère chambre
M. LAPOUZADE, président
M. Stéphane DIEMERT, rapporteur
Mme GUILLOTEAU, rapporteur public
CLAVELEAU, avocats
Lecture du mardi 28 juin 2022
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C... ont successivement demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler, d'une part, l'arrêté n° 2018/258 du 29 mars 2018 du maire de la commune de Nouméa portant autorisation de construire une villa R+1 de type F5, sur le lot 177 du lotissement du domaine Tuband, sis commune de Nouméa, ainsi que l'arrêté n° 2018/551 du 19 juillet 2018 portant modification du permis de construire initial et l'arrêté n° 2018/929 du 10 décembre 2018, portant transfert du permis de construire et, d'autre part, l'arrêté n° 2019/337 du 22 mai 2019 du maire de la commune de Nouméa portant modification de l'arrêté n° 2018/258 du maire de la commune de Nouméa portant autorisation de construire une villa R+1 de type F5, sur le lot 177 du lotissement du domaine Tuband, sis commune de Nouméa.
Par un jugement nos 1900189-1900321 du 16 avril 2020, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé l'annulation de ces arrêtés.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2020 et des mémoires enregistrés le 8 juin 2021 et le 21 septembre 2021, la commune de Nouméa, représentée par Me Claveleau, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos1900189-1900321 du 16 avril 2020 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C... devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
3°) de mettre à la charge des défendeurs le versement d'une somme de 500 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'y a pas non-lieu à statuer dès lors que, le tribunal administratif ayant prononcé l'annulation du permis de construire initial, le second permis n'a pu avoir pour effet de le retirer implicitement ;
- sa requête est recevable, dès lors que le maire a été régulièrement habilité à introduire la présente instance par une délibération du conseil municipal de la commune en date du 27 mai 2020 ;
- les plans établis en application des dispositions du règlement du lotissement s'imposent à l'autorité chargé de délivrer le permis de construire ;
- la méthode retenue par le géomètre-expert pour calculer la valeur de la pente présente un caractère technique qui n'est pas de nature à être discutée au contentieux ;
- les autres moyens des demandes de première instance ne sont pas de nature à fonder l'annulation des arrêtés litigieux.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 janvier 2021 et un mémoire enregistré le 24 septembre 2021, M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C..., représentés par Me Loste (société d'avocats Juriscal) concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 500 000 francs CFP à la charge de la commune de Nouméa en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête d'appel, dès lors que la délivrance d'un nouveau permis de construire sur le même terrain, le 16 octobre 2020, a eu pour effet d'entrainer le retrait implicite du permis de construire initial, alors en outre que le second permis de construire s'impose désormais aux pétitionnaires et que ces derniers ont engagé des travaux dont l'état d'avancement est désormais tel qu'ils ne pourraient pas modifier leur projet en cas d'annulation du jugement attaqué ;
- la requête d'appel est irrecevable, faute pour la commune de produire la délibération du conseil municipal ayant habilité le maire à ester en justice ;
- elle est également irrecevable faute pour la commune de justifier avoir accompli les formalités de notification prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- leur demande de première instance est recevable, dès lors qu'ils ont intérêt à agir contre les arrêtés litigieux et que, faute d'affichage régulier sur le terrain, le délai de recours contentieux n'a pas commencé à courir ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
- le projet est illégal, dès lors qu'il ne respecte ni la hauteur applicable en matière de mur de soutènement et mur d'enceinte, ni les dispositions applicables en cas de réalisation de terrassements importants.
La requête a été communiquée à M. B... D... et à Mme K... D... qui ont déclaré à la Cour, le 26 septembre 2021, ne pas avoir l'intention d'être représentés ni de présenter des observations dans la présente instance.
Le 21 décembre 2021 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur des moyens d'ordre publics suivants, relevés d'office, tirés de ce que :
1° les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ont cessé de s'appliquer aux permis de construire délivrés en Nouvelle-Calédonie par l'effet de la modification de leur rédaction - entrée en vigueur à l'égard des requêtes enregistrées le 1er octobre 2018 - résultant de l'effet combiné de l'article 7 (1°) et de l'article 9-III du décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du code de justice administrative et du code de l'urbanisme (parties réglementaires) ;
2° la modification ainsi opérée par les dispositions susmentionnées du décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 est entachée d'illégalité, comme excédant en l'espèce la capacité d'adaptation à l'organisation particulière de la Nouvelle-Calédonie reconnue au pouvoir réglementaire par l'article 6-2 (alinéas 2 et 8 (6°)) de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C... ont présenté des observations en réponse à cette communication le 18 janvier 2022.
La commune de Nouméa a présenté des observations en réponse à cette communication le 14 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de l'urbanisme, notamment son livre VI ;
- le code des communes de Nouvelle-Calédonie ;
- le code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dufaud substituant Me Claveleau, avocat de la commune de Nouméa.
Considérant ce qui suit :
1. M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C... ont successivement demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler, d'une part, l'arrêté n° 2018/258 du 29 mars 2018 du maire de la commune de Nouméa portant autorisation de construire une villa R+1 de type F5, sur le lot 177 du lotissement du domaine Tuband, sis commune de Nouméa, ainsi que l'arrêté n° 2018/551 du 19 juillet 2018 portant modification du permis de construire initial et l'arrêté n° 2018/929 du 10 décembre 2018, portant transfert du permis de construire et, d'autre part, l'arrêté n° 2019/337 du 22 mai 2019 du maire de la commune de Nouméa portant modification de l'arrêté n° 2018/258 du maire de la commune de Nouméa portant autorisation de construire une villa R+1 de type F5, sur le lot 177 du lotissement du domaine Tuband, sis commune de Nouméa. Par un jugement du 16 avril 2020 dont la commune de Nouméa relève appel devant la Cour, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a joint les deux demandes et prononcé l'annulation de ces arrêtés après avoir écarté la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Sur le non-lieu à statuer :
2. M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C... soutiennent que la délivrance d'un nouveau permis de construire sur le même terrain, le 16 octobre 2020, doit conduire la Cour à juger qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête d'appel de la commune de Nouméa.
3. Si la délivrance d'un nouveau permis de construire au bénéficiaire d'un précédent permis, sur le même terrain, a implicitement mais nécessairement pour effet de rapporter le permis initial, ce retrait est indivisible de la délivrance du nouveau permis. Par suite, les conclusions aux fins d'annulation du permis initial ne deviennent sans objet du fait de la délivrance d'un nouveau permis qu'à la condition que le retrait qu'il a opéré ait acquis, à la date à laquelle le juge qui en est saisi se prononce, un caractère définitif. Tel n'est toutefois pas le cas lorsque le nouveau permis de construire a été délivré après l'annulation du permis initial par la juridiction administrative.
4. En l'espèce, le nouveau permis de construire a été délivré postérieurement à l'annulation du permis de construire par le jugement attaqué. L'exception de non-lieu à statuer doit donc être écartée.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
En ce qui concerne l'habilitation du maire par le conseil municipal :
5. En premier lieu, et contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, le maire de Nouméa a été habilité à relever appel du jugement attaqué par la délibération n° 2020/195 du 26 mai 2020 du conseil municipal de Nouméa, adoptée sur le fondement de l'article L. 122-20 (16°) du code des communes de Nouvelle-Calédonie et dont le premier alinéa de l'article 4 dispose que : " (...) Le maire est chargé, en toutes circonstances et devant toutes les juridictions sans exception, constitutionnelle, administratives et judiciaires, tant civiles que pénales, prud'homales, tribunal du travail, sociales, commerciales ou ordinales, tant devant les juridictions nationales, étrangères ou internationales et, ce dans le cadre de toute instance (première instance, appel et cassation), à ester en justice au nom de la commune dans l'ensemble du contentieux de la commune tant en demande, en défense, en intervention, qu'en représentation ou en désistement. ", cette délibération ayant été mise en ligne sur le site internet de la commune. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par les défendeurs doit être écartée.
En ce qui concerne les notifications prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme :
6. D'une part, aux termes de l'article 6-2 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " Dans les matières qui relèvent de la compétence de l'État, sont applicables en Nouvelle-Calédonie les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. / Par dérogation au premier alinéa, sont applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie, sans préjudice des dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : / [...] 6° À la procédure administrative contentieuse ; / [...]. ". Aux termes du I de l'article 21 de la même loi organique : " I. - L'État est compétent dans les matières suivantes : / [...] / 2° Justice, [...] procédure administrative contentieuse ; [...] ; / [...] ".
7. D'autre part, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 7 (1°) du décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 et applicable, en vertu du III de l'article 9 de ce dernier, aux requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018 : " En cas [...] de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, [...] l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. ". Ces dispositions, qui relèvent de la " procédure administrative contentieuse ", au sens du I (2°) de l'article 21 précité de la loi organique du 19 mars 1999 sont comme telles et en principe applicables de plein droit sur ce territoire en application du huitième alinéa (6°) de l'article 6-2 précité de ladite loi organique. Elles ont ainsi remplacé les dispositions précédemment en vigueur, issues du I de l'article 12 du décret n° 2007-18 du 7 janvier 2007, lesquelles prévoyaient leur application aux " recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir ".
8. Les termes de " décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol " figurant dans diverses dispositions de nature législative ou réglementaire du livre VI du code de l'urbanisme, et notamment dans son article R. 600-1, ne peuvent, en l'absence de volonté expresse du législateur d'écarter l'application en Nouvelle-Calédonie des dispositions en cause au titre des adaptations prévues par les dispositions précitées de la loi organique du 19 mars 1999, ou de dispositions expresses en ce sens du règlement, que s'entendre comme visant, par analogie, les catégories de décisions possédant la même substance et la même portée, prises sur le fondement de la législation et de la réglementation respectivement édictées par les autorités compétentes de la Nouvelle-Calédonie et de ses trois provinces en vertu des compétences qui leur sont dévolues par la loi organique statutaire. Par suite, les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue du décret n° 2018617 du 17 juillet 2018, demeurent notamment applicables, en Nouvelle-Calédonie, au contentieux des permis de construire.
9. En tout état de cause, les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, n'imposent pas à l'auteur du permis ou à son bénéficiaire, ni d'ailleurs à aucune autre personne ayant qualité pour faire appel d'un jugement annulant en tout ou partie un permis de construire, de notifier l'appel dirigé contre un tel jugement. Il s'ensuit que les intimés ne peuvent utilement soulever, à l'encontre de la requête d'appel, la fin de non-recevoir tirée de ce que cette dernière n'aurait pas été notifiée aux bénéficiaires des arrêtés litigieux dans les conditions fixées par cet article.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
10. La commune de Nouméa soutient que, les plans établis en application des dispositions du règlement du lotissement s'imposant à l'autorité chargé de délivrer le permis de construire, et la méthode retenue par le géomètre-expert pour calculer la valeur de la pente présentant un caractère technique qui n'est pas de nature à être discutée au contentieux, c'est à tort que les premiers juges ont annulé les arrêtés litigieux.
11. La délibération n° 2-99/APS du 9 avril 1999 de l'assemblée de la province Sud modifiant le décret n° 51-1135 du 21 septembre 1951 réglementant les groupes d'immeubles et les lotissements en Nouvelle-Calédonie et la délibération n° 19 du 8 juin 1973 relative au permis de construire, a inséré dans le décret du 21 septembre 1951 un article 9-10 ainsi rédigé : " Lorsqu'un plan d'urbanisme directeur a été approuvé, les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement cessent de s'appliquer au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir. / Toutefois, lorsque les deux tiers des propriétaires détenant ensemble les trois quarts au moins de la superficie d'un lotissement demandent avant l'expiration du délai de dix ans, le maintien de ces règles, elles ne cessent de s'appliquer qu'après décision expresse de l'autorité compétente. / Les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports des colotis entre eux contenus dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes en vigueur. / Pour les lotissements autorisés avant l'entrée en vigueur de la présente délibération, les colotis sont informés que les règles d'urbanisme spécifiques aux lotissements cesseront de s'appliquer et de la possibilité qui leur est donnée de demander le maintien de ces règles. Cette information est faite à l'initiative du président de l'assemblée de province six mois au moins avant la date à laquelle les règles d'urbanisme spécifiques cessent de s'appliquer, lorsqu'un plan d'urbanisme directeur a été approuvé avant cette date. L'information est faite par voie d'affichage en mairie pendant deux mois, à l'intérieur du lotissement et par voie d'insertion dans un journal d'annonce légale. [...].". Ces dispositions ont ensuite été substantiellement maintenues, dans les mêmes termes, d'abord par l'article 22 de la délibération n° 28-2006/APS du 27 juillet 2006 portant réglementation des lotissements et des divisions dans la province Sud, puis par le I de l'article Lp. 122-2 du code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie, issu de la loi du pays n° 2015-1 du 13 février 2015 relative à la partie législative du code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie qui leur a ainsi donné force de loi. Il est constant que les règles d'urbanisme contenues au sein du règlement du lotissement Domaine Tuband ont été maintenues en vigueur par un arrêté municipal n° 2009/75 du 5 février 2009 à la suite de la demande de l'association syndicale libre des copropriétaires du lotissement, en date du 23 juin 2008, arrêté, pris sur le fondement de la délibération n° 28-2006/APS du 27 juillet 2006, alors en vigueur.
12. Doivent être regardées comme des " règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement " mentionnées à l'article Lp. 122-2 du code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie, qui sont opposables aux autorités chargées de délivrer les permis de construire, non seulement les dispositions littérales contenues dans le règlement présentant le caractère de règles, mais aussi les schémas, plans ou cartes auxquelles le règlement renvoie, soit par une mention expresse, soit par une mention implicite mais nécessaire, et qui ont fait l'objet d'une approbation expresse par l'autorité compétente. Aucune disposition législative ou réglementaire ne fait en outre obstacle à ce que le règlement d'un lotissement impose aux co-lotis une procédure particulière de détermination des caractéristiques physiques d'un lot par un géomètre-expert agréé en vue notamment de préciser la valeur de sa pente, aux fins d'application des règles de construction y afférentes, lorsqu'elles dépendent de la valeur dont s'agit.
13. Aux termes de l'article 2.2 du règlement du lotissement Domaine Tuband : " De convention expresse, en vertu du présent règlement et du cahier des charges du lotissement, le géomètre désigné par le lotisseur est Monsieur J... A..., géomètre expert agréé en Nouvelle-Calédonie. Tant qu'il exercera sa profession, Monsieur J... A... sera le seul géomètre habilité à établir les documents définis au § 2.3 ci-dessous. (...) / les plans réguliers rendus obligatoire au moment de la demande de permis de construire tel que prévu à l'article 16 ". Aux termes de l'article 12.1 du même règlement : " Lots n° 1 à 143 de la 1ère tranche, n° 144 à 239 de la 2ème tranche, (...) : / 1°. Villas résidentielles individuelles. / Tous ces lots dont la destination est qualifiée de " Résidentiels Individuels " à l'article 4 ci-dessus, sont autorisés à recevoir des villas construites de plain-pied sur un seul niveau avec combles aménageables, et ou avec un étage (R+1 ou R-1) et combles aménageables mais aux conditions suivantes : / b). Seuls les lots, dont la pente du terrain naturel sera égale ou supérieure à 25 %, dans le sens de la plus forte pente du terrain, seront autorisés à recevoir des villas construites en R+1 ou R-1. La pente des lots sera déterminée à partir du plan d'état des lieux rendu obligatoire par le présent Règlement... ". Aux termes de l'article 16.2 du même règlement : " Plan d'état des lieux : / a). Un plan régulier d'état des lieux, exécuté dans le système de la Triangulation de Nouméa, et rattaché au réseau du Nivellement Général de Nouvelle-Calédonie (N.G.N.C.), sera obligatoirement joint à la demande de permis de construire. Ce plan est particulièrement destiné à fixer les différents niveaux et points les plus hauts des lots, les hauteurs et altitudes des futures constructions et aménagements autorisés (...) / c). De convention expresse, ce plan sera exclusivement établi par le Géomètre agréé du lotisseur nommé à l'article 2 ci-dessus. / d). L'échelle du plan sera fonction de la superficie du lot concerné, et répartie de la façon suivante : / - 1/100e pour les terrains dont la superficie est inférieure ou égale à 30 ares. / - 1/200e pour les terrains dont la superficie est supérieure à 30 ares. Le plan devra faire apparaître principalement : / - Les limites du lot ; / - Les distances du périmètre, / - Les courbes de niveaux et points cotés, / - Le trottoir, son caniveau, et l'axe de la chaussée au droit du lot, / - Les servitudes comprises à l'intérieur ou en limite du lot, (...) ".
14. D'une part, il résulte clairement des dispositions précitées, que l'établissement d'un plan régulier d'état des lieux, exécuté selon les modalités techniques qu'elles fixent, est nécessaire à l'occasion de chaque demande de permis de construire, afin notamment de fixer " les différents niveaux et points les plus hauts des lots et les hauteurs et altitudes des futures constructions et aménagements autorisés ". Un tel plan, ainsi qu'il a été dit au point 12 s'impose à l'autorité chargée de délivrer le permis de construire en l'absence de dispositions contraires.
15. D'autre part, les dispositions réglementaires citées au point 13 confient implicitement mais nécessairement au géomètre-expert chargé de l'établissement du plan d'état des lieux la détermination des modalités de calcul de la valeur de la pente d'un lot. Ces modalités sont en principe, et sauf erreur manifeste d'appréciation, insusceptibles d'être discutées devant le juge administratif. En l'espèce, il n'est pas sérieusement contesté que la méthode retenue par le géomètre-expert s'agissant du lot en cause, et comme d'ailleurs, pour tous les autres lots du lotissement, fondée sur la sélection de deux points représentatifs de la déclivité du terrain, n'est pas entachée d'une telle erreur manifeste d'appréciation, dès lors que la méthode alternative, prônée par les défendeurs, se fondant sur le calcul de la valeur de la pente entre les limites de propriété, ne présente pas de garanties supérieures quant à l'exactitude de la valeur recherchée.
16. Il suit de là que la commune de Nouméa est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, prononcé l'annulation des arrêtés litigieux.
17. Saisie par l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la Cour de se prononcer sur les moyens invoqués devant les premiers juges par M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C....
18. En premier lieu, et eu égard à ce qui a été dit aux points 10 à 15, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
19. En deuxième lieu, les moyens tirés de ce que le permis modificatif du 22 mai 2019 ne respecte pas les règles relatives à la hauteur du bâtiment telles que prévues à l'article 19.7 f) du règlement de lotissement, ni les règles en matière d'emprise prévues par le plan d'urbanisme directeur de Nouméa ni celles en matière de prospect et d'implantation ne sont pas assortis des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé.
20. En troisième lieu, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande de permis de construire peut être écarté dès lors que ce dossier comprenait effectivement une notice paysagère, une étude de sols et une attestation relative à la stabilité des talus, que les plans produits sont cotés et comportent une échelle, de sorte que les dimensions des constructions sont donc déterminables pour celles qui ne seraient pas expressément indiquées et que, si les dossiers de demande de permis de construire initial et les demandes de permis modificatifs ne comportaient pas de plan de coupe du terrain initial, conformément au 4° de l'article PS 221-11 du code de l'urbanisme, ils comportaient en revanche, outre l'étude de sols précitées, le plan d'état des lieux du lot, avec le détail des cotes sur le terrain, des photographies et des plans de coupe AA et B joints au dossier de demande de permis de construire initial reportant en pointillés rouges le tracé du terrain naturel, de sorte que l'absence au dossier d'un plan de coupe spécifique à l'état initial du terrain a été compensée et que le service instructeur a été mis en mesure de porter une appréciation en connaissance de cause sur le projet.
21. En quatrième lieu, aux termes de l'article 7 des " Dispositions communes " du règlement du plan d'urbanisme directeur de la commune : " Les terrassements et l'implantation des constructions sont faits de manière à ce que le mur de soutènement et les talus en déblais ou en remblais, s'ils dépassent 3,00 mètres de hauteur, comportent dans la mesure du possible, plusieurs talus successifs laissant libres des banquettes horizontales plantées ". Aux termes de l'article 17 du règlement de lotissement relatif à la hauteur de murs de soutènement : " a) la hauteur autorisée d'un seul mur est limitée à 3 mètres. / b) les murs d'une hauteur supérieure à 3 mètres seront aménagés avec une banquette de 1 mètre de largeur minimum située à mi-hauteur ou à une hauteur appropriée. Cette banquette sera le niveau de référence du pied du deuxième mur qui ne devra pas excéder obligatoirement 3 mètres de hauteur ". Il résulte de ces dispositions qu'un mur seul ne doit pas dépasser trois mètres et que cette hauteur ne s'apprécie que pour la partie aérienne du mur, sans prise en compte de son éventuelle partie enterrée.
22. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet comporte un mur de soutènement ou un talus d'une hauteur supérieure à trois mètres qui méconnaitrait les dispositions réglementaires précitées. Le moyen manque donc en fait et doit être écarté.
23. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer l'annulation du jugement n°s 1900189-1900321 du 16 avril 2020 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et de rejeter les demandes présentées devant lui par M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C...
Sur les frais du litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les défendeurs, qui sont la partie perdante dans la présente instance, en puissent invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à leur charge le versement de la somme réclamée par la commune de Nouméa sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement nos1900189-1900321 du 16 avril 2020 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie par M. L... E..., par Mme I... G... et M. H... C... sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions d'appel des parties fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Nouméa, à M. L... E..., à Mme I... G..., à M. H... C..., à M. B... D... et à Mme K... D....
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2022.
Le rapporteur,
S. F...Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°
N° 20PA01684
1ère chambre
M. LAPOUZADE, président
M. Stéphane DIEMERT, rapporteur
Mme GUILLOTEAU, rapporteur public
CLAVELEAU, avocats
Lecture du mardi 28 juin 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C... ont successivement demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler, d'une part, l'arrêté n° 2018/258 du 29 mars 2018 du maire de la commune de Nouméa portant autorisation de construire une villa R+1 de type F5, sur le lot 177 du lotissement du domaine Tuband, sis commune de Nouméa, ainsi que l'arrêté n° 2018/551 du 19 juillet 2018 portant modification du permis de construire initial et l'arrêté n° 2018/929 du 10 décembre 2018, portant transfert du permis de construire et, d'autre part, l'arrêté n° 2019/337 du 22 mai 2019 du maire de la commune de Nouméa portant modification de l'arrêté n° 2018/258 du maire de la commune de Nouméa portant autorisation de construire une villa R+1 de type F5, sur le lot 177 du lotissement du domaine Tuband, sis commune de Nouméa.
Par un jugement nos 1900189-1900321 du 16 avril 2020, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé l'annulation de ces arrêtés.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2020 et des mémoires enregistrés le 8 juin 2021 et le 21 septembre 2021, la commune de Nouméa, représentée par Me Claveleau, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos1900189-1900321 du 16 avril 2020 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C... devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
3°) de mettre à la charge des défendeurs le versement d'une somme de 500 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'y a pas non-lieu à statuer dès lors que, le tribunal administratif ayant prononcé l'annulation du permis de construire initial, le second permis n'a pu avoir pour effet de le retirer implicitement ;
- sa requête est recevable, dès lors que le maire a été régulièrement habilité à introduire la présente instance par une délibération du conseil municipal de la commune en date du 27 mai 2020 ;
- les plans établis en application des dispositions du règlement du lotissement s'imposent à l'autorité chargé de délivrer le permis de construire ;
- la méthode retenue par le géomètre-expert pour calculer la valeur de la pente présente un caractère technique qui n'est pas de nature à être discutée au contentieux ;
- les autres moyens des demandes de première instance ne sont pas de nature à fonder l'annulation des arrêtés litigieux.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 janvier 2021 et un mémoire enregistré le 24 septembre 2021, M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C..., représentés par Me Loste (société d'avocats Juriscal) concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 500 000 francs CFP à la charge de la commune de Nouméa en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête d'appel, dès lors que la délivrance d'un nouveau permis de construire sur le même terrain, le 16 octobre 2020, a eu pour effet d'entrainer le retrait implicite du permis de construire initial, alors en outre que le second permis de construire s'impose désormais aux pétitionnaires et que ces derniers ont engagé des travaux dont l'état d'avancement est désormais tel qu'ils ne pourraient pas modifier leur projet en cas d'annulation du jugement attaqué ;
- la requête d'appel est irrecevable, faute pour la commune de produire la délibération du conseil municipal ayant habilité le maire à ester en justice ;
- elle est également irrecevable faute pour la commune de justifier avoir accompli les formalités de notification prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- leur demande de première instance est recevable, dès lors qu'ils ont intérêt à agir contre les arrêtés litigieux et que, faute d'affichage régulier sur le terrain, le délai de recours contentieux n'a pas commencé à courir ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
- le projet est illégal, dès lors qu'il ne respecte ni la hauteur applicable en matière de mur de soutènement et mur d'enceinte, ni les dispositions applicables en cas de réalisation de terrassements importants.
La requête a été communiquée à M. B... D... et à Mme K... D... qui ont déclaré à la Cour, le 26 septembre 2021, ne pas avoir l'intention d'être représentés ni de présenter des observations dans la présente instance.
Le 21 décembre 2021 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur des moyens d'ordre publics suivants, relevés d'office, tirés de ce que :
1° les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ont cessé de s'appliquer aux permis de construire délivrés en Nouvelle-Calédonie par l'effet de la modification de leur rédaction - entrée en vigueur à l'égard des requêtes enregistrées le 1er octobre 2018 - résultant de l'effet combiné de l'article 7 (1°) et de l'article 9-III du décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du code de justice administrative et du code de l'urbanisme (parties réglementaires) ;
2° la modification ainsi opérée par les dispositions susmentionnées du décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 est entachée d'illégalité, comme excédant en l'espèce la capacité d'adaptation à l'organisation particulière de la Nouvelle-Calédonie reconnue au pouvoir réglementaire par l'article 6-2 (alinéas 2 et 8 (6°)) de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C... ont présenté des observations en réponse à cette communication le 18 janvier 2022.
La commune de Nouméa a présenté des observations en réponse à cette communication le 14 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de l'urbanisme, notamment son livre VI ;
- le code des communes de Nouvelle-Calédonie ;
- le code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dufaud substituant Me Claveleau, avocat de la commune de Nouméa.
Considérant ce qui suit :
1. M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C... ont successivement demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler, d'une part, l'arrêté n° 2018/258 du 29 mars 2018 du maire de la commune de Nouméa portant autorisation de construire une villa R+1 de type F5, sur le lot 177 du lotissement du domaine Tuband, sis commune de Nouméa, ainsi que l'arrêté n° 2018/551 du 19 juillet 2018 portant modification du permis de construire initial et l'arrêté n° 2018/929 du 10 décembre 2018, portant transfert du permis de construire et, d'autre part, l'arrêté n° 2019/337 du 22 mai 2019 du maire de la commune de Nouméa portant modification de l'arrêté n° 2018/258 du maire de la commune de Nouméa portant autorisation de construire une villa R+1 de type F5, sur le lot 177 du lotissement du domaine Tuband, sis commune de Nouméa. Par un jugement du 16 avril 2020 dont la commune de Nouméa relève appel devant la Cour, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a joint les deux demandes et prononcé l'annulation de ces arrêtés après avoir écarté la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Sur le non-lieu à statuer :
2. M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C... soutiennent que la délivrance d'un nouveau permis de construire sur le même terrain, le 16 octobre 2020, doit conduire la Cour à juger qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête d'appel de la commune de Nouméa.
3. Si la délivrance d'un nouveau permis de construire au bénéficiaire d'un précédent permis, sur le même terrain, a implicitement mais nécessairement pour effet de rapporter le permis initial, ce retrait est indivisible de la délivrance du nouveau permis. Par suite, les conclusions aux fins d'annulation du permis initial ne deviennent sans objet du fait de la délivrance d'un nouveau permis qu'à la condition que le retrait qu'il a opéré ait acquis, à la date à laquelle le juge qui en est saisi se prononce, un caractère définitif. Tel n'est toutefois pas le cas lorsque le nouveau permis de construire a été délivré après l'annulation du permis initial par la juridiction administrative.
4. En l'espèce, le nouveau permis de construire a été délivré postérieurement à l'annulation du permis de construire par le jugement attaqué. L'exception de non-lieu à statuer doit donc être écartée.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
En ce qui concerne l'habilitation du maire par le conseil municipal :
5. En premier lieu, et contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, le maire de Nouméa a été habilité à relever appel du jugement attaqué par la délibération n° 2020/195 du 26 mai 2020 du conseil municipal de Nouméa, adoptée sur le fondement de l'article L. 122-20 (16°) du code des communes de Nouvelle-Calédonie et dont le premier alinéa de l'article 4 dispose que : " (...) Le maire est chargé, en toutes circonstances et devant toutes les juridictions sans exception, constitutionnelle, administratives et judiciaires, tant civiles que pénales, prud'homales, tribunal du travail, sociales, commerciales ou ordinales, tant devant les juridictions nationales, étrangères ou internationales et, ce dans le cadre de toute instance (première instance, appel et cassation), à ester en justice au nom de la commune dans l'ensemble du contentieux de la commune tant en demande, en défense, en intervention, qu'en représentation ou en désistement. ", cette délibération ayant été mise en ligne sur le site internet de la commune. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par les défendeurs doit être écartée.
En ce qui concerne les notifications prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme :
6. D'une part, aux termes de l'article 6-2 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " Dans les matières qui relèvent de la compétence de l'État, sont applicables en Nouvelle-Calédonie les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. / Par dérogation au premier alinéa, sont applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie, sans préjudice des dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : / [...] 6° À la procédure administrative contentieuse ; / [...]. ". Aux termes du I de l'article 21 de la même loi organique : " I. - L'État est compétent dans les matières suivantes : / [...] / 2° Justice, [...] procédure administrative contentieuse ; [...] ; / [...] ".
7. D'autre part, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 7 (1°) du décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 et applicable, en vertu du III de l'article 9 de ce dernier, aux requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018 : " En cas [...] de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, [...] l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. ". Ces dispositions, qui relèvent de la " procédure administrative contentieuse ", au sens du I (2°) de l'article 21 précité de la loi organique du 19 mars 1999 sont comme telles et en principe applicables de plein droit sur ce territoire en application du huitième alinéa (6°) de l'article 6-2 précité de ladite loi organique. Elles ont ainsi remplacé les dispositions précédemment en vigueur, issues du I de l'article 12 du décret n° 2007-18 du 7 janvier 2007, lesquelles prévoyaient leur application aux " recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir ".
8. Les termes de " décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol " figurant dans diverses dispositions de nature législative ou réglementaire du livre VI du code de l'urbanisme, et notamment dans son article R. 600-1, ne peuvent, en l'absence de volonté expresse du législateur d'écarter l'application en Nouvelle-Calédonie des dispositions en cause au titre des adaptations prévues par les dispositions précitées de la loi organique du 19 mars 1999, ou de dispositions expresses en ce sens du règlement, que s'entendre comme visant, par analogie, les catégories de décisions possédant la même substance et la même portée, prises sur le fondement de la législation et de la réglementation respectivement édictées par les autorités compétentes de la Nouvelle-Calédonie et de ses trois provinces en vertu des compétences qui leur sont dévolues par la loi organique statutaire. Par suite, les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue du décret n° 2018617 du 17 juillet 2018, demeurent notamment applicables, en Nouvelle-Calédonie, au contentieux des permis de construire.
9. En tout état de cause, les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, n'imposent pas à l'auteur du permis ou à son bénéficiaire, ni d'ailleurs à aucune autre personne ayant qualité pour faire appel d'un jugement annulant en tout ou partie un permis de construire, de notifier l'appel dirigé contre un tel jugement. Il s'ensuit que les intimés ne peuvent utilement soulever, à l'encontre de la requête d'appel, la fin de non-recevoir tirée de ce que cette dernière n'aurait pas été notifiée aux bénéficiaires des arrêtés litigieux dans les conditions fixées par cet article.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
10. La commune de Nouméa soutient que, les plans établis en application des dispositions du règlement du lotissement s'imposant à l'autorité chargé de délivrer le permis de construire, et la méthode retenue par le géomètre-expert pour calculer la valeur de la pente présentant un caractère technique qui n'est pas de nature à être discutée au contentieux, c'est à tort que les premiers juges ont annulé les arrêtés litigieux.
11. La délibération n° 2-99/APS du 9 avril 1999 de l'assemblée de la province Sud modifiant le décret n° 51-1135 du 21 septembre 1951 réglementant les groupes d'immeubles et les lotissements en Nouvelle-Calédonie et la délibération n° 19 du 8 juin 1973 relative au permis de construire, a inséré dans le décret du 21 septembre 1951 un article 9-10 ainsi rédigé : " Lorsqu'un plan d'urbanisme directeur a été approuvé, les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement cessent de s'appliquer au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir. / Toutefois, lorsque les deux tiers des propriétaires détenant ensemble les trois quarts au moins de la superficie d'un lotissement demandent avant l'expiration du délai de dix ans, le maintien de ces règles, elles ne cessent de s'appliquer qu'après décision expresse de l'autorité compétente. / Les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports des colotis entre eux contenus dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes en vigueur. / Pour les lotissements autorisés avant l'entrée en vigueur de la présente délibération, les colotis sont informés que les règles d'urbanisme spécifiques aux lotissements cesseront de s'appliquer et de la possibilité qui leur est donnée de demander le maintien de ces règles. Cette information est faite à l'initiative du président de l'assemblée de province six mois au moins avant la date à laquelle les règles d'urbanisme spécifiques cessent de s'appliquer, lorsqu'un plan d'urbanisme directeur a été approuvé avant cette date. L'information est faite par voie d'affichage en mairie pendant deux mois, à l'intérieur du lotissement et par voie d'insertion dans un journal d'annonce légale. [...].". Ces dispositions ont ensuite été substantiellement maintenues, dans les mêmes termes, d'abord par l'article 22 de la délibération n° 28-2006/APS du 27 juillet 2006 portant réglementation des lotissements et des divisions dans la province Sud, puis par le I de l'article Lp. 122-2 du code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie, issu de la loi du pays n° 2015-1 du 13 février 2015 relative à la partie législative du code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie qui leur a ainsi donné force de loi. Il est constant que les règles d'urbanisme contenues au sein du règlement du lotissement Domaine Tuband ont été maintenues en vigueur par un arrêté municipal n° 2009/75 du 5 février 2009 à la suite de la demande de l'association syndicale libre des copropriétaires du lotissement, en date du 23 juin 2008, arrêté, pris sur le fondement de la délibération n° 28-2006/APS du 27 juillet 2006, alors en vigueur.
12. Doivent être regardées comme des " règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement " mentionnées à l'article Lp. 122-2 du code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie, qui sont opposables aux autorités chargées de délivrer les permis de construire, non seulement les dispositions littérales contenues dans le règlement présentant le caractère de règles, mais aussi les schémas, plans ou cartes auxquelles le règlement renvoie, soit par une mention expresse, soit par une mention implicite mais nécessaire, et qui ont fait l'objet d'une approbation expresse par l'autorité compétente. Aucune disposition législative ou réglementaire ne fait en outre obstacle à ce que le règlement d'un lotissement impose aux co-lotis une procédure particulière de détermination des caractéristiques physiques d'un lot par un géomètre-expert agréé en vue notamment de préciser la valeur de sa pente, aux fins d'application des règles de construction y afférentes, lorsqu'elles dépendent de la valeur dont s'agit.
13. Aux termes de l'article 2.2 du règlement du lotissement Domaine Tuband : " De convention expresse, en vertu du présent règlement et du cahier des charges du lotissement, le géomètre désigné par le lotisseur est Monsieur J... A..., géomètre expert agréé en Nouvelle-Calédonie. Tant qu'il exercera sa profession, Monsieur J... A... sera le seul géomètre habilité à établir les documents définis au § 2.3 ci-dessous. (...) / les plans réguliers rendus obligatoire au moment de la demande de permis de construire tel que prévu à l'article 16 ". Aux termes de l'article 12.1 du même règlement : " Lots n° 1 à 143 de la 1ère tranche, n° 144 à 239 de la 2ème tranche, (...) : / 1°. Villas résidentielles individuelles. / Tous ces lots dont la destination est qualifiée de " Résidentiels Individuels " à l'article 4 ci-dessus, sont autorisés à recevoir des villas construites de plain-pied sur un seul niveau avec combles aménageables, et ou avec un étage (R+1 ou R-1) et combles aménageables mais aux conditions suivantes : / b). Seuls les lots, dont la pente du terrain naturel sera égale ou supérieure à 25 %, dans le sens de la plus forte pente du terrain, seront autorisés à recevoir des villas construites en R+1 ou R-1. La pente des lots sera déterminée à partir du plan d'état des lieux rendu obligatoire par le présent Règlement... ". Aux termes de l'article 16.2 du même règlement : " Plan d'état des lieux : / a). Un plan régulier d'état des lieux, exécuté dans le système de la Triangulation de Nouméa, et rattaché au réseau du Nivellement Général de Nouvelle-Calédonie (N.G.N.C.), sera obligatoirement joint à la demande de permis de construire. Ce plan est particulièrement destiné à fixer les différents niveaux et points les plus hauts des lots, les hauteurs et altitudes des futures constructions et aménagements autorisés (...) / c). De convention expresse, ce plan sera exclusivement établi par le Géomètre agréé du lotisseur nommé à l'article 2 ci-dessus. / d). L'échelle du plan sera fonction de la superficie du lot concerné, et répartie de la façon suivante : / - 1/100e pour les terrains dont la superficie est inférieure ou égale à 30 ares. / - 1/200e pour les terrains dont la superficie est supérieure à 30 ares. Le plan devra faire apparaître principalement : / - Les limites du lot ; / - Les distances du périmètre, / - Les courbes de niveaux et points cotés, / - Le trottoir, son caniveau, et l'axe de la chaussée au droit du lot, / - Les servitudes comprises à l'intérieur ou en limite du lot, (...) ".
14. D'une part, il résulte clairement des dispositions précitées, que l'établissement d'un plan régulier d'état des lieux, exécuté selon les modalités techniques qu'elles fixent, est nécessaire à l'occasion de chaque demande de permis de construire, afin notamment de fixer " les différents niveaux et points les plus hauts des lots et les hauteurs et altitudes des futures constructions et aménagements autorisés ". Un tel plan, ainsi qu'il a été dit au point 12 s'impose à l'autorité chargée de délivrer le permis de construire en l'absence de dispositions contraires.
15. D'autre part, les dispositions réglementaires citées au point 13 confient implicitement mais nécessairement au géomètre-expert chargé de l'établissement du plan d'état des lieux la détermination des modalités de calcul de la valeur de la pente d'un lot. Ces modalités sont en principe, et sauf erreur manifeste d'appréciation, insusceptibles d'être discutées devant le juge administratif. En l'espèce, il n'est pas sérieusement contesté que la méthode retenue par le géomètre-expert s'agissant du lot en cause, et comme d'ailleurs, pour tous les autres lots du lotissement, fondée sur la sélection de deux points représentatifs de la déclivité du terrain, n'est pas entachée d'une telle erreur manifeste d'appréciation, dès lors que la méthode alternative, prônée par les défendeurs, se fondant sur le calcul de la valeur de la pente entre les limites de propriété, ne présente pas de garanties supérieures quant à l'exactitude de la valeur recherchée.
16. Il suit de là que la commune de Nouméa est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, prononcé l'annulation des arrêtés litigieux.
17. Saisie par l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la Cour de se prononcer sur les moyens invoqués devant les premiers juges par M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C....
18. En premier lieu, et eu égard à ce qui a été dit aux points 10 à 15, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
19. En deuxième lieu, les moyens tirés de ce que le permis modificatif du 22 mai 2019 ne respecte pas les règles relatives à la hauteur du bâtiment telles que prévues à l'article 19.7 f) du règlement de lotissement, ni les règles en matière d'emprise prévues par le plan d'urbanisme directeur de Nouméa ni celles en matière de prospect et d'implantation ne sont pas assortis des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé.
20. En troisième lieu, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande de permis de construire peut être écarté dès lors que ce dossier comprenait effectivement une notice paysagère, une étude de sols et une attestation relative à la stabilité des talus, que les plans produits sont cotés et comportent une échelle, de sorte que les dimensions des constructions sont donc déterminables pour celles qui ne seraient pas expressément indiquées et que, si les dossiers de demande de permis de construire initial et les demandes de permis modificatifs ne comportaient pas de plan de coupe du terrain initial, conformément au 4° de l'article PS 221-11 du code de l'urbanisme, ils comportaient en revanche, outre l'étude de sols précitées, le plan d'état des lieux du lot, avec le détail des cotes sur le terrain, des photographies et des plans de coupe AA et B joints au dossier de demande de permis de construire initial reportant en pointillés rouges le tracé du terrain naturel, de sorte que l'absence au dossier d'un plan de coupe spécifique à l'état initial du terrain a été compensée et que le service instructeur a été mis en mesure de porter une appréciation en connaissance de cause sur le projet.
21. En quatrième lieu, aux termes de l'article 7 des " Dispositions communes " du règlement du plan d'urbanisme directeur de la commune : " Les terrassements et l'implantation des constructions sont faits de manière à ce que le mur de soutènement et les talus en déblais ou en remblais, s'ils dépassent 3,00 mètres de hauteur, comportent dans la mesure du possible, plusieurs talus successifs laissant libres des banquettes horizontales plantées ". Aux termes de l'article 17 du règlement de lotissement relatif à la hauteur de murs de soutènement : " a) la hauteur autorisée d'un seul mur est limitée à 3 mètres. / b) les murs d'une hauteur supérieure à 3 mètres seront aménagés avec une banquette de 1 mètre de largeur minimum située à mi-hauteur ou à une hauteur appropriée. Cette banquette sera le niveau de référence du pied du deuxième mur qui ne devra pas excéder obligatoirement 3 mètres de hauteur ". Il résulte de ces dispositions qu'un mur seul ne doit pas dépasser trois mètres et que cette hauteur ne s'apprécie que pour la partie aérienne du mur, sans prise en compte de son éventuelle partie enterrée.
22. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet comporte un mur de soutènement ou un talus d'une hauteur supérieure à trois mètres qui méconnaitrait les dispositions réglementaires précitées. Le moyen manque donc en fait et doit être écarté.
23. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer l'annulation du jugement n°s 1900189-1900321 du 16 avril 2020 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et de rejeter les demandes présentées devant lui par M. L... E..., Mme I... G... et M. H... C...
Sur les frais du litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les défendeurs, qui sont la partie perdante dans la présente instance, en puissent invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à leur charge le versement de la somme réclamée par la commune de Nouméa sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement nos1900189-1900321 du 16 avril 2020 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie par M. L... E..., par Mme I... G... et M. H... C... sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions d'appel des parties fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Nouméa, à M. L... E..., à Mme I... G..., à M. H... C..., à M. B... D... et à Mme K... D....
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2022.
Le rapporteur,
S. F...Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°