Base de jurisprudence


Analyse n° 420468
17 avril 2019
Conseil d'État

N° 420468
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 17 avril 2019



26-055-01-08-02 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par la convention- Droit au respect de la vie privée et familiale (art- )- Violation-

Absence - Refus d'exportation de gamètes au motif que le demandeur n'est pas en âge de procréer (art. L. 2141-2 et L. 2141-11-1 du CSP).




Il résulte de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique (CSP), éclairé par les travaux préparatoires de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 dont il est issu, que le législateur a subordonné, pour des motifs d'intérêt général, le recours à une technique d'assistance médicale à la procréation à la condition que la femme et l'homme formant le couple soient en âge de procréer. En ce qui concerne l'homme du couple, la condition relative à l'âge de procréer, qui revêt, pour le législateur, une dimension à la fois biologique et sociale, est justifiée par des considérations tenant à l'intérêt de l'enfant, à l'efficacité des techniques mises en oeuvre et aux limites dans lesquelles la solidarité nationale doit prendre en charge le traitement médical de l'infertilité. Il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de son âge au moment des prélèvements de ses gamètes (61 et 63 ans) par rapport à la limite d'âge fixée en principe à 59 ans sur la base du large consensus existant dans la communauté scientifique et médicale, eu égard aux risques d'anomalies à la naissance et de maladies génétiques, le refus d'exportation de gamètes opposé au requérant, sur le fondement de l'article L. 2141-2 du CSP, ne peut être regardé, eu égard aux finalités d'intérêt général que ces dispositions poursuivent et en l'absence de circonstances particulières propres au cas d'espèce, comme constituant une ingérence excessive dans l'exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.





61-05-05 : Santé publique- Bioéthique- Assistance médicale à la procréation-

Exclusion des hommes n'étant pas en âge de procréer du bénéfice de l'AMP (art. L. 2141-2 du CSP) et interdiction de l'exportation de gamètes à cette fin (art. L. 2141-11-1 du même code) (1) - 1) Limite d'âge - a) Justifications biologiques et sociales - b) Modalités d'appréciation - c) Limite fixée, en principe, à 59 ans par l'Agence de la biomédecine - Légalité - 2) Compatibilité d'un tel refus d'exportation avec l'article 8 de la conv. EDH - Existence.




1) a) Il résulte de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique (CSP), éclairé par les travaux préparatoires de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 dont il est issu, que le législateur a subordonné, pour des motifs d'intérêt général, le recours à une technique d'assistance médicale à la procréation (AMP) à la condition que la femme et l'homme formant le couple soient en âge de procréer. En ce qui concerne l'homme du couple, la condition relative à l'âge de procréer, qui revêt, pour le législateur, une dimension à la fois biologique et sociale, est justifiée par des considérations tenant à l'intérêt de l'enfant, à l'efficacité des techniques mises en oeuvre et aux limites dans lesquelles la solidarité nationale doit prendre en charge le traitement médical de l'infertilité. b) Pour déterminer l'âge de procréer d'un homme, au sens et pour l'application de l'article L. 2141-2 du CSP précité, il y a lieu de se fonder, s'agissant de sa dimension strictement biologique, sur l'âge de l'intéressé à la date du recueil des gamètes et, s'agissant de sa dimension sociale, sur l'âge de celui-ci à la date du projet d'AMP. En se fondant, pour apprécier, du point de vue biologique, la limite d'âge de procréer, sur l'âge auquel le requérant a sollicité l'autorisation de transfert de ses gamètes et non sur celui qu'il avait à la date à laquelle il a été procédé à leur recueil, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit. c) Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'avis rendu, le 8 juin 2017, par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine, qui se fonde sur plusieurs études médicales, avis et recommandations formulés par des acteurs du secteur de l'AMP, qu'il existe une corrélation entre l'âge du donneur lors du prélèvement du gamète et le niveau des risques de développement embryonnaire, ainsi que des risques sur la grossesse et la santé du futur enfant. Il apparaît ainsi que le taux d'anomalies à la naissance et le risque de maladies génétiques augmentent avec l'âge du père. Dans ces conditions et alors même que le vieillissement n'entraîne pas systématiquement chez l'homme un arrêt du fonctionnement gonadique, l'Agence de la biomédecine a pu légalement fixer, compte tenu du large consensus existant dans la communauté scientifique et médicale, à 59 ans révolus, en principe, l'âge de procréer au sens et pour l'application de l'article L. 2141-2 du CSP. 2) Il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de son âge au moment des prélèvements de ses gamètes (61 et 63 ans) par rapport à la limite d'âge fixée en principe à 59 ans sur la base du large consensus existant dans la communauté scientifique et médicale, eu égard aux risques d'anomalies à la naissance et de maladies génétiques, le refus d'exportation de gamètes opposé au requérant, sur le fondement de l'article L. 2141-2 du CSP, ne peut être regardé, eu égard aux finalités d'intérêt général que ces dispositions poursuivent et en l'absence de circonstances particulières propres au cas d'espèce, comme constituant une ingérence excessive dans l'exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


(1) Cf. CE, décision du même jour, , n° 420469, inédite au Recueil.