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Ariane Web: Conseil d'État 119996, lecture du 13 décembre 1991, ECLI:FR:CEASS:1991:119996.19911213

Décision n° 119996
13 décembre 1991
Conseil d'État

N° 119996
ECLI:FR:CEASS:1991:119996.19911213
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Long, président
M. Errera, rapporteur
M. Abraham, commissaire du gouvernement


Lecture du 13 décembre 1991
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la requête, enregistrée le 21 septembre 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Alfonso X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 24 août 1990 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 1990 par lequel le préfet de l'Essonne a décidé sa reconduite à la frontière,
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi n° 89-548 du 2 août 1989 et la loi n° 90-34 du 10 janvier 1990 ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;
Vu le décret n° 53-377 du 2 mai 1953 ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il résulte de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 que les Etats parties ne peuvent appliquer aux déplacements des réfugiés en situation irrégulière que les restrictions nécessaires "en attendant que le statut de ces réfugiés dans le pays d'accueil ait été régularisé ou qu'ils aient réussi à se faire admettre dans un autre pays" ; qu'en vertu de la loi du 25 juillet 1952 portant création de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, il appartient à cet office de statuer, sous le contrôle de la commission des recours, sur les demandes tendant à ce que soit reconnue à un étranger la qualité de réfugié au sens de l'article 1er de la convention du 28 juillet 1951 précitée ;
Considérant que ces dispositions impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ; qu'en l'absence de dispositions législatives et réglementaires déterminant les modalités d'application de ce principe, il appartient à l'autorité administrative de prendre les mesures nécessaires à sa mise en oeuvre ; que, dans l'exercice de ce pouvoir, cette autorité doit également tenir compte des autres intérêts généraux dont elle a la charge en vue d'éviter un usage abusif des droits ainsi reconnus aux personnes qui demandent le bénéfice de la convention de Genève ; que, par suite, les documents qui sont délivrés aux personnes qui sollicitent le titre de réfugié jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leur demande doivent être regardés comme autorisant le séjour régulier des intéressés, alors même qu'ils ne sont pas au nombre des titres énumérés aux articles 10 à 12 bis, 14 et 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'ainsi, après le rejet par l'Office de protection des réfugiés et apatrides puis par la commission de recours des réfugiés d'une demande présentée par un étranger qui a bénéficié à ce titre d'autorisations provisoires de séjour, le préfet, s'il peut faire usage des dispositions de l'article 22-3° de l'ordonnance, ne peut sans erreur de droit se fonder, pour ordonner la reconduite à la frontière de l'intéressé, sur les dispositions de l'article 22-2° aux termes duquel : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 2° si l'étranger s'est maintenu sur le territoire à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en sa qualité de demandeur d'asile, M. X... a, de 1986 à 1990, bénéficié d'autorisations provisoires de séjour tout au long de la procédure d'instruction de sa demande ; qu'ainsi le préfet de l'Essonne n'a pu, sans commettre d'erreur de droit, ordonner sa reconduite à la frontière en se fondant sur les dispositions précitées de l'article 22-2°) de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'il suit de là que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 22 août 1990 ;
Article 1er : Le jugement susvisé du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles du 24 août 1990 ainsi que l'arrêté du préfet de l'Essonne en date du 22 août 1990 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'intérieur.


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