CAA de TOULOUSE
N° 24TL01004
1ère chambre
M. Rey-Bèthbéder, président
M. Nicolas Lafon, rapporteur
Mme Restino, rapporteure publique
SCP BOUYSSOU ET ASSOCIES, avocats
Lecture du jeudi 17 juillet 2025
Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête, enregistrée le 26 juin 2020 sous le n° 20MA02085 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL02085 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et quatre mémoires complémentaires, enregistrés le 10 septembre 2021, le 8 février 2022 et les 25 et 30 novembre 2022, Mme T... D..., la Fédération pour les Espaces naturels et l'Environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66), l'association " Collectif le vent tourne ", M. C... G..., M. I... R..., M. P... L..., M. C... N..., Mme M... O..., Mme V... E..., l'indivision K..., M. J... Q..., Mme U... F... et M. B... S..., représentés par la SCP Bouyssou et associés, ont demandé à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2020 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a délivré à la société Parc éolien de Passa l'autorisation environnementale d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent comprenant six éoliennes sur le territoire de la commune de Passa (Pyrénées-Orientales) ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutenaient que :
- l'arrêté est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière compte tenu du caractère incomplet du dossier d'enquête publique ;
- le dossier d'enquête publique ne comporte pas l'avis de l'Institut national de l'origine et de la qualité et de la direction générale de l'aviation civile, et l'avis du ministre de la défense a été rendu sur la base d'un dossier incomplet ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé concernant les impacts du projet sur les paysages ;
- l'étude d'impact est insuffisante sur le volet paysager, sur l'impact concernant les habitats naturels, la flore et la petite faune terrestre, sur le raccordement au réseau, sur l'avifaune et les chiroptères et sur l'appréciation des nuisances sonores ;
- l'autorisation environnementale, en tant qu'elle vaut dérogation au titre des espèces protégées, est entachée d'une insuffisante motivation, d'un vice de procédure et d'une incomplétude du dossier de demande de dérogation ;
- l'arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir compte tenu des liens familiaux existants entre le directeur régional de l'environnement et le chef de projet de la société pétitionnaire ;
- l'arrêté méconnaît l'article L. 181-3 du code de l'environnement en ce qu'il n'assure pas, au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, notamment le risque de feux de forêts, l'atteinte aux paysages et au patrimoine culturel et l'atteinte à la faune et la flore ;
- il méconnaît également l'article L. 181-3 du code de l'environnement en ce qu'il n'assure pas, au titre de la dérogation pour destruction d'espèces protégées, le respect des conditions fixées au 4° de l'article L 411-2 du même code ;
- il méconnaît les articles N1, N2 et N11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Passa.
Par trois mémoires en défense, enregistrés le 26 juillet 2021 et les 12 janvier et 22 février 2022, la société par actions simplifiée Parc éolien de Passa, représentée par Me Elfassi, a conclu :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, au sursis à statuer le temps que l'autorisation soit régularisée, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;
3°) à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de chacun des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutenait que :
- à titre principal, les requérants ne justifient pas de leur intérêt à agir ;
- à titre subsidiaire, aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2021, le ministre de la transition écologique a conclu au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, au sursis à statuer pour permettre la régularisation de l'autorisation, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
Il soutenait qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par un arrêt n° 20TL02085 du 8 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté la requête de Mme D... et autres.
Procédure devant le Conseil d'État
Par une décision nos 471141, 471146 du 18 avril 2024, le Conseil d'État statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par Mme D... et autres, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 8 décembre 2022 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Procédure devant la cour après cassation :
Par six mémoires en défense, enregistrés les 14 mai, 28 octobre et 2 décembre 2024 et le 31 janvier 2025, la société Parc éolien de Passa, représentée par Me Elfassi, persiste dans ses écritures et conclut au rejet de l'intervention de M. H....
Elle soutient en outre que :
- l'intervention de M. H... est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir ;
- le projet doit bénéficier de la présomption de raison impérative d'intérêt public majeur prévue par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 ;
- les nouveaux moyens soulevés par les requérants et les moyens soulevés par M. H... ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 22 juillet et 26 septembre 2024, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le projet est réputé répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur ;
- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par trois mémoires complémentaires, enregistré les 25 juillet, 30 octobre et 9 décembre 2024, Mme D..., l'association FRENE 66, l'association " Collectif le vent tourne ", M. G..., M. L..., M. N..., Mme O..., Mme E..., l'indivision K..., M. Q... et Mme F..., représentés par la SCP Bouyssou et associés, persistent dans leurs écritures et demandent à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge solidaire de l'État et de la société Parc éolien de Passa au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent en outre que :
- le projet ne peut bénéficier de la présomption de raison impérative d'intérêt public majeur instituée par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, dès lors que son décret d'application méconnaît les articles 34 et 37 de la Constitution, la directive Habitats et le principe d'égalité devant la loi ;
- la présomption, qui est simple, doit être renversée, dès lors qu'il est démontré que le projet ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public majeur ;
- l'étude Natura 2000 est entachée de plusieurs insuffisances ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement.
Par deux mémoires en intervention volontaire, enregistrés les 25 juillet et 9 décembre 2024, M. A... H..., représenté par la SCP Bouyssou et associés, déclare intervenir à l'instance et conclut à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2020.
Il soutient que :
- l'étude d'impact est insuffisante sur l'impact concernant les habitats naturels, la flore et la petite faune terrestre, sur l'avifaune et les chiroptères et sur l'appréciation des nuisances sonores ;
- l'étude Natura 2000 est entachée de plusieurs insuffisances ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement.
- l'autorisation environnementale, en tant qu'elle vaut dérogation au titre des espèces protégées, est entachée d'une incomplétude du dossier de demande de dérogation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le règlement (UE) n° 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022 ;
- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code des transports ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;
- la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 ;
- la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 ;
- le décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016 ;
- le décret n° 2023-1366 du 28 décembre 2023 ;
- l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;
- l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique,
- les observations de Me Martinez pour les requérants et M. H...,
- et les observations de Me Bergès pour la société Parc éolien de Passa.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande du 20 décembre 2017, complétée les 18 janvier et 7 juin 2019, la société Parc éolien de Passa a sollicité la délivrance d'une autorisation environnementale pour l'exploitation d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent comprenant six éoliennes sur le territoire de la commune de Passa. Par un arrêté du 28 février 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales a accordé cette autorisation, tenant également lieu d'autorisation de défrichement et de dérogation " espèces et habitats protégés ". Cette dérogation concerne 81 espèces d'oiseaux, 23 de chiroptères, 4 d'amphibiens, 7 de reptiles, 1 d'insectes, 2 de mammifères terrestres et 1 espèce de flore. Par un arrêt du 8 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté la requête de Mme D... et d'autres requérants, tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 février 2020. Par une décision nos 471141, 471146 du 18 avril 2024, le Conseil d'État statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par ces mêmes personnes, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.
Sur l'intervention de M. H... :
2. Aux termes du III de l'article L. 514-6 du code de l'environnement : " Les tiers qui n'ont acquis ou pris à bail des immeubles ou n'ont élevé des constructions dans le voisinage d'une installation classée que postérieurement à l'affichage ou à la publication de l'acte portant autorisation ou enregistrement de cette installation ou atténuant les prescriptions primitives ne sont pas recevables à déférer ledit arrêté à la juridiction administrative ". Les tiers placés dans une telle situation ne sont pas davantage recevables à intervenir au soutien d'une demande d'annulation de cet arrêté. Il résulte de l'instruction que M. H... a acquis sa propriété, composée d'une maison d'habitation et de plusieurs parcelles de terre, au voisinage du site concerné par l'autorisation près de deux ans après la délivrance de l'arrêté du 28 février 2020. Par suite, son intervention est irrecevable en application des dispositions précitées de l'article L. 514-6 du code de l'environnement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la régularité de l'arrêté préfectoral du 28 février 2020 :
3. Il appartient au juge des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. En outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il se prononce, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.
S'agissant de la consultation du ministre de la défense :
4. Aux termes de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense ". L'article L. 6352-1 du code des transports dispose que : " À l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne, est soumis à l'autorisation spéciale de l'autorité administrative. / Les catégories d'installations et les conditions auxquelles peuvent être soumises leur établissement sont fixées par décret en Conseil d'État ". Aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, applicable à la date de l'arrêté attaqué : " À l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. / Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation ainsi que la liste des pièces qui doivent être annexées à la demande d'autorisation. / L'autorisation peut être subordonnée à l'observation de conditions particulières d'implantation, de hauteur ou de balisage suivant les besoins de la navigation aérienne dans la région intéressée (...) ". L'article 1er de l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation dispose que : " Les installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des armées comprennent : / a) En dehors des agglomérations, les installations dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol ou de l'eau (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que l'avis favorable du ministre de la défense a été recueilli le 18 janvier 2018 au vu des coordonnées de géolocalisation des éoliennes, de l'altitude au sol et de la hauteur sommitale de l'obstacle. Les caractéristiques d'implantation du projet n'ayant pas évolué au cours de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, et en l'absence de modifications posant des questions nouvelles concernant la protection des intérêts dont il a la charge, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le ministre de la défense aurait dû être saisi à nouveau après les compléments apportés au dossier de demande les 18 janvier et 7 juin 2019.
S'agissant du contenu du dossier soumis à enquête publique :
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que par un avis en date du 5 mars 2018, la direction générale de l'aviation civile a émis un avis favorable, assorti d'une réserve concernant l'aérodrome privé de Llauro mais résultant d'une interprétation erronée de l'annexe IV d'une circulaire du 12 janvier 2012 relative à l'instruction des projets éoliens par les services de l'aviation civile. Par un nouvel avis du 6 août 2019, la même direction a réitéré sans réserve son avis favorable. Par suite, compte tenu de la teneur de ces avis et de leur sens favorable au projet, l'absence du dernier avis au dossier d'enquête publique n'a privé le public d'aucune garantie et n'a exercé aucune influence sur le sens de la décision en litige.
7. En second lieu, outre le fait que figurait dans le dossier d'enquête publique le second avis rendu par l'Institut national de l'origine et de la qualité le 20 mars 2019 par lequel celui-ci réitérait son premier avis défavorable en date du 19 février 2018, dans les mêmes termes que cet avis initial et dont il rappelait de façon synthétique la motivation, il ressort des mentions énoncées dans l'avis du 20 mars 2019 ainsi que du rapport du commissaire-enquêteur qui s'est appuyé sur des extraits de l'avis du 19 février 2018, que ce premier avis était lui-même annexé à l'avis du 20 mars 2019 et était compris à ce titre au sein du dossier d'enquête. Par suite, le moyen tiré de l'absence du premier avis de l'Institut national de l'origine et de la qualité dans le dossier soumis à l'enquête publique manque en fait.
S'agissant de la motivation de l'arrêté préfectoral du 28 février 2020 :
8. D'une part, l'arrêté du 28 février 2020, qui vise les dispositions applicables, énonce avec une précision suffisante les circonstances de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour autoriser l'exploitation de l'installation classée et autoriser le défrichement. D'autre part, l'arrêté attaqué précise que le projet de construction d'un parc éolien s'inscrit dans le cadre de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et participe à la réalisation des objectifs français en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique et présente ainsi un intérêt public majeur de nature sociale et économique. Il énonce également que le choix du site a fait l'objet d'un avis favorable du 25 mai 2019 du Conseil national de la protection de la nature, sous conditions de mettre en place les mesures relatives au bridage pour les chiroptères, à l'installation de dispositifs de réduction de la mortalité de l'avifaune, à la sanctuarisation de stations de Dorycnopsis gerardi, à l'interdiction du débroussaillage entre mi-novembre et août, à la compensation de deux hectares pour les surfaces défrichées et au suivi de la migration de l'avifaune et de chiroptères préconisées par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Occitanie. Il relève que l'autorisation est assortie de mesures d'évitement, de réduction, de compensation de sorte que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces protégées concernées dans leur aire de répartition naturelle. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cet arrêté est suffisamment motivé au regard des incidences du projet sur l'environnement.
S'agissant du contenu de l'étude d'impact :
9. D'une part, l'article R. 122-5 du code de l'environnement définit le contenu de l'étude d'impact, qui doit être proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. D'autre part, les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
10. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le volet paysager de l'étude d'impact comporte trente-huit photomontages, dont seize dans un rayon de trois kilomètres autour de la zone d'implantation du projet, permettant d'apprécier l'insertion des éoliennes dans leur environnement proche, intermédiaire et éloigné, en particulier au regard du massif du Canigou, notamment depuis la chapelle de Saint-Luc, et des Aspres.
11. Il résulte également de l'instruction que l'étude paysagère présente une analyse des effets cumulés avec l'Eco Parc Catalan situé à 17 kilomètres du projet du parc de Passa, concluant à l'existence d'une faible relation visuelle entre eux, et n'identifie aucun phénomène de mitage paysager. Si la mission régionale de l'autorité environnementale a relevé, dans son avis, que ce projet peut marquer l'ouverture d'un nouveau secteur à l'implantation d'autres projets industriels éoliens, il ne résulte pas de l'instruction que la prégnance et le mitage du paysage par des éoliennes, du fait de la présence ou de la programmation d'autres parcs éoliens proches, auraient été sous-estimés.
12. En deuxième lieu, l'étude d'impact décrit les habitats naturels caractéristiques de la zone, identifiés lors de relevés de terrain et matérialisés sur une carte, tient compte des élargissements de pistes nécessaires et analyse le risque de destruction du Dorycnopsis gerardi sur la totalité des emprises et celles limitrophes. Si les requérants font état de la critique de l'autorité environnementale sur l'absence de données brutes des surfaces d'habitat impactées, la société pétitionnaire a versé au dossier soumis à enquête publique un tableau indiquant la surface afférente en hectares. En outre, alors qu'un parc éolien présente généralement peu d'effets potentiels sur la faune non volante, l'étude a procédé à une analyse fonctionnelle des différentes espèces de faune terrestre observées sur la zone, notamment les amphibiens, reptiles, mammifères et insectes, accompagnée de cartes indiquant les points d'observation et la spatialisation des enjeux, ainsi qu'à l'évaluation de la sensibilité et des impacts liés à la faune terrestre. L'étude d'impact ne comporte aucune insuffisance sur ces différents aspects.
13. En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement n'imposent pas au pétitionnaire de préciser les modalités de raccordement externe d'une installation de production d'électricité au réseau électrique, qui relève d'une autorisation distincte. Par suite, l'étude d'impact n'avait pas à comprendre l'analyse des impacts environnementaux d'un tel raccordement.
14. En quatrième lieu, si les requérants soutiennent que l'étude d'impact serait insuffisante en ce qui concerne l'évaluation des impacts sur l'avifaune et les chiroptères, il résulte de l'instruction et notamment du volet écologique de l'étude d'impact que l'avifaune caractéristique des différentes zones de protection recensées et cartographiées dans le périmètre a été également prise en compte dans l'état initial. Cette étude comporte, outre l'inventaire complet des oiseaux, des développements détaillés sur les intérêts faunistiques en jeu et recense les effets du projet sur les différentes espèces d'oiseaux nicheuses et migratrices en fonction des différentes phases de travaux et de l'implantation des éoliennes. Il ne résulte pas de l'instruction, au regard de la méthodologie suivie par le pétitionnaire, que ce recensement serait insuffisant ou erroné. Par ailleurs, la zone concernant le domaine vital de l'aigle de Bonelli est située à une vingtaine de kilomètres du projet autorisé et sa fréquentation, hors des zones de danger liées au projet, rend cohérents les enjeux limités définis dans l'étude d'impact pour cette espèce protégée. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que les sensibilités aux risques de collision auraient été sous-évaluées et que les mesures générales de préservation préconisées seraient inefficaces ou insuffisamment précisées. S'agissant des chiroptères, l'étude d'impact a procédé à un inventaire couvrant le cycle biologique complet. Ainsi, au regard de la méthodologie suivie, et en l'absence de tout élément étayé qui permettrait de douter de la validité de ces résultats, il ne résulte pas de l'instruction que cet inventaire et cette analyse avifaunistique et chiroptérologique seraient insuffisants.
15. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, de très nombreuses mesures d'évitement, de réduction et de compensation sont proposées par le pétitionnaire, notamment pour réduire l'impact sur l'avifaune, par un bridage des machines pour la préservation des chiroptères, un dispositif d'effarouchement et anticollision pour l'avifaune, ainsi qu'un évitement et une sanctuarisation de parcelles de flore protégée.
16. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que l'étude d'impact comporte un plan d'optimisation acoustique qui conclut, pour les trois modèles d'aérogénérateurs étudiés, à l'absence de dépassement des émergences sonores réglementaires. Les requérants ne peuvent, par ailleurs, utilement se prévaloir de l'annulation du protocole de mesure de l'impact acoustique des parcs éoliens, prononcée par le Conseil d'État dans sa décision n° 465036 du 8 mars 2024, dès lors que l'étude acoustique présentée dans l'étude d'impact n'a pas été réalisée selon ce protocole, mais selon le projet de norme NFS 31-114. S'il est constant que cette norme est restée à l'état de projet, il ne résulte pas de l'instruction que son application, qui est au demeurant préconisée par le " Guide de l'étude d'impact sur l'environnement des parcs éoliens ", élaboré en 2010 par le ministère chargé de l'environnement, aurait, en tout état de cause, affecté les résultats de l'étude acoustique dans une proportion telle qu'elle aurait conduit, dans le cas particulier du parc éolien en litige, à ignorer des dépassements des seuils réglementaires. Par suite, l'analyse des incidences acoustiques n'est pas insuffisante.
17. Enfin, l'étude d'impact comporte, après avoir mentionné la justification du choix du site et la hiérarchisation précise des sensibilités environnementales mises en évidence lors de l'établissement de l'état initial, l'analyse, à partir de dix critères pertinents, de trois variantes d'implantation envisagées par le pétitionnaire et l'exposé des raisons pour lesquelles le projet présenté a été retenu. Ces éléments doivent être regardés comme suffisants au regard des exigences du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement.
18. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 9 à 17 que le moyen tiré du caractère incomplet, insuffisant ou erroné de l'étude d'impact figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être écarté.
S'agissant de l'absence de demande de dérogation à l'interdiction de porter atteinte à certaines espèces protégées :
19. Il résulte de l'instruction que l'étude d'impact produite à l'appui de la demande d'autorisation en litige comporte une analyse détaillée des incidences du projet sur les espèces d'avifaune concernées et présente les enjeux et les impacts de l'installation et du fonctionnement des éoliennes en litige sur les espèces repérées à proximité du site. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que les auteurs de l'étude auraient sous-estimé l'ampleur des espèces concernées, les risques de collision entre les éoliennes et les oiseaux en migration ou les rapaces présents sur la zone. La circonstance, invoquée par les requérants, selon laquelle un certain nombre d'espèces présentes dans les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique situées dans un rayon de six kilomètres n'ont pas été retrouvées dans la zone d'implantation du projet ne suffit pas à établir l'insuffisance sur ce point de l'étude écologique. En particulier, les requérants ne produisent pas d'élément permettant d'estimer de manière suffisamment probante que l'étude aurait omis de relever la présence, dans la zone du projet, du faucon crécerellette, du grand tétras, ainsi que du desman des Pyrénées et du pélobate cultripède. Il en est de même pour la présence régulière de l'aigle de Bonelli, du vautour percnoptère et du vautour moine. Les requérants n'établissent pas que les atteintes potentielles dont il s'agit seraient de nature à remettre en cause le bon accomplissement des cycles biologiques de reproduction ou de repos des espèces animales considérées. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le projet entraînera la destruction de ces espèces protégées appartenant à l'avifaune et que l'autorisation aurait dû comporter, à ce titre, une dérogation requise en vertu du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
S'agissant des évaluations des incidences Natura 2000 :
20. Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : / (...) / 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; / (...) / III. - Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : / 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'État (...) ". L'article R. 414-19 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " I. - La liste nationale des documents de planification, programmes ou projets ainsi que des manifestations et interventions qui doivent faire l'objet d'une évaluation des incidences sur un ou plusieurs sites Natura 2000 en application du 1° du III de l'article L. 414-4 est la suivante : / (...) / 3° Les projets soumis à évaluation environnementale au titre du tableau annexé à l'article R. 122-2 (...) ". Aux termes enfin de l'article R. 414-23 du même code : " (...) Cette évaluation est proportionnée à l'importance du document ou de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence. / I. - Le dossier comprend dans tous les cas : / 1° Une présentation simplifiée du document de planification, ou une description du programme, du projet, de la manifestation ou de l'intervention, accompagnée d'une carte permettant de localiser l'espace terrestre ou marin sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets ; lorsque des travaux, ouvrages ou aménagements sont à réaliser dans le périmètre d'un site Natura 2000, un plan de situation détaillé est fourni ; / 2° Un exposé sommaire des raisons pour lesquelles le document de planification, le programme, le projet, la manifestation ou l'intervention est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ; dans l'affirmative, cet exposé précise la liste des sites Natura 2000 susceptibles d'être affectés, compte tenu de la nature et de l'importance du document de planification, ou du programme, projet, manifestation ou intervention, de sa localisation dans un site Natura 2000 ou de la distance qui le sépare du ou des sites Natura 2000, de la topographie, de l'hydrographie, du fonctionnement des écosystèmes, des caractéristiques du ou des sites Natura 2000 et de leurs objectifs de conservation. / II. - Dans l'hypothèse où un ou plusieurs sites Natura 2000 sont susceptibles d'être affectés, le dossier comprend également une analyse des effets temporaires ou permanents, directs ou indirects, que le document de planification, le programme ou le projet, la manifestation ou l'intervention peut avoir, individuellement ou en raison de ses effets cumulés avec d'autres documents de planification, ou d'autres programmes, projets, manifestations ou interventions dont est responsable l'autorité chargée d'approuver le document de planification, le maître d'ouvrage, le pétitionnaire ou l'organisateur, sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites. / III. - S'il résulte de l'analyse mentionnée au II que le document de planification, ou le programme, projet, manifestation ou intervention peut avoir des effets significatifs dommageables, pendant ou après sa réalisation ou pendant la durée de la validité du document de planification, sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le dossier comprend un exposé des mesures qui seront prises pour supprimer ou réduire ces effets dommageables (...) ".
21. Il résulte de l'étude d'impact, qui comprend une description du projet, accompagnée de cartes permettant de localiser l'espace sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets, que quatre sites Natura 2000 ont été identifiés dans le périmètre d'incidence potentielle du projet (annexe 2 relative à l'avifaune et la faune terrestre) et que treize sites Natura 2000 sont localisés dans l'aire d'étude de 30 kilomètres autour du projet (annexe 3). Parmi ces derniers, sept sites ont été reconnus comme accueillant des chiroptères, en particulier les sites du Tech et du massif des Albères, qui sont les plus proches du projet, respectivement à 3 et 16 kilomètres, et dans lesquels est notamment présent le minioptère de Schreibers. L'étude identifie les raisons pour lesquelles les incidences possibles du projet sur ces populations de chiroptères sont uniquement liées au risque de mortalité en phase d'exploitation et précise que ce niveau de risque est nul en raison de l'éloignement des sites Natura 2000, hormis pour le minioptère de Schreibers. Elle indique enfin que les incidences résiduelles sont, compte tenu du lieu d'implantation retenu et de l'application de mesures de réduction consistant en la régulation de toutes les éoliennes, négligeables à faibles. S'agissant des quatre zones spéciales de conservation identifiées dans l'annexe 2, l'étude indique que 23 espèces d'oiseaux d'intérêt communautaire, dont le vautour percnoptère, sont présentes dans deux zones de protection spéciales, à savoir les sites Alta Garrotxa - Massis de les Salines et l'Albera, parmi lesquelles 8 espèces ont été observées sur la zone du projet et l'aigle royal est considéré comme potentiellement présent. Elle retient enfin l'absence d'incidence du projet sur ces espèces, y compris la bondrée apivore, le milan royal et le circaète Jean-le-blanc, soit en raison de l'éloignement et de la situation géographique du site, où ils ont été observés de manière anecdotique, lors de migrations, soit en raison de l'absence de sensibilité de ces espèces aux éoliennes.
22. Si les requérants font valoir que le busard Saint-Martin, le vautour fauve et le faucon crécerelle, qui sont recensés au sein du site Alta Garrotxa - Massis de les Salines, n'ont pas été mentionnés dans les évaluations, il n'est pas contesté, en tout état de cause, qu'ils n'ont été observés que de façon très épisodique sur le site du projet. Par ailleurs, les requérants n'apportent aucun élément permettant d'établir que les incidences de ce dernier sur la bondrée apivore, le milan royal, le circaète Jean-le-blanc, l'aigle royal et le minioptère de Schreibers auraient été minorées. Ils ne démontrent pas davantage la présence du vautour moine dans les sites Natura 2000 faisant l'objet de l'étude. Enfin, la circonstance que l'arrêté attaqué prévoit, s'agissant notamment de l'aigle royal, des mesures visant à compenser des surfaces de chasse perdues ne saurait révéler l'insuffisance, sur ce point, des évaluations réalisées. Dans ces conditions, ces dernières, qui sont proportionnées à l'importance de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence et qui s'ajoutent à une première étude, qui retient que la distance du site à l'égard des différents zonages Natura 2000 permet d'éviter tout risque d'incidences pour les habitats et la flore, contiennent les éléments prévus par les dispositions de l'article R. 414-23 du code de l'environnement.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'arrêté préfectoral du 28 février 2020 :
S'agissant des atteintes au titre de l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
23. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier ".
24. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients, soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.
Quant à l'atteinte aux paysages et au patrimoine historique :
25. Il résulte de l'instruction que la commune d'implantation du projet est située à l'écart des secteurs relevés comme les plus sensibles du point de vue du patrimoine naturel et culturel et du paysage. Il résulte également de l'instruction que l'évaluation des impacts paysagers de l'étude paysagère et l'analyse détaillée des impacts et mesures sur le patrimoine et le paysage dans l'étude d'impact recensent les différents intérêts paysagers et la réalité de l'impact visuel induit par le projet autorisé, notamment au vu de photomontages dont le caractère suffisant n'est pas sérieusement contesté. S'agissant du massif du Canigou, classé Grand site de France, le projet éolien de Passa n'occupe qu'un faible pourcentage de la zone sud, pour permettre un recul important face aux lieux d'habitat. Cette implantation minimise ainsi les covisibilités avec le Canigou et le choix d'une implantation radiale en deux lignes des éoliennes axées vers le massif du Canigou permet de localiser le projet dans un angle peu étendu pour les vues depuis le massif, de sorte que cette implantation permet d'éviter un potentiel effet barrière pour les secteurs de covisibilité directe depuis la plaine. En outre depuis le col de Palomère, point de vue typique depuis le massif du Canigou, l'ensemble du parc éolien de Passa est masqué par les versants des vallées rayonnantes du Canigou, l'éloignement limitant fortement sa perception. S'agissant du paysage des Aspres, du massif des Albères et de la montagne de Céret, la présence du parc de Passa depuis ses hauteurs reste faible, soit composant un point de transition entre les massifs des Aspres et la plaine du Roussillon, soit se mêlant aux taches urbaines claires qui ponctuent la plaine, soit se confondant avec la ligne de panorama ou s'affichant sur fonds clair atténuant sa netteté avec le paysage. Enfin, les impacts sur le patrimoine protégé sont évalués à un niveau " nul à faible " par l'étude d'impact. Dans ces conditions, la présence des éoliennes dans ce site n'est pas susceptible de modifier significativement la perception visuelle des paysages et compte tenu des distances, si des covisibilités seront possibles entre certains sites naturels avoisinants et le parc éolien, celles-ci, qualifiées de " faibles " dans l'étude paysagère, seront peu perceptibles. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit au point 11 que la prégnance et le mitage du paysage par des éoliennes, du fait de la présence ou de la programmation d'autres parcs éoliens proches, ne sauraient être regardés comme ayant été sous-estimés. Par conséquent, le moyen tiré de l'atteinte aux paysages, aux sites et au patrimoine doit être écarté.
Quant à l'atteinte à la faune et la flore :
26. Il résulte de l'instruction que le peuplement d'oiseaux de la zone d'étude est composé à 82 % d'espèces " communes " à " très communes " et à 18 % d'espèces " rares " à " assez rares " et que l'étude d'impact a qualifié les enjeux de forts partout sur l'aire d'étude rapprochée pour les espèces nicheuses et de " faible partout " pour les migrateurs et les hivernants. Eu égard aux volets étayés et circonstanciés de l'impact du projet sur l'avifaune, les requérants, qui n'apportent pas d'éléments permettant de remettre en cause les méthodes utilisées pour l'inventaire et la détermination des enjeux patrimoniaux, ne sont pas fondés à soutenir que le volet " faune " est insuffisant s'agissant de l'analyse des impacts du projet sur les populations concernées. S'agissant plus précisément de la protection de l'avifaune, il ne résulte pas de l'étude d'impact que la présence de l'aigle royal et de l'aigle de Bonelli soit identifiée sur le site d'implantation du projet, alors notamment que la zone concernant le domaine vital de cette dernière espèce se situe à une vingtaine de kilomètres du projet autorisé et qu'elle est seulement susceptible de fréquenter la zone. En l'absence de présence avérée sur l'aire d'étude rapprochée ou ses marges, l'étude a estimé l'espèce avec une sensibilité faible au risque de collision, aucune autre sensibilité au projet n'étant retenue. S'agissant du milan royal, l'impact résiduel est évalué à un niveau " nul " en phase de travaux et à un niveau " négligeable " en phase d'exploitation. Par ailleurs, l'arrêté en litige prescrit, conformément aux préconisations de l'étude d'impact, des mesures générales de préservation, notamment par un système de détection et d'effarouchement des oiseaux et de régulation automatisée des éoliennes à des distances d'alerte suffisante pour les espèces protégées cibles, à savoir l'aigle royal, la bondrée apivore, le busard cendré, le circaète Jean-le-blanc et le milan noir. Enfin, des mesures compensatoires des surfaces d'habitat de chasse par le projet sont prévues pour une superficie d'environ 6,5 hectares, concernant en priorité les rapaces et notamment l'aigle royal en cas de perte d'habitats résultant de la mise en oeuvre de la mesure d'effarouchement. Ainsi, il ne résulte nullement de l'instruction que ces mesures explicites et précises seraient insuffisantes ou trop vagues pour préserver l'avifaune alors que dans le cadre de ses pouvoirs de police, le préfet a toujours la faculté de contraindre la société pétitionnaire à les respecter en cas d'atteinte à l'environnement. Dans l'ensemble de ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas davantage porté atteinte à l'objectif d'absence de perte nette de biodiversité prévu par l'article L. 110-1 du code de l'environnement. Par ailleurs, il résulte de l'étude que les impacts bruts potentiels de la phase d'exploitation liés à la mortalité des chiroptères sont de niveaux " faible " à " assez fort ", voire " fort " pour le minioptère de Schreibers, le molosse de Cestoni et la noctule de Leisler. Toutefois, l'étude d'impact préconise un plan de régulation différencié en deux périodes permettant, sur la base des données recueillies en 2017 et 2018 et en fonction de la vitesse du vent, du niveau de température et de l'horaire, de réduire significativement les impacts attendus de la phase d'exploitation, en permettant de couvrir au moins 80 à 90 % de l'activité enregistrée pour chacune des espèces de chiroptères recensées sur le site. Il en résulte des niveaux d'impact résiduel attendu pour ces espèces de " nul " à " faible ". L'arrêté attaqué prescrit, à ce titre, des mesures de même nature, mais avec des seuils de bridage plus stricts, rendant nécessairement le risque de collision résiduel. Dans ces conditions et dès lors que les requérants n'apportent aucun élément permettant de remettre en cause les conclusions de l'étude d'impact et l'efficacité du dispositif de bridage retenu, les circonstances que les éoliennes projetées doivent être implantées à moins de 200 mètres de lisières forestières ne permettent pas de considérer que la préservation des chiroptères ne serait pas suffisamment assurée. Au demeurant, l'arrêté prévoit, outre la création de deux hectares d'îlots de sénescence, que les modalités du bridage pourront être revues à l'issue de trois années de fonctionnement complètes, en fonction des résultats de suivi de mortalité.
Quant au risque de feux de forêt :
27. Il résulte de l'étude de dangers que l'aire d'étude rapprochée du projet se trouve dans un massif boisé au risque incendie faible en raison du contexte viticole qui crée des espaces plus ouverts. Cette appréciation spécifique n'est pas remise en cause, en tant que telle, par la production de la carte de l'aléa incendie du plan d'aménagement des forêts contre les incendies des Aspres, adopté le 20 août 2023, dont les requérants déduisent à tort que cette aire d'étude rapprochée serait classée en aléa " très élevé ". Si au-delà de l'aire d'étude, un aléa fort est présent, en raison de la quantité de combustible plus importante liée à une large couverture boisée, l'effet potentiel d'un risque de départ de feu résultant du parc éolien, soit le suraccident lié à l'éolienne, est considéré comme négligeable. En outre, différentes mesures au sein des éoliennes sont mises en oeuvre afin de maîtriser les risques occasionnés par la foudre ou encore l'échauffement des pièces, en complément des mesures de sécurité fixées par l'article 24 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations éoliennes soumises à autorisation qui sont de nature à prévenir le risque incendie au sein de ces installations. Toutefois, les requérants font valoir que la hauteur des aérogénérateurs constitue un obstacle à la navigation aérienne des engins de lutte contre l'incendie dès lors que les contraintes techniques énoncées par le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Orientales mettent en évidence une restriction des moyens par avion bombardier d'eau au droit des installations pour la protection des biens et des personnes. Néanmoins, il résulte de l'instruction que l'arrêté en litige compense cette carence par une facilitation des moyens de lutte et une diminution du risque au sol, en prescrivant en particulier, conformément aux réserves émises par le même service dans son avis favorable du 12 juillet 2018, l'aménagement de pistes existantes, la création d'une nouvelle jonction entre deux pistes, le débroussaillement dont le délai prescrit de trois mois est suffisant et l'installation d'une citerne supplémentaire de 30 mètres cubes en forêt du Réart. Il est également prévu la mise en place d'un dispositif de surveillance dit " guet aérien " s'appuyant sur la circulation d'un avion léger non contraint par un vol à basse altitude. Les parties requérantes n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions de l'étude de dangers et ne démontrent pas l'existence d'un risque particulier d'incendie susceptible de faire obstacle au projet. Il résulte ainsi des éléments versés que les situations décrites ne sont pas de nature à porter une atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
S'agissant de la méconnaissance des conditions prévues à l'article L. 411-2 du code de l'environnement :
28. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : / (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement (...) ".
29. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
Quant à la raison impérative d'intérêt public majeur :
30. Il appartient au juge des installations classées pour la protection de l'environnement d'appliquer les règles de fond applicables au projet en cause en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme, qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.
31. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 411-2-1 du code de l'environnement : " Sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2 du présent code, les projets d'installations de production d'énergies renouvelables ou de stockage d'énergie dans le système électrique satisfaisant aux conditions prévues à l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie ". Ce dernier article, auquel il est ainsi renvoyé, dispose que : " Les projets d'installations de production d'énergies renouvelables au sens de l'article L. 211-2 du présent code ou de stockage d'énergie dans le système électrique, y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d'énergie, sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, dès lors qu'ils satisfont à des conditions définies par décret en Conseil d'État. / Ces conditions sont fixées en tenant compte du type de source d'énergie renouvelable, de la puissance prévisionnelle totale de l'installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs mentionnés aux 1° et 2° du présent article ; / 1° Pour le territoire métropolitain, la programmation pluriannuelle de l'énergie mentionnée à l'article L. 141-2, en particulier les mesures et les dispositions du volet relatif à la sécurité d'approvisionnement et les objectifs quantitatifs du volet relatif au développement de l'exploitation des énergies renouvelables, mentionnés aux 1° et 3° du même article L. 141-2 (...) ". Aux termes de l'article R. 411-6-1 du code de l'environnement : " Sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2 : / 1° Les projets d'installations de production d'énergies renouvelables ou de stockage d'énergie dans le système électrique, y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d'énergie, au sens de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie, lorsqu'ils satisfont aux conditions prévues par les articles R. 211-1 à R. 211-12 du code de l'énergie (...) ". L'article R. 211-2 de ce code dispose que : " Un projet d'installation située à terre produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent sur le territoire métropolitain continental satisfait aux conditions prévues à l'article L. 211-2-1 si : / 1° La puissance prévisionnelle totale de l'installation est supérieure ou égale à 9 mégawatts ; / 2° La puissance totale du parc éolien terrestre raccordé à ce territoire, à la date de la demande de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 du code de l'environnement est inférieure à l'objectif maximal de puissance du parc éolien terrestre sur ce territoire, défini par le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie mentionnée à l'article L. 141-1 du code de l'énergie ". Insérées par le décret du 28 décembre 2023 susvisé, pris pour l'application, sur le territoire métropolitain continental, de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie et publié au Journal officiel de la République française le 30 décembre 2023, ces dispositions sont entrées en vigueur au lendemain de la publication du décret.
32. En premier lieu, les requérants soutiennent, par la voie de l'exception, que le décret du 28 décembre 2023 pris pour l'application, sur le territoire métropolitain continental, de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie et de l'article 12 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023, et dont sont issus les articles R. 411-6-1 du code de l'environnement et R. 211-2 du code de l'énergie, excède le champ de l'application de cette loi et méconnaît ainsi les articles 34 et 37 de la Constitution. Toutefois, il résulte de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie que les conditions auxquelles doivent satisfaire les projets d'installations de production d'énergies renouvelables, pour être réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, doivent tenir compte du type de source d'énergie renouvelable considérée, de la puissance prévisionnelle totale de l'installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs figurant, pour le territoire métropolitain, dans la programmation pluriannuelle de l'énergie mentionnée à l'article L. 141-2 du code de l'énergie. Par ces dispositions, le législateur a entendu lever certains obstacles au développement accéléré de la production d'énergie de sources renouvelables, notamment en facilitant la reconnaissance de l'intérêt public majeur de projets de taille modeste, susceptibles d'apporter une contribution utile à la réalisation des objectifs fixés par la programmation pluriannuelle. En déterminant, sur la base de l'ensemble des critères prévus par le législateur, les conditions dans lesquelles certains projets sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens et pour l'application du c du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, et en fixant à 9 mégawatts le seuil de puissance prévisionnelle au-delà duquel un projet d'installation éolienne terrestre sur le territoire métropolitain continental est réputé y répondre tant que les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie dans ce secteur ne sont pas atteints, le pouvoir réglementaire n'a pas excédé la compétence qu'il tenait de la loi. Par suite, il n'a pas méconnu les articles 34 et 37 de la Constitution.
33. En deuxième lieu, l'article 16 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages prévoit que : " 1. À condition qu'il n'existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les États membres peuvent déroger aux dispositions des articles 12, 13, 14 et de l'article 15 points a) et b) : / (...) / c) dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique (...) ". Cet article, qui définit les conditions dans lesquelles les États-membres peuvent prévoir des dérogations à l'interdiction de destruction des espèces protégées ou de leurs habitats, ne fait pas obstacle à ce que le législateur définisse des critères permettant de considérer que certains projets sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, une telle présomption ne dispensant pas les projets concernés du respect des autres conditions prévues à l'article L. 411-2 du code de l'environnement pour la délivrance d'une dérogation.
34. En outre, le règlement (UE) n° 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022 établissant un cadre en vue d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables qui, aux termes de son article 1er, " établit des règles temporaires d'urgence " à cette fin, dispose, au paragraphe 1 de son article 3 : " La planification, la construction et l'exploitation d'installations de production d'énergie à partir de sources renouvelables, le raccordement de ces installations au réseau (...) ainsi que les actifs de stockage, sont présumés relever de l'intérêt public supérieur et de l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques lors de la mise en balance des intérêts juridiques dans chaque cas, aux fins de l'article 6, paragraphe 4 et de l'article 16, paragraphe 1, point c), de la directive 92/43/CEE du Conseil, (...). Les États membres peuvent restreindre l'application de ces dispositions à certaines parties de leur territoire ainsi qu'à certains types de technologies ou de projets présentant certaines caractéristiques techniques, conformément aux priorités définies dans leurs plans nationaux intégrés en matière d'énergie et de climat ". L'article 3 de ce règlement a ainsi lui-même institué une présomption selon laquelle les projets dans le domaine des énergies renouvelables relèvent de l'intérêt public supérieur aux fins de la législation environnementale pertinente de l'Union, notamment pour la mise en oeuvre de la dérogation prévue à l'article 16 de la directive 92/43/CEE. Si ces dispositions n'étaient initialement applicables que pour une durée de 18 mois, elles ont été ultérieurement reprises par la directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 qui insère un nouvel article 16 septies à la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et fait obligation aux États-membres de prévoir, de façon désormais pérenne, un régime de présomption selon les mêmes règles. Dans ces conditions, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que le décret du 28 décembre 2023 serait incompatible avec les objectifs de la directive 92/43/CEE.
35. En troisième lieu, les requérants n'apportent aucun élément permettant de considérer que la présomption mise en oeuvre par le décret du 28 décembre 2023, quant à la reconnaissance d'une raison impérative d'intérêt public majeur, répondrait à des conditions moins exigeantes pour les projets d'installation éolienne que pour les projets concernant la production d'autres sources d'énergie renouvelable. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être en tout état de cause écarté.
36. En quatrième lieu, d'une part, il ressort des mentions de l'article 2.1 de l'arrêté attaqué que l'autorisation en litige a été délivrée pour une puissance prévisionnelle totale de 21,6 mégawatts. Le projet satisfait donc, même en prenant en compte la puissance prévisionnelle de 13,8 mégawatts avancée par les requérants, à la première condition mentionnée par l'article R. 211-2 du code de l'énergie. D'autre part, en vertu de l'article 3 du décret du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui était applicable au 20 décembre 2017, date à laquelle la société Parc éolien de Passa avait présenté sa demande de dérogation, l'objectif de développement de l'énergie éolienne terrestre en France métropolitaine continentale était fixé à une puissance totale installée de 15 000 mégawatts au 31 décembre 2018 et à une puissance totale installée comprise entre 21 800 et 26 000 mégawatts au 31 décembre 2023. Il résulte de l'instruction, notamment du " tableau de bord éolien " établi par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires au titre du quatrième trimestre 2017, que la puissance totale du parc éolien terrestre raccordé sur le territoire métropolitain n'avait pas atteint, au 20 décembre 2017, l'objectif maximal de puissance fixé par l'article 3 du décret du 27 octobre 2016. La seconde condition prévue par l'article R. 211-2 du code de l'énergie est donc également remplie. Il en résulte que le parc éolien contesté est réputé répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c) du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, en application de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie.
37. En cinquième et dernier lieu, la présomption instituée, quant à la reconnaissance d'une raison impérative d'intérêt public majeur, par les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie, mises en oeuvre par les articles R. 411-6-1 du code de l'environnement et R. 211-2 du code de l'énergie, présente, pour cette reconnaissance, un caractère irréfragable pour les projets d'installations auxquels elle s'applique qui satisfont aux critères édictés. Les requérants ne peuvent donc utilement soutenir que cette présomption doit être renversée. Cette dernière ne dispense toutefois pas ces projets du respect des autres conditions prévues pour la délivrance de la dérogation par l'article L. 411-2 du code de l'environnement, l'autorité administrative compétente devant s'assurer, sous le contrôle du juge, qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
Quant au respect des autres conditions :
38. Il résulte de l'instruction que le dossier de demande de dérogation pour la destruction d'espèces protégées a justifié de façon précise et circonstanciée l'absence de solution alternative et que le Conseil national de la protection de la nature a rendu le 25 mai 2019 un avis favorable sous conditions de mesures de réduction et de compensations suffisantes pour la biodiversité. Il résulte également de l'instruction que le dossier de demande de dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement se fonde sur les études naturalistes conduites dans le cadre du projet de Passa depuis 2016 et porte sur 34 espèces cibles et 85 espèces secondaires. Alors que la permanence des cycles biologiques des populations concernées sera assurée à court, moyen et long terme, puisque les effets sont jugés non significatifs sur ces différentes espèces et que les spécifications du projet, notamment par sa localisation ou le dispositif de bridage, sont de nature à assurer le maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les conditions de délivrance de la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement doivent être regardées comme remplies en l'espèce.
39. Il résulte de ce qui a été dit aux points 28 à 38 que les moyens tirés de ce que les conditions prévues à l'article L. 411-2 du code de l'environnement ne sont pas remplies doivent être écartés.
S'agissant l'atteinte aux objectifs de conservation de sites Natura 2000 :
40. Aux termes du VI de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " L'autorité chargée d'autoriser, d'approuver ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout document de planification, programme, projet, manifestation ou intervention si l'évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 (...) ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne, que l'autorisation d'un projet entrant dans leur champ d'application ne peut être accordée qu'à la condition que les autorités compétentes, une fois identifiés les aspects du projet pouvant, par eux-mêmes ou combinés avec d'autres projets, affecter les objectifs de conservation du site, et compte tenu des meilleures connaissances scientifiques, aient acquis la certitude qu'il est dépourvu d'effets préjudiciables sur les objectifs de conservation de ce site. Il en est ainsi lorsqu'il ne subsiste aucun doute raisonnable d'un point de vue scientifique quant à l'absence de tels effets. Par ailleurs, il résulte de ces dispositions que, pour évaluer les incidences du projet sur l'état de conservation de ce site, il doit être tenu compte des mesures, prévues par le projet, de nature à supprimer ou réduire les effets dommageables de celui-ci sur le site en cause mais, en revanche, il n'y a pas lieu de tenir compte, à ce stade, des mesures compensatoires envisagées, le cas échéant, dans l'étude d'incidences.
41. Il résulte des évaluations des incidences mentionnées aux points 21 et 22, qui ne sont pas insuffisantes, qui ne tiennent pas compte de mesures compensatoires et dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elles comporteraient des erreurs de nature à remettre en cause la validité de leurs conclusions, que le projet en litige n'est pas susceptible, compte tenu notamment de l'implantation retenue et de l'application de mesures de réduction, de présenter d'effets significatifs sur l'état de conservation des populations fréquentant des sites Natura 2000. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement doit être écarté.
S'agissant de la conformité avec le plan local d'urbanisme de la commune de Passa :
42. En premier lieu, l'article N1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Passa, applicable à la zone N dans laquelle se situe le projet, fixe la liste des occupations et utilisations du sol interdites dans cette zone. Le 4 de l'article N2 du même règlement autorise : " Les constructions et installations nécessaires aux services publics et d'intérêt collectif, liées à la voirie, aux réseaux divers à condition que toutes les précautions soient prises pour leur bonne intégration dans le site ".
43. Il résulte de l'instruction que le projet autorisé présente un intérêt public tiré de sa contribution à la satisfaction d'un besoin collectif par la production d'électricité vendue au public. Ce parc éolien est, par suite, au nombre des constructions et installations d'intérêt collectif liées aux réseaux divers mentionnés à l'article N2 du règlement du plan local d'urbanisme.
44. En deuxième lieu, aux termes de l'article N11 du même règlement : " L'article R. 111-21 du code de l'urbanisme demeure applicable : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " / Toute construction devra participer à la mise en valeur du paysage naturel ou urbain existant, par la conception du plan masse, de l'architecture et du paysage. Les murs séparatifs, les murs pignons, les murs de clôtures, les constructions annexes doivent avoir un aspect qui s'harmonise avec celui des façades principales. / Les constructions seront conçues soit en reprenant des caractères architecturaux propres à la région, soit sur la base d'une architecture de qualité faisant appel aux recherches contemporaines en la matière. En tout état de cause, est exclue toute imitation d'architecture traditionnelle étrangère à la région. / Cependant, tout projet innovateur en termes de paysage et de développement durable (gestion des eaux de pluies, énergie renouvelable) peut, sous réserve d'un projet cohérent (volumes et matériaux), être accepté. À défaut, les dispositions énoncées au présent article s'appliquent (...) ".
45. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, lequel s'est substitué à l'article R. 111-21 mentionné à l'article N11 précité : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des (...) ouvrages à édifier (...), sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d'urbanisme de la commune. Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations.
46. Le projet éolien en litige s'inscrit dans un contexte paysager caractérisé par le massif du Canigou, classé Grand site de France, le massif des Albères, la montagne de Céret et le paysage des Aspres. Toutefois, les éléments mentionnés dans l'étude paysagère de l'étude d'impact, tels que rappelés au point 25 du présent arrêt, ne permettent pas d'établir que l'implantation de six aérogénérateurs serait de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels compte tenu de la perception de ces installations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté en litige, des dispositions de l'article N11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Passa doit être écarté.
47. Enfin, le moyen relatif à l'absence de respect des règles d'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. Par suite, en l'absence de critique circonstanciée et étayée, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'autorisation environnementale attaquée a été délivrée en méconnaissance des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Passa.
S'agissant de l'existence d'un détournement de pouvoir :
48. La seule circonstance que les requérants relèvent l'existence d'un lien de parenté entre un employé de la société Parc éolien de Passa et un agent de l'État ayant appartenu à la direction régionale de l'environnement et de l'aménagement Occitanie ne permet pas de démontrer que l'arrêté attaqué serait entaché d'un détournement de pouvoir.
49. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la société Parc éolien de Passa, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 28 février 2020.
Sur les frais liés au litige :
50. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge solidaire de l'État et de la société Parc éolien de Passa, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacun des requérants le versement à la société Parc éolien de Passa de la somme de 150 euros en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de M. H... n'est pas admise.
Article 2 : La requête de Mme D... et autres est rejetée.
Article 3 : Mme D... et les autres requérants verseront, chacun, à la société Parc éolien de Passa la somme de 150 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme T... D..., représentante unique, pour l'ensemble des requérants, à M. A... H..., à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la société par actions simplifiée Parc éolien de Passa.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, où siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24TL01004
N° 24TL01004
1ère chambre
M. Rey-Bèthbéder, président
M. Nicolas Lafon, rapporteur
Mme Restino, rapporteure publique
SCP BOUYSSOU ET ASSOCIES, avocats
Lecture du jeudi 17 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête, enregistrée le 26 juin 2020 sous le n° 20MA02085 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL02085 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et quatre mémoires complémentaires, enregistrés le 10 septembre 2021, le 8 février 2022 et les 25 et 30 novembre 2022, Mme T... D..., la Fédération pour les Espaces naturels et l'Environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66), l'association " Collectif le vent tourne ", M. C... G..., M. I... R..., M. P... L..., M. C... N..., Mme M... O..., Mme V... E..., l'indivision K..., M. J... Q..., Mme U... F... et M. B... S..., représentés par la SCP Bouyssou et associés, ont demandé à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2020 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a délivré à la société Parc éolien de Passa l'autorisation environnementale d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent comprenant six éoliennes sur le territoire de la commune de Passa (Pyrénées-Orientales) ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutenaient que :
- l'arrêté est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière compte tenu du caractère incomplet du dossier d'enquête publique ;
- le dossier d'enquête publique ne comporte pas l'avis de l'Institut national de l'origine et de la qualité et de la direction générale de l'aviation civile, et l'avis du ministre de la défense a été rendu sur la base d'un dossier incomplet ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé concernant les impacts du projet sur les paysages ;
- l'étude d'impact est insuffisante sur le volet paysager, sur l'impact concernant les habitats naturels, la flore et la petite faune terrestre, sur le raccordement au réseau, sur l'avifaune et les chiroptères et sur l'appréciation des nuisances sonores ;
- l'autorisation environnementale, en tant qu'elle vaut dérogation au titre des espèces protégées, est entachée d'une insuffisante motivation, d'un vice de procédure et d'une incomplétude du dossier de demande de dérogation ;
- l'arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir compte tenu des liens familiaux existants entre le directeur régional de l'environnement et le chef de projet de la société pétitionnaire ;
- l'arrêté méconnaît l'article L. 181-3 du code de l'environnement en ce qu'il n'assure pas, au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, notamment le risque de feux de forêts, l'atteinte aux paysages et au patrimoine culturel et l'atteinte à la faune et la flore ;
- il méconnaît également l'article L. 181-3 du code de l'environnement en ce qu'il n'assure pas, au titre de la dérogation pour destruction d'espèces protégées, le respect des conditions fixées au 4° de l'article L 411-2 du même code ;
- il méconnaît les articles N1, N2 et N11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Passa.
Par trois mémoires en défense, enregistrés le 26 juillet 2021 et les 12 janvier et 22 février 2022, la société par actions simplifiée Parc éolien de Passa, représentée par Me Elfassi, a conclu :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, au sursis à statuer le temps que l'autorisation soit régularisée, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;
3°) à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de chacun des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutenait que :
- à titre principal, les requérants ne justifient pas de leur intérêt à agir ;
- à titre subsidiaire, aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2021, le ministre de la transition écologique a conclu au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, au sursis à statuer pour permettre la régularisation de l'autorisation, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
Il soutenait qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par un arrêt n° 20TL02085 du 8 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté la requête de Mme D... et autres.
Procédure devant le Conseil d'État
Par une décision nos 471141, 471146 du 18 avril 2024, le Conseil d'État statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par Mme D... et autres, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 8 décembre 2022 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Procédure devant la cour après cassation :
Par six mémoires en défense, enregistrés les 14 mai, 28 octobre et 2 décembre 2024 et le 31 janvier 2025, la société Parc éolien de Passa, représentée par Me Elfassi, persiste dans ses écritures et conclut au rejet de l'intervention de M. H....
Elle soutient en outre que :
- l'intervention de M. H... est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir ;
- le projet doit bénéficier de la présomption de raison impérative d'intérêt public majeur prévue par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 ;
- les nouveaux moyens soulevés par les requérants et les moyens soulevés par M. H... ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 22 juillet et 26 septembre 2024, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le projet est réputé répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur ;
- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par trois mémoires complémentaires, enregistré les 25 juillet, 30 octobre et 9 décembre 2024, Mme D..., l'association FRENE 66, l'association " Collectif le vent tourne ", M. G..., M. L..., M. N..., Mme O..., Mme E..., l'indivision K..., M. Q... et Mme F..., représentés par la SCP Bouyssou et associés, persistent dans leurs écritures et demandent à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge solidaire de l'État et de la société Parc éolien de Passa au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent en outre que :
- le projet ne peut bénéficier de la présomption de raison impérative d'intérêt public majeur instituée par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, dès lors que son décret d'application méconnaît les articles 34 et 37 de la Constitution, la directive Habitats et le principe d'égalité devant la loi ;
- la présomption, qui est simple, doit être renversée, dès lors qu'il est démontré que le projet ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public majeur ;
- l'étude Natura 2000 est entachée de plusieurs insuffisances ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement.
Par deux mémoires en intervention volontaire, enregistrés les 25 juillet et 9 décembre 2024, M. A... H..., représenté par la SCP Bouyssou et associés, déclare intervenir à l'instance et conclut à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2020.
Il soutient que :
- l'étude d'impact est insuffisante sur l'impact concernant les habitats naturels, la flore et la petite faune terrestre, sur l'avifaune et les chiroptères et sur l'appréciation des nuisances sonores ;
- l'étude Natura 2000 est entachée de plusieurs insuffisances ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement.
- l'autorisation environnementale, en tant qu'elle vaut dérogation au titre des espèces protégées, est entachée d'une incomplétude du dossier de demande de dérogation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le règlement (UE) n° 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022 ;
- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code des transports ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;
- la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 ;
- la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 ;
- le décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016 ;
- le décret n° 2023-1366 du 28 décembre 2023 ;
- l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;
- l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique,
- les observations de Me Martinez pour les requérants et M. H...,
- et les observations de Me Bergès pour la société Parc éolien de Passa.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande du 20 décembre 2017, complétée les 18 janvier et 7 juin 2019, la société Parc éolien de Passa a sollicité la délivrance d'une autorisation environnementale pour l'exploitation d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent comprenant six éoliennes sur le territoire de la commune de Passa. Par un arrêté du 28 février 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales a accordé cette autorisation, tenant également lieu d'autorisation de défrichement et de dérogation " espèces et habitats protégés ". Cette dérogation concerne 81 espèces d'oiseaux, 23 de chiroptères, 4 d'amphibiens, 7 de reptiles, 1 d'insectes, 2 de mammifères terrestres et 1 espèce de flore. Par un arrêt du 8 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté la requête de Mme D... et d'autres requérants, tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 février 2020. Par une décision nos 471141, 471146 du 18 avril 2024, le Conseil d'État statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par ces mêmes personnes, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.
Sur l'intervention de M. H... :
2. Aux termes du III de l'article L. 514-6 du code de l'environnement : " Les tiers qui n'ont acquis ou pris à bail des immeubles ou n'ont élevé des constructions dans le voisinage d'une installation classée que postérieurement à l'affichage ou à la publication de l'acte portant autorisation ou enregistrement de cette installation ou atténuant les prescriptions primitives ne sont pas recevables à déférer ledit arrêté à la juridiction administrative ". Les tiers placés dans une telle situation ne sont pas davantage recevables à intervenir au soutien d'une demande d'annulation de cet arrêté. Il résulte de l'instruction que M. H... a acquis sa propriété, composée d'une maison d'habitation et de plusieurs parcelles de terre, au voisinage du site concerné par l'autorisation près de deux ans après la délivrance de l'arrêté du 28 février 2020. Par suite, son intervention est irrecevable en application des dispositions précitées de l'article L. 514-6 du code de l'environnement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la régularité de l'arrêté préfectoral du 28 février 2020 :
3. Il appartient au juge des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. En outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il se prononce, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.
S'agissant de la consultation du ministre de la défense :
4. Aux termes de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense ". L'article L. 6352-1 du code des transports dispose que : " À l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne, est soumis à l'autorisation spéciale de l'autorité administrative. / Les catégories d'installations et les conditions auxquelles peuvent être soumises leur établissement sont fixées par décret en Conseil d'État ". Aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, applicable à la date de l'arrêté attaqué : " À l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. / Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation ainsi que la liste des pièces qui doivent être annexées à la demande d'autorisation. / L'autorisation peut être subordonnée à l'observation de conditions particulières d'implantation, de hauteur ou de balisage suivant les besoins de la navigation aérienne dans la région intéressée (...) ". L'article 1er de l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation dispose que : " Les installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des armées comprennent : / a) En dehors des agglomérations, les installations dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol ou de l'eau (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que l'avis favorable du ministre de la défense a été recueilli le 18 janvier 2018 au vu des coordonnées de géolocalisation des éoliennes, de l'altitude au sol et de la hauteur sommitale de l'obstacle. Les caractéristiques d'implantation du projet n'ayant pas évolué au cours de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, et en l'absence de modifications posant des questions nouvelles concernant la protection des intérêts dont il a la charge, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le ministre de la défense aurait dû être saisi à nouveau après les compléments apportés au dossier de demande les 18 janvier et 7 juin 2019.
S'agissant du contenu du dossier soumis à enquête publique :
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que par un avis en date du 5 mars 2018, la direction générale de l'aviation civile a émis un avis favorable, assorti d'une réserve concernant l'aérodrome privé de Llauro mais résultant d'une interprétation erronée de l'annexe IV d'une circulaire du 12 janvier 2012 relative à l'instruction des projets éoliens par les services de l'aviation civile. Par un nouvel avis du 6 août 2019, la même direction a réitéré sans réserve son avis favorable. Par suite, compte tenu de la teneur de ces avis et de leur sens favorable au projet, l'absence du dernier avis au dossier d'enquête publique n'a privé le public d'aucune garantie et n'a exercé aucune influence sur le sens de la décision en litige.
7. En second lieu, outre le fait que figurait dans le dossier d'enquête publique le second avis rendu par l'Institut national de l'origine et de la qualité le 20 mars 2019 par lequel celui-ci réitérait son premier avis défavorable en date du 19 février 2018, dans les mêmes termes que cet avis initial et dont il rappelait de façon synthétique la motivation, il ressort des mentions énoncées dans l'avis du 20 mars 2019 ainsi que du rapport du commissaire-enquêteur qui s'est appuyé sur des extraits de l'avis du 19 février 2018, que ce premier avis était lui-même annexé à l'avis du 20 mars 2019 et était compris à ce titre au sein du dossier d'enquête. Par suite, le moyen tiré de l'absence du premier avis de l'Institut national de l'origine et de la qualité dans le dossier soumis à l'enquête publique manque en fait.
S'agissant de la motivation de l'arrêté préfectoral du 28 février 2020 :
8. D'une part, l'arrêté du 28 février 2020, qui vise les dispositions applicables, énonce avec une précision suffisante les circonstances de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour autoriser l'exploitation de l'installation classée et autoriser le défrichement. D'autre part, l'arrêté attaqué précise que le projet de construction d'un parc éolien s'inscrit dans le cadre de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et participe à la réalisation des objectifs français en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique et présente ainsi un intérêt public majeur de nature sociale et économique. Il énonce également que le choix du site a fait l'objet d'un avis favorable du 25 mai 2019 du Conseil national de la protection de la nature, sous conditions de mettre en place les mesures relatives au bridage pour les chiroptères, à l'installation de dispositifs de réduction de la mortalité de l'avifaune, à la sanctuarisation de stations de Dorycnopsis gerardi, à l'interdiction du débroussaillage entre mi-novembre et août, à la compensation de deux hectares pour les surfaces défrichées et au suivi de la migration de l'avifaune et de chiroptères préconisées par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Occitanie. Il relève que l'autorisation est assortie de mesures d'évitement, de réduction, de compensation de sorte que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces protégées concernées dans leur aire de répartition naturelle. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cet arrêté est suffisamment motivé au regard des incidences du projet sur l'environnement.
S'agissant du contenu de l'étude d'impact :
9. D'une part, l'article R. 122-5 du code de l'environnement définit le contenu de l'étude d'impact, qui doit être proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. D'autre part, les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
10. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le volet paysager de l'étude d'impact comporte trente-huit photomontages, dont seize dans un rayon de trois kilomètres autour de la zone d'implantation du projet, permettant d'apprécier l'insertion des éoliennes dans leur environnement proche, intermédiaire et éloigné, en particulier au regard du massif du Canigou, notamment depuis la chapelle de Saint-Luc, et des Aspres.
11. Il résulte également de l'instruction que l'étude paysagère présente une analyse des effets cumulés avec l'Eco Parc Catalan situé à 17 kilomètres du projet du parc de Passa, concluant à l'existence d'une faible relation visuelle entre eux, et n'identifie aucun phénomène de mitage paysager. Si la mission régionale de l'autorité environnementale a relevé, dans son avis, que ce projet peut marquer l'ouverture d'un nouveau secteur à l'implantation d'autres projets industriels éoliens, il ne résulte pas de l'instruction que la prégnance et le mitage du paysage par des éoliennes, du fait de la présence ou de la programmation d'autres parcs éoliens proches, auraient été sous-estimés.
12. En deuxième lieu, l'étude d'impact décrit les habitats naturels caractéristiques de la zone, identifiés lors de relevés de terrain et matérialisés sur une carte, tient compte des élargissements de pistes nécessaires et analyse le risque de destruction du Dorycnopsis gerardi sur la totalité des emprises et celles limitrophes. Si les requérants font état de la critique de l'autorité environnementale sur l'absence de données brutes des surfaces d'habitat impactées, la société pétitionnaire a versé au dossier soumis à enquête publique un tableau indiquant la surface afférente en hectares. En outre, alors qu'un parc éolien présente généralement peu d'effets potentiels sur la faune non volante, l'étude a procédé à une analyse fonctionnelle des différentes espèces de faune terrestre observées sur la zone, notamment les amphibiens, reptiles, mammifères et insectes, accompagnée de cartes indiquant les points d'observation et la spatialisation des enjeux, ainsi qu'à l'évaluation de la sensibilité et des impacts liés à la faune terrestre. L'étude d'impact ne comporte aucune insuffisance sur ces différents aspects.
13. En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement n'imposent pas au pétitionnaire de préciser les modalités de raccordement externe d'une installation de production d'électricité au réseau électrique, qui relève d'une autorisation distincte. Par suite, l'étude d'impact n'avait pas à comprendre l'analyse des impacts environnementaux d'un tel raccordement.
14. En quatrième lieu, si les requérants soutiennent que l'étude d'impact serait insuffisante en ce qui concerne l'évaluation des impacts sur l'avifaune et les chiroptères, il résulte de l'instruction et notamment du volet écologique de l'étude d'impact que l'avifaune caractéristique des différentes zones de protection recensées et cartographiées dans le périmètre a été également prise en compte dans l'état initial. Cette étude comporte, outre l'inventaire complet des oiseaux, des développements détaillés sur les intérêts faunistiques en jeu et recense les effets du projet sur les différentes espèces d'oiseaux nicheuses et migratrices en fonction des différentes phases de travaux et de l'implantation des éoliennes. Il ne résulte pas de l'instruction, au regard de la méthodologie suivie par le pétitionnaire, que ce recensement serait insuffisant ou erroné. Par ailleurs, la zone concernant le domaine vital de l'aigle de Bonelli est située à une vingtaine de kilomètres du projet autorisé et sa fréquentation, hors des zones de danger liées au projet, rend cohérents les enjeux limités définis dans l'étude d'impact pour cette espèce protégée. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que les sensibilités aux risques de collision auraient été sous-évaluées et que les mesures générales de préservation préconisées seraient inefficaces ou insuffisamment précisées. S'agissant des chiroptères, l'étude d'impact a procédé à un inventaire couvrant le cycle biologique complet. Ainsi, au regard de la méthodologie suivie, et en l'absence de tout élément étayé qui permettrait de douter de la validité de ces résultats, il ne résulte pas de l'instruction que cet inventaire et cette analyse avifaunistique et chiroptérologique seraient insuffisants.
15. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, de très nombreuses mesures d'évitement, de réduction et de compensation sont proposées par le pétitionnaire, notamment pour réduire l'impact sur l'avifaune, par un bridage des machines pour la préservation des chiroptères, un dispositif d'effarouchement et anticollision pour l'avifaune, ainsi qu'un évitement et une sanctuarisation de parcelles de flore protégée.
16. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que l'étude d'impact comporte un plan d'optimisation acoustique qui conclut, pour les trois modèles d'aérogénérateurs étudiés, à l'absence de dépassement des émergences sonores réglementaires. Les requérants ne peuvent, par ailleurs, utilement se prévaloir de l'annulation du protocole de mesure de l'impact acoustique des parcs éoliens, prononcée par le Conseil d'État dans sa décision n° 465036 du 8 mars 2024, dès lors que l'étude acoustique présentée dans l'étude d'impact n'a pas été réalisée selon ce protocole, mais selon le projet de norme NFS 31-114. S'il est constant que cette norme est restée à l'état de projet, il ne résulte pas de l'instruction que son application, qui est au demeurant préconisée par le " Guide de l'étude d'impact sur l'environnement des parcs éoliens ", élaboré en 2010 par le ministère chargé de l'environnement, aurait, en tout état de cause, affecté les résultats de l'étude acoustique dans une proportion telle qu'elle aurait conduit, dans le cas particulier du parc éolien en litige, à ignorer des dépassements des seuils réglementaires. Par suite, l'analyse des incidences acoustiques n'est pas insuffisante.
17. Enfin, l'étude d'impact comporte, après avoir mentionné la justification du choix du site et la hiérarchisation précise des sensibilités environnementales mises en évidence lors de l'établissement de l'état initial, l'analyse, à partir de dix critères pertinents, de trois variantes d'implantation envisagées par le pétitionnaire et l'exposé des raisons pour lesquelles le projet présenté a été retenu. Ces éléments doivent être regardés comme suffisants au regard des exigences du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement.
18. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 9 à 17 que le moyen tiré du caractère incomplet, insuffisant ou erroné de l'étude d'impact figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être écarté.
S'agissant de l'absence de demande de dérogation à l'interdiction de porter atteinte à certaines espèces protégées :
19. Il résulte de l'instruction que l'étude d'impact produite à l'appui de la demande d'autorisation en litige comporte une analyse détaillée des incidences du projet sur les espèces d'avifaune concernées et présente les enjeux et les impacts de l'installation et du fonctionnement des éoliennes en litige sur les espèces repérées à proximité du site. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que les auteurs de l'étude auraient sous-estimé l'ampleur des espèces concernées, les risques de collision entre les éoliennes et les oiseaux en migration ou les rapaces présents sur la zone. La circonstance, invoquée par les requérants, selon laquelle un certain nombre d'espèces présentes dans les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique situées dans un rayon de six kilomètres n'ont pas été retrouvées dans la zone d'implantation du projet ne suffit pas à établir l'insuffisance sur ce point de l'étude écologique. En particulier, les requérants ne produisent pas d'élément permettant d'estimer de manière suffisamment probante que l'étude aurait omis de relever la présence, dans la zone du projet, du faucon crécerellette, du grand tétras, ainsi que du desman des Pyrénées et du pélobate cultripède. Il en est de même pour la présence régulière de l'aigle de Bonelli, du vautour percnoptère et du vautour moine. Les requérants n'établissent pas que les atteintes potentielles dont il s'agit seraient de nature à remettre en cause le bon accomplissement des cycles biologiques de reproduction ou de repos des espèces animales considérées. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le projet entraînera la destruction de ces espèces protégées appartenant à l'avifaune et que l'autorisation aurait dû comporter, à ce titre, une dérogation requise en vertu du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
S'agissant des évaluations des incidences Natura 2000 :
20. Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : / (...) / 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; / (...) / III. - Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : / 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'État (...) ". L'article R. 414-19 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " I. - La liste nationale des documents de planification, programmes ou projets ainsi que des manifestations et interventions qui doivent faire l'objet d'une évaluation des incidences sur un ou plusieurs sites Natura 2000 en application du 1° du III de l'article L. 414-4 est la suivante : / (...) / 3° Les projets soumis à évaluation environnementale au titre du tableau annexé à l'article R. 122-2 (...) ". Aux termes enfin de l'article R. 414-23 du même code : " (...) Cette évaluation est proportionnée à l'importance du document ou de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence. / I. - Le dossier comprend dans tous les cas : / 1° Une présentation simplifiée du document de planification, ou une description du programme, du projet, de la manifestation ou de l'intervention, accompagnée d'une carte permettant de localiser l'espace terrestre ou marin sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets ; lorsque des travaux, ouvrages ou aménagements sont à réaliser dans le périmètre d'un site Natura 2000, un plan de situation détaillé est fourni ; / 2° Un exposé sommaire des raisons pour lesquelles le document de planification, le programme, le projet, la manifestation ou l'intervention est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ; dans l'affirmative, cet exposé précise la liste des sites Natura 2000 susceptibles d'être affectés, compte tenu de la nature et de l'importance du document de planification, ou du programme, projet, manifestation ou intervention, de sa localisation dans un site Natura 2000 ou de la distance qui le sépare du ou des sites Natura 2000, de la topographie, de l'hydrographie, du fonctionnement des écosystèmes, des caractéristiques du ou des sites Natura 2000 et de leurs objectifs de conservation. / II. - Dans l'hypothèse où un ou plusieurs sites Natura 2000 sont susceptibles d'être affectés, le dossier comprend également une analyse des effets temporaires ou permanents, directs ou indirects, que le document de planification, le programme ou le projet, la manifestation ou l'intervention peut avoir, individuellement ou en raison de ses effets cumulés avec d'autres documents de planification, ou d'autres programmes, projets, manifestations ou interventions dont est responsable l'autorité chargée d'approuver le document de planification, le maître d'ouvrage, le pétitionnaire ou l'organisateur, sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites. / III. - S'il résulte de l'analyse mentionnée au II que le document de planification, ou le programme, projet, manifestation ou intervention peut avoir des effets significatifs dommageables, pendant ou après sa réalisation ou pendant la durée de la validité du document de planification, sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le dossier comprend un exposé des mesures qui seront prises pour supprimer ou réduire ces effets dommageables (...) ".
21. Il résulte de l'étude d'impact, qui comprend une description du projet, accompagnée de cartes permettant de localiser l'espace sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets, que quatre sites Natura 2000 ont été identifiés dans le périmètre d'incidence potentielle du projet (annexe 2 relative à l'avifaune et la faune terrestre) et que treize sites Natura 2000 sont localisés dans l'aire d'étude de 30 kilomètres autour du projet (annexe 3). Parmi ces derniers, sept sites ont été reconnus comme accueillant des chiroptères, en particulier les sites du Tech et du massif des Albères, qui sont les plus proches du projet, respectivement à 3 et 16 kilomètres, et dans lesquels est notamment présent le minioptère de Schreibers. L'étude identifie les raisons pour lesquelles les incidences possibles du projet sur ces populations de chiroptères sont uniquement liées au risque de mortalité en phase d'exploitation et précise que ce niveau de risque est nul en raison de l'éloignement des sites Natura 2000, hormis pour le minioptère de Schreibers. Elle indique enfin que les incidences résiduelles sont, compte tenu du lieu d'implantation retenu et de l'application de mesures de réduction consistant en la régulation de toutes les éoliennes, négligeables à faibles. S'agissant des quatre zones spéciales de conservation identifiées dans l'annexe 2, l'étude indique que 23 espèces d'oiseaux d'intérêt communautaire, dont le vautour percnoptère, sont présentes dans deux zones de protection spéciales, à savoir les sites Alta Garrotxa - Massis de les Salines et l'Albera, parmi lesquelles 8 espèces ont été observées sur la zone du projet et l'aigle royal est considéré comme potentiellement présent. Elle retient enfin l'absence d'incidence du projet sur ces espèces, y compris la bondrée apivore, le milan royal et le circaète Jean-le-blanc, soit en raison de l'éloignement et de la situation géographique du site, où ils ont été observés de manière anecdotique, lors de migrations, soit en raison de l'absence de sensibilité de ces espèces aux éoliennes.
22. Si les requérants font valoir que le busard Saint-Martin, le vautour fauve et le faucon crécerelle, qui sont recensés au sein du site Alta Garrotxa - Massis de les Salines, n'ont pas été mentionnés dans les évaluations, il n'est pas contesté, en tout état de cause, qu'ils n'ont été observés que de façon très épisodique sur le site du projet. Par ailleurs, les requérants n'apportent aucun élément permettant d'établir que les incidences de ce dernier sur la bondrée apivore, le milan royal, le circaète Jean-le-blanc, l'aigle royal et le minioptère de Schreibers auraient été minorées. Ils ne démontrent pas davantage la présence du vautour moine dans les sites Natura 2000 faisant l'objet de l'étude. Enfin, la circonstance que l'arrêté attaqué prévoit, s'agissant notamment de l'aigle royal, des mesures visant à compenser des surfaces de chasse perdues ne saurait révéler l'insuffisance, sur ce point, des évaluations réalisées. Dans ces conditions, ces dernières, qui sont proportionnées à l'importance de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence et qui s'ajoutent à une première étude, qui retient que la distance du site à l'égard des différents zonages Natura 2000 permet d'éviter tout risque d'incidences pour les habitats et la flore, contiennent les éléments prévus par les dispositions de l'article R. 414-23 du code de l'environnement.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'arrêté préfectoral du 28 février 2020 :
S'agissant des atteintes au titre de l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
23. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier ".
24. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients, soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.
Quant à l'atteinte aux paysages et au patrimoine historique :
25. Il résulte de l'instruction que la commune d'implantation du projet est située à l'écart des secteurs relevés comme les plus sensibles du point de vue du patrimoine naturel et culturel et du paysage. Il résulte également de l'instruction que l'évaluation des impacts paysagers de l'étude paysagère et l'analyse détaillée des impacts et mesures sur le patrimoine et le paysage dans l'étude d'impact recensent les différents intérêts paysagers et la réalité de l'impact visuel induit par le projet autorisé, notamment au vu de photomontages dont le caractère suffisant n'est pas sérieusement contesté. S'agissant du massif du Canigou, classé Grand site de France, le projet éolien de Passa n'occupe qu'un faible pourcentage de la zone sud, pour permettre un recul important face aux lieux d'habitat. Cette implantation minimise ainsi les covisibilités avec le Canigou et le choix d'une implantation radiale en deux lignes des éoliennes axées vers le massif du Canigou permet de localiser le projet dans un angle peu étendu pour les vues depuis le massif, de sorte que cette implantation permet d'éviter un potentiel effet barrière pour les secteurs de covisibilité directe depuis la plaine. En outre depuis le col de Palomère, point de vue typique depuis le massif du Canigou, l'ensemble du parc éolien de Passa est masqué par les versants des vallées rayonnantes du Canigou, l'éloignement limitant fortement sa perception. S'agissant du paysage des Aspres, du massif des Albères et de la montagne de Céret, la présence du parc de Passa depuis ses hauteurs reste faible, soit composant un point de transition entre les massifs des Aspres et la plaine du Roussillon, soit se mêlant aux taches urbaines claires qui ponctuent la plaine, soit se confondant avec la ligne de panorama ou s'affichant sur fonds clair atténuant sa netteté avec le paysage. Enfin, les impacts sur le patrimoine protégé sont évalués à un niveau " nul à faible " par l'étude d'impact. Dans ces conditions, la présence des éoliennes dans ce site n'est pas susceptible de modifier significativement la perception visuelle des paysages et compte tenu des distances, si des covisibilités seront possibles entre certains sites naturels avoisinants et le parc éolien, celles-ci, qualifiées de " faibles " dans l'étude paysagère, seront peu perceptibles. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit au point 11 que la prégnance et le mitage du paysage par des éoliennes, du fait de la présence ou de la programmation d'autres parcs éoliens proches, ne sauraient être regardés comme ayant été sous-estimés. Par conséquent, le moyen tiré de l'atteinte aux paysages, aux sites et au patrimoine doit être écarté.
Quant à l'atteinte à la faune et la flore :
26. Il résulte de l'instruction que le peuplement d'oiseaux de la zone d'étude est composé à 82 % d'espèces " communes " à " très communes " et à 18 % d'espèces " rares " à " assez rares " et que l'étude d'impact a qualifié les enjeux de forts partout sur l'aire d'étude rapprochée pour les espèces nicheuses et de " faible partout " pour les migrateurs et les hivernants. Eu égard aux volets étayés et circonstanciés de l'impact du projet sur l'avifaune, les requérants, qui n'apportent pas d'éléments permettant de remettre en cause les méthodes utilisées pour l'inventaire et la détermination des enjeux patrimoniaux, ne sont pas fondés à soutenir que le volet " faune " est insuffisant s'agissant de l'analyse des impacts du projet sur les populations concernées. S'agissant plus précisément de la protection de l'avifaune, il ne résulte pas de l'étude d'impact que la présence de l'aigle royal et de l'aigle de Bonelli soit identifiée sur le site d'implantation du projet, alors notamment que la zone concernant le domaine vital de cette dernière espèce se situe à une vingtaine de kilomètres du projet autorisé et qu'elle est seulement susceptible de fréquenter la zone. En l'absence de présence avérée sur l'aire d'étude rapprochée ou ses marges, l'étude a estimé l'espèce avec une sensibilité faible au risque de collision, aucune autre sensibilité au projet n'étant retenue. S'agissant du milan royal, l'impact résiduel est évalué à un niveau " nul " en phase de travaux et à un niveau " négligeable " en phase d'exploitation. Par ailleurs, l'arrêté en litige prescrit, conformément aux préconisations de l'étude d'impact, des mesures générales de préservation, notamment par un système de détection et d'effarouchement des oiseaux et de régulation automatisée des éoliennes à des distances d'alerte suffisante pour les espèces protégées cibles, à savoir l'aigle royal, la bondrée apivore, le busard cendré, le circaète Jean-le-blanc et le milan noir. Enfin, des mesures compensatoires des surfaces d'habitat de chasse par le projet sont prévues pour une superficie d'environ 6,5 hectares, concernant en priorité les rapaces et notamment l'aigle royal en cas de perte d'habitats résultant de la mise en oeuvre de la mesure d'effarouchement. Ainsi, il ne résulte nullement de l'instruction que ces mesures explicites et précises seraient insuffisantes ou trop vagues pour préserver l'avifaune alors que dans le cadre de ses pouvoirs de police, le préfet a toujours la faculté de contraindre la société pétitionnaire à les respecter en cas d'atteinte à l'environnement. Dans l'ensemble de ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas davantage porté atteinte à l'objectif d'absence de perte nette de biodiversité prévu par l'article L. 110-1 du code de l'environnement. Par ailleurs, il résulte de l'étude que les impacts bruts potentiels de la phase d'exploitation liés à la mortalité des chiroptères sont de niveaux " faible " à " assez fort ", voire " fort " pour le minioptère de Schreibers, le molosse de Cestoni et la noctule de Leisler. Toutefois, l'étude d'impact préconise un plan de régulation différencié en deux périodes permettant, sur la base des données recueillies en 2017 et 2018 et en fonction de la vitesse du vent, du niveau de température et de l'horaire, de réduire significativement les impacts attendus de la phase d'exploitation, en permettant de couvrir au moins 80 à 90 % de l'activité enregistrée pour chacune des espèces de chiroptères recensées sur le site. Il en résulte des niveaux d'impact résiduel attendu pour ces espèces de " nul " à " faible ". L'arrêté attaqué prescrit, à ce titre, des mesures de même nature, mais avec des seuils de bridage plus stricts, rendant nécessairement le risque de collision résiduel. Dans ces conditions et dès lors que les requérants n'apportent aucun élément permettant de remettre en cause les conclusions de l'étude d'impact et l'efficacité du dispositif de bridage retenu, les circonstances que les éoliennes projetées doivent être implantées à moins de 200 mètres de lisières forestières ne permettent pas de considérer que la préservation des chiroptères ne serait pas suffisamment assurée. Au demeurant, l'arrêté prévoit, outre la création de deux hectares d'îlots de sénescence, que les modalités du bridage pourront être revues à l'issue de trois années de fonctionnement complètes, en fonction des résultats de suivi de mortalité.
Quant au risque de feux de forêt :
27. Il résulte de l'étude de dangers que l'aire d'étude rapprochée du projet se trouve dans un massif boisé au risque incendie faible en raison du contexte viticole qui crée des espaces plus ouverts. Cette appréciation spécifique n'est pas remise en cause, en tant que telle, par la production de la carte de l'aléa incendie du plan d'aménagement des forêts contre les incendies des Aspres, adopté le 20 août 2023, dont les requérants déduisent à tort que cette aire d'étude rapprochée serait classée en aléa " très élevé ". Si au-delà de l'aire d'étude, un aléa fort est présent, en raison de la quantité de combustible plus importante liée à une large couverture boisée, l'effet potentiel d'un risque de départ de feu résultant du parc éolien, soit le suraccident lié à l'éolienne, est considéré comme négligeable. En outre, différentes mesures au sein des éoliennes sont mises en oeuvre afin de maîtriser les risques occasionnés par la foudre ou encore l'échauffement des pièces, en complément des mesures de sécurité fixées par l'article 24 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations éoliennes soumises à autorisation qui sont de nature à prévenir le risque incendie au sein de ces installations. Toutefois, les requérants font valoir que la hauteur des aérogénérateurs constitue un obstacle à la navigation aérienne des engins de lutte contre l'incendie dès lors que les contraintes techniques énoncées par le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Orientales mettent en évidence une restriction des moyens par avion bombardier d'eau au droit des installations pour la protection des biens et des personnes. Néanmoins, il résulte de l'instruction que l'arrêté en litige compense cette carence par une facilitation des moyens de lutte et une diminution du risque au sol, en prescrivant en particulier, conformément aux réserves émises par le même service dans son avis favorable du 12 juillet 2018, l'aménagement de pistes existantes, la création d'une nouvelle jonction entre deux pistes, le débroussaillement dont le délai prescrit de trois mois est suffisant et l'installation d'une citerne supplémentaire de 30 mètres cubes en forêt du Réart. Il est également prévu la mise en place d'un dispositif de surveillance dit " guet aérien " s'appuyant sur la circulation d'un avion léger non contraint par un vol à basse altitude. Les parties requérantes n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions de l'étude de dangers et ne démontrent pas l'existence d'un risque particulier d'incendie susceptible de faire obstacle au projet. Il résulte ainsi des éléments versés que les situations décrites ne sont pas de nature à porter une atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
S'agissant de la méconnaissance des conditions prévues à l'article L. 411-2 du code de l'environnement :
28. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : / (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement (...) ".
29. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
Quant à la raison impérative d'intérêt public majeur :
30. Il appartient au juge des installations classées pour la protection de l'environnement d'appliquer les règles de fond applicables au projet en cause en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme, qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.
31. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 411-2-1 du code de l'environnement : " Sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2 du présent code, les projets d'installations de production d'énergies renouvelables ou de stockage d'énergie dans le système électrique satisfaisant aux conditions prévues à l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie ". Ce dernier article, auquel il est ainsi renvoyé, dispose que : " Les projets d'installations de production d'énergies renouvelables au sens de l'article L. 211-2 du présent code ou de stockage d'énergie dans le système électrique, y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d'énergie, sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, dès lors qu'ils satisfont à des conditions définies par décret en Conseil d'État. / Ces conditions sont fixées en tenant compte du type de source d'énergie renouvelable, de la puissance prévisionnelle totale de l'installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs mentionnés aux 1° et 2° du présent article ; / 1° Pour le territoire métropolitain, la programmation pluriannuelle de l'énergie mentionnée à l'article L. 141-2, en particulier les mesures et les dispositions du volet relatif à la sécurité d'approvisionnement et les objectifs quantitatifs du volet relatif au développement de l'exploitation des énergies renouvelables, mentionnés aux 1° et 3° du même article L. 141-2 (...) ". Aux termes de l'article R. 411-6-1 du code de l'environnement : " Sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2 : / 1° Les projets d'installations de production d'énergies renouvelables ou de stockage d'énergie dans le système électrique, y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d'énergie, au sens de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie, lorsqu'ils satisfont aux conditions prévues par les articles R. 211-1 à R. 211-12 du code de l'énergie (...) ". L'article R. 211-2 de ce code dispose que : " Un projet d'installation située à terre produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent sur le territoire métropolitain continental satisfait aux conditions prévues à l'article L. 211-2-1 si : / 1° La puissance prévisionnelle totale de l'installation est supérieure ou égale à 9 mégawatts ; / 2° La puissance totale du parc éolien terrestre raccordé à ce territoire, à la date de la demande de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 du code de l'environnement est inférieure à l'objectif maximal de puissance du parc éolien terrestre sur ce territoire, défini par le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie mentionnée à l'article L. 141-1 du code de l'énergie ". Insérées par le décret du 28 décembre 2023 susvisé, pris pour l'application, sur le territoire métropolitain continental, de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie et publié au Journal officiel de la République française le 30 décembre 2023, ces dispositions sont entrées en vigueur au lendemain de la publication du décret.
32. En premier lieu, les requérants soutiennent, par la voie de l'exception, que le décret du 28 décembre 2023 pris pour l'application, sur le territoire métropolitain continental, de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie et de l'article 12 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023, et dont sont issus les articles R. 411-6-1 du code de l'environnement et R. 211-2 du code de l'énergie, excède le champ de l'application de cette loi et méconnaît ainsi les articles 34 et 37 de la Constitution. Toutefois, il résulte de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie que les conditions auxquelles doivent satisfaire les projets d'installations de production d'énergies renouvelables, pour être réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, doivent tenir compte du type de source d'énergie renouvelable considérée, de la puissance prévisionnelle totale de l'installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs figurant, pour le territoire métropolitain, dans la programmation pluriannuelle de l'énergie mentionnée à l'article L. 141-2 du code de l'énergie. Par ces dispositions, le législateur a entendu lever certains obstacles au développement accéléré de la production d'énergie de sources renouvelables, notamment en facilitant la reconnaissance de l'intérêt public majeur de projets de taille modeste, susceptibles d'apporter une contribution utile à la réalisation des objectifs fixés par la programmation pluriannuelle. En déterminant, sur la base de l'ensemble des critères prévus par le législateur, les conditions dans lesquelles certains projets sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens et pour l'application du c du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, et en fixant à 9 mégawatts le seuil de puissance prévisionnelle au-delà duquel un projet d'installation éolienne terrestre sur le territoire métropolitain continental est réputé y répondre tant que les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie dans ce secteur ne sont pas atteints, le pouvoir réglementaire n'a pas excédé la compétence qu'il tenait de la loi. Par suite, il n'a pas méconnu les articles 34 et 37 de la Constitution.
33. En deuxième lieu, l'article 16 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages prévoit que : " 1. À condition qu'il n'existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les États membres peuvent déroger aux dispositions des articles 12, 13, 14 et de l'article 15 points a) et b) : / (...) / c) dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique (...) ". Cet article, qui définit les conditions dans lesquelles les États-membres peuvent prévoir des dérogations à l'interdiction de destruction des espèces protégées ou de leurs habitats, ne fait pas obstacle à ce que le législateur définisse des critères permettant de considérer que certains projets sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, une telle présomption ne dispensant pas les projets concernés du respect des autres conditions prévues à l'article L. 411-2 du code de l'environnement pour la délivrance d'une dérogation.
34. En outre, le règlement (UE) n° 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022 établissant un cadre en vue d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables qui, aux termes de son article 1er, " établit des règles temporaires d'urgence " à cette fin, dispose, au paragraphe 1 de son article 3 : " La planification, la construction et l'exploitation d'installations de production d'énergie à partir de sources renouvelables, le raccordement de ces installations au réseau (...) ainsi que les actifs de stockage, sont présumés relever de l'intérêt public supérieur et de l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques lors de la mise en balance des intérêts juridiques dans chaque cas, aux fins de l'article 6, paragraphe 4 et de l'article 16, paragraphe 1, point c), de la directive 92/43/CEE du Conseil, (...). Les États membres peuvent restreindre l'application de ces dispositions à certaines parties de leur territoire ainsi qu'à certains types de technologies ou de projets présentant certaines caractéristiques techniques, conformément aux priorités définies dans leurs plans nationaux intégrés en matière d'énergie et de climat ". L'article 3 de ce règlement a ainsi lui-même institué une présomption selon laquelle les projets dans le domaine des énergies renouvelables relèvent de l'intérêt public supérieur aux fins de la législation environnementale pertinente de l'Union, notamment pour la mise en oeuvre de la dérogation prévue à l'article 16 de la directive 92/43/CEE. Si ces dispositions n'étaient initialement applicables que pour une durée de 18 mois, elles ont été ultérieurement reprises par la directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 qui insère un nouvel article 16 septies à la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et fait obligation aux États-membres de prévoir, de façon désormais pérenne, un régime de présomption selon les mêmes règles. Dans ces conditions, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que le décret du 28 décembre 2023 serait incompatible avec les objectifs de la directive 92/43/CEE.
35. En troisième lieu, les requérants n'apportent aucun élément permettant de considérer que la présomption mise en oeuvre par le décret du 28 décembre 2023, quant à la reconnaissance d'une raison impérative d'intérêt public majeur, répondrait à des conditions moins exigeantes pour les projets d'installation éolienne que pour les projets concernant la production d'autres sources d'énergie renouvelable. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être en tout état de cause écarté.
36. En quatrième lieu, d'une part, il ressort des mentions de l'article 2.1 de l'arrêté attaqué que l'autorisation en litige a été délivrée pour une puissance prévisionnelle totale de 21,6 mégawatts. Le projet satisfait donc, même en prenant en compte la puissance prévisionnelle de 13,8 mégawatts avancée par les requérants, à la première condition mentionnée par l'article R. 211-2 du code de l'énergie. D'autre part, en vertu de l'article 3 du décret du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui était applicable au 20 décembre 2017, date à laquelle la société Parc éolien de Passa avait présenté sa demande de dérogation, l'objectif de développement de l'énergie éolienne terrestre en France métropolitaine continentale était fixé à une puissance totale installée de 15 000 mégawatts au 31 décembre 2018 et à une puissance totale installée comprise entre 21 800 et 26 000 mégawatts au 31 décembre 2023. Il résulte de l'instruction, notamment du " tableau de bord éolien " établi par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires au titre du quatrième trimestre 2017, que la puissance totale du parc éolien terrestre raccordé sur le territoire métropolitain n'avait pas atteint, au 20 décembre 2017, l'objectif maximal de puissance fixé par l'article 3 du décret du 27 octobre 2016. La seconde condition prévue par l'article R. 211-2 du code de l'énergie est donc également remplie. Il en résulte que le parc éolien contesté est réputé répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c) du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, en application de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie.
37. En cinquième et dernier lieu, la présomption instituée, quant à la reconnaissance d'une raison impérative d'intérêt public majeur, par les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie, mises en oeuvre par les articles R. 411-6-1 du code de l'environnement et R. 211-2 du code de l'énergie, présente, pour cette reconnaissance, un caractère irréfragable pour les projets d'installations auxquels elle s'applique qui satisfont aux critères édictés. Les requérants ne peuvent donc utilement soutenir que cette présomption doit être renversée. Cette dernière ne dispense toutefois pas ces projets du respect des autres conditions prévues pour la délivrance de la dérogation par l'article L. 411-2 du code de l'environnement, l'autorité administrative compétente devant s'assurer, sous le contrôle du juge, qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
Quant au respect des autres conditions :
38. Il résulte de l'instruction que le dossier de demande de dérogation pour la destruction d'espèces protégées a justifié de façon précise et circonstanciée l'absence de solution alternative et que le Conseil national de la protection de la nature a rendu le 25 mai 2019 un avis favorable sous conditions de mesures de réduction et de compensations suffisantes pour la biodiversité. Il résulte également de l'instruction que le dossier de demande de dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement se fonde sur les études naturalistes conduites dans le cadre du projet de Passa depuis 2016 et porte sur 34 espèces cibles et 85 espèces secondaires. Alors que la permanence des cycles biologiques des populations concernées sera assurée à court, moyen et long terme, puisque les effets sont jugés non significatifs sur ces différentes espèces et que les spécifications du projet, notamment par sa localisation ou le dispositif de bridage, sont de nature à assurer le maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les conditions de délivrance de la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement doivent être regardées comme remplies en l'espèce.
39. Il résulte de ce qui a été dit aux points 28 à 38 que les moyens tirés de ce que les conditions prévues à l'article L. 411-2 du code de l'environnement ne sont pas remplies doivent être écartés.
S'agissant l'atteinte aux objectifs de conservation de sites Natura 2000 :
40. Aux termes du VI de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " L'autorité chargée d'autoriser, d'approuver ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout document de planification, programme, projet, manifestation ou intervention si l'évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 (...) ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne, que l'autorisation d'un projet entrant dans leur champ d'application ne peut être accordée qu'à la condition que les autorités compétentes, une fois identifiés les aspects du projet pouvant, par eux-mêmes ou combinés avec d'autres projets, affecter les objectifs de conservation du site, et compte tenu des meilleures connaissances scientifiques, aient acquis la certitude qu'il est dépourvu d'effets préjudiciables sur les objectifs de conservation de ce site. Il en est ainsi lorsqu'il ne subsiste aucun doute raisonnable d'un point de vue scientifique quant à l'absence de tels effets. Par ailleurs, il résulte de ces dispositions que, pour évaluer les incidences du projet sur l'état de conservation de ce site, il doit être tenu compte des mesures, prévues par le projet, de nature à supprimer ou réduire les effets dommageables de celui-ci sur le site en cause mais, en revanche, il n'y a pas lieu de tenir compte, à ce stade, des mesures compensatoires envisagées, le cas échéant, dans l'étude d'incidences.
41. Il résulte des évaluations des incidences mentionnées aux points 21 et 22, qui ne sont pas insuffisantes, qui ne tiennent pas compte de mesures compensatoires et dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elles comporteraient des erreurs de nature à remettre en cause la validité de leurs conclusions, que le projet en litige n'est pas susceptible, compte tenu notamment de l'implantation retenue et de l'application de mesures de réduction, de présenter d'effets significatifs sur l'état de conservation des populations fréquentant des sites Natura 2000. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement doit être écarté.
S'agissant de la conformité avec le plan local d'urbanisme de la commune de Passa :
42. En premier lieu, l'article N1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Passa, applicable à la zone N dans laquelle se situe le projet, fixe la liste des occupations et utilisations du sol interdites dans cette zone. Le 4 de l'article N2 du même règlement autorise : " Les constructions et installations nécessaires aux services publics et d'intérêt collectif, liées à la voirie, aux réseaux divers à condition que toutes les précautions soient prises pour leur bonne intégration dans le site ".
43. Il résulte de l'instruction que le projet autorisé présente un intérêt public tiré de sa contribution à la satisfaction d'un besoin collectif par la production d'électricité vendue au public. Ce parc éolien est, par suite, au nombre des constructions et installations d'intérêt collectif liées aux réseaux divers mentionnés à l'article N2 du règlement du plan local d'urbanisme.
44. En deuxième lieu, aux termes de l'article N11 du même règlement : " L'article R. 111-21 du code de l'urbanisme demeure applicable : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " / Toute construction devra participer à la mise en valeur du paysage naturel ou urbain existant, par la conception du plan masse, de l'architecture et du paysage. Les murs séparatifs, les murs pignons, les murs de clôtures, les constructions annexes doivent avoir un aspect qui s'harmonise avec celui des façades principales. / Les constructions seront conçues soit en reprenant des caractères architecturaux propres à la région, soit sur la base d'une architecture de qualité faisant appel aux recherches contemporaines en la matière. En tout état de cause, est exclue toute imitation d'architecture traditionnelle étrangère à la région. / Cependant, tout projet innovateur en termes de paysage et de développement durable (gestion des eaux de pluies, énergie renouvelable) peut, sous réserve d'un projet cohérent (volumes et matériaux), être accepté. À défaut, les dispositions énoncées au présent article s'appliquent (...) ".
45. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, lequel s'est substitué à l'article R. 111-21 mentionné à l'article N11 précité : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des (...) ouvrages à édifier (...), sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d'urbanisme de la commune. Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations.
46. Le projet éolien en litige s'inscrit dans un contexte paysager caractérisé par le massif du Canigou, classé Grand site de France, le massif des Albères, la montagne de Céret et le paysage des Aspres. Toutefois, les éléments mentionnés dans l'étude paysagère de l'étude d'impact, tels que rappelés au point 25 du présent arrêt, ne permettent pas d'établir que l'implantation de six aérogénérateurs serait de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels compte tenu de la perception de ces installations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté en litige, des dispositions de l'article N11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Passa doit être écarté.
47. Enfin, le moyen relatif à l'absence de respect des règles d'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. Par suite, en l'absence de critique circonstanciée et étayée, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'autorisation environnementale attaquée a été délivrée en méconnaissance des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Passa.
S'agissant de l'existence d'un détournement de pouvoir :
48. La seule circonstance que les requérants relèvent l'existence d'un lien de parenté entre un employé de la société Parc éolien de Passa et un agent de l'État ayant appartenu à la direction régionale de l'environnement et de l'aménagement Occitanie ne permet pas de démontrer que l'arrêté attaqué serait entaché d'un détournement de pouvoir.
49. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la société Parc éolien de Passa, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 28 février 2020.
Sur les frais liés au litige :
50. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge solidaire de l'État et de la société Parc éolien de Passa, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacun des requérants le versement à la société Parc éolien de Passa de la somme de 150 euros en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de M. H... n'est pas admise.
Article 2 : La requête de Mme D... et autres est rejetée.
Article 3 : Mme D... et les autres requérants verseront, chacun, à la société Parc éolien de Passa la somme de 150 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme T... D..., représentante unique, pour l'ensemble des requérants, à M. A... H..., à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la société par actions simplifiée Parc éolien de Passa.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, où siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24TL01004