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Ariane Web: Conseil d'État 311633, lecture du 19 février 2009, ECLI:FR:CESSR:2009:311633.20090219

Décision n° 311633
19 février 2009
Conseil d'État

N° 311633
ECLI:FR:CESSR:2009:311633.20090219
Mentionné au tables du recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Vigouroux, président
Mme Constance Rivière, rapporteur
Mme Bourgeois-Machureau Béatrice, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; HAAS, avocats


Lecture du jeudi 19 février 2009
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 18 décembre 2007 et 18 mars 2008, présentés pour M. Christophe A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 6 juillet 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, annulé, à la demande de La Poste, l'article 1er du jugement du 23 juin 2004 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les articles 2 et 3 de la décision en date du 26 février 2003 du directeur des ressources humaines et des relations sociales de la délégation Est de La Poste révoquant le sursis qui lui avait été accordé par une décision du 26 août 1998 et décidant l'exécution de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois prononcée à son encontre par cette décision, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête présentée par La Poste devant la cour administrative d'appel de Nancy et, statuant sur son appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 23 juin 2004 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 ? au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, modifiée ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Constance Rivière, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A, et de Me Haas, avocat de La Poste,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Commissaire du gouvernement ;





Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. Christophe A, agent technique de La Poste, a fait l'objet, le 26 août 1998, d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de douze mois, dont six avec sursis, pour manquements à l'obligation de réserve, attitude indisciplinée et mauvais service , sanction confirmée par le tribunal administratif de Nancy, par un jugement du 19 octobre 1999, devenu définitif ; que le 26 février 2003, M. A a fait l'objet d'une nouvelle décision de sanction dont l'article 1er prononce une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois, l'article 2 révoque le sursis de six mois accordé par la décision du 26 août 1998, et l'article 3 inflige, en sus de la sanction prononcée à l'article 1er, l'exécution de la sanction d'exclusion temporaire de six mois restant à accomplir au titre du sursis ainsi révoqué ; que le tribunal administratif de Strasbourg a, par l'article 1er de son jugement du 23 juin 2004, annulé, à la demande de M. A, les articles 2 et 3 de la décision en date du 26 février 2003, et rejeté, par l'article 2 du même jugement, cette demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de l'article 1er de la décision du 26 février 2003 ; que la Poste a fait appel de ce jugement en tant seulement que son article 1er prononçait l'annulation des articles 2 et 3 de la décision du 26 février 2003 ; que M. A a, par mémoire du 30 novembre 2004, présenté des conclusions d'appel incident tendant à l'octroi d'une réparation du préjudice moral qu'il dit avoir subi ainsi qu'à la révision de son dossier disciplinaire à la suite de la loi du 6 août 2002 portant amnistie ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur l'appel principal de La Poste ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que La Poste a reçu le 15 juillet 2004 la notification du jugement ; qu'ainsi son appel, enregistré au greffe de la cour le 16 septembre 2004, n'était pas tardif, contrairement à ce qu'a soutenu devant la cour M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 6 août 2002 portant amnistie : Sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires. / (...) Toutefois, si ces faits ont donné lieu à une condamnation pénale, l'amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles est subordonnée à l'amnistie ou à la réhabilitation légale ou judiciaire de la condamnation pénale. / Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs (...) ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 : (...) L'intervention d'une sanction disciplinaire du deuxième ou troisième groupe pendant une période de cinq ans après le prononcé de l'exclusion temporaire entraîne la révocation du sursis (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les faits, qui ont donné lieu à la sanction d'exclusion avec sursis du 26 août 1998, révoqué par la décision du 26 février 2003 prononçant à son encontre une sanction du troisième groupe, et qui consistaient notamment en la remise aux usagers du service de La Poste d'imprimés à caractère religieux, ont été commis avant le 17 mai 2002 ; que les actes de prosélytisme religieux constituent, eu égard à la nature des fonctions de guichetier en rapport direct avec le public exercées par M. A, une faute susceptible de perturber la bonne marche du service et contraire à l'honneur professionnel ; que M. A, qui ne fait état d'aucune circonstance qui permettrait d'écarter, en l'espèce, l'application des dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984, n'est pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, aurait inexactement qualifié les faits en estimant que le fait pour un fonctionnaire d'utiliser ses fonctions pour remettre aux usagers du service public des imprimés à caractère religieux constituait un manquement à l'honneur, et en annulant pour cette raison l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg prononçant l'annulation des articles 2 et 3 de la décision du 26 février 2003 ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur l'appel incident de M. A :

Considérant que, si la cour administrative d'appel de Nancy a répondu dans les motifs de son arrêt aux moyens de l'appel incident de M. A, elle a omis de statuer sur les conclusions de cet appel dans son dispositif ; qu'ainsi, son arrêt est entaché d'irrégularité sur ce point ; que M. A est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a rejeté son appel incident ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué qu'en tant qu'il a omis de statuer dans son dispositif sur les conclusions de son appel incident tendant à l'octroi d'une indemnité et à ce que soient prononcées des injonctions ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond sur les points mentionnés ci-dessus ;

Considérant que M. A ne conteste pas ne pas avoir lié le contentieux indemnitaire devant le tribunal administratif ; que, par suite, il n'est, en tout état de cause, pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif en tant qu'il rejette comme irrecevables ses conclusions indemnitaires ;

Considérant que les conclusions tendant à la révision du dossier administratif de l'intéressé, qui n'entrent pas dans les prévisions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, ne peuvent également qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées par La Poste et M. A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande en application de ces dispositions ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A le versement à La Poste des sommes que celle-ci demande au même titre ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 6 juillet 2006 est annulé en tant qu'il ne statue pas dans son dispositif sur les conclusions de l'appel incident de M. A.

Article 2 : Le surplus du pourvoi de M. A et les conclusions de l'appel incident présenté par M. A devant la cour administrative d'appel de Nancy sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de LA POSTE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Christophe A et à La Poste.