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Ariane Web: Conseil d'État 458012, lecture du 21 octobre 2022

Analyse n° 458012
21 octobre 2022
Conseil d'État

N° 458012
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du vendredi 21 octobre 2022



26-07-06 : Droits civils et individuels- Protection des données à caractère personnel- Questions propres à certaines catégories de traitements-

Traitements automatisés intéressant la sûreté de l'État - Contrôle juridictionnel - Office de la formation spécialisée (1) - Espèce - Requérant arrêté par l'armée française et traduit devant la CPI demandant la communication des données figurant dans le fichier « renseignement territorial » - 1) Communicabilité des données protégées par le secret de la défense nationale - Absence - 2) Conséquence - Invocation des articles 3 et 6 de la convention EDH, 12 et 15 de la Convention contre la torture et 86 du statut de Rome - Inopérance.




Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative (CJA), saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure (CSI), de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du CJA. Lorsqu'il apparaît, soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux, soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité, soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du CJA, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification. Requérant, ressortissant malien, ayant été interpellé et interrogé par les forces françaises de l'opération Barkhane, avant sa remise aux autorités maliennes puis, sur mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), sa remise à cette Cour. Intéressé mis en cause devant la Cour pour des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre commis au Mali en 2012 et 2013. Procès en cours à la date de la décision de la formation spécialisée. Ministre de l'intérieur ayant refusé de lui communiquer les informations susceptibles de le concerner contenues dans les fichiers dits du « renseignement territorial ». Requérant soutenant devant le Conseil d'Etat, au soutien de sa demande d'annulation de cette décision, que les conditions de son arrestation et de sa détention au Mali seraient de nature à remettre en cause la validité des déclarations qu'il a faites alors et qui fondent, au moins en partie, les poursuites dont il fait aujourd'hui l'objet devant la CPI. 1) Toutefois, il résulte des termes mêmes de l'article L. 773-8 du CJA ainsi que de l'office de la formation spécialisée du Conseil d'État que celle-ci ne peut communiquer au requérant des données protégées par le secret de la défense nationale, ni enjoindre au responsable du traitement de le faire. 2) Dès lors, le requérant ne saurait utilement invoquer les articles 3 et 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH), les articles 12 et 15 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou, à les supposer d'effet direct et l'article 86 du statut de Rome de la CPI.


(1) 1. Cf., sur l'office de la formation spécialisée, CE, formation spécialisée, 19 octobre 2016, M. , n° 400688, p. 430.

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