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Ariane Web: Conseil d'État 388806, lecture du 9 novembre 2016

Analyse n° 388806
9 novembre 2016
Conseil d'État

N° 388806
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 9 novembre 2016



17-03-02-03-02 : Compétence- Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction- Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel- Contrats- Contrats administratifs-

Recours contre une sentence rendue en France dans un litige mettant en jeu les intérêts du commerce international et relatif à un contrat relevant d'un régime administratif d'ordre public - 1) Compétence de la juridiction administrative - Conditions (1) - 2) Application aux marchés de partenariat (art. 90 de l'ordonnance du 23 juillet 2015) - Existence.




1) Le recours dirigé contre une sentence arbitrale rendue en France dans un litige né de l'exécution ou de la rupture d'un contrat conclu entre une personne morale de droit public française et une personne de droit étranger, exécuté sur le territoire français mais mettant en jeu les intérêts du commerce international, ressortit, lorsque le contrat relève d'un régime administratif d'ordre public et que le recours implique, par suite, un contrôle de la conformité de la sentence arbitrale aux règles impératives du droit public français relatives à l'occupation du domaine public ou à celles qui régissent la commande publique, à la compétence de la juridiction administrative. 2) Il en va ainsi y compris pour les sentences rendues, sur le fondement de l'article 90 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, en vue du règlement de litiges relatifs à l'exécution des marchés de partenariat mettant en jeu les intérêts du commerce international, dès lors que le renvoi que cet article comporte aux dispositions du livre IV du code de procédure civile ne saurait s'entendre, s'agissant de dispositions réglementaires, comme emportant dérogation aux principes régissant la répartition des compétences entre les ordres de juridiction en ce qui concerne les voies de recours contre une sentence arbitrale.





17-05-025 : Compétence- Compétence à l'intérieur de la juridiction administrative- Compétence d'appel du Conseil d'Etat-

Recours contre une sentence rendue en matière d'arbitrage international.




Lorsque la juridiction administrative est compétente pour connaître d'un recours contre une sentence arbitrale rendue en France dans un litige né de l'exécution ou de la rupture d'un contrat exécuté sur le territoire français mais mettant en jeu les intérêts du commerce international, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître de ce recours, en application de l'article L. 321-2 du code de justice administrative.





37-07-03 : Juridictions administratives et judiciaires- Règlements alternatifs des différends- Arbitrage-

Arbitrage international - 1) Compétence juridictionnelle - a) Compétence de la juridiction administrative - b) - Application aux marchés de partenariat (art. 90 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015) - Existence - c) Compétence au sein de la juridiction administrative - 2) Contrôle du juge - a) Principes - i) Sur la régularité de la procédure arbitrale - ii) Sur le fond - b) Conséquence d'un vice - i) Cas de l'inarbitrabilité du litige (2) - ii) Autres cas - 3) Contrôle sur une demande d'exequatur d'une sentence en matière d'arbitrage international (3) - 4) Espèce - a) Cas où l'arbitre s'est trompé sur le droit applicable - Conséquences - b) Règles d'ordre public i) Mise en régie de travaux publics - Inclusion - Conséquences - ii) Modalités d'indemnisation des surcoûts d'exécution du contrat - Exclusion - Conséquences.




1) a) Le recours dirigé contre une sentence arbitrale rendue en France dans un litige né de l'exécution ou de la rupture d'un contrat conclu entre une personne morale de droit public française et une personne de droit étranger, exécuté sur le territoire français mais mettant en jeu les intérêts du commerce international, ressortit, lorsque le contrat relève d'un régime administratif d'ordre public et que le recours implique, par suite, un contrôle de la conformité de la sentence arbitrale aux règles impératives du droit public français relatives à l'occupation du domaine public ou à celles qui régissent la commande publique, à la compétence de la juridiction administrative. b) Il en va ainsi y compris pour les sentences rendues, sur le fondement de l'article 90 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, en vue du règlement de litiges relatifs à l'exécution des marchés de partenariat mettant en jeu les intérêts du commerce international, dès lors que le renvoi que cet article comporte aux dispositions du livre IV du code de procédure civile ne saurait s'entendre, s'agissant de dispositions réglementaires, comme emportant dérogation aux principes régissant la répartition des compétences entre les ordres de juridiction en ce qui concerne les voies de recours contre une sentence arbitrale. c) Au sein de la juridiction administrative, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître des recours dirigés contre une telle sentence arbitrale, en application de l'article L. 321-2 du code de justice administrative. 2) a) Lorsqu'il est saisi d'un tel recours, il appartient au Conseil d'Etat de s'assurer, le cas échéant d'office, de la licéité de la convention d'arbitrage, qu'il s'agisse d'une clause compromissoire ou d'un compromis. Ne peuvent en outre être utilement soulevés devant lui que des moyens tirés, d'une part, de ce que la sentence a été rendue dans des conditions irrégulières et, d'autre part, de ce qu'elle est contraire à l'ordre public. i) S'agissant de la régularité de la procédure, en l'absence de règles procédurales applicables aux instances arbitrales relevant de la compétence de la juridiction administrative, une sentence arbitrale ne peut être regardée comme rendue dans des conditions irrégulières que si le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent, s'il a été irrégulièrement composé, notamment au regard des principes d'indépendance et d'impartialité, s'il n'a pas statué conformément à la mission qui lui avait été confiée, s'il a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ou s'il n'a pas motivé sa sentence. ii) S'agissant du contrôle sur le fond, une sentence arbitrale est contraire à l'ordre public lorsqu'elle fait application d'un contrat dont l'objet est illicite ou entaché d'un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, lorsqu'elle méconnaît des règles auxquelles les personnes publiques ne peuvent déroger, telles que notamment l'interdiction de consentir des libéralités, d'aliéner le domaine public ou de renoncer aux prérogatives dont ces personnes disposent dans l'intérêt général au cours de l'exécution du contrat, ou lorsqu'elle méconnaît les règles d'ordre public du droit de l'Union européenne. b) i) A l'issue de ce contrôle, le Conseil d'Etat, s'il constate l'illégalité du recours à l'arbitrage, notamment du fait de la méconnaissance du principe de l'interdiction pour les personnes publiques de recourir à l'arbitrage sauf dérogation prévue par des dispositions législatives expresses ou, le cas échéant, des stipulations de conventions internationales régulièrement incorporées dans l'ordre juridique interne, prononce l'annulation de la sentence arbitrale et décide soit de renvoyer le litige au tribunal administratif compétent pour en connaître, soit d'évoquer l'affaire et de statuer lui-même sur les réclamations présentées devant le collège arbitral. ii) S'il constate que le litige est arbitrable, il peut rejeter le recours dirigé contre la sentence arbitrale ou annuler, totalement ou partiellement, celle-ci. Il ne peut ensuite régler lui-même l'affaire au fond que si la convention d'arbitrage l'a prévu ou s'il est invité à le faire par les deux parties. A défaut de stipulation en ce sens ou d'accord des parties sur ce point, il revient à celles-ci de déterminer si elles entendent de nouveau porter leur litige contractuel devant un tribunal arbitral, à moins qu'elles ne décident conjointement de saisir le tribunal administratif compétent. 3) L'exécution forcée d'une sentence arbitrale ne saurait être autorisée si elle est contraire à l'ordre public. Par suite, un contrôle analogue doit être exercé par le juge administratif lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à l'exequatur d'une sentence arbitrale rendue dans un litige né de l'exécution d'un contrat administratif entre une personne morale de droit public français et une personne de droit étranger, mettant en jeu les intérêts du commerce international et soumis à un régime administratif d'ordre public, qu'elle ait été rendue en France ou à l'étranger. 4) a) Cas où l'arbitre a estimé à tort que le contrat dont l'exécution donne lieu à litige est un contrat de droit privé alors qu'il est administratif. Même si les arbitres ont estimé à tort que le litige était régi par le droit privé, la censure de la sentence par le Conseil d'Etat ne saurait être encourue que dans la mesure où cette erreur de qualification aurait conduit les arbitres à écarter ou à méconnaître une règle d'ordre public applicable aux contrats administratifs. b) i) La règle selon laquelle, même dans le silence du contrat, le maître d'ouvrage peut toujours faire procéder aux travaux publics objet du contrat aux frais et risques de son cocontractant revêt le caractère d'une règle d'ordre public. Annulation de la partie de la sentence qui méconnaît cette règle. ii) En revanche, les modalités d'indemnisation du cocontractant d'un contrat de la commande publique conclu à prix forfaitaire en cas de survenance de difficultés d'exécution ne revêtent pas par elles-mêmes le caractère d'une règle d'ordre public. Dès lors, le moyen tiré de ce que la sentence aurait méconnu cette règle doit être écarté.





39-03-01-02 : Marchés et contrats administratifs- Exécution technique du contrat- Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas- Marchés-

Marché à forfait - Conditions d'indemnisation de l'entreprise titulaire en cas de difficultés d'exécution - Règle d'ordre public - Absence.




Les modalités d'indemnisation du cocontractant d'un contrat de la commande publique conclu à prix forfaitaire en cas de survenance de difficultés d'exécution ne revêtent pas par elles-mêmes le caractère d'une règle d'ordre public.





39-04-03 : Marchés et contrats administratifs- Fin des contrats- Mise en régie-

1) Faculté existant même dans le silence du contrat - Existence - 2) Conséquence - Rupture du contrat - Absence - 3) Règle d'ordre public - Existence.




Il résulte des règles générales applicables aux contrats administratifs que le maître d'ouvrage de travaux publics qui a vainement mis en demeure son cocontractant d'exécuter les prestations qu'il s'est engagé à réaliser conformément aux stipulations du contrat, dispose de la faculté de faire exécuter celles-ci, aux frais et risques de son cocontractant, par une entreprise tierce ou par lui-même. 1) La mise en régie, destinée à surmonter l'inertie, les manquements ou la mauvaise foi du cocontractant lorsqu'ils entravent l'exécution d'un marché de travaux publics, peut être prononcée même en l'absence de toute stipulation du contrat le prévoyant expressément, en raison de l'intérêt général qui s'attache à l'achèvement d'un ouvrage public. 2) La mise en oeuvre de cette mesure coercitive, qui revêt un caractère provisoire, qui peut porter sur une partie seulement des prestations objet du contrat et qui n'a pas pour effet de rompre le lien contractuel existant entre le maître d'ouvrage et son cocontractant, ne saurait être subordonnée à une résiliation préalable du contrat par le maître d'ouvrage. 3) La règle selon laquelle, même dans le silence du contrat, le maître d'ouvrage peut toujours faire procéder aux travaux publics objet du contrat aux frais et risques de son cocontractant revêt le caractère d'une règle d'ordre public. Par suite, les personnes publiques ne peuvent légalement y renoncer.





39-08 : Marchés et contrats administratifs- Règles de procédure contentieuse spéciales-

Arbitrage - Arbitrage international - Contrôle du juge sur une sentence arbitrale - 1) Principes - a) Sur la régularité de la procédure arbitrale - b) Sur le fond - 2) Conséquence d'un vice - i) Cas de l'inarbitrabilité du litige (2) - ii) Autres cas - 3) Contrôle sur une demande d'exequatur d'une sentence en matière d'arbitrage international (3) - 4) Espèce - a) Cas où l'arbitre s'est trompé sur le droit applicable - Conséquences - b) Règles d'ordre public - i) Interdiction par l'arbitre de la mise en régie de travaux publics - Inclusion - Conséquences - ii) Modalités d'indemnisation des surcoûts d'exécution du contrat - Exclusion - Conséquences.




1) Lorsque la juridiction administrative est compétente pour connaître d'un recours contre une sentence arbitrale rendue en France dans un litige né de l'exécution ou de la rupture d'un contrat exécuté sur le territoire français mais mettant en jeu les intérêts du commerce international, il appartient au Conseil d'Etat de s'assurer, le cas échéant d'office, de la licéité de la convention d'arbitrage, qu'il s'agisse d'une clause compromissoire ou d'un compromis. Ne peuvent en outre être utilement soulevés devant lui que des moyens tirés, d'une part, de ce que la sentence a été rendue dans des conditions irrégulières et, d'autre part, de ce qu'elle est contraire à l'ordre public. a) S'agissant de la régularité de la procédure, en l'absence de règles procédurales applicables aux instances arbitrales relevant de la compétence de la juridiction administrative, une sentence arbitrale ne peut être regardée comme rendue dans des conditions irrégulières que si le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent, s'il a été irrégulièrement composé, notamment au regard des principes d'indépendance et d'impartialité, s'il n'a pas statué conformément à la mission qui lui avait été confiée, s'il a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ou s'il n'a pas motivé sa sentence. b) S'agissant du contrôle sur le fond, une sentence arbitrale est contraire à l'ordre public lorsqu'elle fait application d'un contrat dont l'objet est illicite ou entaché d'un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, lorsqu'elle méconnaît des règles auxquelles les personnes publiques ne peuvent déroger, telles que notamment l'interdiction de consentir des libéralités, d'aliéner le domaine public ou de renoncer aux prérogatives dont ces personnes disposent dans l'intérêt général au cours de l'exécution du contrat, ou lorsqu'elle méconnaît les règles d'ordre public du droit de l'Union européenne. 2) a) A l'issue de ce contrôle, le Conseil d'Etat, s'il constate l'illégalité du recours à l'arbitrage, notamment du fait de la méconnaissance du principe de l'interdiction pour les personnes publiques de recourir à l'arbitrage sauf dérogation prévue par des dispositions législatives expresses ou, le cas échéant, des stipulations de conventions internationales régulièrement incorporées dans l'ordre juridique interne, prononce l'annulation de la sentence arbitrale et décide soit de renvoyer le litige au tribunal administratif compétent pour en connaître, soit d'évoquer l'affaire et de statuer lui-même sur les réclamations présentées devant le collège arbitral. b) S'il constate que le litige est arbitrable, il peut rejeter le recours dirigé contre la sentence arbitrale ou annuler, totalement ou partiellement, celle-ci. Il ne peut ensuite régler lui-même l'affaire au fond que si la convention d'arbitrage l'a prévu ou s'il est invité à le faire par les deux parties. A défaut de stipulation en ce sens ou d'accord des parties sur ce point, il revient à celles-ci de déterminer si elles entendent de nouveau porter leur litige contractuel devant un tribunal arbitral, à moins qu'elles ne décident conjointement de saisir le tribunal administratif compétent. 3) L'exécution forcée d'une sentence arbitrale ne saurait être autorisée si elle est contraire à l'ordre public. Par suite, un contrôle analogue doit être exercé par le juge administratif lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à l'exequatur d'une sentence arbitrale rendue dans un litige né de l'exécution d'un contrat administratif entre une personne morale de droit public français et une personne de droit étranger, mettant en jeu les intérêts du commerce international et soumis à un régime administratif d'ordre public, qu'elle ait été rendue en France ou à l'étranger. 4) a) Cas où l'arbitre a estimé à tort que le contrat dont l'exécution donne lieu à litige est un contrat de droit privé alors qu'il est administratif. Même si les arbitres ont estimé à tort que le litige était régi par le droit privé, la censure de la sentence par le Conseil d'Etat ne saurait être encourue que dans la mesure où cette erreur de qualification aurait conduit les arbitres à écarter ou à méconnaître une règle d'ordre public applicable aux contrats administratifs. b) i) La règle selon laquelle, même dans le silence du contrat, le maître d'ouvrage peut toujours faire procéder aux travaux publics objet du contrat aux frais et risques de son cocontractant revêt le caractère d'une règle d'ordre public. Annulation de la partie de la sentence qui méconnaît cette règle. ii) En revanche, les modalités d'indemnisation du cocontractant d'un contrat de la commande publique conclu à prix forfaitaire en cas de survenance de difficultés d'exécution ne revêtent pas par elles-mêmes le caractère d'une règle d'ordre public. Dès lors, le moyen tiré de ce que la sentence aurait méconnu cette règle doit être écarté.


(1) Rappr. TC, 17 mai 2010, Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) c/ Fondation Letten F. Saugstad, n° 3754, p. 580 ; TC, 11 avril 2016, Société Fosmax LNG, n° 4043, à publier au Recueil. (2) Cf. CE, Assemblée, 13 décembre 1957, Société nationale de vente des surplus, n° 19654, p. 677 ; CE, 8 mars 1961, Société Air-Couzinet Transocéanic, n° 46215, p. 162 ; CE, Section, 8 mars 1989, Société des autoroutes de la région Rhône-Alpes, n° 79532, p. 69 ; CE, 23 décembre 2015, Territoire des îles Wallis-et-Futuna, n° 376018, p. 484. (3) Cf. CE, 19 avril 2013, Syndicat mixte des aéroports de Charente, n° 352750 362020, p. 102.

Voir aussi