Base de jurisprudence


Analyse n° 464994
17 octobre 2023
Conseil d'État

N° 464994
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du mardi 17 octobre 2023



15-05-01-01-02 : Communautés européennes et Union européenne- Règles applicables- Libertés de circulation- Libre circulation des personnes- Liberté d'établissement-

Compatibilité - Absence - Exonération des bénéfices distribués à l'intérieur de sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré n'ouvrant pas droit au régime mère-fille (3e alinéa de l'art. 223 B du CGI, dans sa version antérieure à la loi du 28 décembre 2018) (1).




Il résulte de l'article 223 B du code général des impôts (CGI) qu'il a pour objet d'éliminer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique des bénéfices réalisés par les sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré lorsqu'ils font l'objet de distributions au sein du groupe, en retranchant du résultat d'ensemble du groupe soit, conformément au deuxième alinéa de l'article 223 B dans sa version antérieure à la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015, s'agissant des bénéfices distribués ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères, la quote-part de frais et charges maintenue dans le résultat des sociétés membres du groupe soit, conformément au troisième alinéa du même article dans sa version antérieure à la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, s'agissant des bénéfices distribués n'ouvrant pas droit à l'application du régime des sociétés mères, le montant de ces distributions. L'application du troisième alinéa de l'article 223 B du CGI aux seuls produits de participation provenant d'une société membre d'un groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du même code est de nature à dissuader une société mère de créer une filiale dans un autre Etat membre, dès lors que cette dernière, faute que ses résultats soient soumis en France à l'impôt sur les sociétés, ne peut être membre d'un tel groupe. Par suite, ces dispositions constituent une restriction à la liberté d'établissement protégée l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). A l'égard de ces dispositions prévoyant, par l'effet du retranchement des produits de participation du résultat d'ensemble du groupe, une exonération fiscale totale de ces produits, la situation des sociétés appartenant à un groupe fiscalement intégré est comparable à celle des sociétés n'appartenant pas à un tel groupe, qu'il s'agisse de la société mère ou d'une filiale de celle-ci. Dans les deux cas, d'une part, la société mère supporte des frais et charges liés à sa participation dans sa filiale et, d'autre part, les bénéfices réalisés par la filiale et dont sont issus les dividendes distribués sont, en principe, susceptibles de faire l'objet d'une double imposition économique ou d'une imposition en chaîne. A supposer qu'une différence de traitement constitutive d'une restriction à la liberté d'établissement telle que celle résultant de l'application de l'exonération prévue par le troisième alinéa de l'article 223 B du CGI aux seuls produits de participations provenant de sociétés membres du groupe puisse être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général telle que la nécessité de sauvegarder la cohérence du régime de l'intégration fiscale, lequel repose sur l'assimilation du groupe constitué par la mère et ses filiales à une seule entreprise ayant plusieurs établissements, un lien direct doit être établi entre l'avantage fiscal en cause et un désavantage fiscal résultant de la neutralisation des opérations internes au groupe. Or, si la neutralisation, dans le calcul du résultat d'ensemble du groupe, des produits de participation qui n'ont pas ouvert droit à l'application du régime des sociétés mères résulte de l'assimilation du groupe constitué par la société mère et ses filiales à une seule entreprise ayant plusieurs établissements, cette neutralisation ne procure aucun désavantage fiscal à la société mère tête du groupe fiscalement intégré, mais lui confère, au contraire, l'avantage fiscal contesté. Par suite, en l'absence de lien direct entre cette exonération et un désavantage résultant de l'application du régime de l'intégration fiscale, la limitation de son champ d'application aux seuls produits de participations provenant de sociétés membres du groupe ne peut être justifiée par la nécessité de sauvegarder la cohérence du système fiscal. Le troisième alinéa de l'article 223 B du CGI est, dans sa version antérieure à la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, incompatible avec la liberté d'établissement.





19-04-01-04-03-01 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Règles générales- Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales- Détermination du bénéfice imposable- Groupes fiscalement intégrés-

Exonération des bénéfices distribués à l'intérieur de sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré n'ouvrant pas droit au régime mère-fille (3e alinéa de l'art. 223 B du CGI, dans sa version antérieure à la loi du 28 décembre 2018) - Compatibilité avec la liberté d'établissement - Absence (1).




Il résulte de l'article 223 B du code général des impôts (CGI) qu'il a pour objet d'éliminer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique des bénéfices réalisés par les sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré lorsqu'ils font l'objet de distributions au sein du groupe, en retranchant du résultat d'ensemble du groupe soit, conformément au deuxième alinéa de l'article 223 B dans sa version antérieure à la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015, s'agissant des bénéfices distribués ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères, la quote-part de frais et charges maintenue dans le résultat des sociétés membres du groupe soit, conformément au troisième alinéa du même article dans sa version antérieure à la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, s'agissant des bénéfices distribués n'ouvrant pas droit à l'application du régime des sociétés mères, le montant de ces distributions. L'application du troisième alinéa de l'article 223 B du CGI aux seuls produits de participation provenant d'une société membre d'un groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du même code est de nature à dissuader une société mère de créer une filiale dans un autre Etat membre, dès lors que cette dernière, faute que ses résultats soient soumis en France à l'impôt sur les sociétés, ne peut être membre d'un tel groupe. Par suite, ces dispositions constituent une restriction à la liberté d'établissement protégée l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). A l'égard de ces dispositions prévoyant, par l'effet du retranchement des produits de participation du résultat d'ensemble du groupe, une exonération fiscale totale de ces produits, la situation des sociétés appartenant à un groupe fiscalement intégré est comparable à celle des sociétés n'appartenant pas à un tel groupe, qu'il s'agisse de la société mère ou d'une filiale de celle-ci. Dans les deux cas, d'une part, la société mère supporte des frais et charges liés à sa participation dans sa filiale et, d'autre part, les bénéfices réalisés par la filiale et dont sont issus les dividendes distribués sont, en principe, susceptibles de faire l'objet d'une double imposition économique ou d'une imposition en chaîne. A supposer qu'une différence de traitement constitutive d'une restriction à la liberté d'établissement telle que celle résultant de l'application de l'exonération prévue par le troisième alinéa de l'article 223 B du CGI aux seuls produits de participations provenant de sociétés membres du groupe puisse être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général telle que la nécessité de sauvegarder la cohérence du régime de l'intégration fiscale, lequel repose sur l'assimilation du groupe constitué par la mère et ses filiales à une seule entreprise ayant plusieurs établissements, un lien direct doit être établi entre l'avantage fiscal en cause et un désavantage fiscal résultant de la neutralisation des opérations internes au groupe. Or, si la neutralisation, dans le calcul du résultat d'ensemble du groupe, des produits de participation qui n'ont pas ouvert droit à l'application du régime des sociétés mères résulte de l'assimilation du groupe constitué par la société mère et ses filiales à une seule entreprise ayant plusieurs établissements, cette neutralisation ne procure aucun désavantage fiscal à la société mère tête du groupe fiscalement intégré, mais lui confère, au contraire, l'avantage fiscal contesté. Par suite, en l'absence de lien direct entre cette exonération et un désavantage résultant de l'application du régime de l'intégration fiscale, la limitation de son champ d'application aux seuls produits de participations provenant de sociétés membres du groupe ne peut être justifiée par la nécessité de sauvegarder la cohérence du système fiscal. Le troisième alinéa de l'article 223 B du CGI est, dans sa version antérieure à la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, incompatible avec la liberté d'établissement.


(1) Rappr., s'agissant du deuxième alinéa de l'article 223 B, dans sa version antérieure à la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015, CJUE, 2 septembre 2015, Groupe Steria SCA, C-386/14.