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Ariane Web: Conseil d'État 439895, lecture du 9 avril 2020

Analyse n° 439895
9 avril 2020
Conseil d'État

N° 439895
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du jeudi 9 avril 2020



04-01 : Aide sociale- Organisation de l'aide sociale-

Etat d'urgence sanitaire (art. L. 3131-12 du code de la santé publique) -1) Absence d'édiction de mesures suffisantes pour mettre à l'abri les personnes en situation de précarité - Atteinte grave et manifestement illégale (art. L. 521-2 du CJA) aux droits à l'hébergement d'urgence et au respect de la vie - Absence, eu égard aux mesures prises pour accroître les capacités d'accueil et les adapter aux exigences sanitaires - 2) Restriction des déplacements - Atteinte manifestement grave et illégale au droit des personnes vulnérables de se déplacer pour bénéficier de l'assistance à laquelle elles ont droit - Absence, compte tenu des dérogations prévues et des instructions données aux préfets.




Requérants soutenant que les mesures prises dans le contexte de l'épidémie de covid-19 pour préserver les droits des personnes en situation de précarité sont insuffisantes et demandant au juge des référés d'ordonner au Premier ministre, notamment, de prendre les mesures pour mettre à l'abri ces personnes dans des locaux adaptés et d'autoriser les déplacements de ces personnes pour accéder aux aides dont elles ont besoin. 1) Il résulte de l'instruction que, du fait des différentes mesures prises par l'autorité administrative, les capacités d'hébergement pour les personnes sans domicile s'élevaient à la fin du mois de mars à près de 170 000 places contre 157 000 avant la présente crise, auxquelles s'ajoutent près de 200 000 places en logement adapté. L'administration fait valoir qu'elle poursuit ses efforts pour les accroître encore, notamment par des négociations avec les professionnels des secteurs de l'hôtellerie et des centres de vacances afin d'identifier les disponibilités supplémentaires, sans exclure de recourir à des réquisitions si cela s'avérait nécessaire. S'agissant des structures d'accueil existantes, tels que les centres d'hébergement, l'administration fait valoir qu'y ont été diffusées des instructions précises relatives à la prévention du covid-19 prescrivant l'observation des mesures d'hygiène. Par ailleurs 73 sites spécialisés dans l'accueil de personnes présentant des symptômes mais ne relevant pas d'une hospitalisation ont été mises en place, représentant un total de plus de 2 800 places, et l'administration indique que cet effort va se poursuivre. Dans ces conditions, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, de carence justifiant que soit ordonnée, au motif d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'hébergement d'urgence et au respect de la vie, de prendre les mesures pour mettre à l'abri les personnes en situation de précarité dans des locaux adaptés, si nécessaire par le recours à la réquisition de lieux d'hébergement. 2) Le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, dans sa version modifiée par le décret n° 2020-344 du 27 mars 2020, autorise, par le 1° de son article 3, les déplacements pour motifs professionnels, et, par le 4° de cet article, les déplacements pour l'assistance des personnes vulnérables, de sorte que ces dérogations couvrent les déplacements des salariés et bénévoles des associations d'aide aux personnes en situation de précarité. Par ailleurs, ces personnes peuvent, pour leurs déplacements nécessaires à l'accès à des distributions de denrées alimentaires ou de produits essentiels, et pour percevoir les prestations qui leur sont réservées, utiliser la dérogation prévue au 2° de ce même article qui autorise les déplacements pour effectuer des achats de première nécessité dans des établissements dont les activités demeurent autorisées. En outre, il résulte de l'instruction que les préfets ont reçu instruction de faire preuve de discernement lors des contrôles des mesures de confinement, et particulièrement de ne procéder à aucune verbalisation des personnes sans domicile fixe. Par suite, il n'apparaît pas que les mesures restreignant les déplacements dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire porteraient une atteinte grave et manifestement illégale au droit des personnes vulnérables de se déplacer pour bénéficier de l'assistance à laquelle elles ont droit et au droit des salariés et bénévoles des associations de se déplacer pour leur porter cette assistance.




095-02-05-03 : Asile- Demande d'admission à l'asile- Enregistrement auprès de l'OFPRA- Enregistrement de la demande d'asile-

Etat d'urgence sanitaire (art. L. 3131-12 du CSP) - Absence de mise en place d'une procédure dématérialisée d'enregistrement des demandes d'asile - Atteinte grave et manifestement illégale (art. L. 521-2 du CJA) au droit d'asile - Absence, au regard des mesures déjà prises et des moyens dont dispose l'administration.




Il résulte de l'instruction que si les guichets uniques pour demandeurs d'asile ont dû en raison de l'épidémie en cours réduire très sensiblement leur activité, pour des motifs tenant à l'impossibilité de respecter les "gestes barrière" lors de l'enregistrement des demandes d'asile, ces enregistrements se poursuivent, sous la responsabilité des préfectures et en liaison avec les associations, dans les cas relevant d'une urgence particulière et que ces restrictions des enregistrements touchent l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne. L'administration fait valoir en défense qu'il n'est pas possible de mettre en oeuvre une procédure entièrement dématérialisée, notamment pour ce qui est du relevé d'empreintes digitales, mais que des mesures ont été prises pour assurer que tous les migrants qui le souhaitent bénéficient d'un hébergement et de "chèques services", et qu'aucun migrant n'est susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il déclare qu'il n'a pas été en mesure de déposer sa demande d'asile. Par ailleurs, les préfectures doivent procéder, en lien avec les associations, au recensement des personnes qui avait pré-enregistré une demande d'asile dans une structure de premier accueil pour demandeurs d'asile ou qui ont d'une façon ou d'une autre manifesté l'intention d'en présenter une. Enfin, l'Office français de l'immigration et de l'intégration assure des permanences d'accueil dans ses directions territoriales, ainsi qu'une permanence téléphonique, et poursuit son activité d'appui à l'hébergement et de soutien aux demandeurs d'asile et aux personnes vulnérables relevant de la procédure d'enregistrement prioritaire. Dans ces conditions, et compte tenu en outre des moyens dont dispose l'administration, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, de carence justifiant que soit ordonnée la mise en oeuvre d'un enregistrement dématérialisé des demandes d'asile.




54-035-03-03-01-02 : Procédure- Procédures instituées par la loi du juin - Référé tendant au prononcé de mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale (art- L- du code de justice administrative)- Conditions d'octroi de la mesure demandée- Atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale- Atteinte grave et manifestement illégale-

Etat d'urgence sanitaire (art. L. 3131-12 du code de la santé publique) -1) Absence d'édiction de mesures suffisantes pour mettre à l'abri les personnes en situation de précarité - Atteinte grave et manifestement illégale aux droits à l'hébergement d'urgence et au respect de la vie - Absence, eu égard aux mesures prises pour accroître les capacités d'accueil et les adapter aux exigences sanitaires - 2) Absence de mise en place d'une procédure dématérialisée d'enregistrement des demandes d'asile - Atteinte manifestement grave et illégale au droit d'asile - Absence, au regard des mesures déjà prises et des moyens dont dispose l'administration - 3) Restriction des déplacements - Atteinte manifestement grave et illégale au droit des personnes vulnérables de se déplacer pour bénéficier de l'assistance à laquelle elles ont droit - Absence, compte tenu des dérogations prévues et des instructions données aux préfets.




Requérants soutenant que les mesures prises dans le contexte de l'épidémie de covid-19 pour préserver les droits des personnes en situation de précarité sont insuffisantes et demandant au juge des référés d'ordonner au Premier ministre, notamment, de prendre les mesures pour mettre à l'abri ces personnes dans des locaux adaptés, de mettre en place une procédure dématérialisée permettant l'enregistrement des demandes d'asile et d'autoriser les déplacements de ces personnes pour accéder aux aides dont elles ont besoin. 1) Il résulte de l'instruction que, du fait des différentes mesures prises par l'autorité administrative, les capacités d'hébergement pour les personnes sans domicile s'élevaient à la fin du mois de mars à près de 170 000 places contre 157 000 avant la présente crise, auxquelles s'ajoutent près de 200 000 places en logement adapté. L'administration fait valoir qu'elle poursuit ses efforts pour les accroître encore, notamment par des négociations avec les professionnels des secteurs de l'hôtellerie et des centres de vacances afin d'identifier les disponibilités supplémentaires, sans exclure de recourir à des réquisitions si cela s'avérait nécessaire. S'agissant des structures d'accueil existantes, tels que les centres d'hébergement, l'administration fait valoir qu'y ont été diffusées des instructions précises relatives à la prévention du covid-19 prescrivant l'observation des mesures d'hygiène. Par ailleurs 73 sites spécialisés dans l'accueil de personnes présentant des symptômes mais ne relevant pas d'une hospitalisation ont été mises en place, représentant un total de plus de 2 800 places, et l'administration indique que cet effort va se poursuivre. Dans ces conditions, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, de carence justifiant que soit ordonnée, au motif d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'hébergement d'urgence et au respect de la vie, de prendre les mesures pour mettre à l'abri les personnes en situation de précarité dans des locaux adaptés, si nécessaire par le recours à la réquisition de lieux d'hébergement. 2) Il résulte de l'instruction que si les guichets uniques pour demandeurs d'asile ont dû en raison de l'épidémie en cours réduire très sensiblement leur activité, pour des motifs tenant à l'impossibilité de respecter les "gestes barrière" lors de l'enregistrement des demandes d'asile, ces enregistrements se poursuivent, sous la responsabilité des préfectures et en liaison avec les associations, dans les cas relevant d'une urgence particulière et que ces restrictions des enregistrements touchent l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne. L'administration fait valoir en défense qu'il n'est pas possible de mettre en oeuvre une procédure entièrement dématérialisée, notamment pour ce qui est du relevé d'empreintes digitales, mais que des mesures ont été prises pour assurer que tous les migrants qui le souhaitent bénéficient d'un hébergement et de "chèques services", et qu'aucun migrant n'est susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il déclare qu'il n'a pas été en mesure de déposer sa demande d'asile. Par ailleurs, les préfectures doivent procéder, en lien avec les associations, au recensement des personnes qui avait pré-enregistré une demande d'asile dans une structure de premier accueil pour demandeurs d'asile ou qui ont d'une façon ou d'une autre manifesté l'intention d'en présenter une. Enfin, l'Office français de l'immigration et de l'intégration assure des permanences d'accueil dans ses directions territoriales, ainsi qu'une permanence téléphonique, et poursuit son activité d'appui à l'hébergement et de soutien aux demandeurs d'asile et aux personnes vulnérables relevant de la procédure d'enregistrement prioritaire. Dans ces conditions, et compte tenu en outre des moyens dont dispose l'administration, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, de carence justifiant que soit ordonnée la mise en oeuvre d'un enregistrement dématérialisé des demandes d'asile. 3) Le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, dans sa version modifiée par le décret n° 2020-344 du 27 mars 2020, autorise, par le 1° de son article 3, les déplacements pour motifs professionnels, et, par le 4° de cet article, les déplacements pour l'assistance des personnes vulnérables, de sorte que ces dérogations couvrent les déplacements des salariés et bénévoles des associations d'aide aux personnes en situation de précarité. Par ailleurs, ces personnes peuvent, pour leurs déplacements nécessaires à l'accès à des distributions de denrées alimentaires ou de produits essentiels, et pour percevoir les prestations qui leur sont réservées, utiliser la dérogation prévue au 2° de ce même article qui autorise les déplacements pour effectuer des achats de première nécessité dans des établissements dont les activités demeurent autorisées. En outre, il résulte de l'instruction que les préfets ont reçu instruction de faire preuve de discernement lors des contrôles des mesures de confinement, et particulièrement de ne procéder à aucune verbalisation des personnes sans domicile fixe. Par suite, il n'apparaît pas que les mesures restreignant les déplacements dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire porteraient une atteinte grave et manifestement illégale au droit des personnes vulnérables de se déplacer pour bénéficier de l'assistance à laquelle elles ont droit et au droit des salariés et bénévoles des associations de se déplacer pour leur porter cette assistance.

Voir aussi