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Ariane Web: Conseil d'État 305285, lecture du 28 novembre 2007, ECLI:FR:CESSR:2007:305285.20071128

Décision n° 305285
28 novembre 2007
Conseil d'État

N° 305285
ECLI:FR:CESSR:2007:305285.20071128
Mentionné au tables du recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Stirn, président
Mlle Sophie-Justine Liéber, rapporteur
M. Lenica, commissaire du gouvernement
SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, avocats


Lecture du mercredi 28 novembre 2007
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 et 18 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Guy-Martin A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 20 avril 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 février 2007 par lequel le préfet de l'Oise, d'une part, lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, d'autre part, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêté en l'informant qu'il pourra d'office être reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible ;

2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de faire droit à la demande de suspension présentée devant le tribunal administratif d'Amiens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Sophie-Justine Liéber, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement ;




Sur l'ordonnance attaquée en tant qu'elle rejette comme irrecevables les conclusions de M. A tendant à la suspension de la décision du 13 février 2007 par laquelle le préfet de l'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction en vigueur à la date de la décision dont la suspension est demandée : L'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour (...) assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut, dans le délai d'un mois suivant la notification, demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif. Son recours suspend l'obligation de quitter le territoire français sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative (...) / Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance (...) et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant que ces dispositions, qui prévoient que le recours devant le juge administratif a un effet suspensif sur la seule obligation de quitter le territoire français, n'ont ni pour objet ni pour effet de priver les requérants de la possibilité de présenter une demande de suspension à l'encontre de la décision de refus de séjour, de refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour dans les conditions énoncées aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative ; que, dès lors, M. A est fondé à soutenir que le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens, en rejetant comme sans objet et par suite irrecevables ses conclusions tendant à la suspension de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, au motif que le recours qu'il avait introduit à l'encontre de l'arrêté prononçant le refus d'une autorisation de séjour, l'obligation de quitter le territoire national et la mention du pays d'éloignement avait un caractère suspensif à l'égard de l'ensemble de ces décisions, a commis, sur ce point, une erreur de droit ;

Sur l'ordonnance attaquée en tant qu'elle rejette les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A demandait d'assortir, le cas échéant, la suspension de la décision en cause d'une injonction de lui délivrer, dans l'attente qu'il soit statué définitivement sur sa situation, une autorisation provisoire de séjour, qui relève des obligations provisoires de l'administration en cas de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ; qu'en rejetant ces conclusions au motif qu'il n'appartient pas au juge des référés d'enjoindre à l'administration de délivrer un titre de séjour temporaire, dès lors qu'une telle injonction aurait les mêmes effets que la mesure d'exécution que l'administration serait tenue de prendre en cas d'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a dénaturé les conclusions à fin d'injonction qui lui étaient présentées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que la condition d'urgence sera, en principe, constatée dans le cas d'un refus de renouvellement du titre de séjour, comme dans le cas d'un retrait de celui-ci ; que, dans les autres cas, il appartient au requérant de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier, à très bref délai, d'une mesure provisoire dans l'attente d'une décision juridictionnelle statuant sur la légalité de la décision litigieuse ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, entré en France le 13 septembre 2000, a bénéficié jusqu'au 12 septembre 2006 d'une carte de séjour temporaire mention étudiant , sur le fondement des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ultérieurement codifiées à l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'en a pas sollicité le renouvellement ; qu'en revanche, ayant reçu une proposition d'embauche en contrat à durée indéterminée pour occuper un poste d'agent de surveillance, il a sollicité auprès du préfet de l'Oise la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention salarié sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, si M. A fait valoir que l'urgence est justifiée dès lors que l'absence de délivrance d'un titre de séjour le priverait d'une opportunité d'emploi, il ressort des pièces du dossier que le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de l'Oise a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'obtention d'une autorisation de travail ; que, dans ces conditions, les seules circonstances invoquées ne sont pas de nature à caractériser l'urgence à suspendre l'exécution de la décision en date du 13 février 2007 par laquelle le préfet de l'Oise a refusé à M. A la délivrance d'une carte de séjour l'autorisant à travailler ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander la suspension de l'arrêté du préfet de l'Oise ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses autres conclusions introduites devant le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens tendant, d'une part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Oise, sous astreinte de 500 euros par jour, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'une décision au fond, d'autre part, à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens en date du 20 avril 2007 est annulée.
Article 2 : La demande de M. A devant le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens et le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Guy-Martin A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.



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