Base de jurisprudence


Analyse n° 375081
24 juin 2014
Conseil d'État

N° 375081 375090 375091
Publié au recueil Lebon

Lecture du mardi 24 juin 2014



26-055 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme-

Moyen tiré de sa méconnaissance - Référé liberté - Juge du référé liberté saisi d'une décision, prise par un médecin, d'interrompre ou de ne pas entreprendre un traitement au motif que ce dernier traduirait une obstination déraisonnable, et dont l'exécution porterait de manière irréversible une atteinte à la vie - Opérance - Existence (1).




Eu égard à l'office particulier qui est celui du juge des référés lorsqu'il est saisi, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une décision prise par un médecin en application du code de la santé publique et conduisant à interrompre ou à ne pas entreprendre un traitement au motif que ce dernier traduirait une obstination déraisonnable et que l'exécution de cette décision porterait de manière irréversible une atteinte à la vie, il lui appartient, dans ce cadre, d'examiner un moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions législatives dont il a été fait application avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.





26-055-01-02 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par la convention- Droit à la vie (art- )-

Méconnaissance - Absence - Dispositions du code de la santé publique relatives aux droits de toute personne de recevoir les soins les plus appropriés, de voir respectée sa volonté de refuser tout traitement et de ne pas subir un traitement médical qui traduirait une obstination déraisonnable (art. L. 1110-5, L. 1111-4 et R. 4127-37).




Les dispositions des articles L. 1110-5, L. 1111-4 et R. 4127-37 du code de la santé publique ont défini un cadre juridique réaffirmant le droit de toute personne de recevoir les soins les plus appropriés, le droit de voir respectée sa volonté de refuser tout traitement et le droit de ne pas subir un traitement médical qui traduirait une obstination déraisonnable. Ces dispositions ne permettent à un médecin de prendre, à l'égard d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté, une décision de limitation ou d'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger que sous la double et stricte condition que la poursuite de ce traitement traduise une obstination déraisonnable et que soient respectées les garanties tenant à la prise en compte des souhaits éventuellement exprimés par le patient, à la consultation d'au moins un autre médecin et de l'équipe soignante et à la consultation de la personne de confiance, de la famille ou d'un proche. Une telle décision du médecin est susceptible de faire l'objet d'un recours devant une juridiction pour s'assurer que les conditions fixées par la loi ont été remplies. Prises dans leur ensemble, eu égard à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles doivent être mises en oeuvre, les dispositions contestées du code de la santé publique ne peuvent être regardées comme incompatibles avec les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles " le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement (?) ".





26-055-01-08-02 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par la convention- Droit au respect de la vie privée et familiale (art- )- Violation-

Absence - Dispositions du code de la santé publique relatives aux droits de toute personne de recevoir les soins les plus appropriés, de voir respectée sa volonté de refuser tout traitement et de ne pas subir un traitement médical qui traduirait une obstination déraisonnable (art. L. 1110-5, L. 1111-4 et R. 4127-37).




Les dispositions des articles L. 1110-5, L. 1111-4 et R. 4127-37 du code de la santé publique ont défini un cadre juridique réaffirmant le droit de toute personne de recevoir les soins les plus appropriés, le droit de voir respectée sa volonté de refuser tout traitement et le droit de ne pas subir un traitement médical qui traduirait une obstination déraisonnable. Ces dispositions ne permettent à un médecin de prendre, à l'égard d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté, une décision de limitation ou d'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger que sous la double et stricte condition que la poursuite de ce traitement traduise une obstination déraisonnable et que soient respectées les garanties tenant à la prise en compte des souhaits éventuellement exprimés par le patient, à la consultation d'au moins un autre médecin et de l'équipe soignante et à la consultation de la personne de confiance, de la famille ou d'un proche. Une telle décision du médecin est susceptible de faire l'objet d'un recours devant une juridiction pour s'assurer que les conditions fixées par la loi ont été remplies. Prises dans leur ensemble, eu égard à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles doivent être mises en oeuvre, les dispositions contestées du code de la santé publique ne peuvent être regardées comme incompatibles avec les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale.





54-035-03-04 : Procédure- Procédures instituées par la loi du juin - Référé tendant au prononcé de mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale (art- L- du code de justice administrative)- Pouvoirs et devoirs du juge-

Juge du référé-liberté saisi d'une décision, prise par un médecin, d'interrompre ou de ne pas entreprendre un traitement au motif que ce dernier traduirait une obstination déraisonnable, et dont l'exécution porterait de manière irréversible une atteinte à la vie - Office particulier - Portée - Moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions législatives appliquées avec la convention EDH - Opérance - Existence (1).




Eu égard à l'office particulier qui est celui du juge des référés lorsqu'il est saisi, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une décision prise par un médecin en application du code de la santé publique et conduisant à interrompre ou à ne pas entreprendre un traitement au motif que ce dernier traduirait une obstination déraisonnable et que l'exécution de cette décision porterait de manière irréversible une atteinte à la vie, il lui appartient, dans ce cadre, d'examiner un moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions législatives dont il a été fait application avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH).





61 : Santé publique-

Décision prise par un médecin sur le fondement du code de la santé publique et conduisant à interrompre ou ne pas entreprendre un traitement au motif que ce dernier traduirait une obstination déraisonnable (3) - 1) Conditions de légalité - Etat irréversible d'inconscience ou de perte d'autonomie rendant le patient tributaire d'une alimentation et d'une hydratation artificielles - a) Circonstance justifiant à elle seule un arrêt de ces traitements - Absence - b) Eléments à prendre en compte par le médecin pour apprécier l'opportunité d'un arrêt de traitement - Ensemble d'éléments médicaux et non médicaux, en fonction des circonstances particulières à chaque patient et dans le cadre d'un examen d'espèce - Caractéristiques - i) Eléments médicaux - Eléments couvrant une période suffisamment longue, analysés collégialement et portant sur l'état actuel du patient, sur l'évolution de son état, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique - ii) Eléments non médicaux - Volonté du patient antérieurement exprimée, quels qu'en soient la forme et le sens - Avis de la personne de confiance, des membres de la famille ou des proches du patient - Souci de bienfaisance à l'égard du patient - 2) Mise en oeuvre de la décision par le médecin - Obligation de sauvegarder la dignité du patient et de lui dispenser les soins palliatifs - Existence.




1) a) Si l'alimentation et l'hydratation artificielles sont au nombre des traitements susceptibles d'être arrêtés lorsque leur poursuite traduirait une obstination déraisonnable, la seule circonstance qu'une personne soit dans un état irréversible d'inconscience ou, à plus forte raison, de perte d'autonomie la rendant tributaire d'un tel mode d'alimentation et d'hydratation ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite de ce traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l'obstination déraisonnable. b) Pour apprécier si les conditions d'un arrêt d'alimentation et d'hydratation artificielles sont réunies s'agissant d'un patient victime de lésions cérébrales graves, quelle qu'en soit l'origine, qui se trouve dans un état végétatif ou dans un état de conscience minimale le mettant hors d'état d'exprimer sa volonté et dont le maintien en vie dépend de ce mode d'alimentation et d'hydratation, le médecin en charge doit se fonder sur un ensemble d'éléments, médicaux et non médicaux, dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient, le conduisant à appréhender chaque situation dans sa singularité. Outre i) les éléments médicaux, qui doivent couvrir une période suffisamment longue, être analysés collégialement et porter notamment sur l'état actuel du patient, sur l'évolution de son état depuis la survenance de l'accident ou de la maladie, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique, le médecin doit ii) accorder une importance toute particulière à la volonté que le patient peut avoir, le cas échéant, antérieurement exprimée, quels qu'en soient la forme et le sens. A cet égard, dans l'hypothèse où cette volonté demeurerait inconnue, elle ne peut être présumée comme consistant en un refus du patient d'être maintenu en vie dans les conditions présentes. Le médecin doit également prendre en compte les avis de la personne de confiance, dans le cas où elle a été désignée par le patient, des membres de sa famille ou, à défaut, de l'un de ses proches, en s'efforçant de dégager une position consensuelle. Il doit, dans l'examen de la situation propre de son patient, être avant tout guidé par le souci de la plus grande bienfaisance à son égard. 2) Si le médecin décide de prendre une telle décision en fonction de son appréciation de la situation, il lui appartient de sauvegarder en tout état de cause la dignité du patient et de lui dispenser des soins palliatifs.





61-05 : Santé publique- Bioéthique-

Décision prise par un médecin sur le fondement du code de la santé publique et conduisant à interrompre ou ne pas entreprendre un traitement au motif que ce dernier traduirait une obstination déraisonnable (3) - 1) Conditions de légalité - Etat irréversible d'inconscience ou de perte d'autonomie rendant le patient tributaire d'une alimentation et d'une hydratation artificielles - a) Circonstance justifiant à elle seule un arrêt de ces traitements - Absence - b) Eléments à prendre en compte par le médecin pour apprécier l'opportunité d'un arrêt de traitement - Ensemble d'éléments médicaux et non médicaux, en fonction des circonstances particulières à chaque patient et dans le cadre d'un examen d'espèce - Caractéristiques - i) Eléments médicaux - Eléments couvrant une période suffisamment longue, analysés collégialement et portant sur l'état actuel du patient, sur l'évolution de son état, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique - ii) Eléments non médicaux - Volonté du patient antérieurement exprimée, quels qu'en soient la forme et le sens - Avis de la personne de confiance, des membres de la famille ou des proches du patient - Souci de bienfaisance à l'égard du patient - 2) Mise en oeuvre de la décision par le médecin - Obligation de sauvegarder la dignité du patient et de lui dispenser les soins palliatifs - Existence.




1) a) Si l'alimentation et l'hydratation artificielles sont au nombre des traitements susceptibles d'être arrêtés lorsque leur poursuite traduirait une obstination déraisonnable, la seule circonstance qu'une personne soit dans un état irréversible d'inconscience ou, à plus forte raison, de perte d'autonomie la rendant tributaire d'un tel mode d'alimentation et d'hydratation ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite de ce traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l'obstination déraisonnable. b) Pour apprécier si les conditions d'un arrêt d'alimentation et d'hydratation artificielles sont réunies s'agissant d'un patient victime de lésions cérébrales graves, quelle qu'en soit l'origine, qui se trouve dans un état végétatif ou dans un état de conscience minimale le mettant hors d'état d'exprimer sa volonté et dont le maintien en vie dépend de ce mode d'alimentation et d'hydratation, le médecin en charge doit se fonder sur un ensemble d'éléments, médicaux et non médicaux, dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient, le conduisant à appréhender chaque situation dans sa singularité. Outre i) les éléments médicaux, qui doivent couvrir une période suffisamment longue, être analysés collégialement et porter notamment sur l'état actuel du patient, sur l'évolution de son état depuis la survenance de l'accident ou de la maladie, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique, le médecin doit ii) accorder une importance toute particulière à la volonté que le patient peut avoir, le cas échéant, antérieurement exprimée, quels qu'en soient la forme et le sens. A cet égard, dans l'hypothèse où cette volonté demeurerait inconnue, elle ne peut être présumée comme consistant en un refus du patient d'être maintenu en vie dans les conditions présentes. Le médecin doit également prendre en compte les avis de la personne de confiance, dans le cas où elle a été désignée par le patient, des membres de sa famille ou, à défaut, de l'un de ses proches, en s'efforçant de dégager une position consensuelle. Il doit, dans l'examen de la situation propre de son patient, être avant tout guidé par le souci de la plus grande bienfaisance à son égard. 2) Si le médecin décide de prendre une telle décision en fonction de son appréciation de la situation, il lui appartient de sauvegarder en tout état de cause la dignité du patient et de lui dispenser des soins palliatifs.


(1) Comp. CE, 30 décembre 2002, Ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement c/ , n° 240430, p. 51 ; Rappr., s'agissant des moyens tirés de la méconnaissance du droit de l'Union européenne, qui ne font toutefois l'objet que d'un contrôle restreint, CE, juge des référés, 16 juin 2010, Mme , n° 340250, p. 205. (3) Cf. CE, Assemblée, 14 février 2014, Mme et autres, n°s 375081 375090 375091, p. 31.