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Ariane Web: Conseil d'État 293896, lecture du 29 avril 2009, ECLI:FR:CESSR:2009:293896.20090429

Décision n° 293896
29 avril 2009
Conseil d'État

N° 293896
ECLI:FR:CESSR:2009:293896.20090429
Publié au recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Vigouroux, président
Mme Delphine Hedary, rapporteur
M. Guyomar Mattias, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du mercredi 29 avril 2009
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 2 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE MANZAT, représentée par son maire ; la COMMUNE DE MANZAT demande au Conseil d'Etat :

1° d'annuler l'arrêt du 23 mars 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation d'une part, du jugement du 13 juin 2003 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant sa demande d'annulation de la décision du 8 octobre 2001 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de déclarer d'utilité publique l'acquisition des terrains nécessaires à la création d'un lotissement industriel au lieu-dit Le Boulhat, sur le territoire de la commune et de mettre en compatibilité avec ce projet le plan d'occupation des sols de la commune, d'autre part, de ladite décision ;

2° réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du préfet du Puy-de-Dôme du 8 octobre 2001 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Delphine Hedary, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE MANZAT et de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat du syndicat mixte du parc naturel régional des volcans d'auvergne,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE MANZAT et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat du syndicat mixte du parc naturel régional des volcans d'auvergne ;



Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, saisi d'une demande de déclaration d'utilité publique pour la réalisation d'un lotissement industriel destiné à l'accueil d'industries lourdes et semi-lourdes sur des terres agricoles de la commune de Manzat, le préfet du Puy-de-Dôme, après avoir prescrit en application de l'article L. 123-16 du code de l'urbanisme l'enquête publique conjointe à la déclaration d'utilité publique et à la modification nécessaire du plan d'occupation des sols, a, le 8 octobre 2001, refusé de déclarer d'utilité publique cette opération au motif que la modification corrélative du plan d'occupation des sols le rendrait incompatible avec les orientations de la charte du parc naturel régional des volcans d'Auvergne dont fait partie la commune de Manzat, approuvée par décret du 6 décembre 2000 ; que la COMMUNE DE MANZAT, dont la demande d'annulation de cette décision a été rejetée par le tribunal administratif de Clermond-Ferrand, se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête dirigée contre ce jugement et cette décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 333-1 du code de l'environnement, dans la rédaction applicable au litige : Les parcs naturels régionaux concourent à la politique de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire, de développement économique et social et d'éducation et de formation du public. Ils constituent un cadre privilégié des actions menées par les collectivités publiques en faveur de la préservation des paysages et du patrimoine naturel et culturel. / La charte du parc détermine pour le territoire du parc les orientations de protection, de mise en valeur et de développement et les mesures permettant de les mettre en oeuvre. Elle comporte un plan élaboré à partir d'un inventaire du patrimoine indiquant les différentes zones du parc et leur vocation, accompagné d'un document déterminant les orientations et les principes fondamentaux de protection des structures paysagères sur le territoire du parc. / La charte constitutive est élaborée par la région avec l'accord de l'ensemble des collectivités territoriales concernées et en concertation avec les partenaires intéressés. Elle est adoptée par décret portant classement en parc naturel régional pour une durée maximale de dix ans. La révision de la charte est assurée par l'organisme de gestion du parc naturel régional. / L'Etat et les collectivités territoriales adhérant à la charte appliquent les orientations et les mesures de la charte dans l'exercice de leurs compétences sur le territoire du parc. Ils assurent, en conséquence, la cohérence de leurs actions et des moyens qu'ils y consacrent. L'Etat et les régions adhérant à la charte peuvent conclure avec l'organisme de gestion du parc un contrat en application du contrat de plan Etat-régions. Les documents d'urbanisme doivent être compatibles avec les orientations et les mesures de la charte. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article.

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, un plan d'occupation des sols ou un plan local d'urbanisme doit être compatible avec la charte du parc naturel régional dont la commune fait partie ; qu'une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique si la modification du document d'urbanisme nécessaire pour sa réalisation aurait pour effet de rendre ce document incompatible avec la charte ; que si, ni le document d'urbanisme, ni la déclaration d'utilité publique, ne constitue une mesure d'application de la charte, et si les moyens tirés par voie d'exception de l'illégalité de la charte seraient par suite inopérants à l'encontre d'une décision approuvant un plan d'occupation des sols ou déclarant d'utilité publique un projet, il en va autrement s'agissant d'un refus de modifier le document d'urbanisme et de déclarer d'utilité publique une opération pris au motif d'une incompatibilité avec la charte ; que, dès lors, en écartant comme inopérants les moyens tirés par voie d'exception de l'illégalité de la charte à l'encontre du refus du préfet de modifier le plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE MANZAT et de déclarer d'utilité publique l'opération projetée, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision du préfet refusant de prononcer la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols et la déclaration d'utilité publique sollicitées, la COMMUNE DE MANZAT soutient que la charte du parc naturel régional ne pouvait légalement fonder un tel refus, à raison des illégalités qui entacheraient ses dispositions ;

Considérant que l'article L. 333-1 du code de l'environnement précité dispose que la charte d'un parc naturel régional détermine des orientations mais aussi des mesures permettant de mettre en oeuvre ces orientations, en vue de la protection de l'environnement et de l'aménagement du territoire ; qu'au nombre de telles mesures peuvent être prévues des règles relatives à l'implantation des zones d'activités ; que, dès lors, la COMMUNE DE MANZAT n'est pas fondée à soutenir que la charte du parc naturel régional des volcans d'Auvergne, qui a été approuvée par décret du 6 décembre 2000, serait illégale pour comporter des dispositions réglementaires trop précises sur l'implantation des zones d'activité ;

Considérant qu'en vue d'assurer un développement économique compatible avec la préservation du site naturel de la chaîne des volcans d'Auvergne, et en particulier de permettre une bonne intégration paysagère de l'autoroute A89 dans la zone sensible du Puy Chalard, la charte du parc naturel régional des volcans d'Auvergne fixe comme objectifs de favoriser un développement cohérent de l'urbanisation et intégrer le bâti moderne en périphérie des bourgs , traiter avec soins l'intégration paysagère de l'autoroute A 89 et des équipements connexes et prévoit qu' en matière de développement économique positif pour la région, la sensibilité du territoire du parc traversé fait que les nouvelles zones pouvant accueillir des activités artisanales et industrielles doivent être regroupées près des bourgs existants ; en particulier, la proximité du Puy Chalard implique qu'aucune zone artisanale ou industrielle ne doit être aménagée au niveau du futur échangeur de Manzat ; que ce faisant, la charte n'a pas méconnu l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, relatif aux zones de montagne, qui prévoit que l'urbanisation doit se faire en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants et que des zones d'urbanisation nouvelles ne peuvent être créées que par exception et doivent alors être intégrées à l'environnement ; que cette disposition de la charte ne méconnait pas non plus, par elle-même, l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme selon lequel un permis de construire peut être refusé si le projet est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, dès lors qu'il appartient à l'autorité administrative, à l'occasion de chaque demande d'autorisation de construire ou d'implanter une activité, d'appliquer les règles notamment de sécurité, découlant de chacune des législations pertinentes ;

Considérant qu'eu égard aux caractéristiques du site en cause, en fixant un objectif de protection de la zone du Puy Chalard et en l'assortissant des mesures critiquées relatives à l'implantation des zones d'activité, la charte n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE MANZAT n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermond-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Puy-de-Dôme en date du 8 octobre 2001 ;

Considérant qu'il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit ni aux conclusions de la COMMUNE DE MANZAT ni à celles du syndicat mixte du parc naturel régional des volcans d'Auvergne tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 23 mars 2006 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par la COMMUNE DE MANZAT devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat par la COMMUNE DE MANZAT et par le syndicat mixte du parc naturel régional des volcans d'Auvergne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MANZAT, au syndicat mixte du parc naturel régional des volcans d'Auvergne, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Une copie en sera adressée pour information au conseil régional d'Auvergne.


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