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Ariane Web: Conseil d'État 443903, lecture du 12 octobre 2021

Analyse n° 443903
12 octobre 2021
Conseil d'État

N° 443903
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du mardi 12 octobre 2021



36-09-01 : Fonctionnaires et agents publics- Discipline- Suspension-

Exception au rétablissement d'un fonctionnaire suspendu faisant l'objet de poursuites pénales et possibilité dans ce cas d'une retenue sur traitement (article 30 de la loi du 13 juillet 1983) - 1) Condition tenant à l'existence de poursuites pénales - a) Action publique mise en mouvement (1) et non éteinte - b) Extinction de l'action publique par la chose jugée (art. 6 du CPP) - Exclusion - Jugement pénal frappé d'appel (2) - 2) Cassation - Erreur de droit à ne pas avoir recherché, pour valider une retenue sur le traitement d'un fonctionnaire condamné, si cette condamnation était frappée d'appel - Substitution du motif tiré de ce que tel était le cas - Existence (3), en l'espèce.




Il résulte de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 que si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire à l'encontre d'un fonctionnaire suspendu, celui-ci est rétabli dans ses fonctions, sauf s'il fait l'objet de poursuites pénales. Lorsque c'est le cas, l'autorité administrative peut, au vu de la situation en cause et des conditions prévues par ces dispositions, le rétablir dans ses fonctions, lui attribuer provisoirement une autre affectation, procéder à son détachement ou encore prolonger la mesure de suspension en l'assortissant, le cas échéant, d'une retenue sur traitement. 1) a) Un fonctionnaire doit pour l'application de ces dispositions être regardé comme faisant l'objet de poursuites pénales lorsque l'action publique a été mise en mouvement à son encontre et ne s'est pas éteinte. b) Si le premier alinéa de l'article 6 du code de procédure pénale (CPP) dispose que "l'action publique pour l'application de la peine s'éteint par (?) la chose jugée", tel n'est pas le cas lorsqu'un jugement pénal est frappé d'appel. 2) Commet une erreur de droit le juge des référés qui, statuant sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative (CJA), refuse d'accorder au fonctionnaire qui fait l'objet d'une prolongation de suspension avec retenue sur traitement une provision au titre du dommage que celui-ci estime subir à ce titre, en se bornant à relever que ce fonctionnaire a été condamné par un jugement pénal et sans rechercher, pour s'assurer que l'intéressé fait encore l'objet de poursuites pénales, si ce jugement est frappé d'appel. Lorsqu'il ressort de manière constante des pièces soumises au juge des référés qu'il avait été interjeté appel du jugement pénal, de sorte que l'action publique n'était pas éteinte et que l'intéressé faisait toujours l'objet de poursuites pénales au sens de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 lorsque la retenue sur traitement a été décidée, ce motif, établi de manière certaine par le dossier soumis au juge des référés, qui n'appelle l'appréciation par le juge de cassation d'aucune circonstance de fait et justifie le dispositif de l'ordonnance attaquée, doit être substitué à celui retenu par cette ordonnance.





54-08-02-03-015 : Procédure- Voies de recours- Cassation- Pouvoirs du juge de cassation- Substitution de motifs en cassation-

Exception au rétablissement d'un fonctionnaire suspendu faisant l'objet de poursuites pénales et possibilité dans ce cas d'une retenue sur traitement (art. 30 de la loi du 13 juillet 1983) - Fonctionnaire condamné faisant l'objet d'une prolongation de suspension et d'une retenue sur traitement - Erreur de droit à ne pas avoir recherché, pour valider cette retenue, si la condamnation était frappée d'appel - Substitution du motif tiré de ce que tel était le cas - Existence (3), en l'espèce.




Il résulte de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 que si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire à l'encontre d'un fonctionnaire suspendu, celui-ci est rétabli dans ses fonctions, sauf s'il fait l'objet de poursuites pénales. Lorsque c'est le cas, l'autorité administrative peut, au vu de la situation en cause et des conditions prévues par ces dispositions, le rétablir dans ses fonctions, lui attribuer provisoirement une autre affectation, procéder à son détachement ou encore prolonger la mesure de suspension en l'assortissant, le cas échéant, d'une retenue sur traitement. Un fonctionnaire doit pour l'application de ces dispositions être regardé comme faisant l'objet de poursuites pénales lorsque l'action publique a été mise en mouvement à son encontre et ne s'est pas éteinte. Si le premier alinéa de l'article 6 du code de procédure pénale (CPP) dispose que "l'action publique pour l'application de la peine s'éteint par (?) la chose jugée", tel n'est pas le cas lorsqu'un jugement pénal est frappé d'appel. Commet une erreur de droit le juge des référés qui, statuant sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative (CJA), refuse d'accorder au fonctionnaire qui fait l'objet d'une prolongation de suspension avec retenue sur traitement une provision au titre du dommage que celui-ci estime subir à ce titre, en se bornant à relever que ce fonctionnaire a été condamné par un jugement pénal et sans rechercher, pour s'assurer que l'intéressé fait encore l'objet de poursuites pénales, si ce jugement est frappé d'appel. Lorsqu'il ressort de manière constante des pièces soumises au juge des référés qu'il avait été interjeté appel du jugement pénal, de sorte que l'action publique n'était pas éteinte et que l'intéressé faisait toujours l'objet de poursuites pénales au sens de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 lorsque la retenue sur traitement a été décidée, ce motif, établi de manière certaine par le dossier soumis au juge des référés, qui n'appelle l'appréciation par le juge de cassation d'aucune circonstance de fait et justifie le dispositif de l'ordonnance attaquée, doit être substitué à celui retenu par cette ordonnance.


(1) Cf. CE, Section, 19 novembre 1993, , n° 74235, p. 323. (2) Rappr. Cass. crim., 25 février 2003, n° 02-81.638, Bull. crim. 2003, n° 51, p. 187. Comp., s'agissant d'une décision du juge répressif rendue en dernier ressort, CE, 29 mai 2009, Commune de Ligne, n° 319334, T. p. 904. (3) Cf., sur la possibilité de substituer un motif ne comportant l'appréciation d'aucune circonstance de fait, CE, 3 mars 1998, , n° 171295, T. p. 1234 ; CE, 8 juillet 2002, Caisse fédérale du crédit mutuel d'Anjou, n° 212867, p. 262. Rappr., s'agissant de la faculté de substituer au motif tiré d'un constat du juge pénal celui tiré du caractère constant des mêmes faits, CE, 18 janvier 2017, M. , n° 386144, T. pp. 775-786-787.

Voir aussi