Conseil d'État
N° 318676
ECLI:FR:CESSR:2011:318676.20110503
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème et 10ème sous-sections réunies
M. Matthieu Schlesinger, rapporteur
M. Collin Pierre, rapporteur public
SCP GATINEAU, FATTACCINI, avocats
Lecture du mardi 3 mai 2011
Vu le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, enregistré le 22 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 06NC00565 du 29 mai 2008 de la cour administrative d'appel de Nancy, en tant qu'il a, sur l'appel formé par M. Marc Arbogast tendant à l'annulation du jugement n° 0401369 du 21 février 2006 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions annexes mises à sa charge au titre des années 1996 et 1997, réduit les bases de l'impôt sur le revenu assigné à M. Arbogast dans la catégorie des bénéfices non commerciaux à hauteur de 500 703,55 euros (3 284 400 F) au titre de l'année 1996 et de 19 437,25 euros (127 500 F) au titre de l'année 1997, et l'a déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions annexes correspondant à ces réductions de bases ainsi que des pénalités afférentes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n° 67-236 du 23 mars 1967 ;
Vu le décret n° 84-406 du 30 mai 1984 ;
Vu l'arrêté du 9 février 1988 relatif au registre du commerce et des sociétés ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,
- les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. Arbogast,
- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. Arbogast ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme Arbogast ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des bénéfices non commerciaux qu'ils avaient réalisés en 1996 et 1997, à la suite de laquelle des redressements leur ont été notifiés le 19 novembre 1999 en raison notamment de la minoration de plus-values réalisées à l'occasion de la cession de titres de la SA Brasseries Fischer, dont M. Arbogast était administrateur ; que la notification de redressements indiquait que le contribuable avait retenu une valeur unitaire du titre de 10 000 F avant décote pour fixer le prix de revient forfaitaire, alors que "le dernier cours coté du titre Fischer à la date du 29 décembre 1995 est de 8 000 F et non de 10 000 F" ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 29 mai 2008 en tant que celui-ci, réformant dans cette mesure le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 février 2006, a déchargé M. Arbogast des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu afférentes à ce chef de redressement et des contributions annexes correspondantes ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant que, d'une part, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'administration a précisé devant la cour administrative d'appel de Nancy que la valeur de 8 000 F avait été retenue après consultation des comptes de la société "Brasserie Fischer" déposés au greffe du tribunal de commerce ; que, d'autre part, en vertu de l'article 293 du décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales, désormais codifié à l'article L. 232-23 du code de commerce, toute société par actions est tenue de déposer ses comptes annuels au greffe du tribunal de commerce ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, du tribunal de grande instance, pour qu'ils soient annexés au registre du commerce et des sociétés ; que ce dépôt a notamment pour objet de les rendre accessibles au public, en vertu de l'article 1er du décret du 30 mai 1984 relatif au registre du commerce et des sociétés, désormais codifié à l'article L. 123-1 du code de commerce, et de l'article 35-1 de l'arrêté du 9 février 1988 relatif au registre du commerce et des sociétés, désormais codifié à l'article A. 123-68 du même code ;
Considérant que s'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et à tout moment avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour établir les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, cette obligation ne s'étend pas aux documents déposés au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance, en vertu d'une obligation légale ayant pour objet de les rendre accessibles au public ; que l'administration demeure soumise, dans cette dernière hypothèse, aux obligations de motivation des notifications de redressement ou de notification des bases et du calcul des impositions d'office que prévoient respectivement, selon que les impositions ont été établies suivant la procédure contradictoire ou d'office, les articles L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant qu'en l'absence de toute indication fournie au contribuable sur l'origine du prix de revient des titres retenu pour 8 000 F, qui avait directement servi à déterminer des suppléments d'imposition de l'intéressé dans la catégories des bénéfices non commerciaux, celui-ci avait été privé de la possibilité de se faire transmettre les documents utiles ou d'en connaître à tout le moins les références et donc de discuter utilement le redressement litigieux et que, dès lors, la procédure de vérification de comptabilité diligentée à l'encontre de M. Arbogast était entachée d'irrégularité en ce qui concerne le chef de redressement correspondant ; que son arrêt doit, par suite, être annulé en tant qu'il réduit les bases de l'impôt sur le revenu de M. Arbogast dans la catégorie des bénéfices non commerciaux résultant de cessions d'actions au titre des années 1996 et 1997, prononce la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, contributions annexes et pénalités correpondants, met à la charge de l'Etat le versement à M. Arbogast d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et réforme le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il a de contraire ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que l'administration ait pris connaissance du dernier cours coté du titre Fischer à la date du 29 décembre 1995 par la consultation des comptes annuels de la société, déposés au greffe du tribunal de grande instance ; que, dès lors, et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'administration fiscale n'était pas tenue d'informer le contribuable de l'origine de cette information pour lui permettre, notamment, de discuter utilement de sa provenance ou de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procédaient, que les documents qui, le cas échéant, contenaient ce renseignement soient mis à sa disposition ; que, par suite, M. Arbogast n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière ; qu'il ne soulève pas d'autre moyen en ce qui concerne ce chef de redressement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Arbogast n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que M. Arbogast demande au titre des frais exposés par lui tant devant le Conseil d'Etat que devant la cour administrative d'appel et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er, 2, 3 et 5 de l'arrêt du 29 mai 2008 de la cour administrative d'appel de Nancy sont annulés.
Article 2 : La requête présentée par M. Arbogast devant la cour administrative d'appel de Nancy et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement et à M. Marc Arbogast.
N° 318676
ECLI:FR:CESSR:2011:318676.20110503
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème et 10ème sous-sections réunies
M. Matthieu Schlesinger, rapporteur
M. Collin Pierre, rapporteur public
SCP GATINEAU, FATTACCINI, avocats
Lecture du mardi 3 mai 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, enregistré le 22 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 06NC00565 du 29 mai 2008 de la cour administrative d'appel de Nancy, en tant qu'il a, sur l'appel formé par M. Marc Arbogast tendant à l'annulation du jugement n° 0401369 du 21 février 2006 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions annexes mises à sa charge au titre des années 1996 et 1997, réduit les bases de l'impôt sur le revenu assigné à M. Arbogast dans la catégorie des bénéfices non commerciaux à hauteur de 500 703,55 euros (3 284 400 F) au titre de l'année 1996 et de 19 437,25 euros (127 500 F) au titre de l'année 1997, et l'a déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions annexes correspondant à ces réductions de bases ainsi que des pénalités afférentes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n° 67-236 du 23 mars 1967 ;
Vu le décret n° 84-406 du 30 mai 1984 ;
Vu l'arrêté du 9 février 1988 relatif au registre du commerce et des sociétés ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,
- les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. Arbogast,
- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. Arbogast ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme Arbogast ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des bénéfices non commerciaux qu'ils avaient réalisés en 1996 et 1997, à la suite de laquelle des redressements leur ont été notifiés le 19 novembre 1999 en raison notamment de la minoration de plus-values réalisées à l'occasion de la cession de titres de la SA Brasseries Fischer, dont M. Arbogast était administrateur ; que la notification de redressements indiquait que le contribuable avait retenu une valeur unitaire du titre de 10 000 F avant décote pour fixer le prix de revient forfaitaire, alors que "le dernier cours coté du titre Fischer à la date du 29 décembre 1995 est de 8 000 F et non de 10 000 F" ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 29 mai 2008 en tant que celui-ci, réformant dans cette mesure le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 février 2006, a déchargé M. Arbogast des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu afférentes à ce chef de redressement et des contributions annexes correspondantes ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant que, d'une part, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'administration a précisé devant la cour administrative d'appel de Nancy que la valeur de 8 000 F avait été retenue après consultation des comptes de la société "Brasserie Fischer" déposés au greffe du tribunal de commerce ; que, d'autre part, en vertu de l'article 293 du décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales, désormais codifié à l'article L. 232-23 du code de commerce, toute société par actions est tenue de déposer ses comptes annuels au greffe du tribunal de commerce ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, du tribunal de grande instance, pour qu'ils soient annexés au registre du commerce et des sociétés ; que ce dépôt a notamment pour objet de les rendre accessibles au public, en vertu de l'article 1er du décret du 30 mai 1984 relatif au registre du commerce et des sociétés, désormais codifié à l'article L. 123-1 du code de commerce, et de l'article 35-1 de l'arrêté du 9 février 1988 relatif au registre du commerce et des sociétés, désormais codifié à l'article A. 123-68 du même code ;
Considérant que s'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et à tout moment avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour établir les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, cette obligation ne s'étend pas aux documents déposés au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance, en vertu d'une obligation légale ayant pour objet de les rendre accessibles au public ; que l'administration demeure soumise, dans cette dernière hypothèse, aux obligations de motivation des notifications de redressement ou de notification des bases et du calcul des impositions d'office que prévoient respectivement, selon que les impositions ont été établies suivant la procédure contradictoire ou d'office, les articles L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant qu'en l'absence de toute indication fournie au contribuable sur l'origine du prix de revient des titres retenu pour 8 000 F, qui avait directement servi à déterminer des suppléments d'imposition de l'intéressé dans la catégories des bénéfices non commerciaux, celui-ci avait été privé de la possibilité de se faire transmettre les documents utiles ou d'en connaître à tout le moins les références et donc de discuter utilement le redressement litigieux et que, dès lors, la procédure de vérification de comptabilité diligentée à l'encontre de M. Arbogast était entachée d'irrégularité en ce qui concerne le chef de redressement correspondant ; que son arrêt doit, par suite, être annulé en tant qu'il réduit les bases de l'impôt sur le revenu de M. Arbogast dans la catégorie des bénéfices non commerciaux résultant de cessions d'actions au titre des années 1996 et 1997, prononce la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, contributions annexes et pénalités correpondants, met à la charge de l'Etat le versement à M. Arbogast d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et réforme le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il a de contraire ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que l'administration ait pris connaissance du dernier cours coté du titre Fischer à la date du 29 décembre 1995 par la consultation des comptes annuels de la société, déposés au greffe du tribunal de grande instance ; que, dès lors, et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'administration fiscale n'était pas tenue d'informer le contribuable de l'origine de cette information pour lui permettre, notamment, de discuter utilement de sa provenance ou de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procédaient, que les documents qui, le cas échéant, contenaient ce renseignement soient mis à sa disposition ; que, par suite, M. Arbogast n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière ; qu'il ne soulève pas d'autre moyen en ce qui concerne ce chef de redressement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Arbogast n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que M. Arbogast demande au titre des frais exposés par lui tant devant le Conseil d'Etat que devant la cour administrative d'appel et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er, 2, 3 et 5 de l'arrêt du 29 mai 2008 de la cour administrative d'appel de Nancy sont annulés.
Article 2 : La requête présentée par M. Arbogast devant la cour administrative d'appel de Nancy et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement et à M. Marc Arbogast.