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Ariane Web: Conseil d'État 453016, lecture du 11 mars 2022

Analyse n° 453016
11 mars 2022
Conseil d'État

N° 453016
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du vendredi 11 mars 2022



19-04-02-01-04-082 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Revenus et bénéfices imposables règles particulières- Bénéfices industriels et commerciaux- Détermination du bénéfice net- Acte anormal de gestion-

Société cédant au cadre dirigeant d'une filiale des titres de celle-ci à un prix significativement inférieur à leur valeur vénale, en exécution d'une promesse antérieure - Libéralité constitutive d'un acte anormal de gestion - 1) Conditions (1) - 2) Espèce - a) Société ne contestant pas la minoration du prix mais b) justifiant des avantages pour elle de cet appauvrissement - c) Administration ne rapportant pas la preuve de l'inexistence ou de l'insuffisance de ces avantages - d) Décharge.




Société ayant consenti au cadre dirigeant d'une de ses filiales une promesse de cession d'un certain nombre d'actions de cette filiale, au prix définitif de 1 euro par action. Intéressé ayant acquis ultérieurement, en application de cette promesse et au prix ainsi fixé, certaines actions de la filiale et les ayant revendues le même jour, au prix unitaire, résultant de l'évaluation par un commissaire aux apports de la valeur vénale des actions de la filiale à cette date, de 3 838 euros, à une autre filiale contrôlée majoritairement par la même société. 1) Pour apprécier si la société a consenti au cessionnaire une libéralité constitutive d'un acte anormal de gestion, il y a lieu de rechercher si, en consentant à celui-ci une promesse de vente des actions de la filiale à un prix irrévocablement fixé et alors même que cette promesse n'était pas subordonnée au respect d'engagements pris par ce dernier, la société a agi conformément à son intérêt, compte tenu des avantages résultant de l'implication complémentaire qu'elle pouvait attendre, du fait de l'option d'achat qu'elle lui attribuait, de ce cadre dirigeant de la société dont elle détenait les titres. 2) a) Société ne contestant pas que la cession des titres de la filiale a été effectuée à un prix significativement inférieur à leur valeur vénale à cette date. b) Société justifiant la cession à ce prix par le fait qu'elle y était tenue en exécution de la promesse qu'elle avait consentie au cessionnaire, directeur commercial de cette filiale, dont elle détenait alors directement ou indirectement la quasi-totalité des titres, et qu'elle avait pris cet engagement dans son propre intérêt, dans le but d'inciter l'intéressé, en lui offrant la possibilité d'acquérir environ 6 % du capital de cette société à un prix prédéterminé, à en développer le chiffre d'affaires, ce dont il résulterait une valorisation de sa propre participation. c) Administration opposant toutefois à ces justifications que la promesse de vente consentie au profit du cessionnaire ne comportait pas, pour la société, de contreparties suffisantes. A l'appui de cette argumentation, administration se prévalant de ce que l'intéressé n'était pas salarié de cette société, de ce que la promesse de vente n'était assortie d'aucune condition en termes de durée de présence dans l'entreprise ou de durée minimale de conservation des titres acquis et de ce qu'il était prévisible, dès l'année de la promesse, que la valeur des titres de la filiale allait croître fortement, indépendamment de l'action de l'intéressé, du seul fait de la fusion de cette filiale avec une société tierce intervenue à la fin de l'année précédente. La seule circonstance que l'intéressé ne fût pas salarié de la société n'est pas de nature à faire obstacle à ce que cette société trouvât, eu égard aux conséquences qu'elle pouvait en attendre sur la valorisation de sa participation dans la filiale, un intérêt propre à inciter l'intéressé au développement de cette filiale dont il était, comme il a été dit, le directeur commercial. Les compétences de l'intéressé et son expérience commerciale dans la vente de préparations culinaires auprès de restaurants, segment d'activité sur lequel la filiale avait axé son développement, étaient de nature à lui permettre, par son implication particulière, d'obtenir un accroissement important du chiffre d'affaires de cette filiale et, par suite, de la valeur de ses titres. En outre, quand bien même la promesse de vente en litige ouvrait à l'intéressé la possibilité d'exercer son droit d'option à tout moment pendant une période de cinq ans et n'était pas subordonnée à des engagements de sa part, d'une part, le prix de 1 euro qu'elle fixait pouvait être regardé comme proche de la valeur vénale des titres à la date à laquelle elle a été consentie et, d'autre part, les perspectives de croissance de l'activité de la société ne présentaient aucun caractère certain, de sorte que cette promesse était de nature à avoir, à l'égard de l'intéressé, un réel effet incitatif. Il en résulte que l'administration n'établit pas que les contreparties que la société a retirées de la promesse de vente consentie au cessionnaire seraient inexistantes ou insuffisantes au regard de l'avantage consenti à ce dernier, de sorte que la société aurait, en concluant cette promesse, commis un acte anormal de gestion. d) Décharge des suppléments d'imposition.


(1) Cf. CE, Plénière, 21 décembre 2018, Société Croë Suisse, n° 402006, p. 467.

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